CE 9/10 ch.-r., 10-02-2023, n° 460448
A48039CU
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:460448.20230210
Référence
► Ne peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir un refus implicite opposé par le délégué général pour l'armement (DGA) à une demande tendant à l'abrogation d'un courrier dans lequel celui-ci s'est borné à interpréter la loi, sans édicter une norme nouvelle.
Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 14 janvier et 18 novembre 2022 et le 27 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil des industries de défense françaises (CIDEF) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus implicite opposé par le délégué général pour l'armement (DGA) à sa demande du 13 septembre 2021 tendant à l'abrogation du courrier n° DGA01D19/007448/DGA/DO du 14 février 2019 ayant pour objet " Intéressement et participation dans les enquêtes du bureau des enquêtes de coût " ;
2°) d'enjoindre au délégué général pour l'armement d'abroger ce courrier du 14 février 2019 et de prendre toutes les mesures d'informations et de communications appropriées subséquentes, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision du Conseil d'Etat ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. A B de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du Conseil des industries de défense française ;
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 14 février 2019 n° DGA01D19/007448/DGA/DO relatif à l'intéressement et à la participation dans les enquêtes du bureau des enquêtes de coût, le délégué général pour l'armement (DGA) a, en réponse à une demande du Conseil des industries de défense françaises (CIDEF) du 19 décembre 2018, indiqué à ce dernier que l'intéressement et la participation des salariés ne seraient pas pris en compte dans le coût de revient des enquêtes réalisées par le bureau des enquêtes de coût du service des achats d'armement et que ces éléments n'avaient pas non plus vocation à être intégrés dans les éléments comptables de valorisation des devis. Par courrier du 13 septembre 2021, le Conseil des industries de défense françaises a demandé au délégué général l'abrogation de cette lettre du 14 février 2019. Le Conseil des industries de défense françaises demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite né du silence gardé par le délégué général pour l'armement sur cette demande et qu'il lui soit enjoint d'abroger la lettre du 14 février 2019.
2. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir, de même que le refus de les abroger, lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.
3. La lettre du 14 février 2019 par laquelle le délégué général pour l'armement a répondu à une demande de l'association requérante en lui faisant part de son interprétation de la notion de coût de revient des prestations dans le cadre des marchés de défense ne révèle par elle-même aucune décision. Dès lors que cette lettre se borne à répondre à une demande d'information particulière, elle ne saurait être regardée comme constituant un document de portée générale susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation des entreprises du secteur industriel de la défense. Par suite, le refus de l'abroger ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de l'association requérante sont manifestement irrecevables. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête par application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative🏛, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.
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Article 1er : La requête du Conseil des industries de défense françaises est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Conseil des industries de défense françaises et au ministre des armées.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2023 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 10 février 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Martin de Lagarde
La secrétaire :
Signé : Mme Wafak Salem
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
Article, R351-4, CJA Abrogation Coûts de revient Enquêtes réalisées Autorité publique Effets notables Entreprises du secteur