CE Contentieux, 30-06-2000, n° 222194
A9580AGW
Référence
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON
N°s 222194,222195
ASSOCIATION PROMOUVOIR
M. et Mme MAZAUDIER et autres
Mme de Margerie
Rapporteur
M. Honorat
Commissaire du Gouvernement
Séance du 30 juin 2000
Lecture du 30 juin 2000
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 2ème, sous-section
de la Section du contentieux
1°) annule la décision du 22 juin 2000 du ministre de la culture et de la communication accordant le visa d'exploitation du film "Baise-moi" en tant qu'elle comporte seulement une interdiction de représentation aux mineurs de moins de seize ans, assortie de l'obligation d'apposer un avertissement à l'entrée des salles et d'insérer cet avertissement dans tous les documents publicitaires concernant le film et qu'elle ne l'inscrit pas sur la liste des films pornographiques ou d'incitation à la violence soumis aux dispositions des articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 portant loi de finances pour 1976 ;
2°) prononce le sursis à l'exécution de cette décision
3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles
4°) admette son intervention au soutien de la requête n° 222195
Vu 2°/, sous le n° 222195, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 23 juin 2000 présentée par M. et Mme Luc MAZAUDIER, M. et Mme BruN° ESPIEU, M. et Mme Georges FORTIN, demeurant respectivement boulevard Félix Gras à Malemort-du-Comtat (84570), 411, Chemin de Saint Just à Carpentras (84200) et 43, route de Saint Saturnin, Le Thor (8425 0) ; M. et Mme MAZAUDIER et autres demandent que le Conseil d'Etat
1°) annule la décision du 22 juin 2000 du ministre de la culture et de la communication accordant le visa d'exploitation du film "Baise-moi" en tant qu'elle comporte seulement une interdiction de représentation aux mineurs de moins de seize ans, assortie de l'obligation d'apposer un avertissement à l'entrée des salles et d'insérer cet avertissement dans tous les documents publicitaires concernant le film et qu'elle ne l'inscrit pas sur la liste des films pornographiques ou d'incitation à la violence soumis aux dispositions des articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 portant loi de finances pour 1976 ;
2°) prononce le sursis à l'exécution de cette décision
3°) condamne l'Etat à leur verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces des dossiers
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales .
Vu la Convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'industrie cinématographique
Vu le code pénal;
Vu la loi de finances du 30 décembre 1975
Vu le décret N° 90-174 du 23 février 1990
Vu l'ordonnance N° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret N° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi N° 87-1127 du 31 décembre 1987
Après avoir entendu en audience publique :
Sur la recevabilité des requêtes :
Considérant que les requérants contestent la décision du 22 juin 2000 du ministre de la culture et de la communication accordant le visa d'exploitation au film "Baise-moi" assorti de l'interdiction de sa représentation aux mineurs de moins de seize ans et de l'obligation d'apposer à l'entrée des salles et d'insérer dans tous les documents publicitaires concernant le film un avertissement ainsi rédigé : "Ce film, qui enchaîne sans interruption des scènes de sexe d'une crudité appuyée et des images d'une particulière violence, peut profondément perturber certains des spectateurs" ; que tant l'association, eu égard à son objet social, que MM. et Mmes MAZAUDIER , ESPIEU et FORTIN, en qualité de parents d'enfants âgés de plus de seize ans et de moins de dix-huit ans, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour déférer cette décision au juge de l'excès de pouvoir ;
Sur les interventions:.
Considérant que MM. et Mmes Houette, de Chanterac, Tertrais, Maynie, Loyer, de Dieuleveult, Barthélemy, Leclair, Allibert et Gaschignard justifient d'un intérêt à intervenir au soutien des requêtes ; que, dès lors, leur intervention est recevable
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen des requêtes
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le film "Baise-moi" est composé pour l'essentiel d'une succession de scènes de grande violence et de scènes de sexe non simulées, sans que les autres séquences traduisent l'intention, affichée par les réalisatrices, de dénoncer la violence faite aux femmes par la société ; qu'il constitue ainsi un message pornographique et d'incitation à la violence susceptible d'être vu ou perçu par des mineurs et qui pourrait relever des dispositions de l'article 227-24 du code pénal ; que, par suite, dès lors que les dispositions de l'article 3 du décret du 23 février 1990 susvisé ne prévoient pas qu'une uvre cinématographique puisse être interdite de représentation aux mineurs de moins de dix-huit ans autrement que par son inscription sur la liste des films pornographiques ou d'incitation à la violence soumis aux dispositions des articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 portant loi de finances pour 1976, le film relevait de l'inscription sur cette liste ; qu'en se bornant à assortir le visa d'exploitation du film "Baise-moi" d'une interdiction aux mineurs de moins de seize ans et d'un avertissement, le ministre de la culture et de la communication a entaché sa décision du 22 juin 2000 d'excès de pouvoir ; que les requérants sont fondés à en demander l'annulation;
Sur les conclusions de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR et de M. et Mme MAZAUDIER, M. et Mme ESPIEU, M. et Mme FORTIN tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a heu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, d'une part, et à MM. et Mmes MAZAUDIER, ESPIEU et FORTIN, d'autre part, la somme de 10 000 F qu'ils demandent respectivement au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
Sur les conclusions de l'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, d'une part, et MM.et Mmes MAZAUDIER, ESPIEU et FORTIN, d'autre part, lesquels ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés respectivement à payer à l'Etat la somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de MM. et Mmes Houette, de Chanterac, Tertrais, Maynie, Loyer, de Dieuleveult, Barthelerny, Leclair, Allibert et Gaschignard est admise.
Article 2: La décision du 22 juin 2000 du ministre de la culture et de la communication accordant un visa d'exploitation au film "Baise-moi" est annulée.
Article 3: L'Etat est condamné à payer à l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, d'une part, et à MM. et Mmes MAZAUDIER, ESPIEU et FORTIN, d'autre part, la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 199 1.
Article 4 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5: La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, à MM. et Mmes Luc MAZAUDIER, BruN° ESPIEU, Georges FORTIN, M. et Mme Dominique Houette, M. et Mme Alain de Chanterac, M. et Mme Jérôme Tertrais, M. et Mme Luc Maynie, M. et Mme Frédéric Loyer, Mme Bénédicte de Dieuleveult, M. et Mme Pascal Barthélémy, M. et Mme Yves Leclair, M. et Mme Marc Allibert, M. et Mme Guillaume Gaschignard et au ministre de la culture et de la communication.
Article, 227-24, C. pén. Ordonnance, 45-1708, 31-07-1945 Décret, 53-934, 30-09-1953 Loi, 87-1127, 31-12-1987 Décret, 90-174, 23-02-1990 Siège social Visa d'exploitation Exploitation de films Interdiction aux mineurs Publicité Films pornographiques Loi de finances Intérêt à intervenir Intervention recevable