CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 156941
M. MARCHI
Lecture du 21 Février 1996
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 6ème et 2ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 6ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête enregistrée le 14 mars 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Pierre MARCHI, demeurant 80, avenue Paul Doumer à Paris (75116) ; M. MARCHI demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêté du 13 janvier 1994 du garde des sceaux, ministre de la justice portant interdiction temporaire au requérant, substitut du procureur général près la cour d'appel de Paris, d'exercer ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les poursuites disciplinaires susceptibles d'être engagées contre lui ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Marchand, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 58-1 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958 tel qu'il résulte de la loi organique susvisée du 25 février 1992 : "Le garde des sceaux, ministre de la justice, saisi d'une plainte ou informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un magistrat du Parquet, peut, s'il y a urgence, et sur proposition des chefs hiérarchiques, après avis de la commission de discipline du Parquet, interdire au magistrat faisant l'objet d'une enquête l'exercice de ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les poursuites disciplinaires...." ;
Sur les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de discipline du Parquet :
Considérant qu'une mesure d'interdiction temporaire d'exercice de fonctions prise à l'encontre d'un magistrat est une mesure conservatoire décidée dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'elle n'a pas, dès lors, à être précédée des formalités applicables à la procédure disciplinaire ; qu'en tout état de cause il résulte des pièces du dossier et notamment de l'avis motivé en date du 8 janvier 1994 de la commission de discipline du Parquet que le dossier administratif de M. MARCHI ainsi que l'autre dossier de la procédure pénale a été mis préalablement à sa disposition et à celle de ses conseils ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de discipline du Parquet ait émis son avis dans des conditions irrégulières ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'au regard notamment de la seconde mise en examen dont M. MARCHI a fait l'objet le 2 décembre 1993 du chef de faux en écritures de commerce par fabrication de fausses lettres de change et usage de ces faux en écritures de commerce, le garde des sceaux a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article n° 58-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 en considérant que la condition d'urgence prévue par ces dispositions était remplie ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts ; que l'appréciation à laquelle s'est livré le ministre de la justice de la nécessité d'interdire temporairement au requérant, dans l'intérêt du service, l'exercice de ses fonctions n'est pas entachée d'erreur manifeste ; Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. MARCHI est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre MARCHI et au garde des sceaux, ministre de la justice.