Jurisprudence : CE 9 SS, 25-07-2013, n° 348372

CONSEIL D'ETATStatuant au contentieux348372MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENTc/ SARL Garnier Choiseul HoldingM. Jean-Luc Matt, RapporteurM. Frédéric Aladjidi, Rapporteur publicSéance du 11 juillet 2013Lecture du 25 juillet 2013

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème sous-section)

Vu le pourvoi, enregistré le 11 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'Etat :1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA01218 en date du 4 février 2011 par lequel la cour administrative de Paris a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0421405/2 du 4 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Lacil, venant aux droits de la société Saint James Opportunities venant elle-même aux droits de la société Electro Froid Europe Ménager (EFEM), de la cotisation d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2000 ;2°) réglant l'affaire au fond, de remettre ces impositions à la charge de la SARL Garnier Choiseul Holding ;Vu les autres pièces du dossier ;Vu le code civil ;Vu le code général des impôts ;Vu le livre des procédures fiscales ;Vu le code de justice administrative ;Après avoir entendu en séance publique :- le rapport de M. Jean-Luc Matt, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Electro Froid Europe Ménager (EFEM), qui appartenait à une société contrôlée et dirigée par M. A.B.et aux droits de laquelle vient en dernier lieu la SARL Garnier Choiseul Holding, a acquis le 31 juillet 2000 907 titres de la société Relais Nationale 19, dirigée par M.B., pour une valeur de 927 254 F (141 359 euros) ; qu'elle a perçu le mois suivant de cette société des dividendes à hauteur de 712 902 F (108 681 euros) ; qu'elle a bénéficié d'un avoir fiscal égal à 25 % des dividendes susmentionnés en application des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts ; qu'elle a revendu les titres le 30 août 2000 à la société Cobafi, également dirigée par M.B., pour une somme de 214 352 F (32 678 euros), faisant ressortir ainsi une moins-value exactement égale aux dividendes encaissés ; que l'administration a refusé l'imputation de l'avoir fiscal sur l'impôt sur les sociétés dû par la société EFEM sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatif à l'abus de droit en matière fiscale et assorti le redressement de l'intérêt de retard et des pénalités au taux de 80% prévues par l'article 1729 du code général des impôts ; que le tribunal administratif de Paris, après avoir accepté d'examiner la demande de l'administration de substituer, pour fonder le redressement, le principe général de répression de la fraude à la loi à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, a déchargé la société EFEM des cotisations litigieuses ainsi que des pénalités correspondantes ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif ;2. Considérant qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Il est reçu en paiement de cet impôt. Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables. / II. Par exception aux dispositions prévues au I, ce crédit d'impôt est égal à 40 % des sommes effectivement versées par la société lorsque la personne susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique. (.) Le taux du crédit d'impôt prévu au premier alinéa est fixé à 25 % pour les crédits d'impôts utilisés en 2001 (.). " ; qu'aux termes de l'article 209 bis du même code dans sa rédaction applicable aux mêmes impositions : " 1. Les dispositions des articles 158 bis et 158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt. Il n'est pas restituable " ; qu'il ressort de l'ensemble des travaux préparatoires de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1965 créant l'avoir fiscal, ainsi codifié à l'article 158 bis précité du code général des impôts, que le législateur a eu comme objectifs de favoriser l'actionnariat des entreprises ainsi que le développement de la place financière de Paris et d'éliminer à cet effet la double imposition qui frappait les dividendes ; qu'eu égard à l'objet de la loi, l'actionnaire, imposable à raison des dividendes qu'il perçoit, est en droit de prétendre à l'avoir fiscal qui leur est attaché, de sorte que ces dividendes ne soient pas soumis à une double imposition ; que le droit à l'avoir fiscal n'est nullement subordonné à une durée minimum de détention des titres avant ou après la mise en paiement des dividendes auxquels il est attaché ; que, par suite, dès lors qu'une société a effectivement la qualité d'actionnaire, les dividendes qu'elle perçoit à raison des titres qu'elle détient ouvrent droit à son profit au bénéfice de l'avoir fiscal qui y est attaché ;3. Considérant, d'une part, que l'avoir fiscal, s'il constitue un élément du bénéfice de l'actionnaire, est essentiellement, aux termes mêmes des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts, un moyen de paiement de l'impôt dû par ce dernier au titre des résultats d'ensemble d'une année donnée ; que si ces articles excluent, s'agissant des personnes morales, qu'il puisse être restitué par l'administration, en particulier dans l'hypothèse où l'avoir fiscal excède l'impôt dû, ainsi qu'en présence de résultats déficitaires, ils ne font pas obstacle à ce que l'avoir fiscal s'impute intégralement sur une cotisation d'impôt sur les sociétés dont le montant aurait été minoré par l'intégration, dans les résultats de la personne morale, lesquels comprennent les dividendes qui ouvrent droit à l'avoir fiscal, de pertes pouvant d'ailleurs provenir, le cas échéant, d'une moins-value réalisée à l'occasion de la vente des titres de la société ayant versé les dividendes ; que le bénéfice de l'avoir fiscal n'est donc pas subordonné à une double imposition effective des dividendes auxquels cet avoir est attaché ; que, d'autre part, le fait qu'une prise de participation dans le capital d'une société présente un faible risque économique compte tenu du contexte ou des circonstances dans lesquelles cette opération intervient, n'a pas pour effet en lui-même de supprimer le risque inhérent à la qualité d'actionnaire quel qu'il soit ; que ce risque existe quand bien même la société en question est contrôlée ou dirigée par une personne physique ou morale qui contrôle et dirige par ailleurs plusieurs sociétés ; qu'enfin, le fait de vouloir mettre un terme à l'activité d'une société n'est pas de nature à priver cette société, le temps des opérations de dissolution, de l'intention des associés de s'associer qui caractérise le contrat de société en vertu de l'article 1832 du code civil, ni à faire perdre aux actionnaires leur qualité d'associé ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Paris n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits en jugeant que le ministre, faute d'avoir prouvé que les opérations litigieuses auraient présenté un caractère artificiel ou que la société n'aurait pas, en l'absence de risque inhérent à la qualité d'actionnaire, acquis cette qualité, n'avait pas établi que ces opérations procédaient de la recherche par le contribuable du bénéfice d'une application littérale de l'article 158 bis du code général des impôts relatif à l'avoir fiscal à l'encontre des objectifs poursuivis par ses auteurs ;
D E C I D E :Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement est rejeté.Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la SARL Garnier Choiseul Holding.

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