Jurisprudence : CE 3/5 SSR, 25-10-1996, n° 137361

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 137361

-SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS -VILLE DE GENNEVILLIERS

Lecture du 25 Octobre 1996

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 3ème et 5ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 3ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu 1°, sous le n° 137361, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 11 mai 1992, 10 septembre 1992 et le 30 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS (SEMAG), dont le siège social est à l'Hôtel de ville de Gennevilliers, représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. Rozen, l'arrêté du 27 octobre 1989 par lequel le maire de Gennevilliers a accordé à la société Corextel le permis de construire un bâtiment à usage d'hôtel ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. Rozen devant le tribunal administratif de Paris ; 3°) de condamner M. Rozen à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°, sous le n° 137362, la requête sommaire et les mémoirescomplémentaires, enregistrés les 11 mai 1992, 10 septembre 1992 et le 30 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE GENNEVILLIERS, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE GENNEVILLIERS demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. Rozen, l'arrêté du 27 octobre 1989 par lequel le maire de Gennevilliers a accordé à la société Corextel le permis de construire un bâtiment à usage d'hôtel ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. Rozen devant le tribunal administratif de Paris ; 3°) de condamner M. Rozen à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Courtial, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS (SEMAG) et de la VILLE DE GENNEVILLIERS, - les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS (SEMAG) et de la VILLE DE GENNEVILLIERS présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les requérantes ont formulé pour la première fois leurs critiques relatives d'une part, à l'insuffisance de la motivation de la réponse du jugement à une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de M. Rozen devant le tribunal et, d'autre part, à une méconnaissance, par les premiers juges, du caractère contradictoire de la procédure contentieuse, dans des mémoires qui ont été enregistrés le 10 septembre 1992, après l'expiration du délai d'appel qui a commencé à courir pour l'une comme pour l'autre à compter du 16 mars 1992, date de la notification du jugement ; que dès lors, ces moyens, qui relèvent d'une cause juridiquedistincte de celles qui servaient de fondement à la requête, sont irrecevables ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance : Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction résultant du décret du 28 avril 1988 : "le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l'article R. 421-39 ; b) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R. 421-39" ; que selon l'article R. 421-39 : "La mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain, de manière lisible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d'octroi et pendant toute la durée du chantier (...)" ; que s'il est constant que le permis de construire délivré le 27 octobre 1989 à la société Corextel a fait l'objet d'un affichage en mairie du 6 novembre 1989 au 6 janvier 1990 il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis ait été affiché sur le terrain avant le 28 mars 1991, date à laquelle un constat d'huissier a été dressé à ce sujet ; qu'il résulte par ailleurs des attestations versées au dossier par M. Rozen que l'affichage n'était plus en place entre le 10 et le 17 avril 1991 ; qu'ainsi la continuité de l'affichage pendant une période de deux mois, n'est pas établie ; que, dans ces conditions, le délai de recours contentieux n'a pu commencer à courir et la demande d'annulation présentée par M. Rozen devant le tribunal administratif ne peut, dès lors, être regardée comme tardive ; Considérant, en second lieu, que le terrain d'assiette des constructions autorisées par l'arrêté attaqué comprend deux parcelles dont M. Rozen a été exproprié au profit de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS ; que, toutefois, la cour de cassation ne s'étant pas prononcée à la date de la demande sur le pourvoi que l'intéressé a formé contre l'ordonnance de transfert de propriété, M. Rozen, qui ne peut donc être regardé comme définitivement dépossédé de ses parcelles, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire un immeuble sur celles-ci ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que, d'une part, en vertu de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme une demande de permis de construire peut être présentée par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation du terrain d'assiette pour cause d'utilité publique ; que, d'autre part, ainsi qu'il vient d'être dit, l'ordonnance prononçant le transfert de propriété des parcelles de M. Rozen au profit de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS n'a pas été annulée ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le défaut de qualité au regard des dispositions susmentionnées du code de l'urbanisme, de la société Corextel, dont il n'est pas contesté qu'elle tient ses droits de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS, pour présenter une demande de permis de construire sur lesdites parcelles ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Rozen devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles expropriées supportaient des bâtiments que la société Corextel envisageait de démolir dans le cadre de son projet de construction ; que, cependant, elle a répondu dans sa demande de permis de construirepar un "non" à la question "existe-t-il des bâtiments sur ce terrain ?" et n'a pas rempli la rubrique relative aux bâtiments destinés à être démolis ; que ces indications erronées étaient de nature à fausser l'appréciation portée par l'administration sur la conformité de la demande à la réglementation en vigueur, en particulier au regard des dispositions qui prévoient que la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'un permis de démolir lorsque les travaux projetés nécessitent l'obtention d'un tel permis ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par M. Rozen, le permis de construire délivré à la société Corextel le 27 octobre 1989 est entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE GENNEVILLIERS et la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 27 octobre 1989 par lequel le maire de Gennevilliers a délivré à la société Corextel le permis de construire litigieux ;
Sur les conclusions dirigées contre les condamnations prononcées au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en condamnant la VILLE DE GENNEVILLIERS et la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS à payer l'une et l'autre 20 000 F à M. Rozen au titre de l'article R. 222 alors en vigueur du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les premiers juges ont fait une évaluation exagérée du montant des frais exposés en première instance par M. Rozen ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réduire le montant de la condamnation de la VILLE DE GENNEVILLIERS et de la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS à 10 000 F chacune ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la VILLE DE GENNEVILLIERS et la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS à payer à Mme Rozen-Kozierow une somme de 10 000 F chacune au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que Mme Rozen-Kozierow qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la VILLE DE GENNEVILLIERS et la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS les sommes qu'elles réclament au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les sommes que la VILLE DE GENNEVILLIERS et la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS (SEMAG) ont été condamnées à verser à M. Rozen au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 janvier 1992 sont ramenées à 10 000 F pour chacune.
Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 9 janvier 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la VILLE DE GENNEVILLIERS et la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS est rejeté.
Article 4 : La VILLE DE GENNEVILLIERS et la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS verseront à Mme Rozen-Kozierow une somme de 10 000 F chacune au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE GENNEVILLIERS, à la VILLE DE GENNEVILLIERS, à Mme Rozen-Kozierow et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

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