Jurisprudence : CE Contentieux, 14-04-1995, n° 125148

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 125148

CONSISTOIRE CENTRAL DES ISRAELITES DE FRANCE et autres

Lecture du 14 Avril 1995

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, Sur le rapport de la 4ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête enregistrée le 17 avril 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CONSISTOIRE CENTRAL DES ISRAELITES DE FRANCE, dont le siège est 17, rue Saint Georges à Paris (75009), pour l'ASSOCIATION DES ELEVES ET ANCIENS ELEVES JUIFS DES GRANDES ECOLES ET CLASSES PREPARATOIRES, dont le siège est 8, rue du docteur Finlay à Paris (75015), pour M. Robert MUNNICH et l'ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR LA DEFENSE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE, dont le siège est 684, avenue de la Libération à Le Mee-sur-Seine (77350) et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 8 du décret du 18 février 1991 modifiant le décret du 30 août 1985 relatif aux droits et obligations des élèves dans les établissements publics locaux d'enseignement du second degré ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la loi du 28 mars 1882 relative à l'enseignement primaire ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire ;
Vu la loi du 31 décembre 1973, autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le décret du 3 mai 1974, portant ratification de cette convention ;
Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989, notamment son article 10 ;
Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Roger-Lacan, Maître des Requêtes, - les observations de Me Choucroy, avocat du CONSISTOIRE CENTRAL DES ISRAELITES DE FRANCE et autres, - les conclusions de M. Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de M. Riveline :
Considérant que M. Riveline a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité du décret attaqué : Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" ; qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique (...) la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites" ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 : "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public" ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes du préambule de la Constitution du 7 octobre 1946 : "La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte.... à l'instruction. L'organisation de l'enseignement laïque et gratuit à tous les degrés est un devoir de l'Etat" et qu'aux termes de l'article 2 du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques" ; Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la loi du10 juillet 1989 susvisée : "Les obligations des élèves consistent dans l'accomplissement des tâches inhérentes à leurs études ; elles incluent l'assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements" ; qu'aux termes de l'article 3-5 ajouté au décret du 30 août 1985 par l'article 8 du décret attaqué du 18 février 1991 : "L'obligation d'assiduité mentionnée à l'article 10 de la loi du 10 juillet 1989 susvisée consiste, pour les élèves, à se soumettre aux horaires d'enseignement définis par l'emploi du temps de l'établissement ; elle s'impose pour les enseignements obligatoires et pour les enseignements facultatifs dès lors que les élèves se sont inscrits à ces derniers. - Les élèves doivent accomplir les travaux écrits et oraux qui leur sont demandés par les enseignants, respecter le contenu des programmes et se soumettre aux modalités de contrôle des connaissances qui leur sont imposées..... - Le règlement intérieur de l'établissement détermine les modalités d'application du présent article" ; que si les requérants soutiennent que ces dispositions réglementaires portent atteinte à la liberté religieuse garantie aux élèves par les dispositions précitées, en donnant à l'obligation de respecter les horaires définis par l'emploi du temps de l'établissement un caractère général et absolu, sans prévoir la possibilité de dérogations fondées sur la pratique religieuse, lesdites dispositions n'ont pas eu pour objet et ne sauraient avoir légalement pour effet d'interdire aux élèves qui en font la demande de bénéficier individuellement des autorisations d'absence nécessaires à l'exercice d'un culte ou à la célébration d'une fête religieuse, dans le cas où ces absences sont compatibles avec l'accomplissement des tâches inhérentes à leurs études et avec le respect de l'ordre public dans l'établissement ; que par suite, l'article 8 du décret attaqué ne méconnaît aucun des principes ni aucune des dispositions invoqués par les requérants ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de M. Riveline est admise.
Article 2 : La requête du CONSISTOIRE CENTRAL DES ISRAELITES DE FRANCE, de M. MUNNICH, de l'ASSOCIATION DES ELEVES ET ANCIENS ELEVES JUIFS DES GRANDES ECOLES et de l'ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR LA DEFENSE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CONSISTOIRE CENTRAL DES ISRAELITES DE FRANCE, à M. MUNNICH, à l'ASSOCIATION DES ELEVES ET ANCIENS ELEVES JUIFS DES GRANDES ECOLES, à l'ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR LA DEFENSE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE et au ministre de l'éducation nationale.

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