CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 117505
Mme SENDER-TROUETTE
Lecture du 01 Decembre 1993
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu, enregistrée le 29 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance en date du 28 mai 1990 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, par application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête, présentée par Mme Madeleine SENDER-TROUETTE ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai 1990 et 29 octobre 1990, présentés par Mme Madeleine SENDER-TROUETTE, demeurant Villa des Prés, avenue Jean Mermoz à Mirande (32300) ; Mme Madeleine SENDERTROUETTE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement en date du 28 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 septembre 1988 par laquelle le receveur général des finances de Paris a rejeté sa demande gracieuse tendant à la décharge de sa responsabilité du paiement des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles M. Guy Sender, son époux décédé, a été assujetti au titre des années 1975 à 1981 ; 2°) d'annuler ladite décision ; ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-984 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Austry, Auditeur, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Madeleine SENDER-TROUETTE a, par lettre en date du 18 juillet 1985, demandé au receveur général des finances de Paris de la décharger gracieusement de toute responsabilité dans le paiement d'une somme de 98 527 F correspondant au total des cotisations d'impôt sur le revenu assignées au titre des années 1975 à 1981 à son mari ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les sommes initialement mises à la charge de la requérante ont fait l'objet de dégrèvements ayant eu pour effet de ramener le montant de ces sommes à 11 452 F ; que Mme Madeleine SENDER-TROUETTE doit, dès lors, être regardée comme ne contestant la légalité de la décision précitée du receveur général des finances de Paris que dans la mesure où cette dernière laisse à sa charge la somme susmentionnée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts alors applicable : "1. Chacun des époux, lorsqu'ils vivent sous le même toit, est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint, au titre de la taxe d'habitation et de l'impôt sur lerevenu" ; qu'aux termes de l'article L.247 du livre des procédures fiscales : "3. L'administration peut... décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la requérante, mère de cinq enfants dont l'un est handicapé, n'était pas imposable à l'impôt sur le revenu depuis le décès de son mari survenu en 1983 ; qu'elle se trouvait, en outre, à la date à laquelle le receveur général des finances de Paris a rejeté sa demande en décharge de sa responsabilité solidaire, en instance d'expulsion de son logement en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire, faute d'avoir pu payer son loyer ; que si l'administration fait valoir devant le Conseil d'Etat que Mme Madeleine SENDER-TROUETTE, était propriétaire de biens immobiliers dont le service avait estimé la valeur en 1984 à 950 000 F, cette circonstance ne permettait manifestement pas à la requérante, compte tenu, comme il vient d'être exposé, de la faiblesse de ses revenus, d'assumer la responsabilité solidaire, ou prévue par l'article 1685 précité du code général des impôts, des cotisations susmentionnées établies au nom de son ancien mari ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision du receveur général des finances de Paris en date du 19 septembre 1988 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que Mme Madeleine SENDERTROUETTE est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en annulation de cette décision ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif en date du 28 mars 1990 est annulé.
Article 2 : La décision du receveur général des finances de Paris en date du 19 septembre 1988 est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme SENDER-TROUETTE et au ministre du budget.