Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 3
ARRÊT DU 27 JUIN 2013
(n° 361, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 11/21897
Décision déférée à la Cour Jugement du 12 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°
APPELANT
Monsieur Jean-Paul Z
Né le ..... à Paris 12
PARIS
Représenté par la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT (Me Frédéric ...) (avocats au barreau de PARIS, toque P0480), avocat postulant,
Assisté de Me Bernard GISSEROT (avocat au barreau de PARIS, toque A0218), avocat plaidant,
INTIMÉE
Madame Nathalie ZY épouse ZY
PARIS
Reprsentée par la AARPI VIGO (Me Emmanuel ...) (avocats au barreau de PARIS, toque G0190)
Assistée de Me Emmanuel DAOUD de la AARPI VIGO (avocat au barreau de PARIS, toque G0190), substituée par Me ... Catherine
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Mai 2013, en Chambre du Conseil, devant la Cour composée de
Madame Frédérique BOZZI, Président de chambre
Madame Marie LEVY, Conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Véronique LAYEMAR
ARRÊT
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Frédérique BOZZI, président et par Véronique LAYEMAR, greffier.
Mme Mme Y et M. M. Z se sont mariés le 1er mars 2007 sous le régime de la séparation de biens. Aucun enfant n'est issu de cette union.
L'ordonnance de non-conciliation a été rendue le 30 avril 2009.
Par jugement en date du 12 septembre 2011, dont appel du 07 décembre 2011, auquel la cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PARIS a notamment
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de M. Z,
- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
- condamné M. Z à verser 5000euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné M. Z à verser 3000euros en application de l'article 700 du CPC,
- dit que les dépens seraient supportés par M. Z.
M. Z a interjeté appel le 07 décembre 2011.
Mme Y a constitué avocat.
En ses dernières conclusions en date du 02 mars 2012, M. Z demande à la cour de
- prononcer le divorce entre les époux aux torts exclusifs de Mme Y,
- nommer un notaire en vue de procéder à la liquidation du régime matrimonial,
- condamner Mme Y à lui payer la somme de 15 000euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 266 et 1382 du Code civil,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner Mme Y à lui payer la somme de 3000euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.
En ses dernières conclusions en date du 27 avril 2012, Mme Y prie la cour de
- confirmer le jugement entrepris,
- constater que le domicile conjugal est un bien qui lui est propre,
- dire et juger que les avantages matrimoniaux seront révoqués de plein droit,
- dire et juger qu'elle cessera de faire usage du nom marital,
- condamner M. Z à lui payer la somme de 15 000euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 266 et 1382 du Code civil,
- le condamner à lui payer la somme de 3 000euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 avril 2013.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Sur la procédure
Considérant que bien que l'appel soit général, les parties n'ont entendu voir réformer la décision de première instance qu'en ce qui concerne les torts du divorce, les dommages et intérêts, la désignation d'un notaire pour procéder à la liquidation du régime matrimonial, l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'en conséquence, les autres dispositions du jugement sont confirmées ;
Sur les torts du divorce
Considérant que M. Z expose que
- dès le début de l'union,son épouse a manifesté son hostilité à l'égard de son fils Alexandre, né de sa précédente union et qui vivait au foyer, qu'elle l'accusait d'être à l'origine de sa difficulté à procréer et qu'elle acceptait difficilement d'héberger dans le domicile conjugal qui était un bien qui lui appartenait en propre et dans lequel elle vivait avant son mariage,
-elle a multiplié les incidents tant avec lui qu'avec son fils envers lequel elle faisait preuve d'une particulière animosité et dont elle ne voulait plus de la présence chez elle et qu'elle faisait souffrir au point de le placer dans l'obligation de faire un choix entre elle et son fils,
-elle est à l'origine de la séparation du couple de sorte qu'il n'est pas coupable d'avoir abandonné le domicile conjugal qu'il a été contraint de quitter à la suite du comportement de son épouse, et en particulier après avoir eu connaissance de la teneur de la lettre que celle-ci avait adressée le 21 décembre 2008 à ses propres parents pour leur dire qu'elle ne pouvait plus supporter la présence d'Alexandre,
- s'il avait eu l'intention de quitter sa femme, il ne l'aurait pas accompagnée le 30 décembre 2008 à l'hôpital en vue d'un transfert d'embryons dans le cadre de la procédure de procréation médicalement assistée entreprise par le couple,
- contrairement à l'appréciation du premier juge, il n'a pas prémédité son départ du domicile conjugal, lequel n'a eu en rien un caractère soudain et sans préavis et qui était, au contraire, fondé sur le comportement de l'épouse, à l'origine exclusive de la séparation dont elle doit supporter l'entière responsabilité,
- un tel comportement particulièrement fautif, lui a causé un préjudice nécessitant une juste réparation ;
Considérant que Mme Y objecte quant à elle que
- son époux s'est rendu coupable de maltraitance psychologique à son égard et lui a manqué de respect en l'abandonnant après quatre années d'examens et de traitements médicaux particulièrement lourds, dans le cadre d'un processus de fécondation in vitro dans lequel ils s'étaient investis tous les deux,
- il l'a informée qu'il la quittait cinq jours après le rendez-vous médical du 30 décembre 2008 au cours duquel ils avaient demandé le transfert des embryons restants et alors qu'ils avaient passé ce laps de quatre jours chacun dans leur famille, de sorte qu'elle ne peut être à l'origine de la dégradation fulgurante des relations du couple,
- la rupture dont l'annonce a été particulièrement brutale, a été nécessairement préméditée et ne saurait s'expliquer par la seule lettre qu'elle avait écrite aux parents du mari le 21 décembre précédent et dont il avait eu connaissance avant même le rendez-vous médical du 30 décembre,
- elle a durant cinq années, bâti une relation avec Alexandre dans l'éducation duquel elle s'était investie et auquel elle portait attention, amour et soins maternels alors même qu'il s'agissait d'un enfant difficile avec lequel son père rencontrait également des difficultés,
- M. Z s'est rendu coupable d'un chantage auprès de son père en tentant de monnayer son accord pour le transfert des embryons, avec pour contrepartie l'abandon de ses droits sur l'appartement,
- les allégations de son mari et les griefs qu'il articule sont mensongères,
- les circonstances de la rupture après plusieurs années et au décours d'une procréation médicalement assistée, lui ont causé un préjudice particulièrement lourd de conséquences, ajouté au fait que la séparation heurte ses convictions spirituelles,
Que chacun des époux conteste les griefs allégués par l'autre ;
Considérant que selon les dispositions de l'article 242 du Code civil, il appartient à chaque époux qui sollicite le divorce de prouver les faits imputables à l'autre qui constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérables le maintien de la vie commune ;
Considérant que le juge pour prononcer un divorce sur le fondement de l'article 242 précité du code civil ne peut fonder sa décision sur des attestations décrivant des faits dont les auteurs n'auraient pas été les témoins directs ;
Considérant qu'il est en l'espèce établi que le couple désirait un enfant commun depuis début 2005, les tentatives de conception étant demeurées vaines au point d'avoir entrepris un processus de procréation médicalement assistée dans lequel les deux époux s'étaient impliqués, et que la rupture se situe au moment crucial où les époux venaient d'avoir un rendez-vous, le 30 décembre 2008 en vue d'un transfert d'embryons, après une première tentative qui avait échoué ;
Contrairement à ce que soutient le mari, l'épouse, enseignante de profession, avait accueilli Alexandre à son domicile sans réserve et lui prodiguait, amour et soins maternels en dépit du caractère perturbé de l'enfant comme en atteste M. ... ami du couple, de l'avis duquel, 'les difficultés psychologiques d'Alexandre ont certainement pesé lourd dans l'échec de ce mariage et la patience de Mme a été fortement éprouvée' ; que ce témoin ainsi que son épouse que le couple fréquentait, insistent encore sur les qualités humaines et l'esprit de responsabilité de Mme Y dont la fibre maternelle était très marquée, dont le mariage avait été un acte d'amour envers M. Z mais aussi Alexandre qui disposait de sa propre chambre laquelle avait été adaptée aux besoins d'un préadolescent, et qui se sont étonnés des conditions de la rupture et en particulier de la rapidité avec laquelle M. Z avait trouvé un autre appartement pour se loger avec son fils ;
Considérant que les perturbations psychologiques d'Alexandre sont encore attestées par M. ..., cousin de Mme Y, qui décrit la violence sans motif d'Alexandre qui par deux fois s'en est pris à son fils auquel il a envoyé un ballon au visage et une autre fois frappé d'un coup de poing dans le ventre, qui a encore été témoin de sa violence gratuite envers le chat qu'il a frappé à coups de bâton ainsi que de dégradations commises sur les arbres ;
Que Pierre Y, le père de l'épouse, atteste que l'enfant avait été accepté par tous, famille et amis, contrairement à ce que soutient M. Z selon lequel la présence d'Alexandre n'aurait pas été désirée au domicile conjugal qui était l'appartement de jeune fille de son épouse, au point qu'il devait emmener son fils à son bureau, après la classe, alors que le fait de ne pas laisser Alexandre seul dans l'appartement avait été une décision du couple après que l'enfant eut été surpris seul dans l'appartement, en tentant d'allumer un feu avec un briquet à silex ; que le témoin Féron, ami du couple et qui avait reçu les confidences du mari, corrobore le fait qu' il s'agissait d'une décision du couple et affirme que M. Z lui avait relaté l'attitude irresponsable et dangereuse d' Alexandre qui, pour ce motif, n'avait pas les clés de l'appartement, mais aussi, car il voulait qu'il le rejoigne à son bureau après la classe pour surveiller ses devoirs ; que ce témoin insiste aussi sur le fait que Mme Y s'était particulièrement impliquée dans l'éducation de l'enfant et enfin et surtout que M. Z avait reconnu devant lui être parti de son propre chef, ce qui contredit les attestations insuffisamment circonstanciées produites par M. ... émanant de (M. ..., M. ..., Mme ...), personnes n'ayant pas été témoins de la vie du couple et de ses difficultés et qui en voyant Alexandre rejoindre son père au bureau apres la classe et les y ayant trouvés tous deux le 5 janvier 2009 au matin où ils avaient achevé la nuit, ont donné corps à la thèse de M. Z selon lequel l'enfant était rejeté cruellement par sa belle-mère, que son mal être en était la seule cause et qu'ils avaient dû partir de façon précipitée face à la violence de Mme Y ;
Que les difficultés scolaires et psychologiques d'Alexandre ne sont pas dans ces conditions, imputables au comportement de sa belle-mère dont la patience à son égard est attestée, mais davantage inhérentes à la séparation de ses propres parents et à leurs désaccords quant au lieu de son hébergement principal et aux modalités de son éducation ;
Considérant que c'est à l'éclairage de ces difficultés que doit être lue la lettre adressée par Mme Y à ses beaux-parents le 21 décembre 2008 où, en des termes très mesurés, celle-ci relate les difficultés relationnelles entre le père et le fils, les disputes, les critiques, les remarques, les attitudes blessantes d'Alexandre, la situation de fragilité du couple en raison de la stérilité laquelle n'était, selon elle, pas compatible avec une relation entre une belle-mère et un beau-fils tel qu'Alexandre au quotidien, et pour leur dire qu'elle avait besoin de paix, de repos loin d'Alexandre et pour les prier d'excuser son absence ;
Que c'est également dans ce contexte de fatigue liée, en particulier, aux incertitudes et au processus de procréation assistée après le rendez-vous médical du 30 janvier 2008 où avait été évoqué le transfert d'embryon, aux difficultés conjugales auxquelles le comportement d'Alexandre n'était pas étranger et dont elle était le témoin impuissant, que doivent être replacés les propos qu'elle a tenus lors d'une conversation téléphonique avec sa belle-mère le 2 janvier 2009 où sous le coup de l'énervement, elle a dit "je vomis Alexandre, je ne veux plus le voir. C'est de sa faute si je ne peux avoir d'enfants. Il nous empêche d'avoir une vie de couple." ;
Qu'indépendamment de leur violence, ces propos ne sont pas détachables d'un contexte subi par Mme Y et d'un épuisement psychologique bien compréhensible après les épreuves qu'elle venait de traverser et son implication quotidienne auprès d'Alexandre et de son père et sont donc excusables ;
Considérant en revanche que le départ de M. Z a été prémédité comme en attestent la brutalité sans motif du départ, le fait de s'être relogé dans les jours suivants, ce qui résulte encore de l'attestation précitée de M. ... que M. Z avait informé, dès le 18 décembre après l'appel téléphonique de l'assistante sociale du collège de son fils, de l'éventualité d'une rupture avec son épouse, dans la perspective de laquelle il avait commencé à chercher un logement qui lui permettrait de partir décemment avec son fils ;
Considérant que cette faute est d'autant plus grave que dans le même temps, il donnait l'impression de s'impliquer avec son épouse dans une démarche commune de procréation, ayant assisté avec elle au rendez-vous du 30 décembre 2008 ; qu'un tel comportement n'est pas excusable par les seuls propos précités tenus par l'épouse qui ne saurait se voir imputer la responsabilité des difficultés à l'origine de la rupture ;
Considérant, même si l'on fait abstraction compte tenu de leur caractère équivoque, des propos imputés par M. Pierre Y à son gendre relativement à un marchandage entre le transfert d'embryon et la propriété de l'appartement conjugal, que l'abandon prémédité du domicile conjugal dans le contexte ainsi rappelé, constitue une violation grave par le mari des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;
Qu'il s'ensuit que le divorce sera prononcé aux torts exclusifs du mari et celui-ci débouté de sa demande aux mêmes fins ; la décision du premier juge étant ainsi confirmée ;
Sur les dommages et intérêts
Considérant que sur le fondement de l'article 266 du Code civil, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ou pour altération définitive du lien conjugal à la seule demande de l'autre époux ; que par ailleurs, un des conjoints, s'il a subi en raison des fautes de l'autre, un préjudice distinct de celui né de la dissolution du mariage, peut en obtenir réparation sur le fondement de l'article 1382 du même code ;
Considérant que la rupture du couple à l'initiative du mari, a arrêté le processus de fécondation médicalement assistée et prive Mme Y de l'espoir qu'elle avait ainsi nourri d'être mère dans ces conditions ; que ce dommage est d'autant plus grand que ce projet est ancien, qu'elle a subi plus de 50 consultations médicales ou examens médicaux douloureux, que le choc émotionnel a été très important et l'a contrainte à suivre un traitement médicamenteux ; qu'il y a lieu d'accorder à l'épouse une somme de 2500euros sur le fondement de l'article 266 du Code civil ;
Que le comportement fautif de l'époux qui a abandonné le domicile conjugal de manière préméditée alors qu'il s'était quelques jours auparavant prêté au processus de procréation médicalement assistée, a également causé à Mme Y un préjudice moral indéniable ;que la somme de 2500euros lui sera allouée à ce titre ;
Que dans ces conditions la décision du premier juge qui a fixé à 5000 euros le montant des dommages-intérêts auxquels le mari a été condamné en réparation du préjudice qu'il avait causé à son épouse, mérite confirmation ;
Sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux
Considérant que les époux sont mariés sous le régime de la séparation des biens, qu'il n'est pas contesté que le domicile conjugal constituait un propre de la femme dont elle était propriétaire avant le mariage et que le mari ne prétend n'allègue détenir de créance sur son épouse justifiant particulièrement la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux, de sorte qu'il convient de rejeter ce chef de demande et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est limité à ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ;
Considérant que 'le donner acte' n'étant pas constitutif de droits, il n'y a pas lieu davantage de décerner à Mme Y l'acte requis s'agissant de la propriété de l'appartement qui constituait le domicile conjugal ;
Sur l'exécution provisoire
Considérant que cette demande est en l'espèce sans objet, les mesures prises par le juge conciliateur produiront des effets jusqu'au terme de l'instance ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que M. ... qui succombe ne peut prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamné à payer Mme Y la somme de 2000euros au titre de l'article 700 du code de procdure civile, en sus de la somme déjà allouée à ce titre en première instance ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement dont appel,
Y ajoutant,
Condamne M. M. Z à payer à Mme Mme Y la somme de 2000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu exécution provisoire,
Condamne M. M. Z aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,