SOC. PRUD'HOMMES CB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 25 juin 2013
Rejet
M. LACABARATS, président
Arrêt no 1143 FS-D
Pourvoi no U 12-17.660
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Adventure line productions, société par actions simplifiée, dont le siège est Paris Boulogne-Billancourt,
contre l'arrêt rendu le 15 février 2012 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre sociale), dans le litige l'opposant
1o/ à Mme Marie Y, domiciliée La Grande Motte,
2o/ à la société Télévision française 1 (TF1), dont le siège est Boulogne-Billancourt,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 mai 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Linden, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, MM. Blatman, Chollet, Gosselin, Ballouhey, Mmes Goasguen, Vallée, Guyot, Le Boursicot, M. Hascher, Mme Aubert-Monpeyssen, conseillers, Mme Mariette, M. Flores, Mme Wurtz, M. Becuwe, Mme Ducloz, M. Hénon, Mme Brinet, M. David, conseillers référendaires, M. Foerst, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Linden, conseiller, les observations de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la société Adventure ligne productions, l'avis de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Adventure line productions du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Télévision française 1 (TF1) ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 février 2012), rendu sur contredit, que Mme Y a été sélectionnée par la société Adventure line productions (la société) pour participer au tournage de l'émission Koh Lanta pour la saison 2006 ; qu'elle a signé avec la société le 15 décembre 2005 un document intitulé " règlement candidats " selon lequel le producteur a décidé de produire un " jeu " intitulé Koh Lanta, composé d'une série d'émissions audiovisuelles (" programme de jeu ") tournées sur site et éventuellement d'une émission supplémentaire à tourner en plateau ; que ce document précise que le " programme de jeu " est basé sur " le format de jeu suivant " " seize candidats vivent dans un ou plusieurs lieux isolés pendant une durée d'environ cinquante jours, et avec le minimum de ressources à partager avec les autres candidats. La production va suivre la vie des candidats au quotidien dans un style "reportages". La production organisera également différentes épreuves. À intervalles réguliers, se tiendra le "conseil" au cours duquel un ou plusieurs des candidats pourra(ont) être éliminé(s) du jeu par les membres de son (leur) équipe. Le dernier candidat restant sera le vainqueur du programme de jeu... " ; que les candidats éliminés doivent rester dans un hôtel jusqu'à la fin du tournage du programme de jeu afin de participer au " conseil final " désignant le vainqueur ; que le vainqueur perçoit la somme de 100 000 euros et le second finaliste 10 000 euros ; que les participants perçoivent une somme de 23 euros par jour de présence pour tenir compte des frais éventuellement liés à l'éloignement de leur domicile ; que l'ensemble des frais de déplacement, séjour, assurance, frais médicaux, est pris en charge par le producteur ; que chaque participant perçoit également dans le cadre de " gains liés au respect de la confidentialité une somme de 800 euros à la fin du tournage si cette confidentialité est respectée à cette date par tous les candidats et celle de 3 800 euros après la diffusion de la dernière émission si cette confidentialité a été respectée par tous les candidats à cette date ; que le tournage de la saison 2006 s'est déroulé au Vanuatu entre le 27 janvier et le 7 mars 2006 ; que Mme Y a été éliminée par les autres participants lors du " conseil " qui s'est tenu dans la douzième émission, après être restée trente-sept jours sur le site de tournage ; qu'elle a ensuite séjourné à l'hôtel avant de revenir sur le site pour participer au vote du dernier " conseil " désignant le vainqueur ; que les émissions ont été diffusées sur la chaîne de télévision TF1 ; que Mme Y a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, ainsi que de paiement de salaires et d'indemnités ; que la société a soulevé une exception d'incompétence ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire la juridiction prud'homale compétente, alors, selon le moyen
1o/ que constitue un contrat aléatoire celui dans lequel les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain ; que dès lors, en qualifiant de contrat de travail le contrat liant la société organisatrice Adventure line productions à chacun des candidats, par lequel celui-ci s'engage à participer à l'émission télévisée Koh Lanta au cours de laquelle il sera, conformément à des règles de jeu préétablies, confronté à d'autres candidats au cours de différentes épreuves, la société s'engageant à remettre le gain prévu au candidat sorti victorieux de ces épreuves, la cour d'appel a violé les articles 1104, 1964 et suivants du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2o/ que la qualification d'un contrat est déterminée par l'obligation essentielle et caractéristique qui y est stipulée, et non par les obligations accessoires ; qu'en l'espèce, la participation d'un candidat au jeu Koh Lanta a pour principal objet des épreuves sportives, individuelles ou en équipe, faisant appel à la volonté, à l'habileté ou encore à l'équilibre, avec un aléa, donnant droit au gagnant de chaque épreuve soit à un " confort " améliorant ses conditions de vie soit à une " immunité " le préservant d'une élimination lors d'un des " conseils ", au cours desquels les candidats décident seuls d'éliminer successivement l'un d'eux, à bulletins secrets, jusqu'à ce qu'ils choisissent, de la même façon, le gagnant du jeu, lequel reçoit un prix, ce dont il résulte que la participation à ce jeu est un contrat aléatoire ; qu'en se fondant cependant sur des obligations accessoires telles que des interviews et des portraits des candidats, des tournages sur ce qu'ils ressentent, ou encore des scènes documentaires sur leur expérience sur le site, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1964 du code civil ;
3o/ que le libre choix du cocontractant n'exclut pas la qualification de contrat aléatoire ou de contrat de jeu ; que dès lors, en retenant, pour écarter cette qualification au profit de celle de contrat de travail, que la participation à un jeu supposerait une sélection selon des critères objectifs prédéfinis appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé, tandis que les participants avaient été choisis parmi dix mille à quatorze mille candidats selon des critères non définis, tenant à leur âge, à leur personnalité ou à leur condition physique, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1964 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que l'objet du contrat ne pouvait pas se réduire à l'organisation d'un jeu, le contrat organisant pour l'essentiel la participation des candidats à une émission constituant un bien audiovisuel ayant une forte valeur économique, que le jeu constituait seulement une partie du contenu de l'émission, celle-ci comportant des scènes de tournage des " épreuves " qui correspondaient à la part du jeu, mais aussi des " interviews " sur le ressenti des candidats, des scènes de tournage de portraits et de " conseils " au cours desquelles il était demandé aux participants d'éliminer l'un d'entre eux suivant des règles purement subjectives, ainsi que le tournage de scènes documentaires dans lesquels figurent des participants (préparation de plats cuisinés locaux, découverte d'un volcan en activité, etc.), autant d'éléments ne relevant pas de la catégorie du jeu ; que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations que la qualification de contrat de jeu devait être écartée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que la société fait encore le même grief, alors, selon le moyen
1o/ que l'existence d'un contrat de travail suppose l'accomplissement, en contrepartie d'une rémunération, d'une prestation de travail sous l'autorité d'un employeur ; que selon la cour d'appel, la prestation de la candidate de Koh Lanta consistait en une activité tantôt individuelle tantôt collective, soit physique soit intellectuelle, dans le cadre de la fabrication d'un produit audiovisuel de divertissement ; qu'en se déterminant par ces motifs, qui ne suffisent pas à caractériser une prestation de travail dans le cadre d'un contrat salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2o/ qu' est salarié celui qui accomplit un travail dans un lien de subordination, lequel est caractérisé par l'exécution du travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour affirmer que les candidats étaient placés dans un état de subordination, la cour d'appel a relevé que le règlement candidats prévoyait que les candidats s'engageaient à participer au jeu et à être disponibles pendant toute la durée du tournage, à participer à toutes les interviews et témoignages, à participer loyalement aux épreuves et réunions du conseil, qu'ils acceptaient d'être filmés à tout moment en disposant néanmoins de phases de répit, de sorte que les horaires de l'activité étaient déterminés par la société de production, et que tout manquement donnait droit au producteur d'en tirer les conséquences par une mesure pouvant aller jusqu'à l'exclusion du jeu ; qu'en déduisant l'existence d'un lien de subordination de clauses du règlement candidats découlant seulement du respect des règles du jeu d'aventure ou des sujétions inhérentes au lieu dans lequel se déroulait ce jeu et par voie de conséquence le tournage, au lieu de caractériser le pouvoir qu'aurait eu la société de production de donner des ordres et des directives portant sur la conduite des candidats pendant les épreuves du jeu ou lors des tournages sur le lieu de vie, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3o/ que l'existence d'une relation de travail salariée s'apprécie au regard des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité considérée ; que la société Adventure line productions exposait dans ses conclusions que la durée du tournage dépendait pour chaque participant de son parcours dans le jeu et avait ainsi été de trente-sept jours pour Mme Y qui était arrivée jusqu'au douzième épisode ; qu'elle précisait aussi que les candidats n'étaient pas filmés en permanence, mais seulement pendant moins d'une heure trente par jour et restaient seuls entre eux lorsque les équipes de tournage n'étaient pas présentes, puisqu'il n'y avait ni caméra fixe ni micro sur le site, qu'ils étaient totalement libres de leur expression et de leur comportement lorsqu'ils étaient filmés dans le déroulement de leur vie quotidienne sur leur lieu de vie, que les épreuves du jeu étaient tournées en une seule prise, sans jamais être répétées, et que les intéressés n'étaient soumis à aucun horaire, sauf pour participer aux épreuves ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, dans l'exercice même de ce qu'elle a qualifié de prestation de travail, les candidats étaient soumis à des instructions et directives émanant de la société de production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
4o/ que la rémunération caractérisant le contrat de travail est celle qui est versée en contrepartie de la prestation de travail ; que dès lors, en retenant, pour dire que la candidate était liée par un contrat de travail à la société Adventure line productions, que celle-ci prenait en charge le prix du billet aller-retour sur le site de tournage et lui versait une somme de 23 euros par jour destinée à compenser la destruction d'effets personnels dans le cadre du jeu, d'éventuels frais médicaux et l'organisation matérielle de son absence ainsi qu'une somme de 4 600 euros au titre d'une obligation de confidentialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que le règlement candidats, effectivement appliqué, comportait des dispositions plaçant les participants sous l'autorité du producteur qui disposait d'un pouvoir de sanction, que le candidat s'engageait à participer au jeu pendant toute la durée où sa présence serait nécessaire à la production pour le tournage et pour tous les besoins du programme, qu'il acceptait expressément d'être filmé à tout moment, qu'il s'engageait à participer à toutes les interviews et/ou témoignages et répondre de bonne foi aux questions, participer loyalement aux différents jeux et aux réunions du conseil, voter pour éliminer un ou plusieurs autres candidats, que tout manquement par le candidat donnait droit au producteur d'en tirer les conséquences pouvant aller jusqu'à son élimination du jeu, que le tournage se déroulait à l'étranger, dans un lieu clos, une île, sans que le participant puisse maintenir des contacts avec les proches ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société, et ayant pour objet la production d'une " série télévisée ", prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne ; que la cour d'appel a pu déduire de l'ensemble de ses constatations que l'intéressée était liée par un contrat de travail à la société de production ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Adventure productions aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Adventure line productions
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, qui a requalifié la relation contractuelle de Mme Y avec la société Adventure line productions en contrat de travail, d'avoir dit que la juridiction prud'homale était compétente et renvoyé la cause et les parties devant le conseil de prud'hommes de Montpellier pour y être jugées au fond ;
AUX MOTIFS QUE l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité ; qu'il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonne ; qu'en l'occurrence les documents contractuels sont constitués d'un courrier de la société Adventure line productions adressé à Mme Y lui annonçant qu'elle est " l'un des heureux candidats ", sélectionnée pour le jeu " Koh Lanta " saison 2006, et du " règlement candidats " en date du 15 décembre 2005 et ses annexes, avec sa lettre d'accompagnement ; qu'il ressort de ces documents que chaque candidat sélectionné par la société Adventure line productions effectue une activité tantôt individuelle tantôt collective (avec d'autres candidats sélectionnés), activité soit physique (" jeu de confort ", " jeu d'immunité ") soit intellectuelle (interviews, " conseils ") dans le cadre de la concrétisation d'un produit (émission audiovisuelle) ; qu'à cet égard, il est indiqué dans la pièce 1 que le candidat " fait partie d'une équipe qui travaille à !a fabrication d'une série d'émissions... " ; qu'en second lieu, le règlement candidats contient un certain nombre de dispositions plaçant les candidats participant à cette activité sous l'autorité de la société Adventure ligne productions, qui donne des directives et instructions et a un pouvoir de sanction ; qu'ainsi le candidat est tenu de " participer au jeu pendant toute la durée où sa présence sera nécessaire à la production pour le tournage et pour tous les besoins du programme " (article 3.1.1) étant précisée que le " tournage " fait référence à toute la période de tournage en France et/ou à l'étranger et que cette période comprend la phase de casting, la réalisation des portraits des candidats et le tournage sur le site (article 2.5 définitions) ; que le candidat s'engage également à être " disponible pendant toute la durée du tournage de 50 jours environ ", et " garantit que son engagement par contrevient pas à un autre engagement vis à vis d'un tiers quelconque "
(article 3.2) ; qu'il s'engage " à participer à tous les interviews et/ou témoignages et répondre de bonne foi aux questions, participer loyalement aux différents jeux et aux réunions du conseil, voter pour éliminer un ou plusieurs autres candidats " (article 3.7.1) ; qu'il ne peut se retirer du " jeu " que pour des " raisons familiales graves ou de santé avérées et constatées " (article 3.2.3) ; qu'il est par ailleurs indiqué que le candidat, qui " accepte expressément d'être filmé à tout moment " (article 3.4), " disposera quotidiennement de phases de répit d'une durée significative pendant lesquelles aucun enregistrement visuel et/ou sonore ne sera réalisé concernant sa personne " (article 3.3.3), de sorte que les horaires de l'activité produite par le candidat sont déterminés par la société de production ; que le visionnage des émissions fait apparaître notamment que les candidats sont réveillés par l'animateur (qui fait partie de la production) pour effectuer la prestation prévue ; que le " règlement candidats " contient des dispositions relatives à la " confidentialité ", selon lesquelles " si un candidat enfreint les règles de confidentialité..., il devra verser la somme de 15.000 euros " (article 3.6) ; que par ailleurs, " pendant le tournage, tout manquement par le candidat,... donne le droit au producteur d'en tirer toutes les conséquences pouvant aller jusqu'à son élimination du jeu " et le candidat " accepte expressément que le producteur puisse décider, à tout moment, d'une mesure proportionnée à son manquement, notamment le producteur pourra décider d'une exclusion définitive ou temporaire du jeu " (article 9) ; qu'en troisième lieu, le " règlement candidats " conclu entre les parties prévoit la prise en charge par la société Adventure ligne productions du prix du billet aller-retour domicile/lieu de tournage ainsi que les frais de visa éventuels, et par ailleurs le versement de diverses sommes le versement d'une somme forfaitaire de 23 euros par jour de présence sur le lieu du tournage pour compenser la destruction d'effets personnels dans le cadre du jeu, d'éventuels frais médicaux spécifiques (vaccinations,...) et l'organisation matérielle de l'absence (gardiennage d'animaux, frais de cantine inhabituels pour enfants, frais de parking, surveillance du courrier, transfert d'adresse, surveillance du logement par un tiers), le versement d'une somme de 4.600 euros au titre de l'obligation de confidentialité et le versement d'une somme de 100.000 euros au vainqueur et celle de 10.000 euros au finaliste non vainqueur ; que la somme de 4.600 euros est versée en deux temps, 800 euros à la fin du tournage et 3.800 euros après la diffusion de la dernière émission si la confidentialité a été respectée par tous les candidats à cette date ; qu'il résulte des pièces produites aux débats que Mme Y a reçu la somme de 943 euros le 20 mars 2006 et celle de 3.800 euros le 5 septembre 2006, les émissions de la saison 2006 ayant commencé à être diffusées sur TF1 à partir du 21 juillet 2006 ; qu'il apparaît en définitive que la société Adventure line productions a procédé au recrutement de personnes auxquelles elle a demandé dans un temps déterminé de réaliser, dans le cadre d'une organisation et sous son autorité, des prestations concourant à la fabrication d'un produit audiovisuel de divertissement rémunération; qu'il résulte des constatations ci-dessus l'existence d'un contrat de travail ; que l'argumentation de la société relative au contrat aléatoire prévu aux dispositions de l'article 1964 du code civil n'est pas de nature à contredire utilement ces constatations ; qu'en effet, en premier lieu, le jeu ne constitue qu'une partie du contenu de l'émission et ce n'est pas parce que l'émission comprend pour partie des épreuves de jeux, lesquelles comportent un aléa, que pour autant l'ensemble de la convention constitue un contrat de jeu au sens des dispositions de l'article 1964 du code civil ; qu'ainsi, si l'émission comporte des scènes de tournage de différents jeux (à savoir " jeu de confort ", " jeu d'immunité " individuel ou par équipe), elle comporte également, et pour une large part, des interviews ou des tournages sur le ressenti des participants ou sur leurs intentions de vote d'élimination, des portraits des candidats sans lien avec le jeu consistant à l'élimination progressive de tous les participants à l'exception de deux d'entre eux (les finalistes), le tournage de " conseils " au cours desquels les participants doivent éliminer l'un d'entre eux selon des règles purement subjectives, ainsi que le tournage de scènes documentaires dans lesquels figurent des participants (préparation de plats cuisinés locaux, découverte d'un volcan en activité, etc.), autant d'éléments ne relevant pas de la catégorie du jeu ; qu'en second lieu, la participation à un jeu suppose une sélection des candidats selon des critères objectifs prédéfinis, appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé ; qu'en l'espèce, les participants, dont Mme Y, ont été choisis par la production parmi 10.000 à 14.000 candidatures, selon des critères non définis et donc inconnus des participants ; que le visionnage des émissions révèle qu'en réalité les participants ont été choisis selon des critères variables, tenant pour certains à leur âge (2 équipes de 8 participants chacune les juniors moins de 30 ans et les seniors plus de 30 ans), pour d'autres à leur personnalité (plus ou moins fragile), pour d'autres encore à leur condition physique, sélection ne permettant pas d'assurer entre eux une égalité dans le " jeu ", mais permettant par contre de garantir à l'avance la réalisation de l'objectif poursuivi par la production, à savoir la réalisation d'un produit audiovisuel économique de divertissement du public en vue de sa diffusion sur une chaine de télévision à " une heure de grande écoute " ; que, par suite, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il y a lieu de retenir que Mme Y a bien travaillé dans le cadre d'un contrat de travail ;
1o) ALORS QUE constitue un contrat aléatoire celui dans lequel les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain ; que dès lors, en qualifiant de contrat de travail le contrat liant la société organisatrice Adventure line productions à chacun des candidats, par lequel celui-ci s'engage à participer à l'émission télévisée Koh Lanta au cours de laquelle il sera, conformément à des règles de jeu préétablies, confronté à d'autres candidats au cours de différentes épreuves, la société s'engageant à remettre le gain prévu au candidat sorti victorieux de ces épreuves, la cour d'appel a violé les articles 1104, 1964 et suivants du code civil et l'article L 1221-1 du code du travail ;
2o) ALORS QUE la qualification d'un contrat est déterminée par l'obligation essentielle et caractéristique qui y est stipulée, et non par les obligations accessoires ; qu'en l'espèce, la participation d'un candidat au jeu Koh Lanta a pour principal objet des épreuves sportives, individuelles ou en équipe, faisant appel à la volonté, à l'habileté ou encore à l'équilibre, avec un aléa, donnant droit au gagnant de chaque épreuve soit à un " confort " améliorant ses conditions de vie soit à une " immunité " le préservant d'une élimination lors d'un des " conseils ", au cours desquels les candidats décident seuls d'éliminer successivement l'un d'eux, à bulletins secrets, jusqu'à ce qu'ils choisissent, de la même façon, le gagnant du jeu, lequel reçoit un prix, ce dont il résulte que la participation à ce jeu est un contrat aléatoire ; qu'en se fondant cependant sur des obligations accessoires telles que des interviews et des portraits des candidats, des tournages sur ce qu'ils ressentent, ou encore des scènes documentaires sur leur expérience sur le site, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1964 du code civil ;
3o) ALORS QUE le libre choix du cocontractant n'exclut pas la qualification de contrat aléatoire ou de contrat de jeu ; que dès lors, en retenant, pour écarter cette qualification au profit de celle de contrat de travail, que la participation à un jeu supposerait une sélection selon des critères objectifs prédéfinis appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé, tandis que les participants avaient été choisis parmi 10.000 à 14.000 candidats selon des critères non définis, tenant à leur âge, à leur personnalité ou à leur condition physique, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1964 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, qui a requalifié la relation contractuelle de Mme Y avec la société Adventure line productions en contrat de travail, d'avoir dit que la juridiction prud'homale était compétente et renvoyé la cause et les parties devant le conseil de prud'hommes de Montpellier pour y être jugées au fond ;
AUX MOTIFS QUE l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité ; qu'il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonne ; qu'en l'occurrence les documents contractuels sont constitués d'un courrier de la société Adventure line productions adressé à Mme Y lui annonçant qu'elle est " l'un des heureux candidats ", sélectionnée pour le jeu " Koh Lanta " saison 2006, et du " règlement candidats " en date du 15 décembre 2005 et ses annexes, avec sa lettre d'accompagnement ; qu'il ressort de ces documents que chaque candidat sélectionné par la société Adventure line productions effectue une activité tantôt individuelle tantôt collective (avec d'autres candidats sélectionnés), activité soit physique (" jeu de confort ", " jeu d'immunité ") soit intellectuelle (interviews, " conseils ") dans le cadre de la concrétisation d'un produit (émission audiovisuelle) ; qu'à cet égard, il est indiqué dans la pièce 1 que le candidat " fait partie d'une équipe qui travaille à !a fabrication d'une série d'émissions... " ; qu'en second lieu, le règlement candidats contient un certain nombre de dispositions plaçant les candidats participant à cette activité sous l'autorité de la société Adventure ligne productions, qui donne des directives et instructions et a un pouvoir de sanction ; qu'ainsi le candidat est tenu de " participer au jeu pendant toute la durée où sa présence sera nécessaire à la production pour le tournage et pour tous les besoins du programme " (article 3.1.1) étant précisée que le " tournage " fait référence à toute la période de tournage en France et/ou à l'étranger et que cette période comprend la phase de casting, la réalisation des portraits des candidats et le tournage sur le site (article 2.5 définitions) ; que le candidat s'engage également à être " disponible pendant toute la durée du tournage de 50 jours environ ", et " garantit que son engagement par contrevient pas à un autre engagement vis à vis d'un tiers quelconque " (article 3.2) ; qu'il s'engage " à participer à tous les interviews et/ou témoignages et répondre de bonne foi aux questions, participer loyalement aux différents jeux et aux réunions du conseil, voter pour éliminer un ou plusieurs autres candidats " (article 3.7.1) ; qu'il ne peut se retirer du " jeu " que pour des " raisons familiales graves ou de santé avérées et constatées " (article 3.2.3) ; qu'il est par ailleurs indiqué que le candidat, qui " accepte expressément d'être filmé à tout moment " (article 3.4), " disposera quotidiennement de phases de répit d'une durée significative pendant lesquelles aucun enregistrement visuel et/ou sonore ne sera réalisé concernant sa personne " (article 3.3.3), de sorte que les horaires de l'activité produite par le candidat sont déterminés par la société de production ; que le visionnage des émissions fait apparaître notamment que les candidats sont réveillés par l'animateur (qui fait partie de la production) pour effectuer la prestation prévue ; que le " règlement candidats " contient des dispositions relatives à la " confidentialité ", selon lesquelles " si un candidat enfreint les règles de confidentialité..., il devra verser la somme de 15.000 euros " (article 3.6) ; que par ailleurs, " pendant le tournage, tout manquement par le candidat,... donne le droit au producteur d'en tirer toutes les conséquences pouvant aller jusqu'à son élimination du jeu " et le candidat " accepte expressément que le producteur puisse décider, à tout moment, d'une mesure proportionnée à son manquement, notamment le producteur pourra décider d'une exclusion définitive ou temporaire du jeu " (article 9) ; qu'en troisième lieu, le " règlement candidats " conclu entre les parties prévoit la prise en charge par la société Adventure ligne productions du prix du billet aller-retour domicile/lieu de tournage ainsi que les frais de visa éventuels, et par ailleurs le versement de diverses sommes le versement d'une somme forfaitaire de 23 euros par jour de présence sur le lieu du tournage pour compenser la destruction d'effets personnels dans le cadre du jeu, d'éventuels frais médicaux spécifiques (vaccinations,...) et l'organisation matérielle de l'absence (gardiennage d'animaux, frais de cantine inhabituels pour enfants, frais de parking, surveillance du courrier, transfert d'adresse, surveillance du logement par un tiers), le versement d'une somme de 4.600 euros au titre de l'obligation de confidentialité et le versement d'une somme de 100.000 euros au vainqueur et celle de 10.000 euros au finaliste non vainqueur ; que la somme de 4.600 euros est versée en deux temps, 800 euros à la fin du tournage et 3.800 euros après la diffusion de la dernière émission si la confidentialité a été respectée par tous les candidats à cette date ; qu'il résulte des pièces produites aux débats que Mme Y a reçu la somme de 943 euros le 20 mars 2006 et celle de 3.800 euros le 5 septembre 2006, les émissions de la saison 2006 ayant commencé à être diffusées sur TF1 à partir du 21 juillet 2006 ; qu'il apparaît en définitive que la société Adventure line productions a procédé au recrutement de personnes auxquelles elle a demandé dans un temps déterminé de réaliser, dans le cadre d'une organisation et sous son autorité, des prestations concourant à la fabrication d'un produit audiovisuel de divertissement rémunération; qu'il résulte des constatations ci-dessus l'existence d'un contrat de travail ; que l'argumentation de la société relative au contrat aléatoire prévu aux dispositions de l'article 1964 du code civil n'est pas de nature à contredire utilement ces constatations ; qu'en effet, en premier lieu, le jeu ne constitue qu'une partie du contenu de l'émission et ce n'est pas parce que l'émission comprend pour partie des épreuves de jeux, lesquelles comportent un aléa, que pour autant l'ensemble de la convention constitue un contrat de jeu au sens des dispositions de l'article 1964 du code civil ; qu'ainsi, si l'émission comporte des scènes de tournage de différents jeux (à savoir " jeu de confort ", " jeu d'immunité " individuel ou par équipe), elle comporte également, et pour une large part, des interviews ou des tournages sur le ressenti des participants ou sur leurs intentions de vote d'élimination, des portraits des candidats sans lien avec le jeu consistant à l'élimination progressive de tous les participants à l'exception de deux d'entre eux (les finalistes), le tournage de " conseils " au cours desquels les participants doivent éliminer l'un d'entre eux selon des règles purement subjectives, ainsi que le tournage de scènes documentaires dans lesquels figurent des participants (préparation de plats cuisinés locaux, découverte d'un volcan en activité, etc.), autant d'éléments ne relevant pas de la catégorie du jeu ; qu'en second lieu, la participation à un jeu suppose une sélection des candidats selon des critères objectifs prédéfinis, appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé ; qu'en l'espèce, les participants, dont Mme Y, ont été choisis par la production parmi 10.000 à 14.000 candidatures, selon des critères non définis et donc inconnus des participants ; que le visionnage des émissions révèle qu'en réalité les participants ont été choisis selon des critères variables, tenant pour certains à leur âge (2 équipes de 8 participants chacune les juniors moins de 30 ans et les seniors plus de 30 ans), pour d'autres à leur personnalité (plus ou moins fragile), pour d'autres encore à leur condition physique, sélection ne permettant pas d'assurer entre eux une égalité dans le " jeu ", mais permettant par contre de garantir à l'avance la réalisation de l'objectif poursuivi par la production, à savoir la réalisation d'un produit audiovisuel économique de divertissement du public en vue de sa diffusion sur une chaine de télévision à " une heure de grande écoute " ; que, par suite, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il y a lieu de retenir que Mme Y a bien travaillé dans le cadre d'un contrat de travail ;
1o) ALORS QUE l'existence d'un contrat de travail suppose l'accomplissement, en contrepartie d'une rémunération, d'une prestation de travail sous l'autorité d'un employeur ; que selon la cour d'appel, la prestation de la candidate de Koh Lanta consistait en une activité tantôt individuelle tantôt collective, soit physique soit intellectuelle, dans le cadre de de la fabrication d'un produit audiovisuel de divertissement ; qu'en se déterminant par ces motifs, qui ne suffisent pas à caractériser une prestation de travail dans le cadre d'un contrat salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail ;
2o) ALORS QU' est salarié celui qui accomplit un travail dans un lien de subordination, lequel est caractérisé par l'exécution du travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour affirmer que les candidats étaient placés dans un état de subordination, la cour d'appel a relevé que le Règlement candidats prévoyait que les candidats s'engageaient à participer au jeu et à être disponibles pendant toute la durée du tournage, à participer à toutes les interviews et témoignages, à participer loyalement aux épreuves et réunions du conseil, qu'ils acceptaient d'être filmés à tout moment en disposant néanmoins de phases de répit, de sorte que les horaires de l'activité étaient déterminés par la société de production, et que tout manquement donnait droit au producteur d'en tirer les conséquences par une mesure pouvant aller jusqu'à l'exclusion du jeu ; qu'en déduisant l'existence d'un lien de subordination de clauses du Règlement candidats découlant seulement du respect des règles du jeu d'aventure ou des sujétions inhérentes au lieu dans lequel se déroulait ce jeu et par voie de conséquence le tournage, au lieu de caractériser le pouvoir qu'aurait eu la société de production de donner des ordres et des directives portant sur la conduite des candidats pendant les épreuves du jeu ou lors des tournages sur le lieu de vie, la cour d'appel a violé l'article L 1221-1 du code du travail ;
3o) ALORS QUE l'existence d'une relation de travail salariée s'apprécie au regard des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité considérée ; que la société Adventure line productions exposait dans ses conclusions que la durée du tournage dépendait pour chaque participant de son parcours dans le jeu et avait ainsi été de 37 jours pour Mme Y qui était arrivée jusqu'au 12ème épisode ; qu'elle précisait aussi que les candidats n'étaient pas filmés en permanence, mais seulement pendant moins d'une heure trente par jour et restaient seuls entre eux lorsque les équipes de tournage n'étaient pas présentes, puisqu'il n'y avait ni caméra fixe ni micro sur le site, qu'ils étaient totalement libres de leur expression et de leur comportement lorsqu'ils étaient filmés dans le déroulement de leur vie quotidienne sur leur lieu de vie, que les épreuves du jeu étaient tournées en une seule prise, sans jamais être répétées, et que les intéressés n'étaient soumis à aucun horaire, sauf pour participer aux épreuves ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, dans l'exercice même de ce qu'elle a qualifié de prestation de travail, les candidats étaient soumis à des instructions et directives émanant de la société de production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail ;
4o) ALORS QUE la rémunération caractérisant le contrat de travail est celle qui est versée en contrepartie de la prestation de travail ; que dès lors, en retenant, pour dire que la candidate était liée par un contrat de travail à la société Adventure line productions, que celleci prenait en charge le prix du billet aller-retour sur le site de tournage et lui versait une somme de 23 euros par jour destinée à compenser la destruction d'effets personnels dans le cadre du jeu, d'éventuels frais médicaux et l'organisation matérielle de son absence ainsi qu'une somme de 4.600 euros au titre d'une obligation de confidentialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail.