Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 08-09-2022, n° 19/19845, Infirmation partielle


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4


ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022


N°2022/204



Rôle N° RG 19/19845 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFLNE


[V] [G] épouse [R]

[H] [G]

[D] [G]

[Z] [G]

[K] [G] épouse [F]


C/


[U] [T]

SASU GABI


Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me JUSTON

Me BUY


Décision déférée à la Cour :


Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseillle en date du 12 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/12250.



APPELANTS


Madame [Aa] [Ab] épouse [R]

Venant aux droits de Madame [W] [G] et Monsieur [Acb] [G]

née le … … … à [… …],

… [… …]

représentée par Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


Monsieur [H] [G]

Venant aux droits de Madame [W] [G] et Monsieur [Y] [G]

né le … … … à [… …],

… [… …]

représenté par Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


Monsieur [D] [G]

Venant aux droits de Madame [W] [G] et Monsieur [Y] [G]

né le … … … à [… …],

… [… …]

représenté par Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


Monsieur [Ad] [G] tant en son nom personnel qu'aux droits de Madame [J] [G], décédée,

né le … … … à [Localité 9],

demeurant [… …]

représenté par Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


Madame [K] [G] épouse [F]

Venant aux droits de Madame [Ae] [Ab],

née le … … … à [… …],

… [… …]

représentée par Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


INTIMEES


Madame [Af] [T]

née le … … … à [… …],

… [… …]

[Adresse 6]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Louis-emmanuel FIOCCA, avocat au barreau de MARSEILLE


SASU GABI Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

demeurant [… …]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Louis-emmanuel FIOCCA, avocat au barreau de MARSEILLE


PARTIES INTERVENANTES


*-*-*-*-*



COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure BOURREL, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.


Madame Laure BOURREL, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Madame Laure BOURREL, Président

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Madame Françoise PETEL, Conseiller


Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.


ARRÊT


Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.


Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


******



FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


Suite à donation et succession, Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [H] [G], Monsieur [D] [G], Monsieur [Ad] [G] et Madame [K] [G] sont aujourd'hui propriétaires indivis de locaux situés [Adresse 3], Madame [K] [G] et Monsieur [Ad] [G] venant aux droits de Madame [Ae] [Ag] épouse [G] décédée le 4 septembre 2018.


Par acte du 15 novembre 2011, les consorts [Ab] ont consenti à Madame [U] [T] un bail dérogatoire soumis aux dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce🏛 d'une durée de 23 mois à compter du 16 novembre 2011 pour se terminer le 15 octobre 2013, au loyer de 2070 € par mois, de 60 m². Le périmètre de ce contrat fait litige entre les parties, les consorts [Ab] soutenant que le bail commercial porte sur le rez-de-chaussée et le 1er étage, alors que Madame [T] revendique aussi l'appartement situé au 2e étage.


À l'issue de ce bail, Madame [U] [T] a cessé toute activité et s'est faite radier du registre du commerce et des sociétés.


Par acte du 9 octobre 2013, les consorts [G] ont consenti un bail dérogatoire commençant le 15 octobre 2013 de 23 mois à la SASU [A] dont le gérant et seul associé est Monsieur [Ah] [S].


Monsieur [Ah] [S] est le compagnon de Madame [U] [T] et ils ont eu ensemble un enfant prénommé [A].


À l'issue du bail commercial, la société [A] a transféré son fonds de commerce à [Adresse 1].


Le 2 septembre 2015, les consorts [Ab] ont consenti un bail dérogatoire commençant le 15 septembre 2015 et devant se terminer le 14 septembre 2018 à la SASU Gabi dont Madame [U] [T] est la gérante et seule associée.


À la fin de ce bail dérogatoire, malgré un congé délivré le 13 septembre 2018, la SASU Gabi s'est maintenue dans les lieux. Le 9 octobre 2018, les consorts [G] lui ont fait délivrer une sommation de déguerpir, puis par exploit du 12 octobre 2018, ils l'ont assignée en référé en expulsion et fixation d'une indemnité d'occupation.


Après avoir été autorisées à assigner à jour fixe par ordonnance du président du 22 octobre 2018, par exploits des 5 et 7 novembre 2018, Madame [U] [T] et la SASU Gabi ont fait assigner Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [H] [G], Monsieur [D] [G], Monsieur [Ad] [G] et Madame [Ae] [Ag] épouse [G] afin qu'il soit dit que Madame [U] [T] était bénéficiaire d'un bail commercial d'une durée de 9 ans à compter du 15 octobre 2013 en cas de reconnaissance du caractère frauduleux des renouvellements ou à compter du 16 novembre 2011 en cas de reconnaissance du caractère irrégulier du recours au bail précaire, que les défendeurs soient condamnés à lui communiquer un contrat de bail régulier sous astreinte, et subsidiairement, que les défendeurs soient condamnés à payer à Madame [Af] [T] la somme de 300 000 € en cas d'impossibilité de mise en possession du bail commercial, avec intérêts légaux et capitalisation. Elle sollicite en tout état de cause la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts, la somme de 48 664 € au titre des loyers trop perçus à compter du 5 novembre 2013 avec intérêts légaux et capitalisation, la remise des clés du studio du 2e étage, la somme de 20 000 € au titre de la privation de jouissance du studio du 2e étage avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du jour de l'assignation, et la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛, avec exécution provisoire.


Le 3 mai 2019, Madame [U] [T] et la SASU Gabi ont déposé un acte d'inscription de faux à l'encontre du congé délivré le 13 septembre 2018 et de l'assignation en référé du 12 octobre 2018 au motif que ces actes avaient été déposés à la demande de Madame [Ae] [Ag] épouse [G] alors que celle-ci était décédée le 4 septembre 2018. Ils ont aussi déposé un acte d'inscription de faux le 18 juin 2019 à l'encontre de la sommation de déguerpir du 9 octobre 2018.


Monsieur [Ad] [G] et Madame [K] [G] épouse [F] sont intervenus volontairement à la procédure en leur qualité d'héritier de [J] [B] épouse [G].


Les consorts [Ab] ont conclu que l'inscription de faux était propre aux actes authentiques, que le problème de nullité avait été régularisé, et sur le fond, ils ont conclu au débouté de Madame [U] [T] et de la SASU Gabi, et Monsieur [Ad] [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ont sollicité des dommages et intérêts. Reconventionnellement, les consorts [Ab] ont sollicité l'expulsion de la SASU Gabi qui est occupante sans droit ni titre depuis le 14 septembre 2018, une indemnité d'occupation d'un montant de 5000 € par mois, et la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛. Subsidiairement, s'il était faisait droit aux demandes de Madame [U] [T], ils ont demandé la fixation du loyer à la valeur locative, soit 60 000 € par an à compter du 15 octobre 2013, et sa condamnation à leur payer la somme de 152 100 € au titre des loyers non versés du 15 octobre 2013 au 14 septembre 2018, la somme de 5000 € par mois à compter du 15 septembre 2018 au titre de l'indemnité d'occupation, et à être relevés et garantis de toutes condamnations en répétition de l'indu qui pourrait être prononcée au profit de la SASU [A] et de la SASU Gabi, avec exécution provisoire.



Par jugement du 12 novembre 2019, le tribunal judiciaire de Marseille :

-a déclaré recevable l'intervention volontaire de Monsieur [Ad] [G] et de Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'héritier de [J] [B] épouse [G],

-a rejeté l'inscription de faux déposée le 3 mai 2019 par Madame [U] [T] et par la SASU Gabi à l'encontre du congé délivré le 13 septembre 2018 et de l'assignation en référé en date du 12 octobre 2018,

-a rejeté l'inscription de faux déposée le 18 juin 2019 par Madame [U] [T] et par la SASU Gabi à l'encontre de la sommation de déguerpir signifiée le 9 octobre 2018,

-a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [Ad] [G] et Madame [K] [G] épouse [F] à l'encontre de Madame [U] [T] et de la SASU Gabi,

-s'est déclaré incompétent pour statuer sur la nullité de l'assignation en référé délivrée le 12 octobre 2018 à la SASU Gabi par l'hoirie [Y] [G] et [W] [G] prise en la personne de [V] [G] épouse [R], de [H] [G] et de [D] [G] ainsi que par [Z] [G] et par [J] [B] épouse [G],

-a prononcé la nullité du congé délivré le 13 septembre 2018 à la SASU Gabi par l'hoirie [Y] [G] et [W] [G] représentée par Monsieur [D] [G], par Monsieur [Ad] [G] et par [J] [B] épouse [G] représentés par Madame [K] [G] épouse [F],

-a prononcé la nullité de la sommation de déguerpir délivrée le 9 octobre 2018 à la SASU Gabi par l'hoirie [Y] [G] et [W] [G] prise en la personne de [V] [G] épouse [R], de [H] [G] et de [D] [G] ainsi que par [Z] [G] et par [J] [B] épouse [G] représentés par Madame [K] [G] épouse [F],

-a rejeté la demande de la SASU Gabi tendant à la reconnaissance du bénéfice d'un bail commercial en application de l'article L. 145-5 du code de commerce🏛,

-a déclaré l'action en requalification du bail du 15 novembre 2011 à effet du 16 novembre 2011 irrecevable en ce qu'elle est prescrite,

-a requalifié le bail du 9 octobre 2013 en bail commercial d'une durée de 9 années à effet du 15 octobre 2013 pour s'achever le 14 octobre 2022 aux mêmes termes et conditions et, notamment, le loyer annuel d'un montant de 27 600 €, bail bénéficiant à [U] [T] en qualité de preneur,

-a enjoint à Madame [Aa] [Ab] épouse [R], à Monsieur [Ai] [G] et à Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], à Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et à Madame [Aj] [Ab] épouse [F] de communiquer à [U] [T] un contrat de bail commercial écrit et signé par eux sous astreinte de 200 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

-a déclaré sans objet la demande subsidiaire de dommages-intérêts formée par Madame [U] [T] à hauteur de 300 000 €,

-a rejeté la demande d'expulsion de la SASU Gabi et de tout occupant de son chef formée par Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualité d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], par Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F], ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G],

-a rejeté la demande d'indemnité d'occupation formée par Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualité d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], par Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G],

-a condamné in solidum Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] à verser à Madame [U] [T] la somme de 7200 € au titre des loyers trop versés du 15 septembre 2015 au 14 septembre 2018 avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du 5 novembre 2018,


-a rejeté la demande de restitution d'une partie des loyers pour la période allant du 15 septembre 2018 au 12 septembre 2019 formée par Madame [U] [T],

-a rejeté la demande formée par Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], par Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G], au titre de la part de loyers non versés,

-a déclaré sans objet la demande formée par Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], par Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G], au titre de la garantie de [U] [T] relativement à des condamnations au profit de la SASU [A] et de la SASU Gabi,

-a condamné in solidum Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G], à verser à Madame [U] [T] la somme de 20 000 € avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du 5 novembre 2018 au titre du préjudice subi du fait du recours irrégulier aux baux dérogatoires,

-a rejeté la demande de remise des clés du local situé au 2e étage d'un immeuble situé [Adresse 1] formée par Madame [U] [T],

-a rejeté la demande formée par Madame [U] [T] au titre du préjudice subi du fait de la privation de jouissance du local situé au 2e étage d'un immeuble situé [Adresse 1],

-a déclaré sans objet la demande d'expulsion de la SASU Gabi du local situé au 2e étage d'un immeuble situé [Adresse 1] formée par Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], par Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G],

-a condamné in solidum Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et

Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G], à verser à Madame [U] [T] et à la SASU Gabi ensemble la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

-a rejeté la demande formée par Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

-a rejeté toutes autres demandes,

-a ordonné l'exécution provisoire,

-a condamné in solidum Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droit de [Y] [G] et de [W] [G], Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G], aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droits de [Y] [G] et de [W] [G], Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] ont relevé appel de cette décision par déclaration du 21 décembre 2019.


Par conclusions du 19 novembre 2020, qui sont tenues pour entièrement reprises, Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [Ai] [G] et Monsieur [D] [G] ès qualités d'ayant droits de [Y] [G] et de [W] [G], Monsieur [Ad] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] et Madame [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G] demandent à la Cour de :

«1/ Vu l'article 515-3 du Code civil🏛,

vu l'article 117 du code de procédure civile🏛,

Réformer le jugement du 12 novembre 2019 en ce qu'il :

*s'est déclaré être incompétent pour statuer sur la validité de l'assignation délivrée le 12 octobre 2018,

*a prononcé la nullité du congé délivré le 13 septembre 2018 à la SASU Gabi,

*a prononcé la nullité de la sommation de déguerpir délivrée le 9 octobre 2018 à la SASU Gabi,

Et statuant à nouveau :

Rejeter la demande de nullité du congé du 13 septembre 2018.

Juger que le congé du 13 septembre 2018 est valable.

Rejeter la demande de nullité de la sommation 9 octobre 2018.

Juger que la sommation du 9 octobre 2018 est valable.

Rejeter la demande de nullité de l'assignation du 12 octobre 2018.

Juger que l'assignation du 12 octobre 2018 est valable.


2/vu l'article L. 145-5 du code de commerce🏛,

vu l'article 1737 du Code civil🏛,

vu l'article 9 du code de procédure civile🏛,

Réformer le jugement du 12 novembre 2019 en ce qu'il a :

*requalifié le bail du 9 octobre 2013 en bail commercial d'une durée de 9 années aux mêmes termes et conditions et, notamment, loyer annuel de montant de 27 600 €, bail bénéficiant à [U] [T],

*enjoint à [V] [G], [H] [G], [D] [G], [Z] [G] et à [K] [G] épouse [F] de communiquer à [U] [T] un contrat de bail commercial écrit sous astreinte de 200 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement,

*rejeté la demande d'expulsion de la SASU Gabi et de tout occupant de son chef formée par [V] [G], [H] [G], [D] [G], [Z] [G] et [K] [G] épouse [F],

*rejeté la demande d'indemnité d'occupation formée par [V] [G], [H] [G], [D] [G], [Z] [G] et par [K] [G] épouse [F],

*condamné in solidum [V] [G] épouse [R], [H] [G], [D] [G], [Z] [G] et [K] [G] épouse [F], ès qualités d'ayant droits de [J] [B] épouse [G] à verser à [U] [T] la somme de 7200 € au titre des loyers trop versés du 15 septembre 2015 au 14 septembre 2018 avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du 5 novembre 2018.

Et statuant à nouveau :

Juger que la société Gabi était occupante sans droit ni titre.

Ordonner l'expulsion de la société Gabi et de tout occupant de son chef des locaux sis à [Adresse 3], au besoin avec le concours de la force publique.

Condamner la société Gabi à payer aux consorts [G] une indemnité d'occupation égale à 5000 € par mois à compter du 4 septembre 2018.


3/Vu l'article 1240 civil

Réformer le jugement du 12 novembre 2019 en ce qu'il a :

déclaré sans objet la demande d'expulsion de la SASU Gabi du local situé au 2e étage d'un immeuble situé [Adresse 1] formée par [V] [G] épouse [R], par [H] [G], et par [D] [G], par [Z] [G] et par [K] [G] épouse [F].

Et statuant à nouveau :

Constater que le logement situé [Adresse 1] n'est pas concerné par le bail et est actuellement occupé sans droit ni titre.


Ordonner l'expulsion de la société Gabi et de tout occupant de son chef du logement situé [Adresse 1] en tant que de besoin avec le concours de la force publique.


4/A titre subsidiaire, si la cour a estimé que Madame [T] est titulaire d'un bail commercial,

vu l'article L. 145-5 du code de commerce🏛,

Réformer le jugement du 12 novembre 2019 en ce qu'il a :

*rejeté la demande formée par [V] [G] épouse [R], par [H] [G], et par [D] [G], par [Z] [G] et par [K] [G] épouse [F] au titre de la part de loyers non versés,

*a déclaré sans objet la demande formée par [V] [G] épouse [R], par [H] [G], et par [D] [G] ès qualités d'ayant droits de [Y] [G] et de [W] [G], par [Z] [G] en son nom personnel et ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G], et par [K] [G] épouse [F] ès qualités d'ayant droit de [J] [B] épouse [G], au titre de la garantie de [U] [T] relativement à des condamnations au profit de la SASU [A] et de la SASU Gabi.

Et statuant à nouveau :

Fixer le loyer du bail à compter du 15 octobre 2013 à 5000 € par mois.

Condamner en conséquence Madame [T] à payer aux consorts [G] la somme de 152 100 € au titre de son occupation depuis le 15 octobre 2013 au 14 septembre 2018.

Condamner Madame [T] à relever et garantir les consorts [G] de toute demande en répétition de l'indu qui serait effectuée par la société [A] et par la société Gabi.


5/ Réformer le jugement du 12 novembre 2019 en ce qu'il a :

*condamné in solidum [V] [G] épouse [R], [H] [G], et [D] [G], [Z] [G] et [K] [G] épouse [F] à verser à [U] [T] la somme de 20 000 € avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du 5 novembre 2010 au titre du préjudice subi du fait du recours irrégulier aux baux dérogatoires,

*condamné in solidum [V] [G] épouse [R], [H] [G], et [D] [G], [Z] [G] et [K] [G] épouse [F] à verser à [U] [T] et à la SASU Guedj ensemble la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC🏛,

*rejeté la demande formée par [V] [G] épouse [R], par [H] [G] et par [D] [G], par [Z] [G] et par [K] [G] épouse [F] sur le fondement de l'article 700 du CPC🏛,

*condamné in solidum [V] [G] épouse [R], [H] [G] et [D] [G], [Z] [G] et [K] [G] épouse [F] aux dépens.


6/ Sur l'appel incident :

Rejeter les demandes de Madame [T] et de la société Gabi tendant à voir déclarer nuls la sommation du 13 septembre 2008 (2018 '), le congé du 9 septembre 2018 et l'assignation du 8 octobre 2018.

Rejeter les demandes de Madame [T] et de la société Gabi tendant à voir déclarer nuls la sommation du 13 septembre 2008, le congé du 9 octobre 2018 et l'assignation du 8 octobre 2018.

Rejeter la demande de communication d'un bail écrit.

Rejeter la demande de paiement de l'indemnité de 500 000 €.

Rejeter la demande de paiement de l'indemnité de 100 000 € de précarité.

Rejeter la demande de répétition de l'indu de 48 664 €.

Rejeter la demande de paiement d'une indemnité de 20 000 € au titre de la privation de jouissance de l'appartement.


En tout état de cause :

Condamner Madame [T] et la société Gabi aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Condamner Madame [T] à payer une somme de 3000 € à chacun des membres de l'indivision [G], soit une somme globale de 15 000 €. »


Par conclusions du 12 avril 2022, qui sont tenues pour entièrement reprises, Madame [U] [T] et la SASU Gabi demandent à la Cour de :

« Vu les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce🏛,

vu l'article L. 145-5 du code de commerce🏛,

vu le décret du 30 septembre 1953,

vu l'article 1153 du Code civil🏛,

vu l'article 1343-2 du Code civil🏛,

vu l'article 515 du code de procédure civile🏛,

vu les articles L. 131-2 et suivants du code des procédures civiles d'exécution🏛,

vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile🏛,

vu les pièces versées aux débats,

Confirmer le jugement du 12 novembre 2019 en ce qu'il a :

déclaré recevable l'action de Mademoiselle [U] [T] et de la SASU Gabi comme étant non prescrite,

dit et jugé que le recours à une succession de baux dérogatoires et/ou précaires de courte durée dans le but de faire échec à l'application du statut des baux commerciaux constitue une fraude,

requalifié le bail du 9 octobre 2013 en bail commercial de 9 années à effet au 15 octobre 2013,

reconnu le bénéfice du statut des baux commerciaux à Mademoiselle [U] [T],

prononcé la nullité du congé délivré le 9 octobre 2018,

prononcé la nullité de la sommation de déguerpir délivrée le 13 septembre 2018.

Infirmer le jugement du 12 novembre 2019 pour le surplus et :

Juger que les bailleurs ne communiquent aucun des 2 pouvoirs en date du 7 décembre 2013.

Juger que la sommation de déguerpir du 13 septembre 2018, le congé du 9 octobre 2018 et l'assignation du 12 octobre 2018 doivent être qualifiés de faux et ne peuvent en conséquence traduire ni exprimer la volonté des membres de l'indivision de s'opposer au maintien dans les lieux.

Juger que le congé, la sommation de déguerpir l'assignation sont nus et de nul effet.

Juger que la fraude du bailleur exclut ce dernier de se prévaloir de l'éventuelle prescription biennale et du caractère précaire et dérogatoire des baux.

En conséquence,

Juger l'action recevable et non prescrite.

Juger que Mademoiselle [U] [T] bénéficie, sur le local sis [Adresse 3] et dans lequel elle exploite un restaurant à l'enseigne Le Bounty d'un bail commercial d'une durée minimum de 9 ans à compter de :

*la date des faits du second bail dérogatoire soit le 15 octobre 2013, en cas de reconnaissance du caractère frauduleux des renouvellements,

*la date des faits du premier bail faussement qualifié de précaire soit le 16 novembre 2011 en cas de reconnaissance du caractère irrégulier du recours au bail précaire.

Juger que Madame [T] n'a jamais renoncé au bénéfice de la propriété commerciale.

Juger que le montant du loyer doit être fixé à la somme de 1708 € par mois à compter du 15 octobre 2013.

Juger que l'appartement situé au-dessus du local commercial sis [Adresse 1] est un local accessoire au fonds de commerce exploité par Madame [T].

Condamner in solidum :

-Madame [V] [G] épouse [R]

-Monsieur [H] [G]

-Monsieur [D] [G]

-Monsieur [Z] [G]

-Madame [K] [G]-[F]

à restituer à Madame [T] la jouissance de l'appartement sis [Adresse 1] sous astreinte définitive et non comminatoire de 200 € à compter du 15e jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir.


Enjoindre à :

-Madame [V] [G] épouse [R]

-Monsieur [H] [G]

-Monsieur [D] [G]

-Monsieur [Z] [G]

-Madame [K] [G]-[F]

de communiquer à Mademoiselle [T] [U] dans le mois suivant la notification de la présente décision, un contrat de bail écrit contenant les mentions obligatoires des dispositions d'ordre public du chapitre du code de commerce concernant le bail commercial et conforme à la loi Pinel, et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 500 € par jour de retard passé ce délai.

Subsidiairement, en cas d'impossibilité de mise en possession du bail commercial, notamment en cas de préemption de la mairie, condamner in solidum :

-Madame [V] [G] épouse [R]

-Monsieur [H] [G]

-Monsieur [D] [G]

-Monsieur [Z] [G]

-Madame [K] [G]-[F]

à payer à Mademoiselle [T] [U] la somme forfaitaire de 500 000 €.

En tout état de cause,

Condamner in solidum :

-Madame [V] [G] épouse [R]

-Monsieur [H] [G]

-Monsieur [D] [G]

-Monsieur [Z] [G]

-Madame [K] [G]-[F]

à payer à Mademoiselle [T] [U] la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir maintenu sa locataire en situation de précarité.

Condamner in solidum :

-Madame [V] [G] épouse [R]

-Monsieur [H] [G]

-Monsieur [D] [G]

-Monsieur [Z] [G]

-Madame [K] [G]-[F]

à payer à Mademoiselle [T] [U] la somme de 48 664 € au titre de la répétition de l'indu sur les loyers, au regard de la valeur locative de la surface réelle des lieux, somme à parfaire jusqu'au paiement intégral de l'indu.

Condamner in solidum :

-Madame [V] [G] épouse [R]

-Monsieur [H] [G]

-Monsieur [D] [G]

-Monsieur [Z] [G]

-Madame [K] [G]-[F]

à payer à Mademoiselle [T] [U] la somme de 20 000 € au titre de la privation de jouissance de l'appartement.

Assortir l'ensemble des condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la signification de l'assignation en application de l'article 1153 du Code civil🏛.

Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil🏛.

Condamner in solidum :

-Madame [V] [G] épouse [R]

-Monsieur [H] [G]

-Monsieur [D] [G]

-Monsieur [Z] [G]

-Madame [K] [G]-[F]

à payer à Mademoiselle [T] [U] la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Condamner in solidum :

-Madame [V] [G] épouse [R]

-Monsieur [H] [G]

-Monsieur [D] [G]

-Monsieur [Z] [G]

-Madame [K] [G]-[F]

aux dépens qui seront recouvrés directement par les avocats de la cause qui en ont fait la demande et l'avance. »


L'instruction de l'affaire a été close le 10 mai 2022.



MOTIFS


L'article L. 145-5 du code de commerce🏛 dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 juin 2014🏛, applicable aux baux commerciaux signés antérieurement au 1er septembre 2014, dispose :

« Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans.

Si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local. 

Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier. »


Madame [U] [T] et la SASU Gabi sollicitent en premier lieu, la requalification des baux précaires qui ont été consentis par les consorts [G] sur les locaux situés à [Adresse 3], successivement à Madame [U] [T], à la SASU [A] et à la SASU Gabi, au motif que de fait Madame [Af] [T] a exploité successivement sous ses différentes entités juridiques.


Sur la prescription


Aux termes de l'article 145-60 du code de commerce🏛, toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre (qui s'intitule Du Bail Commercial) se prescrivent par 2 ans.


Toutefois, la fraude commise par le bailleur dans le but d'éluder le statut des baux commerciaux, tel que la signature d'un 2e bail dérogatoire signé avec un prête-nom, n'est pas soumise à la prescription biennale.


Le délai de la prescription à appliquer est donc celui de l'article 2224 qui énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.


Dans la présente instance, Madame [U] [T] et la SASU Gabi sollicitent la requalification du bail précaire accordé successivement à Madame [U] [T], à la SASU [A] et à la SASU Gabi en bail commercial pour fraude à l'application du statut des baux commerciaux.


Le 2e bail dérogatoire en date du 9 octobre 2013 consenti par les consorts [G] à la SASU [A], qui est contestable dans la mesure où il pourrait être démontré que les locaux ont été exploités de fait par Madame [U] [T], a commencé à courir le 15 octobre 2013 et s'est terminé le 15 septembre 2015.


C'est aussi à la date de signature de ce deuxième bail que Madame [U] [T] a su ou aurait dû savoir que le premier bail en date du 15 novembre 2011 était irrégulier.


Le délai de la prescription quinquennal, tant pour la demande de requalification du premier bail que celle du deuxième bail a ainsi commencé à courir à compter du 9 octobre 2013, date à partir de laquelle Madame [U] [T], qui, d'après elle, a exploité les lieux loués par la SASU [A], a su ou aurait dû savoir qu'il y avait fraude de la part des bailleurs.


Les exploits introductifs d'instance sont en date des 5 et 7 novembre 2018. Ainsi, tant pour la demande de requalification du 1er bail que pour celle du 2e, le délai de 5 ans était expiré à ces dates.


Il y a donc prescription de la demande de Madame [U] [T] et de la SASU Gabi de requalification des baux dérogatoires du 15 novembre 2011 et du 9 octobre 2013 en bail commercial.


Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a considéré que seule l'action en requalification du bail du 9 octobre novembre 2011 était prescrite, et que la demande en requalification du bail dérogatoire du 9 octobre 2013 n'était pas prescrite.


Au demeurant, Madame [U] [T] et la SASU Gabi ne sollicitent pas la requalification du 3e bail précaire du 2 septembre 2015 en bail commercial. Dès lors, les relations des parties sont régies par ce bail précaire.


Subséquemment, la décision attaquée qui a requalifié le bail du 09 octobre 2013 en bail commercial et a enjoint aux consorts [G] de communiquer un bail commercial à Madame [U] [T] sous astreinte est aussi infirmé.


Les autres demandes de Madame [U] [T] et de la SASU Gabi, notamment celles relatives à la sommation de déguerpir du 13 septembre 2018, au congé du 9 octobre 2018, à l'assignation en référé du 12 octobre 2018, aux loyers, et à la jouissance de l'appartement du 2e étage situé [Adresse 1], ne sont pas prescrites.


Sur le bail du 2 septembre 2015


Le bail du 2 septembre 2015 dont il n'est pas demandé par les intimées la requalification en bail commercial, est soumis aux dispositions de la loi du 18 juin 2014
.


L'article 145-5 du code de commerce🏛 dans sa rédaction issue de cette loi édicte :

« Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.

Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.

Lorsque le bail est conclu conformément au premier alinéa, un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location.


Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. »


Le bail du 2 septembre 2015 qui est intitulé « Bail précaire à loyer commercial (sans bénéfice de la propriété commerciale) », a été conclu pour une durée de 36 mois commençant à courir le 15 septembre 2015 pour se terminer le 14 septembre 2018, pour un loyer de 2500 € payable mensuellement d'avance.


Les consorts [Ab] ont fait délivrer à la SASU Gabi :

-le 13 septembre 2018, un congé pour le 14 septembre 2018,

-le 9 octobre 2018, une sommation de déguerpir,

-le 12 octobre 2018, une assignation en référé en expulsion et en fixation d'une indemnité d'occupation égale au dernier montant du loyer échu, charges en sus, à compter du 14 septembre 2018 jusqu'à la libération des lieux, outre un article 700 du CPC🏛 de 2500 €.


Les bailleurs ont ainsi clairement manifesté leur volonté de ne pas poursuivre leur relation contractuelle avec la locataire, et ce une fois avant l'expiration du bail et à deux reprises dans le délai d'un mois de l'échéance du 14 septembre 2018.


Afin qu'il soit retenu que dans le délai d'un mois, les consorts [Ab] ont laissé la SASU Gabi restée et en possession des locaux loués, Madame [U] [T] et la SASU Gabi soutiennent que ces 3 actes doivent être qualifiés de faux, qu'ils sont nuls et ne peuvent produire aucun effet au motif que [J] [B] épouse [G] était décédée le 4 septembre 2018.


En effet, dans le congé du 13 septembre 2018 et la sommation de déguerpir du 9 octobre 2018, l'huissier a mentionné qu'il agissait à la requête de :

« L'hoirie [Y] [G] et Madame [W] [G] représentée par Monsieur [D] [G], dûment habilité aux termes d'un pouvoir en date du 7 décembre 2013,

Monsieur [G] [Z] et Madame [G] [J] représentés par Madame [K] [F] dûment habilitée aux termes d'un pouvoir en date du 7 décembre 2013. »


L'assignation en référé du 12 octobre 2018 a été délivrée par l'huissier à la requête de

« 1/L'hoirie [Y] [G] et Madame [W] [G] prise en la personne de :

Madame [Aa] [Ab] épouse [Ak] née le 24/04/1953 à [Localité 9] (Tunisie) de nationalité française demeurant et domiciliée sis à [Adresse 8]

Monsieur [Ai] [G] né le 14/07/1948 à [Localité 9] (Tunisie) de nationalité française demeurant … … … … [… …]

Monsieur [G] [D] né le 24/08/1950 à [Localité 9] (Tunisie) de nationalité française demeurant … … … … [… …]

2/Monsieur [G] [Z] demeurant [… … […] […] … [… …] »


[J] [B] épouse [G] est ainsi désignée comme requérante alors qu'elle était décédée.


Les actes dressés par un huissier de justice, officier public, sont des actes authentiques.


Nonobstant, l'article 1371 du Code civil🏛 précise que l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté.


Dès lors, la mention erronée sur un des requérants, qui n'est pas un fait accompli ou constaté par l'huissier, ne permet pas de mettre en œuvre la procédure d'inscription de faux.


Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté les inscriptions de faux déposées par Madame [U] [T] par la SASU Gabi à l'encontre du congé du 13 septembre 2018, de la sommation de déguerpir du 9 octobre 2018 et de l'assignation en référé du 12 octobre 2018.


Néanmoins, si la mention selon laquelle l'huissier a agi à la requête de [J] [B] épouse [G] est nulle, cette nullité est circonscrite à cette mention et n'est pas de nature à entraîner la nullité de l'acte en son entier. Cet acte produit effet au bénéfice des requérants qui avaient qualité et pouvoir de le requérir.


Madame [U] [T] et la SASU Gabi soulèvent alors que les pouvoir qui auraient été donnés à Monsieur [D] [G] et à Madame [K] [F] née [G] le 7 décembre 2013 ne sont pas produits.


En effet, ces pouvoirs ne sont pas versés aux débats, nonobstant les observations des intimées tant en première instance qu'en appel.


En conséquence, dans le congé du 13 septembre 2018 et la sommation de déguerpir du 9 octobre 2018, le seul requérant ayant qualité et pouvoir pour agir est Monsieur [D] [G].


Dans l'assignation du 12 octobre 2018, les requérants ayant qualité et pouvoir pour agir sont Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [H] [G], Monsieur [D] [G], et Monsieur [Ad] [G].


Or aux termes de l'article 815-2 du Code civil🏛, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elle ne présente pas un caractère d'urgence.


Un congé, une sommation de déguerpir et une assignation en référé en expulsion à l'encontre d'un locataire sans droit ni titre et en fixation d'une indemnité d'occupation, qui ont pour objet la conservation des droits des co-indivisaires, entrent dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul, sans avoir à justifier d'un péril imminent.


Monsieur [D] [G] a donc valablement donné congé et fait délivrer une sommation de déguerpir à la SASU Gabi, tout comme Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [H] [G], Monsieur [D] [G], et Monsieur [Ad] [G] ont régulièrement fait assigner en référé la SASU Gabi en expulsion et en fixation d'une indemnité d'occupation.


Dès lors, le congé du 13 septembre 2018, la sommation de déguerpir du 9 octobre 2018 et l'assignation en référé du 12 octobre 2018 produisent leurs effets comme étant la manifestation de la volonté des consorts [G] de ne pas renouveler le bail précaire, et de ne pas laisser Madame [U] [T] et la SASU Gabi en possession des lieux.


En conséquence, par application de l'article 1737 du code civil🏛, le bail du 2 septembre 2015 a pris fin le 14 septembre 2018 et depuis, la SASU Gabi est occupante sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 3].


L'expulsion de la SASU Gabi et de tout occupant de son chef est ordonnée.


Sur le logement du 2e étage


Eu égard à l'expulsion ordonnée à l'encontre de la SASU Gabi, les intimées ne peuvent prétendre à la restitution de l'appartement situé au-dessus des lieux loués, logement auquel on accède par une autre entrée située au [Adresse 1].


De plus, l'article 2 du contrat de bail du 2 septembre 2015 stipule dans son article 2 « Désignation », que le local est composé d'un magasin au rez-de-chaussée et d'un local au premier étage, avec un escalier communiquant, d'une surface totale d'environ 60 m², dans un immeuble sis à [Adresse 3].


Il suit de là, sans nécessité d'aucune interprétation, que l'appartement situé au 2e étage n'est pas dans le périmètre du bail du 2 septembre 2015, même si les bailleurs ont pu prêter occasionnellement ce logement au preneur ou si celui-ci a pu l'occuper au sus des bailleurs.


Madame [U] [T] et la SASU Gabi sont déboutées toutes leurs demandes relatives à l'appartement du 2e étage et le jugement déféré est confirmé sur ce point.


Les consorts [Ab] soutiennent que ce logement est toujours occupé par Madame [U] [T] et la SASU Gabi, ce que contestent les intimées.


En tant que de besoin, il sera ordonné l'expulsion de la SASU Gabi et de Madame [U] [T] de l'appartement du 2e étage, situé [Adresse 1].


Sur la révision du loyer


Les baux précaires successifs n'étant pas requalifiés en bail commercial, Madame [U] [T] et la SASU Gabi ne peuvent prétendre à une réévaluation des différents loyers à la valeur locative par application des dispositions de l'article 145-1 et suivants du code de commerce🏛, lesquelles ne sont pas applicables.


Madame [U] [T] et la SASU Gabi sont déboutées de leur demande de ce chef.


Sur l'indemnité d'occupation


Les consorts [G] sollicitent la fixation de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 5000 € alors que le dernier loyer mensuel était fixé à la somme de 2500 € au motif que la valeur locative des locaux loués serait de 5000 €.


Cependant, ils ne produisent aucune pièce permettant de retenir que la valeur locative des locaux serait de 5000 €, ou qu'elle serait supérieure à 2500 €.


En conséquence, l'indemnité d'occupation est fixée à la somme de 2500 € mensuels, charges en sus.


Sur les demandes de dommages-intérêts


Eu égard aux développements qui précèdent, Madame [U] [T] et la SASU Gabi ne peuvent prétendre avoir subi un quelconque préjudice, et sont déboutées de leur demande de dommages et intérêts.


Sur les autres demandes


L'équité commande de faire bénéficier les consorts [G] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Madame [U] [T] et la SASU Gabi qui succombent, sont condamnées aux entiers dépens et sont déboutées de leur demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS


La Cour,


Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,


Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les inscriptions de faux déposées par Madame [U] [T] et la SASU Gabi à l'encontre du congé délivré le 13 septembre 2018, de la sommation de déguerpir signifiée le 9 octobre 2018 et de l'assignation en référé du 12 octobre 2018, en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en requalification du bail du 5 novembre 2011 comme prescrite, et en ce qu'il a débouté Madame [U] [T] et la SASU Gabi de leurs demandes relatives au logement situé au [Adresse 1],


L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,


Déclare prescrite la demande en requalification du bail précaire du 9 octobre 2013 en bail commercial,


Dit que les relations des parties sont régies par le bail précaire du 2 septembre 2015,


Rejette la demande de nullité de Madame [U] [T] et de la SASU Gabi du congé délivré le 13 septembre 2018, de la sommation de déguerpir signifiée le 9 octobre 2018 et de l'assignation en référé du 12 octobre 2018,


Dit que le bail du 2 septembre 2015 a pris fin le 14 septembre 2018,


Dit que la SASU Gabi est occupante sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 3], depuis le 15 septembre 2018,


Ordonne l'expulsion de la SASU Gabi et de tout occupant de son chef, des lieux loués situés [Adresse 3], au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,


Ordonne, si nécessaire, l'expulsion de Madame [U] [T], de la SASU Gabi et de tout occupant de son chef des lieux situés au [Adresse 1], au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,


Fixe l'indemnité d'occupation due par la SASU Gabi à la somme de 2500 € à compter du 15 septembre 2018 jusqu'à la libération effective des lieux, et la condamne à son paiement à Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [H] [G], Monsieur [D] [G], Monsieur [Ad] [G] et Madame [K] [G],


Déboute Madame [U] [T] et la SASU Gabi de toutes leurs autres demandes, notamment leurs demandes de dommages-intérêts,


Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,


Condamne Madame [U] [T] et la SASU Gabi à payer la somme de 800 € à Madame [Aa] [Ab] épouse [R], Monsieur [H] [G], Monsieur [D] [G], Monsieur [Ad] [G] et Madame [K] [G], à chacun, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


Condamne Madame [U] [T] et la SASU Gabi au dépens de première instance et d'appel,


Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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