Jurisprudence : CAA Douai, 3e, 07-07-2022, n° 21DA01218


Références

Cour administrative d'appel de Douai

N° 21DA01218

3e chambre
lecture du 07 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B A, épouse C, a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 18 mai 2019 par laquelle la rectrice de la région académique Normandie a supprimé son service au sein du lycée Albert Pourrière du Petit-Quevilly, d'ordonner son affectation au lycée Albert Pourrière à compter du 1er septembre 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Par un jugement n° 1902629 du 30 mars 2021 le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 18 mai 2019 par laquelle la rectrice de la région académique Normandie a supprimé le service de Mme A , , au sein du lycée Albert Pourrière du Petit-Quevilly, enjoint à la même rectrice de procéder à la réintégration juridique de Mme A à la date de son éviction et de réexaminer sa situation dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à Mme D application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2021 et le 17 mars 2022, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 18 mai 2019, enjoint à la rectrice de procéder à la réintégration juridique de Mme A, à la date de son éviction et de réexaminer sa situation dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à Mme A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A.

Il soutient que :

- le critère, visé à l'article R. 914-75 du code de l'éducation🏛, de la durée des services accomplis pour le choix des maîtres contractuels appelés à supporter des modifications horaires n'est pas exclusif d'autres éléments d'appréciation ;

- en se fondant sur un motif tiré des besoins et de l'intérêt du service et en dérogeant à l'ancienneté générale des services la rectrice a fait une correcte application de l'article R. 914-75 du code précité ;

- la discipline de " perruquier posticheur " est distincte de la discipline coiffure, aussi l'administration pouvait prendre en compte la circulaire n° 2005-25 du 28 novembre 2005 relative au mouvement des maîtres ou documentalistes car Mme A ne disposait de compétence que dans le domaine de la coiffure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, Mme B A représentée par Me Haas, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 mars 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 4 avril 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A, recrutée en 2010 en qualité de maître contractuel de l'enseignement privé, enseignait la coiffure au lycée Albert Pourrière, au Petit-Quevilly. Par décision du 18 mai 2019, la rectrice de la région académique Normandie a supprimé son service d'enseignement de dix-huit heures hebdomadaires à compter de la rentrée de septembre 2019. Par un jugement du 30 mars 2021 le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 18 mai 2019, enjoint à la rectrice de procéder à la réintégration juridique de Mme A, à la date de son éviction et de réexaminer sa situation dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à Mme A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et rejeté le surplus de la requête. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 18 mai 2019, enjoint à la rectrice de procéder à la réintégration juridique de Mme A, et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à Mme A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 914-75 du code de l'éducation🏛 : " Aux dates fixées chaque année par un arrêté du recteur, les chefs d'établissement transmettent au recteur, s'il s'agit d'un établissement du second degré, ou au directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, s'il s'agit d'un établissement du premier degré : 1° La liste des services, complets ou incomplets, y compris les services nouveaux auxquels il y aura lieu de pourvoir à la rentrée scolaire ; 2° La liste par discipline des maîtres pour lesquels il est proposé de réduire ou supprimer le service. Pour établir la liste, le chef d'établissement prend en compte la durée des services d'enseignement, de direction ou de formation accomplis par chacun d'eux dans les établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat. Les vacances survenant en cours d'année scolaire sont déclarées sans délai à l'autorité académique définie au premier alinéa du présent article lorsqu'il y a lieu d'y pourvoir avant la rentrée suivante ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration🏛, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret n° 2018-1047 du 28 novembre 2018, applicable à compter du 1er janvier 2019 : " Par dérogation à l'article R. 312-3-1, les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l'Etat sont publiées sur un site relevant du Premier ministre. Elles sont classées et répertoriées de manière à faciliter leur consultation ". L'article R. 312-7 du même code🏛 applicable en l'espèce prévoit que : " Les instructions ou circulaires qui n'ont pas été publiées sur l'un des supports prévus par les dispositions de la présente section ne sont pas applicables et leurs auteurs ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des administrés. / A défaut de publication sur l'un de ces supports dans un délai de quatre mois à compter de leur signature, elles sont réputées abrogées ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A, s'est vu notifier par lettre de la directrice du lycée Albert Pourrière du 18 mai 2019, la décision prise par la rectrice de la région académique Normandie de supprimer son service. Cette lettre relève que dans le cadre de " son établissement les impératifs en termes de compétence spécifique (perruquier posticheur) priment sur les règles d'ancienneté ". La rectrice de la région académique Normandie a ainsi, ce qui n'est pas contesté, fondé sa décision sur le seul critère tiré de la compétence spécifique de perruquier-posticheur dont ne justifiait pas Mme A pour supprimer le poste de coiffure qu'elle occupait. Toutefois, en fondant sa décision sur le seul critère tiré de cette absence de compétence spécifique, alors que les dispositions précitées du code de l'éducation ne prévoient que le critère tiré de la durée des services accomplis, comme l'ont à juste titre estimé les premiers juges, l'autorité rectorale a entaché sa décision d'erreur de droit.

5. Si la circulaire n° 2005-25 du 28 novembre 2005 relative au mouvement des maîtres et documentalistes prévoit que la durée des services ne présente pas un caractère exclusif, le ministre ne peut utilement se prévaloir d'une telle circulaire qui n'a pas été publiée conformément aux prescription de l'article R. 312-8 précité du code des relations entre le public et l'administration🏛.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 18 mai 2019 en litige.

Sur les frais de l'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A, et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à Mme B A, épouse C.

Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. E

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C Huls-Carlier

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