CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 297 FS-B
Pourvoi n° G 21-13.891
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022
M. [C] [B], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-13.891 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Aa] [L] [E] [N],
2°/ à Mme [H] [F], épouse [E],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Boré, Ab de Bruneton et Mégret, avocat de M. [B], de la SCP Gatineau, Ac et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [Ad], et l'avis de Mme Ae, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Af, Ag A, Greff-Bohnert, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 janvier 2021), M. [B], propriétaire d'un lot dans un lotissement, reprochant à M. et Mme [Ad], propriétaires d'un lot voisin, d'avoir, courant 2008, construit en limite de propriété un abri à usage d'appentis et de local à vélos en violation du cahier des charges, les a assignés en démolition et en indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. [B] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors « que l'action introduite sur le fondement de la violation du cahier des charges est soumise à une prescription trentenaire lorsque la clause dont la méconnaissance est invoquée institue un droit réel ; qu'en se bornant à constater, pour retenir que l'action formée par M. [B] visant à obtenir la démolition de la construction édifiée par les époux [E] en méconnaissance des stipulations du cahier des charges du lotissement était une action personnelle, que « l'action est fondée sur le non-respect du cahier des charges du lotissement qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toute les dispositions qui y sont contenues, quelle que soit sa date, nonobstant le plan local d'urbanisme en vigueur », sans rechercher ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les droits issus de la clause du cahier des charges dont la méconnaissance était invoquée par M. [B] n'étaient réels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 2227 du code civil🏛, ensemble l'
article 2224 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles 2224 et 2227 du code civil🏛 :
3. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
4. En application du second, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
5. L'action tendant à obtenir la démolition d'une construction édifiée en violation d'une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots en vertu d'une stipulation du cahier des charges d'un lotissement est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire.
6. L'action en réparation du préjudice personnel que prétend avoir subi le propriétaire d'un lot en raison de la violation des stipulations du cahier des charges est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale.
7. Pour rejeter les demandes de M. [Ah], l'arrêt retient que l'action est fondée sur le non-respect du cahier des charges du lotissement qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les dispositions qui y sont contenues, quelle que soit sa date, nonobstant le plan local d'urbanisme en vigueur, et qu'il s'agit, en conséquence, d'une action personnelle visant à obtenir la démolition des constructions, au motif qu'elles ont été édifiées par M. et Mme [Ad] au mépris de leurs engagements contractuels, et des dommages-intérêts.
8. Constatant que le délai de prescription a commencé à courir le 30 juin 2008, date d'achèvement des constructions et que l'action a été introduite par assignation du 23 septembre 2016, il en déduit que l'action en démolition, soumise à la prescription quinquennale, est prescrite.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application et le second par refus d'application.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cour d'appel ayant légalement justifié sa décision de déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action en indemnisation du préjudice personnellement subi par M. [B] du fait de la violation des stipulations du cahier des charges du lotissement, qui est une action personnelle, la cassation sera limitée au chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de démolition de la construction.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le chef de dispositif du jugement ayant déclaré irrecevable la demande d'indemnisation formée par M. [B] à l'encontre de M. et Mme [E], l'arrêt rendu le 8 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. et Mme [Ad] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. et Mme [Ad] et les condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Ab de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [B]
M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables ses demandes de démolition et d'indemnisation formées à l'encontre des époux [E] ;
1°) ALORS QUE l'action introduite sur le fondement de la violation du cahier des charges est soumise à une prescription trentenaire lorsque la clause dont la méconnaissance est invoquée institue un droit réel ; qu'en se bornant à constater, pour retenir que l'action formée par M. [B] visant à obtenir la démolition de la construction édifiée par les époux [E] en méconnaissance des stipulations du cahier des charges du lotissement était une action personnelle, que « l'action est fondée sur le non-respect du cahier des charges du lotissement qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toute les dispositions qui y sont contenues, quelle que soit sa date, nonobstant le plan local d'urbanisme en vigueur » (arrêt, p. 4, § 5), sans rechercher ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les droits issus de la clause du cahier des charges dont la méconnaissance était invoquée par M. [B] n'étaient réels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 2227 du code civil🏛, ensemble l'
article 2224 du même code ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les juges sont tenus de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que l'action formée par M. [B] visant à obtenir la démolition de la construction édifiée par les époux [E] en méconnaissance des stipulations du cahier des charges du lotissement était une action personnelle, quant il s'évince clairement des termes de la clause, dont la méconnaissance était invoquée par M. [B], qui met « à la charge et au profit de chaque lot » des « servitudes réciproques et perpétuelles » (article 7 du cahier des charges du lotissement), que les droits issus de cette clause étaient de nature réelle dès lors que celle-ci n'instaure pas d'obligation personnelle entre les colotis, mais une charge grevant chacun des lots au profit des autres, la cour d'appel a dénaturé le cahier des charges et violé le principe susvisé, ensemble l'
article 1134 du code civil🏛 dans sa rédaction applicable au litige.