Jurisprudence : CA Paris, 3, 2, 10-04-2013, n° 12/07515, Infirmation

CA Paris, 3, 2, 10-04-2013, n° 12/07515, Infirmation

A9143KBA

Référence

CA Paris, 3, 2, 10-04-2013, n° 12/07515, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8062421-ca-paris-3-2-10042013-n-1207515-infirmation
Copier

Abstract

Dans un arrêt en date du 10 avril 2013, la cour d'appel de Paris retient que l'homosexualité du mari constitue un grief justifiant le prononcé du divorce à ses torts exclusifs (CA Paris, Pôle 3, 2ème ch., 10 avril 2013, n° 12/07515 ; cf. en ce sens : CA Dijon, 6 juillet 2012, n° 09/00628, lire les observations d'Adeline Gouttenoire ; cf. l’Ouvrage "Droit du divorce").



Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 3 - Chambre 2
ARRÊT DU 10 AVRIL 2013 (n° 218, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 12/07515
Décision déférée à la Cour Jugement rendu le 27 Février 2012 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de PARIS - Section 2 - Cabinet 4
RG n° 10/32199
APPELANTE
Madame Myriam ... épouse ...
demeurant
PARIS
Représentée et assistée de Me Virginie BARDET, avocat au barreau de PARIS,
toque C0248
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/022337 du 01/06/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉ
Monsieur Nordine ...
demeurant
paris
Représenté et assisté de Me Michel NAVION, avocat au barreau de PARIS, toque D2087

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2013, en audience non publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Maryvonne DULIN, Présidente, et de Madame Florence BRUGIDOU, Conseiller chargé d'instruire l'affaire ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de Madame Maryvonne DULIN, Président
Madame Viviane GRAEVE, Président
Madame Florence BRUGIDOU, conseiller
Greffier, lors des débats Madame BESSE-COURTEL
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Maryvonne DULIN, Président et de Madame DORMANT, greffier présent lors du prononcé.

Madame Myriam ..., née le ..... à Besançon (Doubs) et Monsieur Nordine ..., né le ....., à Waziers (Nord), se sont mariés le 2 juin 2006 sans contrat préalable à Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg).
Aucun enfant n'est issu de cette union.
Sur la requête en divorce présentée par Madame Myriam ..., le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Paris, par ordonnance de non-conciliation en date du 25 mars 2010, a
-autorisé les époux à introduire l'instance selon les dispositions de l'article 1113 du Code de procédure civile
-prescrit les mesures provisoires nécessaires et notamment
*dit que les époux résideront séparément
*ordonné la remise des vêtements et objets personnels
*fixé à 300 euros la pension alimentaire mensuelle que Monsieur Nordine ... devra verser à son conjoint au titre du devoir de secours
*débouté Monsieur Nordine ... de sa demande de consultation du FICOBA *débouté Madame Myriam ... de sa demande de provision pour frais d'instance.
Par assignation du 7 décembre 2010, Madame Myriam ... a introduit l'instance sur le fondement de l'article 242 du Code Civil.

Par jugement du 27 février 2012, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Paris a
-prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal -ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux -rejeté les demandes de prestation compensatoire et de dommages-intérêts
-dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties
-débouté en conséquence Monsieur Nordine ... de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame Myriam ... a relevé appel de cette décision le 20 avril 2012. Monsieur Nordine ... a constitué le 4 juin 2012.
Par conclusions du 4 février 2013, Madame Myriam ... demande à la Cour de -la déclarer recevable et bien fondée en son appel
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en divorce aux torts exclusifs de son époux, et prononcé le divorce pour altération du lien conjugal
Statuant à nouveau,
-prononcer le divorce aux torts exclusifs de Monsieur Nordine ...
-ordonner la mention du jugement en marge de l'acte de mariage des époux ..., célébré à la mairie de la ville de Luxembourg, (Luxembourg) le 2 juin 2006, ainsi qu'en marge de leurs actes de naissance respectifs
-confirmer le jugement en ses dispositions sur le fait que Madame ... reprendra son nom de jeune fille à l'issue du divorce.
-confirmer le jugement en ses dispositions sur le fait que les avantages matrimoniaux seront révoqués
-infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame ... de sa demande de prestation compensatoire
Statuant à nouveau,
-condamner Monsieur ... à verser à Madame ... la somme de 20 000 eurosuros à titre de prestation compensatoire
-infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame ... de sa demande en dommages et intérêts Statuant à nouveau,
-condamner Monsieur ... à verser à Madame ... la somme de 20 000 eurosuros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral, sur le fondement des dispositions de l'article 266 du Code Civil à titre principal et 1382 du même code à titre subsidiaire.
-le condamner aux entiers dépens de la présente instance.
Par conclusions du 15 février 2013, Monsieur ... demande à la Cour de
In limine litis
-déclarer irrecevables les conclusions d'appel signifiées les 20 et 23 juillet 2012 en contradiction des prescriptions des articles 954 et 961 du Code de procédure civile
-si par extraordinaire la Cour devait considérer recevables les conclusions d'appel, et au fond
-écarter des débats les pièces communiquées par Mme ...
-confirmer la totalité du jugement
-condamner Madame ... à payer à Monsieur ... une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
-condamner Madame ... aux dépens.
La clôture a été prononcé le 12 février 2013.

SUR QUOI LA COUR,
Qui se réfère pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties à la décision déférée et aux écritures ;
Sur l'irrecevabilité
Considérant que les conclusions de Mme ... ont été complétées en ce qu'elles comportent les indications exigées par l'article 960 du Code de Procédure civile lesquelles figuraient déjà dans l'acte d'appel suppléant ainsi l'absence de ces mentions dans les premières conclusions ;
Considérant qu'aucune disposition ne sanctionne le défaut de mention dans le corps même des conclusions des pièces figurant dans le bordereau
Considérant que Mr ... conclut à l'irrecevabilité des pièces communiquées tardivement le 1er février 2013 dont Mme ... soutient qu'elles l'ont été par la voie du palais le 29 août 2012, l'intimé n'ayant pas postérieurement saisi le Conseiller de la mise en état d'un incident ; que quoi qu'il en soit les pièces qui sont les mêmes qu'en 1er instance ont donc bien été communiquées, le non respect de la simultanéité prévue par l'article 906 du Code de procédure civile n'étant pas sanctionnée ;
Sur le prononcé du divorce
Considérant que selon l'article 242 du Code Civil, il appartient à chaque époux qui sollicite le divorce de prouver les faits imputables à l'autre qui constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérables le maintien de la vie commune.
Considérant que Mme ... reproche à son époux son homosexualité ; que Mr ... sans contester ce grief soutient que celle-ci lui a proposé un mariage blanc pour lui permettre de cacher son orientation sexuelle à sa famille et, pour elle, de vivre de manière libérée sans la pression de sa famille ; que Mr ... conclut au divorce pour altération du lien conjugal ;
Considérant que si, comme l'a constaté le premier juge, les témoignages de part et d'autre sont contraires en ce que les témoins de Mme ... attestent de son désarroi lorsqu'elle a réalisé l'orientation sexuelle de son époux, sa famille dont son frère médecin confirmant l'éducation très libérale dont elle a, ainsi que lui, bénéficié notamment en partant vivre à Paris pour tenter une carrière musicale alors que ceux de Mr ... témoignent dans des attestations dont certaines sont très semblables sinon identiques de ce qu'elle connaissait parfaitement, sortant avec les mêmes amis, l'orientation sexuelle de Mr ... et qu'elle souhaitait s'affranchir de sa famille en souscrivant à un mariage blanc, ils ne remettent pas en cause les préférences sexuelles de l'époux ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que le grief allégué par Mme ... constitué par l'homosexualité de son époux est ainsi confirmé ; que dans ces conditions sont ainsi établis, à l'encontre de Mr ... des faits constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et justifiant le prononcé du divorce à ses torts ; que le mariage sera prononcé aux torts du mari;
Sur la prestation compensatoire
Considérant que le divorce met fin au devoir de secours entre époux mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;
Considérant que, dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération, notamment
- la durée du mariage
- l'âge et l'état de santé des époux
- leur qualification et leurs situations professionnelles
- les conséquences des choix professionnels fait par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faut encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial
- leurs droits existants et prévisibles
- leurs situations respectives en matière de pensions de retraite ;
Considérant que cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera, versement d'une somme d'argent, attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit ;
Considérant que le mariage a duré sept années à ce jour et la vie commune quatre ans ; que les époux sont âgés respectivement de 42 ans pour le mari et de 35 ans pour la femme ; qu'ils n'ont pas eu d' enfant ; qu'ils ne font état d'aucun problème de santé ; que Mme ... a produit la déclaration sur l'honneur visée par l'article 272 du Code Civil ;
Considérant que lors de l'audience de conciliation Mme ... déclarait percevoir le revenu de solidarité active ce qui était contesté par Mr ... qui soutenait qu'elle avait d'autres activités notamment celle d'escort girl ; que Mme ... indique être hôtesse de l'air en interim et avoir abandonné son emploi pour suivre son mari en Allemagne favorisant ainsi sa carrière et ayant des difficultés à retrouver du travail depuis qu'elle est rentrée en France ; qu'aucun élément du dossier ne permet de vérifier ces allégations tant sur l'organisation de la vie des époux pendant le mariage que sur l'exercice professionnel de Mme ... ;
Considérant que de son côté Mr ... dont les revenus mensuels s'élevaient à cette même date à 3000 euros ne produit aucune pièce ;
Considérant en conséquence qu'en raison de la courte durée de la vie commune et de l'âge des époux, notamment de Mme ... qui lui permet d'envisager de travailler et d'améliorer sa situation, il n'apparaît pas que la rupture du mariage crée une disparité entre les époux ; que le jugement sera confirmé ;
Sur le dommages et intérêts
Considérant, sur le fondement de l'article 266 du Code Civil, que des dommages-intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ou pour altération définitive du lien conjugal à la seule demande de l'autre époux ; que, par ailleurs, un époux, s'il a subi du fait des fautes de son conjoint un préjudice distinct de celui né de la dissolution du mariage, peut en obtenir réparation sur le fondement de l'article 1382 du même code ;
Considérant que Mme ... qui se fonde exclusivement sur le comportement de son conjoint durant le mariage, ne démontre pas avoir subi des conséquences du fait de sa dissolution excédant celles habituelles affectant toute personne se trouvant dans la même situation ; que la demande sur le fondement de l'article 266 du Code Civil sera rejetée ;
Considérant que Mme ... démontre avoir subi un préjudice moral spécifique distinct de celui né de la dissolution du mariage du fait des griefs retenus à l'encontre de son conjoint ; qu'elle établit l'humiliation notamment en résultant ; que la somme de 3000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil ; que la demande formée à ce titre par Mr ... sera rejetée ;
Considérant que l'intimé qui succombe sera condamné aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS
Rejette les exceptions d'irrecevabilité ;
Infirme le jugement ;
Prononce aux torts du mari le divorce de
Madame Myriam ..., née le ..... à Besançon (Doubs)
et
Monsieur Nordine ..., né le ....., à Waziers (Nord)
Ordonne les formalités de publicité légales ;
Ordonne la transcription du dispositif du présent jugement sur les registres de l'état civil déposés au Service Central de l'Etat Civil du Ministère des Affaires Etrangères établi à Nantes et la mention en marge des actes de naissance de chacun des époux, le mariage ayant été célébré le 2 juin 2006 à Luxembourg (Grand Duché de Luxembourg) ;
Dit que seul le dispositif du jugement pourra être reproduit pour la transcription de la décision dans un acte authentique ou dans un acte public ;
Ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des parties ; Condamne Mr ... à verser la somme de 3000 euros à Mme ... ;
Rejette les autres demandes ;
-Condamne Mr ... aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Agir sur cette sélection :

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.