Jurisprudence : TA Lyon, du 04-04-2013, n° 1302171

TA Lyon, du 04-04-2013, n° 1302171

A7428KBQ

Référence

TA Lyon, du 04-04-2013, n° 1302171. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8059672-ta-lyon-du-04042013-n-1302171
Copier

Abstract

L'atteinte alléguée à une liberté fondamentale en matière de droit au logement n'est pas établie dès lors qu'aucune carence caractérisée de la part de l'Etat ne saurait être retenue, tranche le tribunal administratif de Lyon dans un jugement rendu le 4 avril 2013 (TA Lyon, 4 avril 2013, n° 1302171).




TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LYON

N° 1302171

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

M. Aa A et Mme Ab B

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

M. Besle

Juge des référés

Le juge des référés

Ordonnance du 4 avril 2013

C-KE


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2013 sous le n° 1302171, présentée pour M. Aa A et Mme Ab B, élisant domicile chez Me Amar, 23 avenue Jean Jaurès à Lyon (69007), par Me Amar ; M. Ioan FECHETE et Mme Mabrina BERCENI demandent au juge des référés :

d’enjoindre au préfet du Rhône de leur assurer un hébergement adapté à leur situation dans un délai de deux jours sous astreinte de 120 euros par jour de retard ;

de mettre à la charge de l’Etat la somme de 800 euros à verser à Me Amar, avocat de M. Aa A et Mme Ab B, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛 ;

M. A et Mme B soutiennent qu’il est porté une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit à un hébergement d’urgence ; que cette atteinte est manifestement illégale dès lors que l’Etat a une obligation de résultat ; qu’elle méconnaît le principe de sauvegarde de la dignité humaine ainsi que les dispositions des alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946, des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, de l’article L. 112-4 du code de l’action sociale et des familles🏛 et de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2013, présenté par le préfet du Rhône tendant, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que l’injonction éventuellement prononcée ne soit pas assortie d’une astreinte, et qu’un délai raisonnable lui soit accordé pour trouver un hébergement ;

Le préfet soutient qu’il n’est pas justifié d’une situation d’urgence dès lors que les requérants sont arrivés en France de leur plein gré et que leur retour dans leur pays d’origine où ils ne sont pas menacés est possible, qu’ils n’ont pas manifesté leur détresse auprès du 115 avant d’être expulsés en vertu d’une décision de justice, qu’ils sont pris en charge dans une maison paroissiale d’où ils ne seront pas expulsés ; que l’atteinte alléguée à une liberté fondamentale n’est pas établie dès lors qu’obligation de moyens est remplie et qu’aucune carence caractérisée ne saurait être


N° 1302171

retenue ; qu’aucune atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale n’est établie compte tenu de la saturation des structures d’hébergement d’urgence ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 avril 2013, présentée pour M. A et Mme B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 2 janvier 2013 par laquelle le président du tribunal a désigné M. Besle, président, pour statuer sur les demandes de référé ;

Après avoir convoqué à une audience publique :

- Me Matari, avocat de M. A et Mme B ;

- le préfet du Rhône ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir au cours de l’audience publique du 3 avril 2013 à 15 heures présenté son rapport et entendu les observations de :

- Me Matari, avocat de M. A et Mme B, assistés de Mme Ac, interprète ;

Le préfet du Rhône n’étant ni présent, ni représenté ;

Après avoir fixé, à l’issue de l’audience, la clôture de l’instruction au 4 avril 2013 à 12 heures ;

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

1 Considérant qu’aux termes de l’article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : « Dans les cas d'urgence, (.…) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (…) par la juridiction compétente (.….) » ;

2 Considérant qu’en raison de l’urgence qui s’attache à ce qu’il soit statué sur la requête susvisée, il y a lieu d’admettre M. A et Mme B à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L.521-2 du code de justice administrative🏛 :

3 Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de


N° 1302171 3

droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » ; et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) » ; qu’enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (...) justifier de l’urgence de l’affaire » ;

4. Considérant que l’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles🏛 prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l’autorité du préfet « un dispositif de veille sociale chargé d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse » ; que l’article L. 345-2-2 précise que : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence (...) » ; qu’aux termes enfin de l’article L. 345- 2-3 : « Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (.…) » ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. A et Mme B, ressortissants roumains, occupaient illégalement depuis plusieurs mois, avec d’autres compatriotes, un terrain appartenant à la commune de Villeurbanne ; que, par ordonnance du 29 octobre 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a ordonné leur expulsion en leur fixant un délai de trois mois pour quitter les lieux ; qu’à l’expiration du délai imparti, l’ordonnance d’expulsion n’ayant pas été exécutée, le préfet du Rhône a prêté le concours de la force publique et le 28 mars 2013 les occupants du terrain ont été évacués ; que M. A et Mme B se sont alors retrouvés sans abri et ils ont été hébergés provisoirement dans une maison paroissiale, le week-end de Pâques ;

6. Considérant qu’il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ; qu’une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette tâche peut faire apparaître, pour l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ; qu’il incombe au juge des référés d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée ;

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en dépit de la décision de justice ordonnant leur expulsion, M. A et Mme B, qui n’ont pas d’enfant, n’ont entrepris aucune démarche pour trouver une solution d’hébergement ou pour quitter le territoire français sur lequel ils n’étaient plus autorisés à résider ; qu’ils ont attendu l’exécution forcée de leur expulsion pour prendre contact avec le service téléphonique d’hébergement d’urgence ainsi qu’avec les services sociaux de l’Etat pour se préoccuper de trouver une solution d’hébergement ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que compte tenu de leur âge, de leur situation de famille, les requérants n’ayant pas d’enfant à charge, et de leur état de santé, qu’ils pouvaient être prioritaires au regard des capacités d’accueil existantes, lesquelles, ainsi que l’établit le préfet, ont été notablement accrues et permettent de satisfaire près de soixante-quinze pour cent des demandes ; qu’ainsi, dans les circonstances de l’espèce, les autorités de l’Etat n’ont pas fait preuve d’une carence caractérisée de nature à faire apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale de M. A et Mme B ; que, par suite, l’ensemble des conclusions de leur requête ne


N° 1302171 4

peut qu’être rejeté ;


ORDONNE

Article 1”: M. A et Mme B sont admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La requête de M. A et Mme B est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M.Ioan A, à Mme Ab B et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Fait à Lyon, le 4 avril 2013.

Le juge des référés,

Ad C

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus