Jurisprudence : TA Orléans, du 02-04-2013, n° 1203157

TA Orléans, du 02-04-2013, n° 1203157

A5812KBU

Référence

TA Orléans, du 02-04-2013, n° 1203157. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8057261-ta-orleans-du-02042013-n-1203157
Copier

Abstract

Le tribunal administratif d'Orléans précise les conditions d'engagement d'une procédure de classement d'immeubles au titre de monuments historiques dans un jugement rendu le 2 avril 2013 (TA Orléans, 2 avril 2013, n° 1203157).




TRIBUNAL ADMINISTRATIF D'ORLÉANS

N° 1203157

Commune d’Orléans

Mme Voillemot

Rapporteur

Mme Le Toullec

Rapporteur public

Audience du 19 mars 2013

Lecture du 2 avril 2013

41-01-01-01


sc

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif d'Orléans


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 17 septembre et le 24 novembre 2012, présentés pour la commune d’Orléans, représentée par son maire, par la Selarl Symchowicz Weissberg Associés, avocats ; la commune d’Orléans demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 18 juillet 2012 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a ouvert une instance de classement au titre des monuments historiques pour les immeubles sis 45 à 77 rue des Carmes à Orléans ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 6.000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative🏛 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2013, présenté par la ministre de la culture et de la communication qui conclut au rejet de la requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2013, présenté par la commune d’Orléans, par la Selarl Symchowicz Weissberg Associés, avocats, qui maintient ses précédentes conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu le code de justice administrative ;


N°1203157

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 mars 2013 :

- le rapport de Mme Voillemot, rapporteur,

- les conclusions de Mme le Toullec, rapporteur public ;

- et les observations de Me Le Bouedec et de Me Proot, avocats représentant la commune d’Orléans ;

1. Considérant que par arrêté du 13 avril 2012, le préfet du Loiret a déclaré d’utilité publique les travaux de la ZAC Carmes-Madeleine sur le territoire de la commune d’Orléans ; que dans le cadre de la réalisation des travaux relatifs à cette ZAC, cinq permis de démolir ont été déposés le 13 juillet 2012 pour des immeubles situés entre le n° 45 et le n° 77 de la rue des Carmes ; que par arrêté du 18 juillet 2012, la ministre de la culture et de la communication a ouvert une procédure d’instance de classement au titre des monuments historiques pour les immeubles situés du n° 45 au n° 77 de la rue des Carmes à Orléans ; que la commune d’Orléans demande l’annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant qu’il ressort des termes de la décision attaquée que la ministre de la culture et de la communication a procédé à un examen particulier des circonstances dès lors qu’elle fait état des caractéristiques des immeubles qui lui semblent justifier une demande de classement et qu’elle mentionne le projet de démolition dans le cadre de la ZAC ; que ce moyen doit être écarté ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L.621-1 du code du patrimoine🏛 : « Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l’autorité administrative » ; qu’aux termes de l’article L.621-7 du code du patrimoine🏛 : « Lorsque la conservation d’un immeuble est menacée, l’autorité administrative peut notifier au propriétaire par décision prise sans formalité préalable une instance de classement au titre des monuments historiques » ;

4. Considérant que les dispositions précitées ne font pas obstacle à l’engagement d’une procédure de classement à l’égard d’un ensemble d’immeubles dès lors que leur conservation présente un intérêt public au sens de l’article L.621-1 précité; qu’en indiquant que les immeubles litigieux « constituent un ensemble cohérent d’urbanisme ancien, dans une ville qui a subi d’importantes destructions », la ministre de la culture et de la communication a entendu faire référence à l’intérêt de conserver les immeubles au point de vue de l’histoire dès lors qu’ils constituent un témoignage de l’architecture orléanaise existante avant les destructions engendrées par l’incendie de 1940 et la seconde guerre mondiale et au point de vue de l’art dans la mesure où la cohérence du bâti revêt un caractère esthétique ; que le moyen tiré de l’erreur de droit doit être écarté ;

5. Considérant qu’il ressort du procès-verbal de la commission régionale du patrimoine et des sites du 19 octobre 2011 que celle-ci a considéré que la conservation des immeubles du n° 45 et des n°° 59-61 de la rue des Carmes présente un intérêt historique et artistique ; qu’il est


N°1203157 3

ainsi relevé pour l’immeuble situé au n° 45 que sa préservation présente « un intérêt d’histoire et d’art suffisant en raison, d’une part du caractère exemplaire du bâtiment qui porte témoignage d’une période charnière de l’histoire de l’urbanisme d’Orléans et qui est caractéristique des immeubles de rapport construits dans les grandes villes à la fin du XVIIIème siècle ; en raison d’une part de l’intérêt propre de l’architecture, œuvre bien documentée de l’architecte orléanais Aa Ab, construite en 1794 selon un projet conservé aux archives départementales du Loiret et dernier élément encore en place d’une série de sept, les autres immeubles ayant été bombardés en 1944. Les transformations subies par l’édifice n’ayant pas affecté en profondeur sa structure et ses dispositions d’origine qui demeurent tout à fait lisibles ; que la commission considère également que la préservation des immeubles situés aux n°° 59-61 de la rue des Carmes « présente un intérêt d’histoire et d’art suffisant, en raison d’une part de leur appartenance à une typologie bien identifiée à Orléans de maison de commerce, dont l’aspect est conservé derrière la devanture moderne du n° 59 qui cache deux arcatures cintrées et moulurées d’origine ouvrant sur une boutique ; en raison d’autre part de l’intérêt architectural de ces édifices construits sur deux niveaux de caves d’origine médiévale et datant eux-mêmes de la première moitié du XVIème siècle ainsi que le révèlent divers éléments architecturaux encore en place : baies moulurées des deux immeubles, haut pignon d’angle, charpente à pannes et entraits retroussés moisés dont les poutres de plancher des combes ont été datées de 1527 par analyse dendrochronologique » ; que compte tenu de ces éléments, la conservation des immeubles des n° 45 et n°° 59-61 de la rue des Carmes présente un intérêt historique et artistique justifiant la demande de classement attaquée ;

6. Considérant, en revanche, que si l’ensemble des immeubles concernés par la décision attaquée est classé en secteur 1 de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) de la commune d’Orléans dans lequel le bâti d’intérêt architectural « représente entre 90% et 95% de l’ensemble des constructions », cet élément d’une portée très générale concernant «les quartiers historiques du centre d’Orléans, le cœur historique, les développements dans l’intra-mail et le faubourg Saint-Marceau » n’est pas de nature à établir l’existence d’un intérêt public à la conservation des immeubles n°° 47, 49, 51, 53, 55, 57, 63, 65, 67, 69, 71, 73, 75, 77 et 77B de la rue des Carmes d’un point de vue historique et artistique ; que la circonstance que la rue des Carmes constitue un axe historiquement important de la ville d’Orléans ne permet pas davantage de justifier une demande de classement au titre des monuments historiques de ces quinze immeubles ; qu’enfin, en se bornant à invoquer les qualités intrinsèques de ces immeubles, sans préciser quelles seraient ces qualités, la ministre de la culture et de la communication n’établit pas l’existence d’un intérêt public à leur conservation ; que, par suite, la ministre de la culture et de la communication a fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L.621-1 et L.621-7 du code du patrimoine en incluant dans le périmètre de l’instance de classement les immeubles n°° 47, 49, 51, 53, 55, 57, 63, 65, 67, 69, 71, 73, 75, 77 et 77B de la rue des Carmes ;

7. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi par les pièces du dossier dès lors que, comme il vient d’être indiqué au point 5 ci-dessus, la conservation de certains des immeubles concernés présente un intérêt d’un point de vue de l’histoire et de l’art ; qu’ainsi, il n’est pas établi que la demande de classement, qui était justifiée par un intérêt public et fondée sur des considérations relatives à la conservation du patrimoine, aurait eu pour objectif de faire échec au projet d’aménagement urbain engagé par la commune d’Orléans ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune d’Orléans est uniquement fondée à demander l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle place sous le régime de l’instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles n°° 47, 49, 51, 53, 55, 57, 63, 65, 67, 69, 71, 73, 75, 77 et 77B de la rue des Carmes ;


N°1203157 4

Sur les conclusions aux fins d’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme demandée par la commune d’Orléans, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


DECIDE:

Article 1" : La décision du 18 juillet 2012 du ministre de la culture et de la communication est annulée en tant qu’elle place sous le régime de l’instance de classement au titre des monuments historiques les immeubles n°° 47, 49, 51, 53, 55, 57, 63, 65, 67, 69, 71, 73, 75, 77 et 77B de la rue des Carmes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune d’Orléans est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commune d'Orléans et à la ministre de la culture et de la communication.


Délibéré après l’audience du 19 mars 2013, à laquelle siégeaient :

M. Mésognon, président,

Mme Voillemot, conseiller,

M. Hanry, conseiller.

Lu en audience publique le 2 avril 2013.

Le rapporteur, Le président,

Clémentine VOILLEMOT Didier MESOGNON

Le greffier,

Aurore GOMA-BALLOU

La République mande et ordonne à la ministre de la culture et de la communication en ce qui la concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus