CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
353416
SAS CAJEPHI
M. Jérôme Marchand-Arvier, Rapporteur
M. Rémi Keller, Rapporteur public
Séance du 7 mars 2013
Lecture du
27 mars 2013
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 4ème sous-section)
Vu l'ordonnance n° 1005668 du 13 octobre 2011, enregistrée le 17 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Montpellier a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête qui lui avait été transmise par une ordonnance du président du tribunal administratif de Paris en date du 14 décembre 2010, présentée à ce tribunal par la SAS CAJEPHI, représentée par son président, dont le siège est lieu dit Camp Esprit, RN 608, à Villemagne l'Argentière (35600) ;
Vu la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 8 décembre 2010, présentée par la SAS CAJEPHI tendant à :
1°) l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 octobre 2010 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Soherdis l'autorisation préalable requise en vue de l'extension de 589 m² de la surface de vente du supermarché à l'enseigne " Super U " de 2 417 m² et de la création d'un point de chaud de 77, 5 m² de surface de vente dans la galerie marchande annexée au supermarché, portant sa surface de vente globale à 3 083, 5 m², sur le territoire de la commune de Bédarieux (Hérault) ;
2°) la mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;
Vu le décret n° 2011-921 du 1er août 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
Sur la légalité de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial :
En ce qui concerne l'absence d'avis des ministres intéressés :
1. Considérant que, dans le délai du recours contentieux, la SAS CAJEPHI s'est bornée à invoquer contre la décision qu'elle attaque des moyens de légalité interne ; que le moyen qu'elle a soulevé dans son nouveau mémoire devant le Conseil d'Etat, tiré de l'absence de consultation des ministres intéressés, qui relève d'une cause juridique distincte et n'est pas d'ordre public n'est, dès lors, pas recevable ;
En ce qui concerne le contenu du dossier de demande :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code de commerce : " I. - La demande d'autorisation est accompagnée : / 1° D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; / 2° Des renseignements suivants : / a) Délimitation de la zone de chalandise du projet telle que définie à l'article R. 752-8 (.) / II. - La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L.752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : / 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; / 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; / 3° La gestion de l'espace ; / 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; / 5° Les paysages et les écosystèmes " ;
3. Considérant, qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que le dossier de demande présenté par la société pétitionnaire devant la commission nationale doit contenir des informations ou des mentions relatives à la surface hors œuvre nette du bâtiment, ainsi qu'à l'emprise au sol des aires de stationnement du projet ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance du dossier de demande est infondé et doit être écarté ;
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions d'urbanisme :
4. Considérant que les autorisations commerciales et les autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'autorisation attaquée aurait été prise en méconnaissance des exigences du code de l'urbanisme concernant, d'une part, les constructions réalisées sur des terrains situés dans une zone soumise à un risque d'inondation et, d'autre part, la détermination de la surface maximale susceptible d'être affectée à un parc de stationnement ne peuvent qu'être écartés ;
En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale :
5. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;
6. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante soutient que la commission nationale aurait méconnu l'objectif d'aménagement du territoire posé par le législateur, elle n'apporte pas à l'appui de ces allégations d'éléments de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée, dès lors notamment que la conformité des constructions envisagées au plan de prévention des risques ne relève pas de la compétence de la commission nationale d'aménagement commercial ;
7. Considérant, en second lieu, que la société requérante soutient que le projet contesté nuirait à l'animation urbaine, elle se borne à se référer à la densité commerciale dans la zone de chalandise ; que, dès lors que la commission nationale n'avait pas à prendre en compte ce critère pour se prononcer sur l'autorisation dont elle était saisie, le moyen ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application des dispositions du code de commerce en confirmant l'autorisation d'extension que la commission départementale avait accordée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société SAS CAJEPHI ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société SAS CAJEPHI la somme de 5 000 euros à verser à la société Soherdis ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS CAJEPHI est rejetée.
Article 2 : La SAS CAJEPHI versera à la société Soherdis une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS CAJEPHI, à la société Soherdis et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré dans la séance du 7 mars 2013 où siégeaient : M. Marc Dandelot, Président de sous-section, présidant ; M. Fabien Raynaud, Conseiller d'Etat et M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes-rapporteur.