Jurisprudence : CE 1/6 SSR., 20-03-2013, n° 354115

CE 1/6 SSR., 20-03-2013, n° 354115

A8576KAU

Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2013:354115.20130320

Identifiant Legifrance : CETATEXT000027198462

Référence

CE 1/6 SSR., 20-03-2013, n° 354115. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8044637-ce-16-ssr-20032013-n-354115
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

354115

ASSOCIATION FORCE 5

M. Eric Aubry, Rapporteur
Mme Suzanne von Coester, Rapporteur public

Séance du 25 février 2013

Lecture du 20 mars 2013

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Association Force 5, dont le siège est au Keringar à Plougasnou (29630) ; l'association demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 juillet 2011 accordant la concession d'exploitation du gisement de sables coquilliers dite "Concession des Duons", au large des côtes du département du Finistère, à la Compagnie armoricaine de navigation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code minier ;

Vu le décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Aubry, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Compagnie armoricaine de navigation,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Compagnie armoricaine de navigation ;

1. Considérant que le décret attaqué du 19 juillet 2011 accorde à la Compagnie armoricaine de navigation la concession de sables coquilliers dite " concession des Duons " portant sur les fonds du domaine public maritime au large des côtes du département du Finistère, en baie de Morlaix ; que cette concession est accordée pour une durée de vingt-cinq ans et pour un volume d'extraction de sables limité à 50 000 m3 par an ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 6 juillet 2006 relatif à la prospection, à la recherche et à l'exploitation de substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains : " Le demandeur peut présenter simultanément la demande de titre minier et la demande d'autorisation d'ouverture de travaux de recherches ou d'exploitation. Lorsque la demande de titre minier concerne le domaine public maritime, elle est accompagnée de la demande d'autorisation domaniale. / Le dossier unique dont sont assorties ces demandes en vue d'une instruction simultanée comprend : (.) 5° l'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement " ; que la Compagnie armoricaine de navigation a présenté simultanément une demande d'octroi de concession minière et une demande d'autorisation d'ouverture de travaux miniers dans le cadre de cette concession ;

3. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'étude d'impact serait entachée d'inexactitudes ou d'insuffisances de nature à avoir nui à l'information du public ou exercé une influence sur la décision de l'autorité administrative ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du V de l'article L. 414-1 du code de l'environnement, qui transpose les dispositions de l'article 6 de la directive 92 /43 du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages relatives aux zones dites " Natura 2000 ", au nombres desquelles figure la baie de Morlaix : " Les sites Natura 2000 font l'objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l'objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces./ Ces mesures sont définies en concertation notamment avec les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements concernés ainsi qu'avec des représentants de propriétaires, exploitants et utilisateurs des terrains et espaces inclus dans le site. / Elles tiennent compte des exigences économiques, sociales, culturelles et de défense, ainsi que des particularités régionales et locales. Elles sont adaptées aux menaces spécifiques qui pèsent sur ces habitats naturels et sur ces espèces. Elles ne conduisent pas à interdire les activités humaines dès lors qu'elles n'ont pas d'effets significatifs sur le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable de ces habitats naturels et de ces espèces (.) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des données fournies par l'étude d'impact et par l'évaluation des " incidences Natura 2000 " en mer, ainsi que des conditions fixées par le cahier des charges spécifiques annexé au décret attaqué, que les effets du projet sur la zone spéciale de conservation et la zone de protection spéciale de la baie de Morlaix sont réduits, en raison à la fois de la localisation du périmètre d'extraction, de la faible superficie de ce dernier, du caractère peu bruyant des navires utilisés, du caractère limité des perturbations du milieu et des incidences faibles sur la faune et la flore marines ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la concession d'exploitation de sables coquilliers autorisée par le décret attaqué serait susceptible de porter atteinte à l'état de conservation de sites protégés par les dispositions de l'article L. 414-1 du code de l'environnement ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la Compagnie armoricaine de navigation, l'Association Force 5 n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Compagnie armoricaine de navigation qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Compagnie armoricaine de navigation au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Association Force 5 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Compagnie armoricaine de navigation tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Association Force 5, à la Compagnie armoricaine de navigation, au Premier ministre, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et au ministre du redressement productif.

Délibéré dans la séance du 25 février 2013 où siégeaient : M. Jacques Arrighi de Casanova, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; Mme Christine Maugüé, Mme Pascale Fombeur, Présidentes de sous-section ; M. Marc Sanson, M. Yves Doutriaux, M. Michel Thénault, M. François Delion, Conseillers d'Etat ; M. Eric Aubry, Conseiller d'Etat-rapporteur et M. Didier Ribes, Maître des Requêtes.

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