CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
349636
MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
c/ M. et Mme Chauvin
M. Romain Victor, Rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, Rapporteur public
Séance du 1er mars 2013
Lecture du
20 mars 2013
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, enregistré le 25 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 08MA04150 du 7 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel formé par M. et Mme Chauvin, a annulé le jugement n° 0623829 du 24 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, rejeté la demande des intéressés tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2002 et, d'autre part, réduit la base de l'impôt sur le revenu qui leur a été assigné au titre de l'année 2002 d'une somme de 225 624 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Romain Victor, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. et Mme Chauvin,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. et Mme Chauvin ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Chauvin, qui exploitait une entreprise individuelle de louage de fonds et de vente de prothèses orthopédiques sous l'enseigne " Sud-Implant ", a constitué en 1996, dans le cadre d'un litige l'opposant à un ancien agent commercial, une provision d'un montant de 225 624 euros ; que, le 31 décembre 2002, M. Chauvin a définitivement cessé son activité et demandé la radiation de son entreprise du registre du commerce et des sociétés ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet, l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2002 la provision pour litige passée en 1996 ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel de M. et Mme Chauvin, a, d'une part, annulé le jugement du 24 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande des intéressés tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis en conséquence de ce redressement au titre de l'année 2002 et, d'autre part, réduit la base de l'impôt sur le revenu qui leur a été assigné au titre de cette même année de la somme de 225 624 euros ;
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (.) notamment : / (.) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (.). Les provisions qui, en tout ou en partie, (.) deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux redressements nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet. Dans ce cas, les provisions sont, s'il y a lieu, rapportées aux résultats du plus ancien des exercices soumis à vérification " ; qu'aux termes de l'article 201 du même code : " 1. Dans le cas (.) de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise (.) dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise (.) et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi (.) " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de cessation totale d'une entreprise individuelle, les provisions antérieurement constituées en vue de faire face à des pertes ou charges que des événements en cours rendaient probables doivent être rapportées aux résultats du dernier exercice d'exploitation en vue de l'imposition immédiate des bénéfices réalisés dans cette entreprise qui n'ont pas encore été imposés, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le risque en considération duquel les provisions ont été passées n'aurait pas disparu à la date de la cessation de l'entreprise ;
4. Considérant, dès lors, que la cour a commis une erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que M. Chauvin avait définitivement cessé son activité exercée à titre individuel le 31 décembre 2002, que la provision pour litige constituée en 1996 n'était pas devenue sans objet du seul fait de la cessation d'activité et n'avait perdu son objet qu'en 2004, lorsque la cour d'appel de Grenoble a rejeté l'appel que l'ancien agent commercial de l'entreprise Sud-Implant avait formé contre le jugement du 28 mai 2002 du tribunal de grande instance de Valence l'ayant débouté de ses demandes et en en déduisant que le service vérificateur avait à tort réintégré la provision litigieuse dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2002 ; que le ministre est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt du 7 avril 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme Chauvin présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. et Mme Jean-Luc Chauvin.
Délibéré dans la séance du 1er mars 2013 où siégeaient : M. Alain Ménéménis, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; M. Gilles Bachelier, M. Jean Courtial, Présidents de sous-section ; M. Patrick Stefanini, Mme Marie-Hélène Mitjavile, Mme Caroline Martin, M. Stéphane Gervasoni, M. Régis Fraisse, Conseillers d'Etat et M. Romain Victor, Maître des Requêtes en service extraordinaire-rapporteur.