Jurisprudence : Cass. com., 19-03-2013, n° 11-23.155, F-P+B, Rejet

Cass. com., 19-03-2013, n° 11-23.155, F-P+B, Rejet

A5798KAY

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:CO00273

Identifiant Legifrance : JURITEXT000027209739

Référence

Cass. com., 19-03-2013, n° 11-23.155, F-P+B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8041858-cass-com-19032013-n-1123155-fp-b-rejet
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Abstract

La délibération contenant répartition du prix de cession d'un élément d'actif de la société, devenue définitive à la suite de la vente de cet actif constitue un commencement d'exécution de la délibération qui fait naître pour les associés un droit acquis, non à des dividendes qui n'ont pas d'existence juridique lors du vote de la délibération, mais seulement à la mise en oeuvre des modalités de répartition applicables aux bénéfices qui seraient constatés à la suite de la cession de l'immeuble décidée par cette assemblée.



COMM. SM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 mars 2013
Rejet
M. ESPEL, président
Arrêt no 273 F-P+B
Pourvoi no W 11-23.155
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ la Société civile d'investissements financiers et immobiliers (SCIFI), dont le siège est Tours,
2o/ M. Privat Y, domicilié Tours,
3o/ Mme Christine Y, épouse Y, domiciliée Paris,
4o/ M. Michel X, domicilié Philippe Paris,
5o/ M. Gérard V, domicilié Port-Sainte-Foy-et-Ponchapt,
6o/ M. Philippe WY, domicilié Michel Saint-Avertin,
7o/ Mme Janine UY, épouse UY, domiciliée Tours,
8o/ Mme Anne-Marie TX, épouse TX, domiciliée Philippe Paris,
9o/ Mme Jacqueline VS, épouse VS, domiciliée Port-Sainte-Foy-et-Ponchapt,
10o/ Mme Huguette U, épouse U, domiciliée Tours,
contre l'arrêt rendu le 20 juin 2011 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige les opposant
1o/ à Mme Marie-Pierre TW, épouse TW, domiciliée Paris,
2o/ à M. Philippe TWY, domicilié Tours,
3o/ à Mme Isabelle TW, épouse TW, domiciliée Saint-Florent,
4o/ à M. Jean-Philippe R, domicilié Paris,
5o/ à Mme Anne-Marie TWR, épouse TWR, domiciliée Paris,
6o/ à Mme Suzanne Q, domiciliée Tours,
7o/ à la société Univers développement, société à responsabilité limitée, dont le siège est Tours,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 février 2013, où étaient présents M. Espel, président, M. Le Dauphin, conseiller rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Dauphin, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Société civile d'investissements financiers et immobiliers, de MM. ... et WY WY, de Mme Christine Y, de MM. X, et Derouteau, de Mmes ... et U U, de Mmes T et S S, de la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat de Mmes ..., ... et TW TW, de MM. TWY TWY et R R, de Mme Q et de la société Univers développement, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 20 juin 2011), que la Société civile d'Investissements financiers et immobiliers (la société) est propriétaire d'un immeuble donné à bail à une personne morale qui y exploite un fonds d'hôtel-restaurant ; que les associés, réunis en assemblée le 26 décembre 2007 ont décidé, à l'unanimité, de vendre l'immeuble pour un prix non inférieur à un certain montant ; qu'ils ont en outre décidé, également à l'unanimité, qu'il serait procédé, après réalisation de la vente et paiement des dettes sociales, au " partage de l'actif " qui en résulterait selon des modalités déterminées, dérogatoires aux statuts ; qu'une nouvelle assemblée ayant été convoquée pour le 29 février 2008, les associés ont décidé, à la majorité prévue par les statuts, " d'annuler " ces décisions et de verser aux associés une certaine somme à titre d'acompte sur le résultat de l'exercice ; que faisant notamment valoir que les associés avaient un droit acquis à ce que les bénéfices devant résulter de la vente de l'immeuble soient répartis conformément aux délibérations adoptées le 26 décembre 2007, Mme TW et cinq autres personnes physiques, ainsi que la société Univers développement (les associés minoritaires), ont fait assigner M. Y et huit autres personnes physiques (les associés majoritaires), ainsi que la société, aux fins d'annulation des décisions prises par l'assemblée du 29 février 2008 ;

Attendu que les associés majoritaires et la société font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen
1o/ qu'une décision d'assemblée générale prise à la majorité statutaire peut revenir sur une décision antérieure, dès lors que cette dernière n'a pas fait naître de droit acquis au profit d'un ou plusieurs associés ; que le droit acquis des associés aux dividendes résulte de l'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la décision du 26 décembre 2007 relative à la répartition du produit de la vente d'un immeuble appartenant à la société SCIFI avait été votée en même temps que la décision de vendre ledit immeuble ; qu'il en résultait que la délibération litigieuse portait sur la répartition de dividendes simplement éventuels, laquelle pouvait dès lors être rapportée à la majorité statutaire en l'absence d'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale et de la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables, comme le soutenaient la société et les associés majoritaires ; qu'en prononçant la nullité de la délibération du 29 février 2008 comme revenant, à la majorité statutaire et non à l'unanimité, sur la répartition du produit de la vente décidée le 26 décembre 2007, sans constater qu'au 29 février 2008, les comptes de résultat avaient été approuvés par l'assemblée générale constatant l'existence de sommes distribuables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1836, alinéa 2, 1844-1 et 1852 du code civil ;
2o/ qu'à supposer même qu'une assemblée générale ne puisse revenir, à la majorité statutaire, sur une précédente décision prise à l'unanimité qu'à la condition que cette dernière n'ait reçu aucun commencement d'exécution, ce commencement d'exécution ne saurait consister, s'agissant d'une décision de répartitions de dividendes, que dans la mise en paiement de ces derniers ; que pour dire que la répartition inégalitaire du prix de vente de l'immeuble de la société SCIFI, décidée par une délibération unanime du 26 décembre 2007, ne pouvait être remise en cause par la délibération, prise à la majorité statutaire, du 29 février 2008, la cour d'appel a retenu qu'elle était indivisible de la décision de vendre l'immeuble, laquelle avait reçu un commencement d'exécution puisque la vente avait été conclue le 14 février 2008 ; qu'en déduisant cette indivisibilité de la seule circonstance que ces délibérations du 26 décembre 2007 avaient été " votées après échanges de vues, d'observations et d'explications, notamment relatives au partage de l'actif ", circonstance qui n'établissait nullement que les associés aient entendu faire de la répartition inégalitaire du produit de la vente une condition de leur accord à la vente elle-même, la cour d'appel, qui n'a pas suffisamment caractérisé l'existence d'une prétendue indivisibilité entre les première et troisième délibérations du 26 décembre 2007, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1852 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir estimé, par une appréciation souveraine du sens et de la portée des termes du procès-verbal de l'assemblée des associés du 26 décembre 2007, que la décision de vendre l'immeuble appartenant à la société avait été prise en considération de l'accord concomitamment conclu sur une répartition du produit de la cession selon des modalités différentes de celles prévues par les statuts, ce dont elle a pu déduire que ces décisions étaient indivisibles, la cour d'appel a constaté que la vente de l'immeuble, intervenue le 14 février 2008, constituait un commencement d'exécution de ces délibérations ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas dit que les associés avaient un droit acquis à des dividendes qui n'avaient pas d'existence juridique lors de l'assemblée du 26 décembre 2007, mais seulement à la mise en oeuvre des modalités de répartition applicables aux bénéfices qui seraient constatés à la suite de la cession de l'immeuble décidée par cette assemblée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société civile d'Investissements financiers et immobiliers, MM. ... et WY WY, Mme Christine Y, MM. X et V, Mmes ... et U U, et Mmes T et S S, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros à Mmes ..., ... et TW TW, MM. TWY TWY et R, Mme Q et à la société Univers développement ; rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la Société civile d'investissements financiers et immobiliers, MM. ... et WY WY, Mme Christine Y, MM. X et V, Mmes ... et U U, et Mmes T et S S
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé les délibérations numéros TROIS et CINQ de l'assemblée générale de la société civile d'Investissements Financiers et Immobiliers du 29 février 2008 et dit, en conséquence, que les résolutions TROIS et QUATRE de l'assemblée générale du 26 décembre 2007 recevront pleine et entière exécution ;
AUX MOTIFS QUE " la résolution numéro 3 était ainsi rédigée " L'assemblée générale décide qu'après réalisation de la vente susvisée, il sera procédé comme indiqué ci-dessous au partage de l'actif résultant de cette vente, au plus tard le 28 février 2008, après paiement de toutes dettes sociales, notamment le remboursement des comptes courants d'associés, et nonobstant toute disposition contraire des statuts auxquels ils déclarent expressément déroger, la répartition ci-dessous arrêtée correspondant exactement à la résultante de leurs participations respectives dans la société à la date de ladite vente, d'une part, et d'un ensemble d'engagements et rapports d'affaires liés à cette participation et dont ils ont parfaite connaissance, d'autre part
- Madame Huguette U 674.593 euros
- Monsieur Privat Y 318.924 euros
- Madame Janine OY 628.311 euros
- Monsieur Philippe WY 591.566 euros
- Madame Christine Y Y 591.566 euros
- Indivision T 284.438 euros
- Monsieur Gérard V 288.000 euros
- Monsieur Michel X 142.000 euros
- EURL L'UNIVERS DÉVELOPPEMENT le solde "
Que, aux termes de la quatrième résolution, adoptée, comme la précédente, à l'unanimité, " les associés déclarent que l'application de la résolution qui précède aura pour effet de les satisfaire valablement de tous engagements et rapports d'affaires qu'elle vise, et qu'ils en seront ainsi mutuellement et définitivement libéré dès la liquidation de ladite répartition ". Que les intimés soulèvent la nullité de ces deux délibérations, aux motifs qu'elles comporteraient une répartition des bénéfices sociaux contraires aux statuts et qu'elles auraient été adoptées par fraude ; Sur le premier point, que l'article 1844-9 du Code civil permet de déroger au principe d'un partage du boni de liquidation, proportionnel à la participation des associés dans le capital social, puisqu'il est expressément stipulé " sauf clause ou convention contraire " ;
Qu'il en va de même, a fortiori, des modalités de répartition des dividendes, les associés ayant parfaitement le droit, par une convention adoptée à l'unanimité, de prévoir que les bénéfices sociaux seront répartis entre eux dans des proportions différentes de celles instituées par les statuts ; Que l'article 1854 du Code civil dispose, en effet, que les décisions collectives peuvent résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte ; Que les associés ont ainsi, en l'occurrence, valablement décidé, par un vote à l'unanimité, d'un mode de répartition de l'actif à résulter de la cession différent de celui prévu aux statuts, auxquels ils ont expressément indiqué vouloir déroger ; Par ailleurs qu'il résulte de l'article 1844-10 du Code civil que la nullité des délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du titre IX du livre III du Code civil, relatif aux sociétés, ou des règles de validité du contrat ; Qu'il s'en déduit que le non-respect des stipulations des statuts n'est pas sanctionné par la nullité ; (...) Que le moyen tenant à la nullité des résolutions 3 et 4 de l'assemblée générale du 26 décembre 2007 n'est pas fondé et doit être rejeté ; Que, non seulement les délibérations dont s'agit sont parfaitement valables, mais qu'elles sont, en outre, unies entre elles par un lien d'indivisibilité ; Qu'il résulte en effet des termes mêmes du procès-verbal d'assemblée générale précité qu'elles ont été votées " après échanges de vues, d'observations et d'explications, notamment relatives au partage de l'actif " ; Qu'il s'en déduit indiscutablement que la décision de vendre l'immeuble, propriété de SCIFI, a été acceptée en considération de l'accord concomitamment conclu sur la répartition de l'actif, de sorte que les délibérations adoptées sont indissociables ; Que la vente intervenue le 14 février 2008 constitue un commencement d'exécution des décisions, indivisibles, adoptées lors de l'assemblée générale du 26 décembre 2007 ; Que la délibération contenant répartition du prix de cession, devenue définitive par suite de ce commencement d'exécution, a fait naître un droit acquis au profit de chaque associé, en l'occurrence un droit de créance entré dans son patrimoine ; Qu'une telle décision ne pouvait être rapportée que par un autre vote pris à l'unanimité des associés ; Que, en revenant, lors de l'assemblée générale du 29 février 2008, sur les décisions prises le 26 décembre 2007 par un simple vote à la majorité, l'assemblée générale de la SCIFI a porté atteinte aux droits acquis de ses associés ; Qu'il s'ensuit que les délibérations numéros 3, annulant les 3ème et 4ème résolutions de l'assemblée générale du 26 décembre 2007, et 5, décidant d'une répartition des dividendes différente de celle précédemment adoptée, sont entachées de nullité ; Qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que les 3ème et 4ème résolutions de l'assemblée générale du 26 décembre 2007 recevront application " ;
1o/ ALORS QU'une décision d'assemblée générale prise à la majorité statutaire peut revenir sur une décision antérieure, dès lors que cette dernière n'a pas fait naître de droit acquis au profit d'un ou plusieurs associés ; que le droit acquis des associés aux dividendes résulte de l'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale, la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la décision du 26 décembre 2007 relative à la répartition du produit de la vente d'un immeuble appartenant à la société SCIFI avait été votée en même temps que la décision de vendre ledit immeuble ; qu'il en résultait que la délibération litigieuse portait sur la répartition de dividendes simplement éventuels, laquelle pouvait dès lors être rapportée à la majorité statutaire en l'absence d'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale et de la constatation par celle-ci de l'existence de sommes distribuables, comme le soutenaient les exposants (cf. conclusions d'appel, p. 11, § 7 et s.) ; qu'en prononçant la nullité de la délibération du 29 février 2008 comme revenant, à la majorité statutaire et non à l'unanimité, sur la répartition du produit de la vente décidée le 26 décembre 2007, sans constater qu'au 29 février 2008, les comptes de résultat avaient été approuvés par l'assemblée générale constatant l'existence de sommes distribuables, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1836 alinéa 2, 1844-1 et 1852 du Code civil ;
2o/ ET ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QU'à supposer même qu'une assemblée générale ne puisse revenir, à la majorité statutaire, sur une précédente décision prise à l'unanimité qu'à la condition que cette dernière n'ait reçu aucun commencement d'exécution, ce commencement d'exécution ne saurait consister, s'agissant d'une décision de répartitions de dividendes, que dans la mise en paiement de ces derniers ; que pour dire que la répartition inégalitaire du prix de vente de l'immeuble de la société SCIFI, décidée par une délibération unanime du 26 décembre 2007, ne pouvait être remise en cause par la délibération, prise à la majorité statutaire, du 29 février 2008, la Cour d'appel a retenu qu'elle était indivisible de la décision de vendre l'immeuble, laquelle avait reçu un commencement d'exécution puisque la vente avait été conclue le 14 février 2008 ; qu'en déduisant cette indivisibilité de la seule circonstance que ces délibérations du 26 décembre 2007 avaient été " votées après échanges de vues, d'observations et d'explications, notamment relatives au partage de l'actif ", circonstance qui n'établissait nullement que les associés aient entendu faire de la répartition inégalitaire du produit de la vente une condition de leur accord à la vente elle-même, la Cour d'appel, qui n'a pas suffisamment caractérisé l'existence d'une prétendue indivisibilité entre les première et troisième délibérations du 26 décembre 2007, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1852 du Code civil.

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