Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 20-05-2021, n° 18/06955, Confirmation

CA Aix-en-Provence, 20-05-2021, n° 18/06955, Confirmation

A42374SQ

Référence

CA Aix-en-Provence, 20-05-2021, n° 18/06955, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/68138528-ca-aixenprovence-20052021-n-1806955-confirmation
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le COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2021

N° 2021/421

N° RG 18/06955 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKLX

Aa Ab

Société ST CONSEILS

Copie exécutoire délivrée

:

a

Me Coralie GAMBARELLI

Me Gilbert UGO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 13 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/05132.


APPELANT

Monsieur Aa Ab

né le … … … à … (…),

… … … … … … … … … … … … Bertrand … … … …

représenté par Me Coralie GAMBARELLI, substitué par Me Jérôme PASCHAL, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/004450 du 19/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

INTIMEE

Société ST CONSEILS en la personne de son représentant légal en exercice domicilié, … … … … … … …

… … représentée par Me Gilbert UGO, avocat au barreau de GRASSE


COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2021

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 10 novembre 2016 la SARL ST Conseils a été déclaré adjudicataire d'un immeuble dépendant de la succession de madame Ac Ad et monsieur Ae Ab, situé 200 avenue du Riou, l'Orée de l'Islette, à Mandelieu la Napoule ( 06), occupé par leur fils, monsieur Aa Ab.

En vertu de ce jugement et après délivrance le 2 mars 2017 d'un commandement de quitter les lieux, la société ST Conseils a fait procéder à l'expulsion de M.Paris selon procès verbal dressé le 25 octobre 2017, signifié le 4 novembre 2017, suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

M.Paris a été assigné devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse pour voir statuer sur le sort des meubles laissés sur place, dont la société ST Conseils demandait qu'ils soient déclarés sans valeur et abandonnés.

M.Paris a élevé plusieurs contestations soutenant la nullité des opérations d'expulsion et du procès verbal d'expulsion, et a sollicité l'octroi d'un délai pour le retrait de ses meubles et effets, ainsi que l'allocation de dommages et intérêts.

Par jugement du 13 mars 2018, rectifié par décision du 19 avril 2018 le juge de l'exécution a:

"rejeté les exceptions de nullité soulevées par M.Paris,

"lui a accordé un ultime délai à l'effet de procéder au retrait de ses biens meubles et effets ainsi le cas échéant, que de ses éventuels documents personnels, durée pendant laquelle il est autorisé à avoir un libre accès dans les lieux,

" fixé à deux jours ouvrables consécutifs de 09h00 à 18h00 chaque jour, la période pendant laquelle le retrait sera possible,

" dit que cette période de retrait possible courrait passé un délai de quinze jours courant à compter de la notification par le greffe du jugement, par lettre recommandée avec avis de réception (poste restante, bureau de poste, 2 place du général Af à Théoule sur Mer 06590 en ce qui concerne M.Paris) ou de sa signification,

" dit que cette notification serait doublée par l'envoi du jugement le même jour par le greffe par courriel à M.Paris et à l'étude de l'huissier, et par RPVA à chacun des conseils,

" dit qu'à défaut de retrait dans les conditions précitées de tout ou partie des biens, ils sont d'ores et déjà déclarés sans valeur marchande et considérés comme abandonnés,

"autorisé dès lors, le cas échéant, la société ST Conseils à en disposer à sa guise en les conservant et/ou en les donnant à une association caritative et /ou en procédant à leur mise en décharge publique,

"rappelé que les documents de nature personnelle que l'huissier de justice pourrait découvrir seront placés dans une ou des enveloppe(s) scellée(s) pour être par lui conservés pendant deux ans dans les conditions prévues à l'article R.433-6 du code des procédures civiles d'exécution,

" débouté M.Paris de sa demande de dommages et intérêts,

" débouté les parties de leurs demandes faites au titre des frais irrépétibles,

Ce jugement a été notifié par le greffe le 16 mars 2018 à M.Paris qui a déposé le 29 mars suivant une demande d'aide juridictionnelle lui ayant été accordée par décision du 19 avril 2018, suivie de sa déclaration d'appel en date du 20 avril 2018, visant l'ensemble des chefs du dispositif de la décision.


Par ordonnance de référé du 1er juin 2018 le délégataire du premier président de cette cour a ordonné le sursis à statuer du jugement déféré.

Par conclusions du 22 juin 2018 , auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M.Paris demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- statuant à nouveau,

- juger qu'en l'absence de la personne occupant les lieux, l'huissier ne pouvait procéder sans l'autorisation du préfet, à l'expulsion, même en présence de témoins,

- annuler en conséquence l'expulsion du 25 octobre 2017 comme irrégulière,

- juger que le procès verbal d'expulsion est entaché de nullité en l'absence d'inventaire des meubles laissés sur place,

- juger que l'absence d'inventaire cause grief certain à M.Paris, en portant atteinte à son droit de propriété et en le privant de la possibilité de s'assurer que l'ensemble de ses biens ont bien été préservés, sans distraction, lors des opérations d'expulsion,

- juger que le procès verbal d'expulsion est entaché de nullité en l'absence de mention précisant les conditions d'accès au local dans lequel sont demeurés les biens de l'expulsé, malgré le changement de serrure intervenu,

- juger que cette absence cause un grief à M.Paris en complexifiant les possibilités de retrait de ses biens au delà du délai d'un mois,

- juger que le procès verbal d'expulsion est entaché de nullité en l'absence de mention sur le sort des papiers et documents de nature personnelle de l'expulsé, alors que ceux-ci auraient du être placés sous enveloppe scellée,

- juger que l'absence de mention sur ce point cause un grief à l'intéressé qui n'est pas certain de pouvoir retrouver ces éléments dont la conservation n'a pas été assurée par l'huissier de justice,

- annuler en conséquence le procès verbal d'expulsion du 25 octobre 2017,

- ordonner la réintégration du bien sis 200 avenue du Riou, l'Orée de l'Islette, entrée F , étage 4, à Ag la Napoule ( 06), par M.Paris,

- condamner la société ST Conseils à lui payer la somme de 5000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi du fait de la privation de l'ensemble de ses biens depuis le 25 octobre 2017,

- la condamner à payer à son conseil la somme de 2000 euros en application de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.


Par ordonnance d'incident du 4 avril 2019 qui n'a pas été déférée à la cour, la présidente déléguée de cette chambre a déclaré irrecevables les conclusions et pièces de la société ST Conseils par application des articles 905-2 et 906 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel tend à la réformation ou à l'annulation de la décision rendue par la juridiction du premier degré, de sorte que lorsque les conclusions de l'intimé ont été déclarées irrecevables en appel, la cour doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance ;

* Sur la demande en nullité des opérations d'expulsion :

Au soutien de cette demande M.Paris expose qu'en son absence l'huissier de justice ne pouvait procéder à l'expulsion, même en présence de témoins, sans avoir requis le concours de la force publique dont le procès verbal d'expulsion ne fait pas mention, ajoutant que cette intrusion irrégulière survenue en son absence lui cause nécessairement grief.

Toutefois la cour observe qu'en première instance M.Paris n'a aucunement contesté l'obtention par la société ST Conseils du concours de la force publique se bornant à critiquer la qualité et la signature des personnes ayant concouru à l'expulsion.

D'ailleurs dans une lettre du 7 juin 2017 que l'appelant verse aux débats, il sollicitait du Préfet le réexamen de son dossier et la suspension de l'expulsion.

Par ailleurs l'article R.432-1 du code des procédures civiles d'exécution qui rappelle le contenu du procès verbal d'expulsion devant à peine de nullité comporter la description des opérations auxquelles il a été procédé et l'identité des personnes dont le concours a été nécessaire et leur signature ainsi que la désignation de la juridiction compétente pour statuer sur les contestations relatives aux opérations d'expulsion, ne prévoit pas la mention de l'obtention du concours de la force publique.

Enfin la cour relève que M.Paris ne conteste plus les mentions relatives à l'identité et aux signatures des personnes ayant prêté leur concours à l'huissier, mentions dont le premier juge à bon droit, a rappelé qu'elles faisaient foi jusqu'à inscription de faux, non mise en oeuvre par M.Paris.

Il s'en suit le rejet de cette demande.

* Sur la nullité du procès verbal d'expulsion :

L'appelant invoque à l'appui de cette demande, l'absence d'inventaire des biens laissés sur place et d'indication de leur valeur, le défaut de mention relative aux conditions d'accès au local où les objets sont entreposés ainsi que le manque de précision sur le sort de ses papiers et documents personnels.

Il fait valoir que l'huissier s'est contenté de mentionner dans son procès verbal, que l'ensemble du mobilier présent est en ruine et extrêmement vétuste, et il conteste toute valeur probante aux photographies retenues par le premier juge, alors que ces clichés ne comportent aucune signature, date ou cachet et qu'il n'y ait pas fait référence au procès verbal d'expulsion. Il ajoute que les serrures de l'appartement où il vivait ont été changées et qu'il n'y avait plus accès, n'a pas été informé des personnes à contacter pour obtenir l'ouverture du local et récupérer ses affaires notamment médicaments, respirateur, papiers personnels, non conservés, objets de première nécessité, alors qu'expulsé et en situation de grande précarité il se trouvait en grande difficulté pour les récupérer.

Selon l'article R.433-1 du code des procédures civiles d'exécution dans sa version alors applicable, si , Comme en l'espèce, des biens ont été laissés sur place par l'huissier de justice, le procès-verbal d'expulsion contient, à peine de nullité :

1° inventaire de ces biens, avec l'indication qu'ils paraissent avoir ou non une valeur marchande;

2° mention du lieu et des conditions d'accès au local où ils ont été déposés ;

3° sommation à la personne expulsée, en caractères très apparents, d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, faute de quoi les biens qui n'auront pas été retirés pourront être, sur décision du juge, vendus aux enchères publiques ou déclarés abandonnés selon le cas ;

4° convocation de la personne expulsée d'avoir à comparaître devant le juge de l'exécution du lieu de la situation de l'immeuble à une date déterminée qui ne peut être antérieure à l'expiration du délai imparti au 3°, afin qu'il soit statué sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience. L'acte reproduit les dispositions des articles R. 121-6 à R. 121-10.

Par ailleurs l'article R.433-6 du même code dispose que les biens n'ayant aucune valeur marchande peuvent être déclarés abandonnés, à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice. Avis en est donné à la personne expulsée, comme il est dit au dernier alinéa de l'article R. 433-5. A l'expiration du délai prévu au premier alinéa, l'huissier de justice détruit les documents conservés et dresse un procès-verbal qui fait mention des documents officiels et des instruments bancaires qui ont été détruits.

En l'espèce, il est constant que le procès verbal d'expulsion ne contient pas l'inventaire des biens laissés sur place, mais la mention suivante : «l'ensemble du mobilier présent est en ruine et extrêmement vétuste». Il ne comporte pas mention de l'annexion des photographies qui l'accompagnent et qui non datées, ne supportent pas le cachet de l'huissier de justice.

Pour la première fois en cause d'appel, M.Paris discute de la valeur probante de ces photographies bien qu'il ne conteste pas qu'il s'agit sur ces clichés, de son ancien logement et de son mobilier, photographies qui attestent d'un désordre et d'un envahissement très important de lieux insalubres, par une multitude d'objets divers, sacs plastiques, cartons, jonchant le sol et les quelques meubles équipant l'appartement, situation constitutive selon le premier juge d'un événement de force majeure auquel l'huissier instrumentaire a été confronté empêchant l'établissement d'un inventaire détaillé et la recherche et conservation sous enveloppe, des documents personnels de l'expulsé.

L'omission d'un inventaire précis et d'une conservation des documents personnels constitue une irrégularité de forme qui n'est susceptible d'entraîner la nullité de l'acte qu'en cas de grief prouvé. Or, M.Paris ne rapporte pas cette preuve dès lors que les meubles et documents sont restés sur place et qu'il n'a pas usé de la faculté de reprendre son mobilier et ses affaires personnelles en prenant contact avec l'huissier pour l'ouverture des portes dont les serrures avaient été changées.

Sur ce dernier point le premier juge a exactement rappelé que l'article R.433-1 du code des procédures civiles d'exécution ne prévoit pas d'information sur le lieu et conditions d'accès au local où les biens ont été déposés, lorsque comme en l'espèce, ils ont été laissés sur place.

M.Paris ne justifie pas s'être adressé à l'huissier pour récupérer ses biens et affaires personnelles, dans le délai prévu à l'article R.433-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Il s'en suit le rejet de la demande de nullité du procès verbal d'expulsion et des demandes subséquentes en réintégration des lieux et dommages et intérêts.

L'octroi par le premier juge d'un délai supplémentaire pour le retrait par M.Paris de ses meubles et effets, ne faisant pas l'objet de moyen d'appel, sera en conséquence confirmé.

Succombant dans son recours, M.Paris sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y Ajoutant,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE M. Aa Ab aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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