ARRÊT
N°
Z
C/
Y
Lag./BG.
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ère chambre - 2ème section
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2011
RG 07/04020
APPEL D'UN
JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS du 19 septembre 2007
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE
Madame Christiane Z épouse Z
née le ..... à ANGOULEME (16000)
de nationalité Française
RUBEMPRE
Représentée par la SCP TETELIN-MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et ayant pour avocat la SCP BRETIN-LEPRETRE du barreau d'AMIENS
ET
INTIMÉ
Monsieur Gérard Y
né le ..... à CAMON (80450)
de nationalité Française
17 Rue de la République
80800 DAOURS
Représenté par la SCP LE ROY Bertrand, avoué à la Cour et plaidant par Me LEBEGUE, avocat au barreau d'AMIENS
DÉBATS
A l'audience publique du 10 Mai 2011, devant
M. de LAGENESTE, Président, entendu en son rapport,
Mme ... et Mme ..., Conseillères,
qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Août 2011
GREFFIER Mme HAMDANE
Les parties ont été informées par courrier motivé de la prorogation du délibéré au 13 septembre 2011 pour prononcé de l'arrêt par mise à disposition du greffe.
PRONONCE
Le 13 Septembre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, M. de LAGENESTE, Président, a signé la minute avec Melle POILLET, Greffier placé.
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* *
DÉCISION
Vu l'article 455 du cpc ;
Vu les dernières conclusions de Mme ... appelante, déposées le 17 novembre 2010 ;
Vu les dernières conclusions de M. Y intimé, déposées le 19 janvier 2011 ;
Exorde
Mme Madeleine Z veuve Z est décédée le 18 décembre 1997 laissant pour héritière sa fille Christiane FLATRES épouse LOUETTE. Elle laissait à sa postérité un important patrimoine immobilier composé notamment de deux maisons d'habitation à Amiens (80), d'un château à Rubempré (80) et d'un domaine agricole de 55 ha, comprenant corps de ferme et bâtiments d'exploitation.
Par acte du 30 mai 2006 M. Gérard Y assignait Mme ..., en application de l'article 1008 du code civil, en délivrance d'un leg que lui aurait consenti Mme Vve Z selon un testament olographe en date du 19 juillet 1995 qui l'aurait constitué légataire universel, ainsi qu'en ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Mme Z.
Ne pouvant toutefois produire l'original de ce testament qu'il exposait avoir égaré, il en produisait diverses photocopies et un "Acte de reconstitution" notarié.
Par jugement du 19 septembre 2007 le tribunal d'Amiens faisait droit à la demande de M. Y.
Mme ... a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt avant dire droit de ce siège en date du 28 mai 2009, Mme ... a été déboutée de sa demande en déclaration de faux de l'Acte de reconstitution du 6 février 2006. Un pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 4 novembre 2010.
Par conclusions de reprise d'instance Mme ... forme diverses demandes tendant à s'opposer à la demande de M. Y. Ce dernier conclut pour l'essentiel à confirmation.
Il convient de reprendre dans le détail les demandes et moyens des parties.
Existence
A l'appui de sa demande en délivrance de leg M. Y se réclame d'un testament olographe le constituant légataire universel que Mme Z aurait établi le 19 juillet 1995. Il expose toutefois ne pouvoir produire l'original de ce testament qui aurait été égaré. Invoquant que cette perte résulte d'une "force majeure", il demande à bénéficier des dispositions de l'article 1348 du code civil l'autorisant à en rapporter la preuve par tous moyens et notamment par la production de diverses photocopies de ce document ainsi que par un "Acte de reconstitution" authentique dressé le 6 février 2006 par Me ... notaire à Corbie (80).
Mme ... ne conteste pas qu'un testament au bénéfice de M. Y, daté du 19 juillet 1995, a bien été rédigé par sa mère, mais invoque que ce document n'a jamais été remis en original à M. Y qui n'en a eu qu'une photocopie en elle-même insusceptible d'asseoir sa demande en délivrance de leg.
M. Y conteste formellement cette analyse et, exposant avoir eu ce testament entre ses mains, invoque qu'il a été "égaré au cours des procédures qui l'opposent à Mme ... depuis 1998" (concl p.9), notamment lors d'un procès achevé par un arrêt définitif de cette cour du 18 juin 2002 qui a annulé un testament ultérieur du 23 octobre 1996 qui le révoquait, la perte fortuite de ce document l'ayant conduit à faire procéder à la reconstitution authentique précitée du 6 février 2006.
La cour rappelle qu'aux termes de l'article 970 du code civil un testament olographe doit être "écrit en entier, daté et signé de la main du testateur" et que selon les articles 1315 et 1341 dudit code les parties doivent produire les actes qu'ils invoquent à l'appui de leurs prétentions. Ces textes excluent donc que le document présenté comme un testament puisse être une photocopie ou tout autre acte n'émanant pas directement de la main du disposant.
En l'occurrence il n'est pas contesté que M. Y n'est pas en mesure de produire l'original de ce document, donc le titre dont il se réclame.
Cependant, selon l'article 1348 du code civil, une partie est dispensée de produire le titre lui conférant le droit dont elle se réclame lorsqu'elle l'a "perdu (') par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure". Elle peut donc, dans ce cas, en rapporter la preuve par tous moyens, notamment par photocopie.
Aussi pour être admis à faire la preuve par tous moyens et notamment par la production d'une photocopie de l'existence et du contenu de ce testament, M. Y doit donc justifier, dans un premier temps, que son titre original a été "perdu" et que cette perte résulte d'une "force majeure".
Pour justifier de la possession de ce titre antérieurement à sa perte et du caractère fortuit de cette perte, M. Y produit un certain nombre de documents ou attestations dont il convient d'analyser la valeur probante.
Reconstitution
M. Y présente comme établissant de manière "incontestable" (concl.p.11) l'existence de ce testament, un acte intitulé "Reconstitution de testament olographe" établi par Me Olivier ... le 6 février 2006.
Mme ... conteste les énonciations contenues dans ce document.
Quoiqu'en argumente M. Y Mme LOUETTE est recevable en cette contestation. En effet si l'arrêt avant dire droit définitif du 28 mai 2009 rendu par la cour dans la présente instance, a exclu que cet acte soit un faux, il n'interdit pas que les propos que le notaire a recueillis, dont il n'avait pas à garantir la véracité, puissent être discutés, ainsi qu'il résulte du reste des énonciations de l'arrêt de la cour de cassation ayant rejeté le pourvoi formé par Mme ... contre cet arrêt. Il reste donc loisible à Mme ... d'offrir de démontrer la fausseté des déclarations que le notaire a recueillies.
Or cet "Acte de reconstitution", daté du 6 février 2006 et émanant de Me ..., n'est pas une attestation authentique émanant du notaire établissant formellement avoir été dépositaire de ce testament et l'avoir restitué sur sa demande à M. Y en sa qualité de bénéficiaire. Il se borne à rapporter, page 1, dans un style indirect, des déclarations par lesquelles M. Y "expose" que Mme Vve Z a établi le 19 juillet 1995 un testament le constituant légataire universel et que "l'original de ce testament a été remis par Me Olivier ..., notaire associé soussigné, à M. Y le 31 décembre 1997 (annexe 2) celui-ci souhaitant charger Me ..., alors notaire associé à Amiens (80) du règlement de cette succession".
Or ces déclarations, émanant du seul M. Y, ne sont accréditées par aucun témoin, pas même par Me ... pourtant désigné par le déclarant comme étant intervenu directement et personnellement dans les faits qu'il invoque.
La cour ne saurait donc déduire de ces seules déclarations émanant unilatéralement du bénéficiaire de ce prétendu testament, la réalité de la remise qui lui en aurait été faite le "31 décembre 1997".
Procès verbaux
La cour observe que l'Acte de reconstitution ne fait aucune référence au procès verbal de remise à M. Y qui, selon les obligations qui incombent aux notaires, aurait dû être dressé ce 31 décembre 1997.
En outre que si ce testament a été "remis par Me ... (') à M. Y", comme il est indiqué dans cet Acte, c'est qu'il a été au préalable reçu en dépôt par Me .... Or il n'y est donné aucune précision ni sur la date, ni sur l'auteur, ni sur les modalités de ce dépôt. Les écritures d'appel de M. Y (p.8) exposent que ce testament aurait été déposé par Mme Z elle même, "vraisemblablement le 19 juillet 1995". Il eût été simple pour le notaire, si cela avait été le cas, de le mentionner dans son Acte de reconstitution et de joindre les procès verbaux alors établis en annexe de cet acte.
En effet ce testament ayant été établi en la forme olographe, s'il avait été déposé entre les mains de Me ... par Mme Z, le notaire n'aurait pas manqué, en conformité avec les dispositions de l'article 1007 du code civil, d'établir un procès verbal de dépôt, daté et conservé aux minutes de l'étude, ni d'en envoyer une expédition au greffe du tribunal de grande instance qui aurait pu en délivrer copie.
Or M. Y, qui se borne à affirmer qu'"il ne peut être contesté que ce testament a été remis en original à Me ... par Mme Z" (concl p.8), ne justifie aucunement de ce procès verbal de dépôt ni dans le corps de l'"Acte de reconstitution", ni dans ses annexes, ni dans les nombreuses pièces qu'il verse aux débats. Certes ces formalités de l'article 1007 du code civil ne sont pas imposées par le législateur à peine de nullité du testament ou de son dépôt et ne visent qu'à établir avec certitude l'existence de l'original de ce testament et de son contenu ainsi que les modalités et la date de sa remise au notaire. Mais ces précisions sont précisément tout l'objet de la présente instance.
Pour justifier le non respect de ces formalités de dépôt par le notaire, M. Y, expose que Me ... s'en est abstenu car ce n'est pas lui, mais Me ..., notaire à ... Valéry sur Somme, qui a été chargé de régler la succession de Me Z (concl.p.11).
La cour observe que les diligences de l'article 1007 du code civil incombent, au terme de cet article, au notaire entre les mains duquel est effectué le dépôt et non à celui chargé de la succession, cette succession pouvant être ouverte de nombreuses années après le dépôt du testament. Par ailleurs M. Y ne précise aucunement comment Me ... aurait pu savoir à l'époque du dépôt de ce testament par Mme Z, en "juillet 1995" selon ses écritures, que ce serait Me ... qui serait, après le décès de Mme Z survenu plus de deux ans plus tard, chargé de sa succession. Il est au surplus invraisemblable que le notaire qui reçoit un tel dépôt, compte tenu notamment de l'importance de la succession, n'établisse pas sans délai un acte de dépôt selon les procédures légales en vue d'attester son existence en cas de perte éventuelle, ne serait-ce que pour couvrir sa responsabilité professionnelle.
Ainsi l'absence de la justification de ces formalités lors du dépôt par Mme Z en 1995 discrédite radicalement l'affirmation même de la réalité du dépôt de ce testament entre les mains du notaire et partant de sa remise à M. Y le 31 décembre 1997.
Annexes
L'"Acte de reconstitution" est complété par diverses annexes qui, selon M. Y, apportent la preuve qu'il a été en possession de l'original de ce testament. Il convient donc de les analyser.
1) L'"Annexe 1" est une photocopie d'un document rédigé a priori de la main de Mme Z, daté du 19 juillet 1995, par laquelle elle institue M. Y son "légataire universel". Il s'agit là manifestement de la photocopie du testament litigieux.
a) Cette photocopie est frappée d'une mention d'annexion à l'acte de reconstitution datée du 6 février 2006 signée manifestement du notaire.
Le notaire ne précisant pas que cette photocopie émane de ses archives, il s'en suit qu'elle a été remise au notaire par M. Y pour les besoins de l'établissement de l'acte de reconstitution. Cette photocopie a donc été en la possession de M. Y antérieurement au 6 février 2006 et c'est lui même qui l'a remise au notaire aux fins d'accréditer l'existence de ce testament et de lui permettre de dresser l'Acte de reconstitution.
b) Cette photocopie est en outre complétée de la mention "copie conforme" émanant de la mairie de Daours (80), datée du "30 décembre 1997".
La cour ne voit pas comment M. Y a pu, le 30 décembre 1997, faire certifier conforme cette photocopie à un original qu'il prétend avoir reçu du notaire le jour suivant, 31 décembre 1997. Cette certification est manifestement fallacieuse et a été, à l'évidence, établie par M. Y lui même, dont il n'est pas contesté qu'il est maire de Daours, ce qui lui a permis d'apposer cette mention de conformité sans avoir à présenter l'original.
Cette annexe ne saurait donc être analysée comme accréditant la remise de l'original du testament le 31 décembre 1997 ou à toute autre date.
2) L'"Annexe 2" est une nouvelle photocopie ce testament portant également une mention d'annexion datée du 6 février 2006.
Elle porte en outre la mention manuscrite "Testament remis à M. Y le 31.12.97" au bas de laquelle figure la signature peu lisible mais strictement conforme à celle de M. Y figurant sur l'Acte de reconstitution.
Or cette mention de quitus "Testament remis à M. Y le 31.12.97 signé G HOLLVILLE" n'a de sens que si le notaire a conservé cette décharge à son étude, pour justifier de cette remise le cas échéant. Or il apparaît nullement que cette photocopie provenait des archives de Me ..., sans quoi il n'aurait pas manqué de le mentionner dans cet acte de reconstitution. Il s'agit donc également d'un document remis au notaire par M. Y le 6 février 2006 et joint à l'acte de reconstitution par le notaire à la demande de M. Y.
3) L'"Annexe 3" est une lettre de Me ... notaire à Amiens à Me ..., datée du 12 décembre 2002. Cette lettre n'apporte aucun élément décisif permettant d'attester l'existence de ce testament elle se borne à faire état de recherches par cet officier ministériel en vue de retrouver ce testament et mentionne au contraire qu'il n'y a pas de trace de ce document au dépôt des dernières volontés ni dans les diverses archives qu'il a pu consulter. Aussi la formule "ces testaments existent bien" figurant à la fin de cette lettre n'est pas de nature à apporter une preuve crédible de l'existence de l'original de ce document. Elle témoigne seulement du "trouble" qu'exprime cet officier ministériel tenant au fait que les magistrats de la cour d'appel de ce siège, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 18 juin 2002, ne paraissent pas avoir mis son existence en doute.
4) L'"Annexe 4" est constituée d'un échange de lettres entre Me ... et Me ... s'inscrivant dans la recherche de ce testament, mais ne comportant aucune mention susceptible d'accréditer l'existence de l'original de ce testament. Le lettre de Me ..., datée du 10 décembre 2002, courtoise dans la forme, se limite à exposer "qu'il a rencontré M. Y et Me ... (son avocat) dans le cadre de cette affaire" (la succession de Mme Z) mais n'expose aucunement avoir eu l'original de ce testament entre les mains.
La cour observe qu'il est singulier que Me ..., notaire chargé, selon les déclarations de M. Y, de la succession de Mme Z, qui n'était pas une modeste succession ainsi qu'il a été vu, ne reconnaisse pas, alors qu'on le lui demande, avoir eu entre les mains l'original de ce testament que M. Y prétend lui avoir remis après l'avoir reçu de Me .... Elle en déduit qu'il n'a jamais eu cet original entre ses mains.
5) L'"Annexe 5" est constituée pour l'essentiel d'une attestation du 6 mars 2003 de Me ..., avocat honoraire, qui expose "je certifie avoir eu connaissance de l'original du testament de Mme Z lors d'un rendez vous chez Me ... le 9 février 1998, je ne suis pas en possession de cet original, mais d'une photocopie", photocopie dont il joint un exemplaire Il s'agit de la photocopie du même document que les annexes 1 et 2.
Ce document n'atteste nullement que Me ..., avocat à l'époque de Me Y dans le cadre de cette succession, ait eu l'original entre ses mains ou même qu'il l'ait vu ; il mentionne seulement "en avoir eu connaissance". Cette attestation, rédigée près de six ans après l'ouverture de la succession, est donc trop imprécise pour accréditer l'existence de l'original de ce testament.
6) L'"Annexe 6" est un ensemble de documents qui relatent une recherche infructueuse, à la demande de Me ..., de l'original de ce testament au greffe du tribunal d'instance. Le greffier expose dans une lettre datée du 10 mai 2003 que "l'original du testament de Mme ... Vve Z ne fait pas partie des pièces du dossier de demande d'apposition des scellés que je détiens". M. Y avait en effet engagé une procédure d'apposition des scellés après le décès de Mme Z pour interdire à Mme ... d'avoir accès matériellement aux actifs de la succession de sa mère, mais cette procédure avait échoué faute par lui de produire l'original de ce testament (v.lettre du 12 janvier 1998 du greffe du tribunal d'instance d'Amiens, pièce n° 7 de M. Y, non intégrée dans l'acte de reconstitution). Cette annexe 6 comporte comme pièces jointes une nouvelle photocopie du testament du 19 juillet 1995 ainsi qu'une photocopie d'un testament précédent du 16 août 1993, instituant également M. Y et son épouse légataires universels de Mme Z.
7) L'"Annexe 7" est l'arrêt, déjà cité, de cette cour en date du 18 juin 2002. Il résulte des dispositions de cet arrêt que la cour n'était saisie que de la validité d'un testament ultérieur de Mme Z, du 23 octobre 1996, qui "annulait ses testaments antérieurs", donc le testament du 19 juillet 1995 objet du présent litige. la cour a annulé ce testament du 23 octobre 1996, estimant que la dégradation des facultés psychiques de Mme Z avait, à l'époque de sa rédaction, affecté son discernement. Après cette annulation, cet arrêt mentionne dans son dispositif que le notaire "devra faire application du testament du 19 juillet 1995".
a) M. Y déduit de cette dernière formule que l'existence et la validité de ce testament du 19 juillet 1995 résultent donc de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cet arrêt.
Conformément aux observations de Mme ..., la cour rappelle que l'autorité de la chose jugée ne s'attache, aux termes de l'article 1351 du code civil, "qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement". Or si l'acte dit "testament du 19 juillet 1995" a été évoqué dans le débat, il ne résulte aucunement des motifs de cet arrêt que la validité ou l'existence de ce testament ou sa possession par M. Y ait fait l'objet d'une quelconque discussion des parties devant la cour, ou que M. Y ait demandé la délivrance du leg qu'il instituait. Ce testament est donc étranger aux débats dont était saisie la cour et il ne saurait donc être inféré de cette mention surabondante, simple indication donnée au notaire liquidateur sans réelle portée juridique, que ce document a été juridiquement consacré par cet arrêt.
b) L'existence de ce testament ne saurait davantage résulter de ce que la cour a admis implicitement la recevabilité de la contestation par M. Y du testament du 23 octobre 1996, comme il le prétend. En effet il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt que la recevabilité de son action ait jamais été discutée.
c) Subsidiairement, M. Y expose qu'à tout le moins cet arrêt fait foi de l'existence de l'original de ce testament car aucune partie "n'avait jamais contesté ni l'existence ni l'authenticité du testament de 1995" (concl.p.9).
Pareillement, la cour relève que le fait que les parties ou la cour aient évoqué ce document dans la discussion sur la validité du testament du 23 octobre 1996 n'établit nullement que ce document ait été produit en original dans les pièces des parties. La cour observe notamment que M. Y ne justifie aucunement d'un bordereau de transmission de pièces ou de conclusions faisant état, à l'occasion de ce procès, de la production de l'original de ce testament.
La cour déduit de tout cela qu'il n'y a donc dans les "Annexes" à l'"Acte de reconstitution" du 6 février 2006 aucun document qui apporte la preuve que ce testament ait été, en original, détenu par M. Y ou par quiconque. Aussi l'assertion finale de Me ... dans l'Acte (p.6) exposant "l'existence de ce testament est incontestable", doit-elle s'analyser comme l'expression de l'opinion personnelle de Me ... au vu des déclarations et pièces produites par M. Y (dont il n'a manifestement pas analysé avec la rigueur qu'il conviendrait à un officier ministériel la pertinence et le sérieux), et non l'expression d'une preuve irréfragable, couverte par l'autorité d'un acte authentique, de l'existence de ce testament.
Autres attestations
M. Y se réclame de diverses autres attestations non mentionnées en annexe de l'Acte de reconstitution qui, selon lui, apportent la preuve qu'il a détenu l'original de ce testament. Il convient de les passer en revue.
1) Une "Attestation" (pièce n°20 de M. Y) datée de "l'an mil neuf cent quatre vingt dix huit le trois décembre" par laquelle Me ... "certifie et atteste" "Mme Z m'a déposé un testament dont l'original a été remis en personne à Monsieur Y". Cette affirmation non investie de la valeur probante d'un titre authentique, mais émanant du notaire, est considérée par M. Y comme faisant preuve de la réalité du dépôt de ce testament en l'étude de Me ... et donc de la remise que ce dernier lui en aurait faite le 31 décembre 1997, ce que conteste Mme ...
La cour observe que rien n'établit que ce "testament", non daté, soit bien celui objet de la présente instance En effet, selon les propres écritures de M. Y (p.2), Mme Z en aurait établi deux autres l'instituant également légataire universel, l'un en date du 16 août 1993 et un autre daté du 12 août 1994, M. Y étant également dans l'incapacité d'en produire l'original.
De plus il n'est pas crédible que cette "Attestation", si elle avait été sincère, n'ait pas été jointe en annexe de l'acte authentique dit "de reconstitution de testament olographe" du 6 février 2006. Il a été vu en effet que cet Acte ne justifiait pas que Me ... avait reçu ce testament. Or si cette "Attestation" datée du 3 décembre 1998 avait correspondu à quelque réalité, c'était le moins que Me ... en eût fait mention dans son Acte de reconstitution et l'eût intégrée dans ses annexes. Il n'y a aucune explication à cette étrange carence si ce n'est que Me ..., prudent, n'a pas voulu s'exposer, en établissant cet Acte authentique de reconstitution, à des poursuites pour faux en écriture publique en y adjoignant ce document dont il n'ignorait nullement qu'il était contrefait.
Cette "Attestation" ne contient par ailleurs aucune indication sur la date et les circonstances de ce dépôt et n'explique pas davantage les raisons pour lesquelles Me ... n'a pas cru devoir procéder aux formalités imposées par la loi concernant ce dépôt, alors que ces renseignements, comme il a été vu, auraient seuls pu donner quelque crédibilité au prétendu dépôt de ce testament entre les mains du notaire.
Il résulte de tout cela que cette "Attestation" n'est qu'une attestation de complaisance, établie par le notaire pour les besoins du procès en cours, manifestement antidatée, qui n'apporte aucunement la preuve du prétendu dépôt en son étude qu'elle évoque.
2) M. Y produit également une lettre de Me ... (notaire primitivement chargé de la succession de Mme Z) à Me ... (avocat de M. Y dans la présente affaire) en date du 3 octobre 2002 exposant en réponse à une lettre de cet avocat, avoir été "en contact" avec M. Y pour la succession de Mme Z. Cette lettre contient notamment le passage suivant "Quant aux originaux des testaments je me souviens les avoir consultés pour renseigner M. Y. Je ne me souviens pas les avoir gardés ou remis à Me ... (avocat assistant alors M. Y dans le cadre de cette succession)".
La cour observe cette affirmation, qui ne donne aucune date ou référence précise des testaments qu'il aurait consultés, alors qu'il en existerait plusieurs comme il a été vu, n'est pas énoncée sous la solennité d'une attestation judiciaire établie selon les règles de l'article 202 du cpc. Il ne s'agit que d'une indication donnée dans le cadre d'une correspondance à caractère informatif échangée entre deux praticiens du droit. Les mots "originaux des testaments" n'ont, dans ces conditions, manifestement pas été pesés avec le poids nécessaire et ne font donc pas foi qu'il ait réellement eu ce document en original entre ses mains.
Me ... n'expose pas non plus les raisons pour lesquelles il n'a pas poursuivi les opérations de règlement de la succession de Mme Z pour lesquelles il avait été mandaté par M. Y, ce qui eût été logique s'il avait été réellement en possession de l'original de ce testament.
Enfin cette affirmation selon laquelle Me ... aurait "consulté les originaux des testaments" n'est pas corroborée par le contenu de sa lettre précitée, écrite deux mois plus tard, le 10 décembre 2002 et versés en annexe 4 de l'"Acte de reconstitution", dans laquelle il se montre beaucoup plus prudent et se garde bien de dire qu'il a tenu en main l'original de ces testaments.
Ainsi la cour estime que cette lettre du 3 octobre 2002 n'apporte pas la preuve que Me ... ait eu entre ses mains l'"original" du testament du 19 juillet 1995 comme l'affirme M. Y.
3) M. Y impute la perte de cet original au greffe du tribunal d'instance d'Amiens auquel il avait adressé une demande de pose des scellés comme il a été vu.
Il résulte toutefois tant des correspondances adressées par le greffier (cf lettre du 12 janvier 1998 précitée, pièce n°7 de M. Y) que d'un jugement du 13 janvier 1998 rejetant cette demande de pose de ces scellés, qui ne fait allusion, pour ne pas y donner suite, qu'au testament du 16 août 1993 (sans préciser s'il s'agit de l'original ou d'une copie) que l'original du testament du 19 juillet 1995, objet de la présente instance, n'est jamais parvenu à ce service.
4) M. Y produit diverses autres pièces, peu ou pas commentées dans ses écritures (déclaration de succession ne comportant mention que du testament du 23 octobre 1996, celui annulé par la présente cour, inventaire des biens de la défunte ' ), mais dont aucune n'est de nature à établir que l'original du testament du 19 juillet 1995 ait été produit par M. Y auprès d'une administration, d'un officier ministériel, d'un avocat, d'une juridiction ou de toute autre personne.
Ainsi aucun de ces document n'est de nature à établir que l'original du testament du 19 juillet 1995 ait jamais été en possession de M. Y.
Circonstances de la perte du testament
Il s'induit en définitive de tout cela, et notamment de ce que la procédure du dépôt du testament en l'étude de Me ... n'a pas été constatée selon les règles imposées par le code civil, que le dépôt de l'original du testament du 19 juillet 1995 de Mme Z en l'étude de Me ... n'a jamais eu lieu.
En conséquence Me ... ne peut l'avoir remis à M. Y le 31 décembre 1997 (ni à une autre date), en dépit des affirmations de ce dernier dans l'Acte de reconstitution.
Aucun des autres moyens de preuve invoqué par M. Y, ni l'Acte de reconstitution du 6 février 2006 et ses annexes, ni l'attestation mensongère de Me ... datée du 3 décembre 1998, ni l'affirmation hasardeuse de Me ... dans sa lettre du 3 octobre 2002, ni même l'ensemble conjugué des éléments produits par M. Y, n'est de nature à faire la preuve de la remise de l'original de ce testament soit à Me ..., soit à M. Y, soit à quiconque.
La possession par M. Y d'une photocopie de ce testament atteste cependant que l'original de ce testament du 19 juillet 1995 a bien été rédigé et donc qu'il a existé.
Or Mme Z n'a jamais remis l'original de ce testament à M. Y En effet, ce dernier ne l'invoque nullement et se borne à prétendre -à tort- que l'original de ce testament lui a été remis "par Me ..." (cf Acte de reconstitution) qui lui même l'a reçu "de Mme Z" (cf écritures Y p.8).
De plus Mme Z, qui n'a pas déposé l'original de ce testament chez Me ..., comme il a été vu, ne l'a pas davantage déposé chez un autre notaire Si cela avait été le cas, ce testament serait mentionné sur le fichier national des dernières volontés. Or ce fichier a été vainement consulté par Me ... (cf lettre du 12 décembre 2002 in Annexe 3 de l'Acte de reconstitution) ainsi qu'il a été mentionné plus haut. Copie de ce testament serait également, en ce cas, déposé au greffe du tribunal de grande instance, où il n'a même pas été recherché, M. Y sachant très bien qu'il ne s'y trouverait pas.
Il résulte de tout cela que Mme Z, après avoir remis une photocopie de ce testament du 19 juillet 1995 à M. Y, ce qui explique qu'il en possède une photocopie, en a conservé l'original par devers elle.
C'est donc alors que ce testament était entre les mains de sa testatrice qu'il s'est "perdu". Force majeure
Il incombe donc à M. Y, qui entend se réclamer de la "perte" de ce testament, en application de l'article 1348 du code civil, d'établir que ce testament a disparu "par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure" comme le prévoit ce texte.
M. Y invoque que cet "original a été égaré au cours des procédures qui l'opposent à Mme ... depuis 1998" (concl.p.9).
La cour observe que cette analyse se fonde sur le fait qu'il aurait eu l'original de ce testament entre ces mains, circonstance dont il n'apporte pas la preuve, ainsi qu'il a été vu.
La disparition de cet original étant intervenue alors qu'il était entre les mains de Mme Z, il incombe à M. Y de démontrer que cette perte résulte d'un "cas fortuit". Force est de constater qu'il n'apporte aucun élément de conviction en ce sens puisqu'il s'obstine à démontrer, contre l'évidence, que ce testament lui à été remis par Me ... et donc qu'il n'était donc plus entre les mains de Mme Z après le dépôt que cette dernière en avait fait chez cet officier ministériel. Son affirmation gratuite selon laquelle "il n'aurait eu aucun intérêt à faire disparaître le testament du mois de juin 1995 (et que donc) sa perte résulte assurément d'un cas fortuit ou d'un force majeure" (p.9) n'apporte aucun élément probant.
De fait la "perte" de ce testament alors qu'il était conservé par Mme Z, résulte à l'évidence non d'une force majeure mais, comme l'expose Mme ..., de sa destruction volontaire par Mme Z elle-même, par une manière de repentir actif à l'égard de sa fille qu'elle déshéritait ainsi.
Cette destruction ne saurait à ce titre être assimilée à une "force majeure" au sens de l'article 1348 du code civil, puisqu'elle résulte de la volonté de la testatrice et que la destruction d'un testament olographe par son auteur, bien que non expressément visée par l'article 1035 du code civil, est une modalité admise de révocation (Civ.1, 18 juillet 1956 Bull.Civ.1 1956 n°323 p.262), le testateur pouvant, sa vie durant, revenir sur une libéralité post-mortem qu'il a consentie.
Cette destruction-révocation ne saurait non plus être annulée pour insanité d'esprit (comme l'a été le testament révocatoire du 23 octobre 1996) dans la mesure où la date de cette destruction n'est pas connue et qu'elle a pu suivre de peu la date de sa rédaction. La cour n'est d'ailleurs pas saisie par M. Y d'une action en "nullité" de la destruction de ce testament.
Toujours est-il que M. Y n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la perte par "force majeure" de ce testament conservé par Mme Z.
Il suit de là qu'il n'est pas fondé, en application de l'article 1348 du code civil, à rapporter la preuve du contenu de ce testament par tous moyens et notamment par la production d'une photocopie, comme il le prétend.
Il sera donc débouté de sa demande en délivrance de leg et partant de sa demande d'ouverture de la succession.
Divers demandes accessoires
La décision arrêtée par la cour la dispense de répondre aux autres demandes et moyens des parties (pour Mme ... Enquête, sursis à statuer, pour M. Y Ouverture de la succession, rétroactivité des fruits, changement de notaire).
Mme ... demande un dédommagement de 50.000 euros en invoquant l'action téméraire et abusive de M. Y. Celui-ci ne réplique pas sur cette demande.
la cour observe que si en règle générale une action en justice ne saurait constituer un abus, il en va différemment lorsque cette action s'intègre, comme c'est le cas en l'espèce, dans une véritable machination tendant à faire croire avoir eu en sa possession depuis fin 1997 un testament qui a été détruit plusieurs années auparavant par son auteur, en échafaudant, avec la complicité d'un notaire peu scrupuleux, un acte de reconstitution de complaisance et en lançant une action en justice en vue de conférer à ce montage frauduleux le sceau de l'autorité irréfragable de la chose jugée.
Si la faute est patente, le préjudice qu'elle a causé l'est également, Mme ... ayant été privée depuis 1998 de la jouissance de la succession de sa mère et ayant dû souffrir pendant toutes ces années des procédures judiciaires coûteuses et pénibles. Aussi est-elle justifiée en sa demande de 50.000 euros, somme à laquelle la cour évalue son préjudice.
Il serait inéquitable de laisser à charge de Mme ... les frais irrépétibles dont elle se réclame à hauteur de 8.000 euros.
Succombant en sa demande principale M. Y ne sera pas reçu en ses demandes accessoires concernant les dommages intérêts, les frais irrépétibles ou les dépens et sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire,
INFIRME dans toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau
CONSTATE que M. Gérard Y ne produit pas l'original du testament établi le 19 juillet 1995 par Mme Madeleine Z.
DIT que M. Gérard Y n'apporte pas la preuve que le testament établi à son bénéfice par Mme Madeleine Z Veuve Z le 19 juillet 1995 a été perdu par force majeure.
DIT qu'il n'est donc pas fondé à rapporter la preuve du contenu de ce testament par tous moyens et notamment par la production de photocopies.
LE DÉBOUTE en conséquence de sa demande en délivrance de leg.
CONDAMNE M. Gérard Y à payer à Mme Christiane Z épouse Z la somme de CINQUANTE MILLE EUROS (50.000 euros) pour abus d'ester en justice.
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le surplus des demandes des parties.
Y AJOUTANT, au titre de la procédure d'appel
CONDAMNE M. Gérard Y à payer à Mme Christiane Z épouse Z la somme de HUIT MILLE EUROS (8.000 euros) au titre des frais irrépétibles.
DÉBOUTE M. Gérard Y de ses demandes accessoires, le CONDAMNE aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et donne aux avocats et avoués des autres parties en cause le droit de recouvrer ceux dont ils auraient fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Le Greffier placé, Le Président,