Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 21-11-2011, n° 325214, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 SSR, 21-11-2011, n° 325214, mentionné aux tables du recueil Lebon

A9934HZX

Référence

CE 9/10 SSR, 21-11-2011, n° 325214, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5634086-ce-910-ssr-21112011-n-325214-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

Aux termes de deux décisions rendues le 21 novembre 2011, le Conseil d'Etat retient que, pour apprécier si la société mère d'un groupe doit être imposée en France sur les résultats produits par ses filiales situées dans un pays à fiscalité privilégiée (CGI, art. 209 B), il faut comparer la charge fiscale supportée par la filiale située au Vanuatu avec celle qu'elle aurait dû supporter si elle était située en France.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

325214

MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
c/ SA SIFA

M. Frédéric Aladjidi, Rapporteur
M. Pierre Collin, Rapporteur public

Séance du 28 septembre 2011

Lecture du 21 novembre 2011

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux


Vu le pourvoi, enregistré le 13 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt n° 06PA03136 du 18 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, sur l'appel de la société industrielle et financière de l'Artois (SIFA) tendant à l'annulation du jugement n° 0007728/1-0312613/1 du 5 juillet 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de cette société tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1993 à 1995 et de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995, ainsi que des pénalités correspondantes, d'une part, a réduit les compléments d'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard correspondant mis à la charge de ladite société au titre des années 1993 à 1995 des sommes respectives de 712 151 F, 525 329 F et 82 162 F, d'autre part, a réduit le complément de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard correspondants mis à la charge de ladite société au titre de l'année 1995 de la somme de 8 216 F ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la SA SIFA devant la cour administrative d'appel de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Aladjidi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SA SIFA,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SA SIFA ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de deux vérifications de comptabilité, la société industrielle et financière de l'Artois (SIFA) a été assujettie, en application du I de l'article 209 B du code général des impôts, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 1993 à 1995 ainsi que de contribution additionnelle de 10 % à cet impôt au titre de l'année 1995, à raison notamment des bénéfices d'une de ses filiales, dont elle possède plus de 25 % des droits de vote, la société Plantations des Terres Rouges (PTR) ; qu'après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel en raison d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, le tribunal administratif de Paris, par un jugement du 5 juillet 2006, a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des impositions restant en litige ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 de l'arrêt du 18 décembre 2008 de la cour administrative d'appel de Paris par lesquels la cour, sur appel de la société, a partiellement fait droit à sa demande de première instance et réformé, en ce sens, le jugement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : "Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. (.)" ; qu'en vertu de l'article 238 A du même code, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France ; que l'administration doit justifier que la société, dont elle impose les résultats sur le fondement de l'article 209 B du code, est soumise, dans le pays étranger où elle est établie, à un impôt sur les sociétés ou à des impôts comparables notablement moins élevés que ceux auxquels elle serait soumise en France si elle y était établie ;

Considérant qu'après avoir jugé que la société PTR, dont le siège social était au Vanuatu, bénéficiait dans ce pays d'un régime fiscal privilégié, la cour a relevé que cette société disposait également d'un établissement en Malaisie à raison duquel elle supportait, dans ce dernier pays, une charge fiscale sensiblement équivalente à celle qu'elle aurait supportée en France à raison de l'ensemble de ses résultats ; qu'en se fondant, pour apprécier si la société mère SIFA devait être imposée en application des dispositions précitées de l'article 209 B du code général des impôts, non sur la comparaison entre la charge fiscale, en matière d'imposition des bénéfices ou des revenus, qui aurait été supportée par sa filiale PTR si elle avait été établie en France et celle qui lui incombait au Vanuatu, mais sur la comparaison entre la somme des impôts comparables à l'impôt sur les sociétés payés par cette dernière à raison de ses établissements situés dans plusieurs pays étrangers et le montant de l'impôt sur les sociétés qu'elle aurait payé en France si ses résultats y avaient été entièrement imposables, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de l'arrêt attaqué ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme demandée par la société industrielle et financière de l'Artois au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 décembre 2008 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société industrielle et financière de l'Artois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société industrielle et financière de l'Artois.

Délibéré dans la séance du 28 septembre 2011 où siégeaient : M. Philippe Martin, Président adjoint de la Section du Contentieux, Président ; M. Thierry Tuot, M. Jean-Pierre Jouguelet, Présidents de sous-section ; M. Jean-Yves Rossi, M. Jean-François Mary, M. François Séners, M. Jean de L'Hermite, Mme Pascale Fombeur, Conseillers d'Etat et M. Frédéric Aladjidi, Maître des Requêtes-rapporteur.

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