Jurisprudence : TA Montreuil, du 18-05-2010, n° 0801134




TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL

N° 0801134

SOCIETE GRANDS MAGASINS

GALERIES LAFAYETTE

M. Noël

Rapporteur

Mme Blin

Rapporteur public


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif,


Audience du 4 mai 2010

Lecture du 18 mai 2010

19-03-04

C

Vu, en date du 15 septembre 2009, l’ordonnance par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transféré la requête n° 0801134 au Tribunal administratif de Montreuil ;


Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2008, présentée pour la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE, société par actions simplifiée, dont le siège est 27, rue de la Chaussée d’Antin à Paris (75009), représentée par son président-directeur général en exercice, par Me Chatel ; la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE demande au tribunal :

1°) la restitution de la cotisation minimale de taxe professionnelle qu’elle a acquittée au titre de l’année 2006 ;

2°) la mise à la charge de l’Etat de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 ;

La société soutient que l’administration n’était pas fondée à inclure les revenus tirés de la location nue d’immeubles et de la sous-location nue d’immeubles dans la valeur ajoutée retenue pour le calcul de la cotisation minimale, car ces deux activités sont de nature patrimoniale et se trouvent ainsi hors du champ d’application de la taxe professionnelle, ainsi que l’admettent la jurisprudence et l’administration dans son instruction 6-E-7-75 du 17


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décembre 1979 ; que la société ne peut être considérée comme poursuivant l’exploitation des fonds de commerce dont elle a fait apport à la société anonyme Magasins Galeries Lafayette et à la société anonyme Les Galeries, qui sont indépendantes d’un point de vue juridique et patrimonial ; que les clauses des contrats de bail et de sous-location ne révèlent pas le caractère professionnel des activités de location et sous-location, dès lors qu’elles manifestent uniquement le droit du bailleur à choisir son cocontractant et à exercer un contrôle sur la nature de ses activités ; que l’obligation qui incombe aux preneurs d’adhérer à l’association des commerçants lui permet de ne pas s’impliquer dans les activités autre que celle de location et ne profite qu’aux preneurs ; que l’administration ne démontre pas en quoi des moyens matériels et intellectuels seraient mis en œuvre ;

Vu la décision par laquelle le délégué chargé de la direction des grandes entreprises a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 juin 2008, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises, qui conclut au rejet de la requête ;

I] soutient que la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE a versé 279 999 euros de salaires et déclaré 964 259 euros de prestations de services d’aménagement des locaux en 2006, ce qui montre qu’elle met en œuvre des moyens matériels et humains caractérisant l’exercice d’une activité professionnelle ; que la société anonyme Magasins Galeries Lafayette et la société anonyme Les Galeries, qui exploitent les locaux donnés en location par la société requérante, sont filialisées à 100% par cette dernière, qui poursuit ainsi l’exploitation des fonds de commerce apportés ; que cette analyse est attestée par la demande d’agrément pour le régime des fusions déposée en 2003 par la société requérante ; que ce rôle directeur de la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE et l’absence d’indépendance des filiales sont également illustrés par les quarante sept conventions de bail conclues et par l’obligation qu’ont les preneurs d’adhérer à l’association des commerçants ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 juillet 2008, présenté pour la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que le montant des salaires versés correspond au coût de la gestion patrimoniale des biens et est peu important au regard de ses revenus, que les prestations de services correspondent à une activité sectorisée et passible de la taxe professionnelle, en application de l’instruction administrative du 17 décembre 1979, 6-E-9-79 et que, en tout état de cause, elles ne sont pas incompatibles avec une gestion patrimoniale ; que la doctrine 6 E-121 n°32 du 1” septembre 1991 indique que la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières relève de la gestion patrimoniale ; que les preneurs peuvent se retirer de l’association des commerçants ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juillet 2008, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que 15 576 euros ont été restitués à la société au titre de l’excédent de versement constaté par celle-ci sur sa déclaration 1328-TP ; que l’activité de prestations de services d’aménagement des locaux loués est indissociable de l’activité de location et dépasse la simple gestion patrimoniale, car elle représente des montants significatifs, ce qui établit que les aménagements sont tels qu’ils excluent l’activité de location d’immeubles nus ; que la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE bénéficie également d’un soutien financier


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de la part du groupe auquel elle appartient, qui révèle l’importance des moyens mis en œuvre ; que l’ampleur du parc immobilier géré dépasse le cadre de la simple activité patrimoniale ; que les conditions d’exploitation de la société requérante manifestent son intégration au sein du groupe, dès lors qu’elle a consenti à ce dernier des prêts importants et qu’elle lui a versé des dividendes ; que la doctrine 6 E-121 n°32 du 1” septembre 1991, qui ne concerne que les particuliers, n’est pas applicable à la société ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mai 2010, présentée pour la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 mai 2010 :

- le rapport de M. Noël, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Blin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bussac pour la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE ;

Sur les conclusions aux fins de décharge de l’imposition :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que, jusqu’en 2003, la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE était propriétaire des murs et des fonds de commerce exploités sous les enseignes Galeries Lafayette et Nouvelles Galeries, à l’exception du magasin du boulevard Haussmann à Paris, et que ces fonds étaient donnés en location-gérance à des sociétés du groupe Galeries Lafayette ; qu’à la suite d’une restructuration du groupe en 2003, la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE a fait apport à la société Magasins Galeries Lafayette et à la société Les Galeries des fonds de commerce des magasins des enseignes Galerie Lafayette et Nouvelles Galeries ; qu’elle est restée propriétaire, et à titre accessoire crédit-preneur, des immeubles dans lesquels les fonds apportés sont exploités, et a donné à bail ces immeubles nus à la société Magasins Galeries Lafayette et à la société Les Galeries ; que le chiffre d’affaire de la société requérante s’élève en 2006 à 59 383 123, 74 euros, dont 58 413 313, 12 euros correspondant aux activités de location et, à titre accessoire, de sous- location d’immeubles nus, le surplus de chiffre d’affaires représentant des redevances de location-gérance et de prestations de services ; que la société conteste l’inclusion des revenus tirés de ses activités de location d’immeubles dans les éléments retenus pour le calcul de la valeur ajoutée afin de déterminer le montant de cotisation minimale de taxe professionnelle dû pour l’année 2006, en soutenant que ces activités ne sont pas imposables à la taxe professionnelle ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1447 du code général des impôts🏛 : « La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée » ; que la location d’un immeuble nu par son propriétaire ne présente pas le caractère d’une activité professionnelle au sens de ces


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dispositions ; qu’il en va de même lorsqu’un immeuble nu est donné en sous-location par une personne qui en dispose en vertu d’un contrat de crédit-bail ;

Considérant, en premier lieu, qu’il est constant que la société requérante est l’actionnaire unique de la société Magasins Galeries Lafayette et de la société Les Galeries auxquelles elle loue et sous-loue les immeubles en cause, et que les baux comportent des clauses prévoyant notamment que les locaux seront obligatoirement exploités sous l’enseigne Galeries Lafayette, qu’aucun dépôt de garantie ne sera exigé, que le loyer ne représentera pas nécessairement la valeur du marché et que les locataires devront adhérer à l’association des commerçants ; que, toutefois, ces éléments, qui s’expliquent par l’appartenance des trois sociétés au groupe Galeries Lafayette, ne permettent pas d’établir à eux seuls que les sociétés exploitantes seraient dépourvues d’autonomie à l’égard de la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE ; que, s’il existe une solidarité financière entre la société requérante et les autres sociétés du groupe Galeries Lafayette, cette seule circonstance ne permet pas non plus d’établir que la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE exercerait une activité professionnelle par ses activités de location et de sous-location ; que, par suite, la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE ne peut être regardée comme ayant poursuivi son activité professionnelle antérieure de location-géranceen louant et sous-louant les immeubles nus qu’elle possède aux sociétés Magasins Galeries Lafayette et Les Galeries ;

Considérant en second lieu, que les montants des salaires versés par la société requérante et les prestations de services d’aménagement des locaux loués sont faibles au regard des loyers perçus et ne révèlent pas la mise en œuvre de moyens matériels et humains liés à une activité professionnelle, non plus que le montant des installations générales, agencements et aménagements divers, ainsi que le montant des installations techniques, du matériel et de l’outillage industriels inscrits dans son bilan par la société en 2006; que, de même, l’administration ne justifie pas que les immeubles loués ne seraient pas nus ; qu’au surplus, comme il a été dit plus haut, le chiffre d’affaires relatif aux redevances de location-gérance et aux prestations de services exercées par la société requérante étant faible au regard de celui relatif à ses activités de location et de sous-location, qui constituent l’essentiel de son activité, l’administration ne peut se prévaloir du caractère indissociable des activités accessoires de la société et de son activité principale de location et de sous-location ; qu’ainsi, les moyens que la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE met en œuvre pour ses activités de location et de sous-location sont insuffisants pour caractériser l’exercice d’une activité professionnelle ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les activités de location et de sous- location de la société requérante ne peuvent être considérées comme devant être assujetties à la taxe professionnelle ; que la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE est dès lors fondée à demander la restitution de la cotisation minimale qu’elle a acquittée pour l’année 2006 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE et non compris dans les dépens ;


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DECIDE :

Article 1”: Il est accordé à la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE la restitution de la somme de 529 730 euros qu’elle a acquittée au titre de la cotisation minimale de taxe professionnelle pour l’année 2006.

Article 2: L’Etat versera à la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE GRANDS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE et à la direction des grandes entreprises.

Copie en sera adressée au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de


Délibéré après l’audience du 4 mai 2010, à laquelle siégeaient :

Mme Herbelin, président,

M. Donnart et M. Noël, conseillers,

Lu en audience publique le 18 mai 2010

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

C. A Aa B

Le greffier

Signé

Ab C

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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