SOC. PRUD'HOMMES CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 17 novembre 2011
Rejet
M. BÉRAUD, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt no 2375 F-D
Pourvoi no H 10-16.353
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Eisenmann France, société à responsabilité limitée, dont le siège est Chatou,
contre l'arrêt rendu le 24 février 2010 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Thierry Y, domicilié Domène,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 octobre 2011, où étaient présents M. Béraud, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Huglo, conseiller rapporteur, Mme Geerssen, conseiller, Mme Taffaleau, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Eisenmann France, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. Y, l'avis de Mme Taffaleau, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 février 2010), que M. Y, engagé par la société Eisenmann France le 1er mai 2000 en qualité de responsable des réalisations industrielles automatisation, puis responsable du service après vente et mises en service, a été élu délégué du personnel le 29 juin 2006 ; qu'à la suite du refus par l'inspecteur du travail le 16 avril 2007 d'autoriser le licenciement pour motif économique du salarié, faute de recherches sérieuses de reclassement, celui-ci, après avoir saisi la juridiction prud'homale le 12 juillet 2007 d'une demande de résiliation judiciaire, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 27 septembre 2007 ; que, le 30 octobre 2007, le ministre du travail a confirmé la décision de refus d'autorisation ;
Sur le moyen unique, pris en six premières branches
Attendu que la société Eisenmann France fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte est intervenue à ses torts et en violation du statut protecteur et doit s'analyser en un licenciement nul et de la condamner au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen
1o/ que ne commet aucun manquement à son obligation de fournir du travail l'employeur qui, après avoir procédé, en raison de difficultés économiques, à la fermeture du site auquel était affecté le salarié, se trouve dans l'impossibilité de lui soumettre d'autres solutions de reclassement que celles qu'il a déjà refusées ; que lorsque ce salarié dispose d'un mandat de représentant du personnel, le maintien du contrat sans fourniture de travail, mais avec versement du salaire ne saurait être imputé à faute de l'employeur tant que se poursuit devant l'administration la procédure de demande d'autorisation du licenciement ; qu'en l'espèce, il était constant la société Eisenmann France avait fermé le site de Seyssinet sur lequel travaillait M. Y, l'inspecteur du travail ayant par ailleurs reconnu l'existence d'un motif économique de licenciement ; qu'elle offrait de prouver que les seules solutions de reclassement dans l'entreprise et le groupe avaient été proposées, aux mois de décembre 2006 et mai 2007, à M. Y qui les avait refusées, de sorte qu'elle n'avait pu lui fournir de travail même si elle avait continué à lui verser sa rémunération ; qu'enfin, elle rappelait qu'elle avait engagé la procédure de licenciement pour motif économique au mois de janvier 2007, mais qu'à la date de prise d'acte de la rupture le 27 septembre 2007, le ministre du travail ne s'était toujours pas prononcé sur le recours hiérarchique qu'elle avait formé contre la décision de l'inspecteur du travail ayant refusé, le 16 avril 2007, l'autorisation de licenciement ; qu'en déclarant la prise d'acte de la rupture justifiée par l'absence de fourniture de travail, l'employeur ne pouvant "se retrancher derrière la fermeture du site de Seyssinet", indépendamment de l'appréciation qu'elle portait sur l'obligation de reclassement, lorsque le défaut de fourniture de travail consécutif à la fermeture d'un établissement pour un motif économique ne saurait être imputé à faute de l'employeur par un salarié protégé qui refuse les seules offres de reclassement disponibles dans l'entreprise et le groupe, et dont la procédure d'autorisation de licenciement devant l'administration n'est toujours pas close, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et les articles L. 1222-1 et L. 1232-1 ;
2o/ que le refus de l'administration d'accorder à l'employeur une autorisation de licenciement d'un salarié titulaire d'un mandat de délégué du personnel n'a d'autorité qu'à l'égard de l'éventuel licenciement de ce dernier ; qu'elle ne lie donc pas le juge judiciaire appelé à statuer sur le bien-fondé d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'en retenant "que l'appréciation" portée par l'inspecteur du travail et l'administration sur "l'insuffisance des efforts de reclassement interne" s'imposait au juge judiciaire, lorsqu'elle statuait non sur le bien-fondé d'un licenciement, mais sur la justification d'une prise d'acte de la rupture, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790 ;
3o/ que ne manque pas à son obligation de reclassement l'employeur qui propose à un salarié les seuls postes disponibles dans l'entreprise et le groupe correspondant à ses compétences, ces postes seraient-ils localisés à l'étranger et rémunérés par un salaire inférieur à celui perçu en France par l'intéressé ; qu'en l'espèce, la société Eisenmann France faisait valoir que l'ensemble du groupe connaissait une importante restructuration ayant conduit à la suppression de 400 postes, de sorte que les seuls postes disponibles correspondant au profil de M. Y lui avaient été proposés ; qu'en se bornant à relever que les trois propositions faites à M. Y (deux en Chine et un en Russie) ainsi que le dernier poste proposé en mai 2007 postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail (en Allemagne) concernaient des postes à l'étranger comportant une rémunération inférieure à celle qu'il percevait en France et impliquant un éloignement familial et social s'agissant des postes situés en Russie et en Chine, pour en déduire qu'elles n'étaient pas "réelles, adaptées et personnalisées" et qu'elles traduisaient une violation par l'employeur de son obligation de loyauté, sans à aucun moment relever que l'employeur se serait abstenu de proposer d'autres postes disponibles dans l'entreprise ou le groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil et de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
4o/ que la société Eisenmann France faisait valoir que le poste de technicien service après-vente de Chatou était un poste de technicien en déplacement qui correspondait en réalité au poste relevant antérieurement du site de Seyssinet, seul le rattachement administratif de ce poste mobile ayant été modifié à la suite de la fermeture de ce site ; qu'elle ajoutait que ce poste qui était déjà occupé par M. ... n'était pas disponible pour un éventuel reclassement, ce salarié ayant accepté de relever du site de Chatou, ce que corroboraient l'avenant et les déclarations qu'il avait conclus ; qu'elle ajoutait enfin que ce poste correspondait aux qualifications techniques de M. ... (niveau de compétence technique, pratique de l'allemand) et non à celle de M. Y (compétence de supervision ; aucune pratique de l'allemand) ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que le poste de technicien service après-vente n'avait été proposé qu'à un seul salarié, sans rechercher si ce n'était pas le même poste de technicien qui avait été pourvu par M. ..., seul étant modifié son rattachement administratif, ni s'il n'exigeait pas des compétences dont ne justifiait pas M. Y, la cour d'appel a privé sa décision au regard de l'article 1134 du code civil et de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
5o/ que constitue une offre personnalisée de reclassement valable la lettre notifiée individuellement au salarié lui faisant part d'un poste disponible, dont la nature, la rémunération et le lieu d'implantation sont précisés ; qu'en l'espèce, il résultait de la lettre du 29 mai 2007 que la société Eisenmann France proposait à M. Y un poste "disponible au sein d'Eisenmann AG en Allemagne, correspondant à vos qualifications (...) - un poste d'ingénieur ..., connaissance de l'anglais requise", la rémunération étant fixée à "à 55 000 euros bruts par an" ; qu'en retenant que cette offre de reclassement n'était ni sérieuse ni loyale aux motifs inopérants que le salaire était inférieur à celui dont bénéficiait le salarié antérieurement et que le salarié n'avait pu trouver le descriptif sur la version anglaise du site internet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
6o/ qu'en tout état de cause la prise d'acte de la rupture ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués par le salarié, seraient-ils avérés, sont la véritable cause de son départ ; qu'en l'espèce, la société Eisenmann France faisait valoir que M. Y avait retrouvé un emploi avant de prendre acte de la rupture, ce dont il résultait que la véritable cause du départ ne résidait pas dans l'absence de fourniture du travail imputée à l'employeur ni dans la prétendue absence de recherche de reclassement ; qu'en se bornant à relever que les manquements invoqués par le salarié étaient "avérés", sans rechercher, comme elle y était invitée, si le départ du salarié n'était pas en réalité motivé par l'obtention de ce nouvel emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1221-1, L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'aucune modification de son contrat de travail et aucun changement de ses conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié protégé et qu'il appartient à l'employeur d'engager la procédure de licenciement, en cas de refus par le salarié de cette modification ou de ce changement en demandant l'autorisation de l'inspecteur du travail ;
Et attendu que, après avoir constaté que les propositions de reclassement faites par l'employeur n'étaient ni sérieuses ni loyales et que l'employeur n'avait plus fourni de travail au salarié à compter du début de l'année 2007, la cour d'appel a décidé à bon droit, sans encourir les griefs du moyen et sans avoir à effectuer d'autres recherches, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié s'analysait en un licenciement nul ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le moyen unique, pris en sa septième branche
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt de statuer comme il a fait, alors, selon le moyen, que le salariée protégé dont la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul ne saurait bénéficier des salaires courant jusqu'à la date d'expiration de son mandat lorsqu'il a déjà retrouvé un emploi ; qu'en allouant au salarié à titre de réparation des dommages et intérêts équivalant aux salaires restant à courir jusqu'à l'expiration du mandat de délégué du personnel, sans rechercher comme l'y invitait l'exposante si M. Y n'avait pas perçu des salaires qui devaient être déduits de cette indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-4, L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du code du travail ;
Mais attendu que, lorsque les faits allégués la justifient, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par un salarié protégé produit les effets d'un licenciement nul prononcé en violation du statut protecteur, ce dont il résulte que l'indemnité due à ce titre est une indemnité forfaitaire, sans déduction, égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours ; que c'est dès lors à bon droit que la cour a ainsi statué ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eisenmann France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eisenmann France et la condamne à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Eisenmann France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que la rupture du contrat de travail était intervenue aux torts de la société EISENMANN FRANCE, en violation du statut protecteur attaché au mandat représentatif de Monsieur Y, que le licenciement était nul et en ce qu'il avait condamné la société EISENMANN FRANCE à payer à Monsieur Y les sommes de 18.060 euros à titre d'indemnité de prévis, outre 1.806 euros à titre de congés payés, 10.795 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 36.120 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et D'AVOIR, infirmant le jugement entrepris de ce chef, condamné la société EISENMANN FRANCE à payer au salarié une somme de 198.660 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur
AUX MOTIFS QUE le 15 décembre 2006, la société EISENMANN FRANCE a pour la première fois informé les délégués du personnel de la fermeture du site de SEYSSINET ; que la fermeture de l'établissement a été décidée par l'associé unique la société EISENMANN FRANCE GmbH le 27 décembre 2006 et était effective début 2007 ; que par courrier du 28 décembre 2006, la société EISENMANN FRANCE a fait à Thierry Y trois propositions de reclassement sur des postes de technicien, un poste aux environs de MOSCOU et deux postes à SHANGAÏ ; que le 1er février 2007, l'employeur a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Thierry Y,autorisation qui lui a été refusée par décision du 16 avril 2007, en considération de l'insuffisance des efforts de reclassement internes entrepris précipitamment et ne présentant pas les caractères de sérieux, d'adaptation et de personnalisation ; que le ministre du travail a le 30 octobre 2007, confirmé la décision de l'inspecteur du travail ; qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de remettre en cause ce qui a été régulièrement décidé par l'inspecteur du travail, de sorte que son appréciation sur l'insuffisance des efforts de reclassement à la date du 16 avril 2007 s'impose à lui, peu important que Thierry Y ait pris acte de la rupture avant la décision du ministre du travail ; que les propositions que la société EISENMANN FRANCE a faites à Thierry Y les 21 et 29 mai 2007 dans le prolongement de la décision de l'inspecteur du travail ont pour seul but de créer une apparence de reclassement, mais ne sont ni sérieuses ni loyales, le premier courrier invitant uniquement le salarié à consulter les offres d'emploi sur le site internet du groupe et le second courrier concernant un poste moins rémunéré (55.000 euros par an) dont Thierry indique qu'il n'a pu trouver le descriptif sur la version anglaise du site internet ; que l'ensemble de ces éléments démontre la désinvolture dont a fait preuve la société EISENMANN FRANCE dans le reclassement de son salarié protégé ; qu'au surplus, en ne fournissant pas de travail à Thierry Y du début de l'année 2007 au mois de septembre 2007, date à laquelle il a pris l'initiative de rompre le contrat de travail, la société EISENMANN FRANCE a gravement manqué à ses obligations ; qu'elle ne peut pour légitimer ce manquement se retrancher derrière la fermeture du site de SEYSSINET, qu'elle avait elle-même décidée en prévenant les salariés au dernier moment ; que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Thierry Y en raison des manquements avérés qu'il reproche à son employeur, produit les effets d'un licenciement nul ; que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité de préavis, à l'indemnité de licenciement non contestées dans leur montant et aux dommages et intérêts pour licenciement nul, évalués à six mois de salaire ;
qu'il n'est pas contesté que le mandat de délégué du personnel de Thierry Y expirait le 28 juin 2010, soit 33 mois après la rupture du contrat de travail ; que sur la base de la rémunération mensuelle de 6.020 euros, il lui sera alloué la somme de 198.660 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de la violation du statut protecteur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE (...) dès lors que le salarié est titulaire d'un mandat représentatif, l'autorisation de licenciement doit être donnée par l'inspecteur du travail, auquel il appartient de vérifier notamment si les propositions de reclassement faites au salarié sont sérieuses, adaptées et personnalisées ; qu'ainsi, une proposition de reclassement qui ne pourrait qu'être refusée par le salarié compte tenu des conditions de rémunération, d'éloignement dans un pays étranger, au regard de ses aptitudes, de son âge ou de ses charges de famille, ne peut être perçue comme réelle, adaptée et personnalisée, alors qu'elle traduirait ainsi un manquement par l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il est constant, avant que le demandeur ne saisisse le conseil de prud'hommes, que seules des propositions de reclassement ont été faites à Monsieur Y pour des postes situés à l'étranger, dont en Russie et en Chine, puis en Allemagne, avec des conditions de salaires très en dessous de ce qu'il percevait en France, expatriation dans des endroits très éloignés de ses attaches, sans aucune contrepartie financière, avec les divers inconvénients tant personnels que familiaux liés à la barrière de la langue voire à un certain isolement social s'agissant des postes situés en Russie et en Chine ; qu'ainsi que l'a constaté l'inspecteur du travail dans sa décision du 16 avril 2007 qui a été confirmée par le ministre du travail, si la réalité du motif économique n'était pas contestable, par contre, les propositions de reclassement n'étaient pas suffisantes, et ne présentaient pas les caractères sérieux, adaptés et personnalisés qu'elles auraient dû avoir, alors que le poste de technicien SAV, basé en France, n'avait été proposé qu'à un seul salarié, sans l'avoir été auprès de l'ensemble des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle ; que par décision devenue définitive du 30 octobre 2007, l'autorisation de licencier Monsieur Y, qui avait la qualité de délégué du personnel, a ainsi été refusée par le ministère du travail ; qu'en conséquence, cette décision s'imposant au juge judiciaire, et alors qu'il n'est pas contesté que Monsieur Y a saisi le conseil de prud'hommes parce qu'il se retrouvait sans emploi ni mission suite à la fermeture du site de SEYSSINET-PARISET, l'employeur ayant ainsi manqué à son obligation de fournir du travail, sans cependant assumer ses responsabilités suite à la décision de fermer ce site, il en résulte que le demandeur est désormais parfaitement recevable et bien fondé à se prévaloir de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société EISENMANN FRANCE ; qu'il sera, dès lors, fait intégralement droit à ses prétentions dans leur principe, puisque la défenderesse devra l'indemniser pour la perte du préavis de trois mois en raison du statut de cadre de Monsieur Y, devra exécuter ses obligations en matière d'indemnités de licenciement, et également régler les salaires que le demandeur aurait dû percevoir jusqu'au terme de son mandat de délégué du personnel, puisque la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, emporte les effets d'un licenciement nul en raison de la violation du statut particulier de ce salarié, sans être exclusif de dommages et intérêts liés à la nullité de cette rupture, Monsieur Y ayant subi un préjudice lié à la décision de fermeture du site sans reclassement ni licenciement puisqu'il s'est retrouvé sans emploi véritable, et sans aucun élément ne lui permettant de pouvoir appréhender la suite de son activité professionnelle ; (...) qu'il sera dû à monsieur Y les sommes de 18.060 euros à titre d'indemnité de préavis, 1.806 euros au titre des congés payés afférents, de 10.795 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 36.120 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (...) ;
1o) ALORS QUE ne commet aucun manquement à son obligation de fournir du travail l'employeur qui, après avoir procédé, en raison de difficultés économiques, à la fermeture du site auquel était affecté le salarié, se trouve dans l'impossibilité de lui soumettre d'autres solutions de reclassement que celles qu'il a déjà refusées ; que lorsque ce salarié dispose d'un mandat de représentant du personnel, le maintien du contrat sans fourniture de travail, mais avec versement du salaire ne saurait être imputé à faute de l'employeur tant que se poursuit devant l'administration la procédure de demande d'autorisation du licenciement ; qu'en l'espèce, il était constant la société EISENMANN France avait fermé le site de SEYSSINET sur lequel travaillait Monsieur Y, l'inspecteur du travail ayant par ailleurs reconnu l'existence d'un motif économique de licenciement (jugement entrepris p. 5 et production no 4) ; qu'elle offrait de prouver que les seules solutions de reclassement dans l'entreprise et le groupe avaient été proposées, aux mois de décembre 2006 et mai 2007 (productions no 6, 7 et 8), à Monsieur Y qui les avait refusées, de sorte qu'elle n'avait pu lui fournir de travail même si elle avait continué à lui verser sa rémunération ; qu'enfin, elle rappelait qu'elle avait engagé la procédure de licenciement pour motif économique au mois de janvier 2007, mais qu'à la date de prise d'acte de la rupture le 27 septembre 2007 (prod. no 3), le ministre du travail ne s'était toujours pas prononcé sur le recours hiérarchique qu'elle avait formé contre la décision de l'inspecteur du travail ayant refusé, le 16 avril 2007, l'autorisation de licenciement ; qu'en déclarant la prise d'acte de la rupture justifiée par l'absence de fourniture de travail, l'employeur ne pouvant " se retrancher derrière la fermeture du site de Seyssinet " (arrêt attaqué p. 4 et 5), indépendamment de l'appréciation qu'elle portait sur l'obligation de reclassement, lorsque le défaut de fourniture de travail consécutif à la fermeture d'un établissement pour un motif économique ne saurait être imputé à faute de l'employeur par un salarié protégé qui refuse les seules offres de reclassement disponibles dans l'entreprise et le groupe, et dont la procédure d'autorisation de licenciement devant l'administration n'est toujours pas close, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et les articles L. 1222-1 et L. 1232-1 ;
2o) ALORS QUE le refus de l'administration d'accorder à l'employeur une autorisation de licenciement d'un salarié titulaire d'un mandat de délégué du personnel n'a d'autorité qu'à l'égard de l'éventuel licenciement de ce dernier ; qu'elle ne lie donc pas le juge judiciaire appelé à statuer sur le bien-fondé d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'en retenant " que l'appréciation " portée par l'inspecteur du travail et l'administration sur " l'insuffisance des efforts de reclassement interne " s'imposait au juge judiciaire, lorsqu'elle statuait non sur le bien-fondé d'un licenciement, mais sur la justification d'une prise d'acte de la rupture, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790 ;
3o) ALORS QUE ne manque pas à son obligation de reclassement l'employeur qui propose à un salarié les seuls postes disponibles dans l'entreprise et le groupe correspondant à ses compétences, ces postes seraient-ils localisés à l'étranger et rémunérés par un salaire inférieur à celui perçu en France par l'intéressé ; qu'en l'espèce, la société EISENMANN FRANCE faisait valoir que l'ensemble du groupe connaissait une importante restructuration ayant conduit à la suppression de 400 postes (conclusions p. 10 et note d'information du personnel, prod. no 12), de sorte que les seuls postes disponibles correspondant au profil de Monsieur Y lui avaient été proposés ; qu'en se bornant à relever que les trois propositions faites à Monsieur Y (deux en CHINE et un en RUSSIE) ainsi que le dernier poste proposé en mai 2007 postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail (en ALLEMAGNE) concernaient des postes à l'étranger comportant une rémunération inférieure à celle qu'il percevait en FRANCE et impliquant un éloignement familial et social s'agissant des postes situés en RUSSIE et en CHINE (jugement entrepris p. 5 et arrêt attaqué p. 4), pour en déduire qu'elles n'étaient pas " réelles, adaptées et personnalisées " et qu'elles traduisaient une violation par l'employeur de son obligation de loyauté, sans à aucun moment relever que l'employeur se serait abstenu de proposer d'autres postes disponibles dans l'entreprise ou le groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article L. 1232-1 du Code du travail ;
4o) ALORS QUE la société EISENMANN FRANCE faisait valoir que le poste de technicien service après-vente de CHATOU était un poste de technicien en déplacement qui correspondait en réalité au poste relevant antérieurement du site de SEYSSINET, seul le rattachement administratif de ce poste mobile ayant été modifié à la suite de la fermeture de ce site ; qu'elle ajoutait que ce poste qui était déjà occupé par Monsieur ... n'était pas disponible pour un éventuel reclassement, ce salarié ayant accepté de relever du site de CHATOU, ce que corroboraient l'avenant et les déclarations qu'il avait conclus (productions no 14 à 17) ; qu'elle ajoutait enfin que ce poste correspondait aux qualifications techniques de Monsieur ... (niveau de compétence technique, pratique de l'allemand) et non à celle de Monsieur Y (compétence de supervision ; aucune pratique de l'allemand) ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que le poste de technicien service après-vente n'avait été proposé qu'à un seul salarié, sans rechercher si ce n'était pas le même poste de technicien qui avait été pourvu par Monsieur ..., seul étant modifié son rattachement administratif, ni s'il n'exigeait pas des compétences dont ne justifiait pas Monsieur Y, la cour d'appel a privé sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article L. 1232-1 du Code du travail ;
5o) ALORS QUE constitue une offre personnalisée de reclassement valable la lettre notifiée individuellement au salarié lui faisant part d'un poste disponible, dont la nature, la rémunération et le lieu d'implantation sont précisés ; qu'en l'espèce, il résultait de la lettre du 29 mai 2007 que la société EISENMANN FRANCE proposait à Monsieur Y un poste " disponible au sein d'EISENMANN AG en Allemagne, correspondant à vos qualifications (...) - un poste d'ingénieur ..., connaissance de l'anglais requise ", la rémunération étant fixée à " à 55.000 euros bruts par an " ; qu'en retenant que cette offre de reclassement n'était ni sérieuse ni loyale aux motifs inopérants que le salaire était inférieur à celui dont bénéficiait le salarié antérieurement et que le salarié n'avait pu trouver le descriptif sur la version anglaise du site internet (arrêt attaqué p. 4), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
6o) ALORS en tout état de cause QUE la prise d'acte de la rupture ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués par le salarié, seraient-ils avérés, sont la véritable cause de son départ ; qu'en l'espèce, la société EISENMANN FRANCE faisait valoir que Monsieur Y avait retrouvé un emploi avant de prendre acte de la rupture, ce dont il résultait que la véritable cause du départ ne résidait pas dans l'absence de fourniture du travail imputée à l'employeur ni dans la prétendue absence de recherche de reclassement ; qu'en se bornant à relever que les manquements invoqués par le salarié étaient " avérés ", sans rechercher, comme elle y était invitée, si le départ du salarié n'était pas en réalité motivé par l'obtention de ce nouvel emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1221-1, L. 1231-1 et L. 1232-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
7o) ALORS QUE le salariée protégé dont la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul ne saurait bénéficier des salaires courant jusqu'à la date d'expiration de son mandat lorsqu'il a déjà retrouvé un emploi ; qu'en allouant au salarié à titre de réparation des dommages et intérêts équivalant aux salaires restant à courir jusqu'à l'expiration du mandat de délégué du personnel, sans rechercher comme l'y invitait l'exposante si Monsieur Y n'avait pas perçu des salaires qui devaient être déduits de cette indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.120-4, L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du Code du travail.