Jurisprudence : Cass. com., 15-11-2011, n° 10-25.473, F-D, Cassation partielle

Cass. com., 15-11-2011, n° 10-25.473, F-D, Cassation partielle

A9382HZI

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COMM. MF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 novembre 2011
Cassation partielle
Mme FAVRE, président
Arrêt no 1139 F-D
Pourvoi no V 10-25.473
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Marc Jacobs international, dont le siège est États-Unis), société constituée selon les lois de l'Etat du Delaware,
contre l'arrêt rendu le 14 mai 2010 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant
1o/ à la société Euroline, société par actions simplifiée, dont le siège est Paris,
2o/ à la société Duo Lynx, société par actions simplifiée, dont le siège est Paris,
3o/ à la société Wylson, société anonyme, dont le siège est Paris,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 octobre 2011, où étaient présents Mme Favre, président, Mme Mouillard, conseiller rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, M. Carre-Pierrat, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Marc Jacobs international, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Euroline et Duo Lynx, l'avis de M. Carre-Pierrat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Marc Jacobs international du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Wylson ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Marc Jacobs international, qui crée et commercialise des vêtements et des accessoires de mode sous les marques Marc ... et Marc by Marc ..., commercialise depuis l'année 2000 un modèle de sac dénommé Venetia ; qu'ayant appris qu'un modèle qu'elle considère comme reproduisant servilement les caractéristiques de ce sac était proposé à la vente, revêtu d'une étiquette Euroline, dans le magasin parisien de la société Galeries Lafayette, elle a assigné les sociétés Euroline et Galeries Lafayette en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, réclamant aussi des mesures d'interdiction, de destruction et de publication ; que la société Galeries Lafayette a appelé en garantie les sociétés Duo Lynx et Wylson en qualité de fournisseurs des sacs litigieux ; que, sur appel de la société Marc Jacobs international, qui s'est ensuite désistée envers la société Galeries Lafayette, la cour d'appel, après avoir mis hors de cause la société Wylson au motif qu'aucune pièce n'établissait qu'elle était impliquée dans la fabrication ou la commercialisation des sacs, a rejeté les demandes de la société Marc Jacobs international contre les sociétés Euroline et Duo Lynx ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter les demandes formés par la société Marc Jacobs international contre les sociétés Euroline et Duo Lynx au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt, après avoir énoncé qu'une prestation qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduite à moins que ne soit démontrée une faute des sociétés poursuivies, retient que les caractéristiques respectives des produits en cause, notamment en termes de qualité et de prix, excluent que le public puisse se méprendre sur leur origine, d'autant qu'il sont vendus dans des conditions différentes, les sacs Euroline étant placés dans des bacs quand ceux de la société Marc Jacobs international sont, comme tout produit de luxe, offerts à la vente sur des présentoirs ; que la cour d'appel en déduit qu'à défaut de risque de confusion démontré, les demandes de la société Marc Jacobs international ne sont pas fondées ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, indépendamment d'un risque de confusion auprès de la clientèle, le sac incriminé n'était pas de nature à évoquer, dans l'esprit du public concerné, le sac Venetia de la société Marc Jacobs international, et, eu égard à sa piètre qualité, à porter atteinte à son image de marque et à sa notoriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le même moyen, pris en sa quatrième branche Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes formées par la société Marc Jacobs international contre les sociétés Euroline et Duo Lynx au titre d'actes parasitaires, l'arrêt retient que la notion de parasitisme n'est pas applicable en l'espèce du fait même de la situation de concurrence existant entre les parties ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'exercice de l'action pour parasitisme ou concurrence parasitaire n'est pas subordonné à une absence de situation de concurrence entre les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met la société Wylson hors de cause, l'arrêt rendu le 14 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Euroline et Duo Lynx aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Marc Jacobs international la somme globale de 2 500 euros et rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Marc Jacobs international
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société MARC JACOBS INTERNATIONAL de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés EUROLINE et DUO LYNX pour concurrence déloyale et parasitaire, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à raison de la commercialisation et de l'importation d'un sac imitant son modèle de sac VENETIA ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE "la société MARC JACOBS INTERNATIONAL fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté son action en concurrence déloyale et parasitaire en méconnaissance des données de fait et des règles qui régissent la matière ; qu'elle incrimine à l'encontre des sociétés intimées la reprise servile des caractéristiques du modèle VENETIA, soit la forme rectangulaire, la présence de deux poches frontales à rabat ornées de surpiqûres comprenant un fermoir métallique de forme ronde orné dans sa partie supérieure d'un cercle gravé dans le métal, une lanière centrale se fermant par une boucle rectangulaire métallique et comportant deux passants, l'un étant libre et l'autre fixé au sac par deux rivets, ainsi que deux anses rattachées au sac par des anneaux métalliques attachés à un double empiètement placé en superposition ; que cependant, le simple fait de copier la prestation d'autrui ne constitue pas comme tel un acte de concurrence fautif, le principe étant qu'une prestation qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduite et ce, en vertu du principe de liberté du commerce et de la concurrence ; qu'il appartient à la société MARC JACOBS INTERNATIONAL qui incrimine un comportement fautif de la part des sociétés intimées de caractériser la faute de ces dernières et de démontrer qu'elles ont cherché à créer un risque de confusion avec le sac qu'elle commercialise sous la dénomination VENETIA ; que les parties exerçant leur activité dans le même domaine économique, distribuant leurs produits notamment dans des grands magasins concurrents tels que le PRINTEMPS et le BON MARCHE pour la société appelante et les GALERIES LAFAYETTE pour la société EUROLINE, et se trouvant ainsi en situation de concurrence, il y a lieu de rechercher si les éléments de la concurrence déloyale sont réunis, la notion de parasitisme n'étant pas applicable aux circonstances de la présente affaire du fait même de la situation de concurrence existant entre les parties ; qu'outre l'absence sur le sac vendu sous la dénomination EUROLINE d'une lanière centrale faisant le tour du sac et la taille plus petite de ce dernier, l'apparence d'ensemble des deux produits en cause exclut tout risque de confusion dans l'esprit de la clientèle indépendamment du prix de vente de chacun des modèles, 29,90 euros après réduction (45 euros au prix d'origine) pour le sac commercialisé par les sociétés intimées et environ 750 euros pour le sac vendu par la société MARC JACOBS INTERNATIONAL ; qu'en effet, outre la forme générale plus ramassée du sac EUROLINE, la matière, cuir noir souple légèrement grainé pour le VENETIA et PVC de couloir violine imitant grossièrement des écailles de serpent et de crocodile pour le sac attaqué, les boucles, rivets et fermoirs en métal blanc pour le premier et en métal jaune pour le second, ainsi que l'apposition apparente de la marque MARC JACOBS sur le devant du sac à l'emplacement des fermoirs et reprise sur la tige en métal qui accompagne la fermeture à glissière alors que le sac ayant fait l'objet du constat réalisé aux Galeries Lafayette supporte une étiquette revêtue de la dénomination EUROLINE, la doublure en peau et les poches intérieures du sac VENETIA dont la qualité des finitions ne se retrouve nullement sur celles des poches intérieures de forme rudimentaire du sac litigieux dont la doublure est en textile enduit, excluent que le public puisse se méprendre sur l'origine des deux produits lesquels sont, de plus, vendus dans des conditions qui diffèrent, le sac EUROLINE étant placé dans des bacs au contraire des sacs de l'appelante qui, comme tout produit de luxe, sont offerts à la vente sur des présentoirs ; qu'il suit que faute pour la société MARC JACOBS INTERNATIONAL de démontrer la réalité du risque de confusion, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef" ;
ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSER ADOPTES, QUE "MARC JACOBS INTERNATIONAL n'allègue ni ne soutient qu'elle serait titulaire des droits d'auteur sur le sac VENETIA, ni que ledit sac serait suffisamment original pour être susceptible de bénéficier de la protection du Code de la propriété intellectuelle ; que les modèles non protégeables peuvent être reproduits librement et que le seul fait de vendre un produit imitant un produit non protégeable de son concurrent n'est pas constitutif de concurrence déloyale et relève de la liberté du commerce ; que la concurrence peut cependant être qualifiée de déloyale s'il existe un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ; que les parties sont bien, contrairement à ce qu'affirment les défenderesses, en situation de concurrence, le sac VENETIA de MARC JACOBS INTERNATIONAL étant notamment commercialisé en France par les grands magasins AU BON MARCHE et PRINTEMPS, qui sont notoirement concurrents des GALERIES LAFAYETTE, cette dernière s'adresse également à la clientèle visée par les produits de MARC JACOBS INTERNATIONAL ; que cependant, les sacs que le tribunal a pu comparer diffèrent suffisamment, notamment par l'apparence générale, très dissemblable que leur donne leur matière respective, un cuir de qualité d'une part, le PVC d'autre part, pour qu'un consommateur d'attention moyenne ne puisse les confondre ; qu'au surplus, les sacs commercialisés par la SA GALERIES LAFAYETTE comportaient une étiquette sur laquelle était mentionnée sur une face la marque EUROLINE et sur l'autre face notamment la mention PVC doublure textile induite, en sorte qu'une éventuelle confusion avec le sac en cuir de MARC JACOBS INTERNATIONAL ne pouvait subsister ; que MARC JACOBS INTERNATIONAL formule également à l'encontre des défenderesses le grief de concurrence parasitaire mais n'avance à l'appui dudit grief aucun argument distinct de ceux avancés à l'appui du grief de concurrence déloyale ; que les conditions dans lesquelles ont été vendus les sacs EUROLINE, en particulier leur présentation dans des bacs, sont exclusives de toute prestation de service caractéristique de la vente d'un produit de luxe, comme le sac VENETIA, et ne démontrent pas la volonté qu'auraient eu les défenderesses de se placer dans le sillage de MARC JACOBS INTERNATIONAL et de profiter de sa renommée et de ses investissements, lesquels au demeurant ne sont aucunement justifiés ; que le tribunal déboutera MARC JACOBS INTERNATIONAL de l'ensemble de ses demandes" ;
ALORS, D'UNE PART, QU'est contraire aux usages loyaux du commerce le fait d'imiter le produit connu d'un autre opérateur économique, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'image de marque ou à la notoriété de ce produit ; qu'une telle atteinte est caractérisée indépendamment de tout risque de confusion, à raison du lien ou de l'association que le public est susceptible d'effectuer entre le produit connu et son imitation ; qu'en l'espèce, en se bornant à constater l'absence d'un risque de confusion entre les produits en cause, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, alors même que la clientèle ne risquait pas de se méprendre sur l'origine des sacs litigieux, le sac incriminé n'était pas de nature à évoquer, dans l'esprit du public concerné, le sac VENETIA de la société MARC JACOBS INTERNATIONAL, et, eu égard à sa piètre qualité, à porter atteinte à son image de marque et à sa notoriété, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en s'attachant aux seules différences pouvant exister entre les sacs litigieux, sans s'expliquer sur les nombreuses ressemblances invoquées par la société MARC JACOBS INTERNATIONAL (cf. conclusions d'appel signifiées le 1er février 2010, p. 15), et quand les différences relevées, tenant notamment à la moindre qualité des matières et des finitions, ainsi qu'aux conditions de commercialisation des sacs en cause, n'étaient aucunement de nature à exclure une atteinte à l'image de marque et à la notoriété du sac VENETIA, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QU'en se bornant à affirmer que la renommée et les investissements de la société MARC JACOBS INTERNATIONAL ne seraient " pas justifiés ", sans s'expliquer, comme elle y était invitée (cf. conclusions d'appel signifiées le 1er février 2010, p. 13 et 14) sur les nombreux articles de presse versés aux débats par cette société pour justifier de la notoriété de son sac et de ses investissements, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE l'exercice de l'action pour parasitisme ou concurrence parasitaire n'est nullement subordonné à une absence de situation de concurrence entre les parties ; qu'une telle action exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice ; qu'en retenant, pour débouter la société MARC JACOBS INTERNATIONAL de son action en concurrence déloyale et parasitaire, que le parasitisme ne serait pas applicable aux circonstances de la présente espèce "du fait même de la situation de concurrence existant entre les parties", la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil par refus d'application ;
ALORS, ENFIN, QU'est contraire aux usages loyaux du commerce le fait de se placer dans le sillage d'un opérateur économique en cherchant à tirer indûment profit de la notoriété de ses produits ; qu'en déboutant la société MARC JACOBS INTERNATIONAL de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire, sans rechercher si, en commercialisant les sacs incriminés, les sociétés EUROLINE et WYLSON n'avaient pas fautivement cherché à se placer dans son sillage et à profiter de la notoriété de ses produits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

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