Jurisprudence : CE 9 SS, 16-11-2011, n° 331893



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

331893

M. et Mme MOURIERAS

M. Matthieu Schlesinger, Rapporteur
Mme Claire Legras, Rapporteur public

Séance du 7 octobre 2011

Lecture du 16 novembre 2011

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème sous-section)


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 septembre et 25 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Roland MOURIERAS, demeurant 124 route de Genève à Rilleux-La-Pape (69140) ; M. et Mme MOURIERAS demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 20 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000, ainsi que des intérêts de retard dont elles ont été assorties, et, d'autre part, à la réduction de ces impositions à hauteur de la somme de 83 796 euros s'agissant de l'impôt sur le revenu ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de Me de Nervo, avocat de M. et Mme MOURIERAS,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me de Nervo, avocat de M. et Mme MOURIERAS ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a mis à la charge de M. et Mme MOURIERAS, associés de la SCI du Brinon, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu par voie de conséquence des redressements mis à la charge de la SCI du Brinon à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2000, à raison de la réintégration dans les revenus fonciers de cette société d'une indemnité provisionnelle que la commune de Villeurbanne avait été condamnée à lui verser par une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lyon en date du 4 juillet 2000 ; que M. et Mme MOURIERAS se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 25 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Lyon qui a confirmé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 juin 2006 rejetant leur demande de décharge ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation" ; qu'aux termes de l'article L. 80 CA du même livre : "La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France" ;

Considérant qu'en estimant que le visa de l'article 1655 ter du code général des impôts au lieu de l'article 8 du même code, dans la notification de redressements adressée le 22 juillet 2002 à M. et Mme MOURIERAS n'avait pas été de nature à les induire en erreur sur le fondement des redressements, dès lors que les explications figurant dans ce document, rappelant que les associés des sociétés immobilières sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des revenus sociaux correspondant à leurs droits dans la société, précisaient ainsi sans ambiguïté les motifs des redressements notifiés et leur permettaient de présenter utilement leurs observations, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son arrêt de dénaturation ou d'insuffisance de motivation ;

Considérant qu'en jugeant que cette erreur constituait une simple erreur matérielle, dont il n'était pas établi qu'elle avait privé M. et Mme MOURIERAS de la possibilité de formuler leurs observations, la cour a porté une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, sur les faits qui lui étaient soumis et a pu, sans commettre d'erreur de droit, en déduire que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ne pouvait qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 29 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : "Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. / Dans les recettes brutes de la propriété sont comprises notamment celles qui proviennent de la location du droit d'affichage ou du droit de chasse, de la concession du droit d'exploitation des carrières, de redevances tréfoncières ou autres redevances analogues ayant leur origine dans le droit de propriété ou d'usufruit" ;

Considérant qu'après avoir relevé que l'indemnité provisionnelle au versement de laquelle la commune de Villeurbanne avait été condamnée par une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lyon en date du 4 juillet 2000 avait pour unique objet de compenser la perte de loyers subie par la SCI du Brinon et avait ainsi été calculée à partir des revenus qu'aurait dus percevoir la SCI, dans des conditions de jouissance normale, de la location des immeubles existants et de celle de l'immeuble dont la construction n'a pu être achevée, la cour, qui n'a pas dénaturé le sens de l'ordonnance, a, sans commettre d'erreur de droit, par un arrêt suffisamment motivé, jugé que cette indemnité, qui ne visait pas à compenser la dépréciation d'un élément du patrimoine de la SCI, constituait un revenu foncier au sens de l'article 29 du code général des impôts ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit au regard des règles du droit de l'Union européenne relatives à la taxe sur la valeur ajoutée est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. et Mme MOURIERAS ne peut qu'être rejeté ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. et Mme MOURIERAS et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme MOURIERAS est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Roland MOURIERAS et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Délibéré dans la séance du 7 octobre 2011 où siégeaient : M. Jean-Pierre Jouguelet, Président de sous-section, Président ; M. Jean de L'Hermite, Conseiller d'Etat et M. Matthieu Schlesinger, Auditeur-rapporteur.

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