COUR D'APPEL D'ORLÉANS
GROSSES + EXPÉDITIONS
SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE
Me Elisabeth BORDIER
SCP LAVAL-LUEGER
ARRÊT du : 31 OCTOBRE 2011
N° :
N° RG : 10/02218
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 01 Juin 2010
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE
La S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
100 Route de Versailles
78160 MARLY LE ROI
représentée par la SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP SIMMONS & SIMMONS, du barreau de PARIS, Me Jacques-Antoine ROBERT, du barreau de PARIS
D'UNE PART
INTIMÉES :
Madame Aa A B épouse C
… … … …
… …
… …
représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Cour
ayant pour avocat la SELARL CABINET MOR, avocat au barreau du VAL D'OISE
La MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DU LOIR ET CHER 'MSS.A"
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
19 avenue de Vendôme
41000 BLOIS
représentée par la SCP LAVAL LUEGER, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP BERTRAND - RADISSON - BROSSAS, du barreau d'ORLÉANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 15 Juillet 2010
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 Août 2011
Lors des débats, du délibéré :
Monsieur Bernard BUREAU, Président de Chambre,
Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.
Greffier :
Madame Evelyne PEIGNE, Greffier lors des débats ,
Madame Anne-Chantal PELLÉ, Greffier lors du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 SEPTEMBRE 2011, à laquelle ont été entendus Monsieur Bernard BUREAU , Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 31 OCTOBRE 2011 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Aa C, alors âgée de 17 ans, s'est fait administrer les 11 et 29 juillet 1995, des injections d'un vaccin contre l'hépatite B, de marque ENGERIX B, produit par la société GLAXOSMITHKLINE.
Elle soutient avoir présenté, dès les injections, des engourdissements et des fourmillements des membres, puis, six mois après, des troubles oculaires graves qui ont conduit bientôt à un diagnostic d'affection démyélinisante justifiant une I.R.M. le 01 mars 1997 puis à un examen du 30 juin 1997 confirmant le diagnostic de sclérose en plaques ;
Attribuant la pathologie dont elle souffre à la vaccination précitée, Aa C a obtenu la désignation d'un collège de trois experts dont les membres ont conclu, de façon générale, qu'il
n'existait aucun lien de causalité direct démontré entre la sclérose en plaques et le vaccin contre l'hépatite B ;
Aa C a saisi le Tribunal de grande instance d'ORLÉANS d'une demande contre la société GLAXOSMITHKLINE en appelant en cause la CAISSE de MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE DE TOURAINE ;
Par jugement du 01 juin 2010, le Tribunal a, notamment :
" déclaré la société GLAXOSMITHKLINE responsable de la survenue chez Aa C de la sclérose en plaques ;
" déclaré la société GLAXOSMITHKLINE tenue d'indemniser le préjudice Aa C ;
" avant dire droit sur la liquidation du préjudice, ordonné une expertise médicale ;
* condamné la société GLAXOSMITHKLINE à payer à Aa C 5.000 € d'indemnité de procédure ;
" sursis à statuer sur les autres demandes ;
Vu les conclusions récapitulatives :
- du 11 juillet 2011, pour la société GLAXOSMITHKLINE, appelante ;
- du 11 août 2011, pour Aa C ;
- du 16 août 2011, pour la C.M.S.A. Ab Ac venant aux droits de la C.M.S.A. Touraine
auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et demandes ;
Au soutien de son appel, la société GLAX OSMITHKLINE fait valoir Aa C ne démontre pas que les conditions de mise en jeu de sa responsabilité du fait des produits dangereux sont remplies puisque, notamment, fait défaut la démonstration préalable du lien de causalité entre la vaccination et le dommage ; elle rappelle que ce lien ne résulte pas des conclusions des experts qui sont conformes aux nombreuses études scientifiques pratiquées, unanimes pour reconnaître qu'il est impossible d'établir un lien de causalité entre l'administration du vaccin et la sclérose en plaques dont l'étiologie, d'ailleurs, reste inconnue de la communauté scientifique ; elle rappelle que les experts sont des pharmacologues réputés qui ont déposé leur rapport au vu des données scientifiques connues au premier trimestre de l'année 2001 mais que, depuis, d'autres études ont confirmé l'absence d'imputabilité au vaccin des affections de type de la sclérose en plaques ; que les conclusions de ces experts ne peuvent être combattues utilement par le rapport du docteur X, dont la partialité et le militantisme l'ont fait exclure de la liste des experts judiciaires ; elle soutient que quatre conditions doivent être remplies pour que sa responsabilité puisse être engagée : un dommage, l'imputabilité du dommage au produit, le défaut du produit et le lien de causalité entre défaut et dommage et Aa C n'apporte pas la preuve de la réunion de ces conditions ; elle ajoute que l'imputabilité à l'administration du vaccin de la pathologie constatée n'étant pas démontrée, il devient totalement vain de tenter d'établir que le vaccin serait défectueux et que le préjudice découlerait d'un quelconque défaut ; que, cependant, elle tient à rappeler que la preuve d'un défaut n'a jamais été démontrée pour un vaccin qui protège des millions d'individus et dont le rapport bénéfice/risque n'a jamais été remis en cause ; qu'à tort le Tribunal a cru pouvoir trouver la preuve du défaut dans le fait que la notice ne reprend pas complètement le contenu des effets secondaires mentionnés au résumé des caractéristiques du produit (R.C.P.) publié au VIDAL alors que rien n'oblige à une reprise intégrale dans la notice du contenu du R.C.P. et que c'était par un
surcroît de précaution qu'avaient été mentionnés au R.C.P. les effets indésirables de type sclérose en plaques rapportés dans des cas très exceptionnels mais sans que le lien de causalité avec l'administration du vaccin ne soit démontré ; elle fait un état détaillé des nombreuses décisions de jurisprudence qui vont dans son sens ;
La société GLAXOSMITHKLINE considère que, dans le cas Aa C, les éléments retenus par le Tribunal comme des présomptions graves et concordantes faisant pencher vers une imputabilité au vaccin de la sclérose en plaques ne sont pas probants ; à titre tout à fait subsidiaire, la société GLAXOSMITHKLINE demande une nouvelle expertise tenant compte des dernières études scientifiques et elle s'oppose, dans cette attente, à toute provision ; enfin elle soutient Aa C n'apporte aucun élément probant sur certains chefs de préjudice et elle conclut, à titre infiniment subsidiaire, à voir réduire les prétentions de l'intimée ;
Aa C rappelle que l'ENGERIX B a été mis en circulation avant la transposition de la directive européenne du 25 juillet 1985 en droit interne par la loi du 19 mai 1998 et qu'ainsi la responsabilité de son adversaire doit être examinée sur le fondement des dispositions des articles 1147 et 1382 interprétés à la lumière de la directive ; elle rappelle que, dans le cadre de cette jurisprudence, il a été admis que la preuve du lien de causalité entre administration du produit et pathologie pouvait être faite par des présomptions graves, précises et concordantes ; qu'ici, elle trouve ce faisceau de présomptions dans le laps de temps très court entre l'injection du produit et l'apparition des premiers symptômes, la réadministration positive du vaccin qui a entraîné, dès la seconde injection, des effets immédiats, son état antérieur exempt de toute pathologie, le fait que l'apparition d'une sclérose en plaques à l'âge de 17 ans est très rare et la plausibilité biologique exprimée par le docteur X qui relève que son oncle a, lui aussi, été victime d'une sclérose en plaques peu après une vaccination ; elle estime que de nombreuses études sur la question ont démontré qu'il existe un doute sur l'innocuité du vaccin et que la société GLAXOSMITHKLINE est encore responsable du défaut du produit en raison d'un manque d'information suffisant sur la notice destinée au patient alors que le risque d'atteinte démyélinisante était connu du laboratoire en 1994 ; qu'elle avait fait mentionner ce risque sur le R.C.P. et au VIDAL mais que sa notice ne mentionnait pas un tel risque ; elle affirme que la jurisprudence évolue en faveur de sa thèse et rappelle la position des pouvoirs publics favorables à l'indemnisation des victimes dans le cadre de la campagne de vaccination obligatoire pour certaines catégories de personnes et les jurisprudences des juridictions administratives ou des chambres sociales pour soutenir qu'il serait inéquitable qu'il existât deux régimes différents de la preuve de l'imputabilité de la sclérose en plaques au vaccin ; elle conclut donc à la confirmation du jugement sur la responsabilité de la société GLAXOSMITHKLINE mais estime que son indemnisation peut être liquidée sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise et réclame le paiement d'une somme totale de 769.538 € de ce chef ; à titre subsidiaire, si la cour en jugeait autrement, elle sollicite une provision de 400.000 € et demande encore 15.000 € d'indemnité de procédure à son adversaire ;
La C.M.S.A. BERRY TOURAINE s'en rapporte à justice sur la responsabilité ; en cas de confirmation, elle demande la condamnation de la société GLAXOSMITHKLINE à lui verser la somme de 21.337,45 € au titre de ses débours en estimant que sa créance est amplement démontrée par les pièces qu'elle verse aux débats ;
Dans des conclusions du 19 août 2011, la société GLAX OSMITHKLINE demande le rejet des débats des conclusions et pièces communiquées le 12 août par Aa C puisque cette communication, un week-end de l'Assomption, ne lui a pas permis de prendre utilement connaissance de ces éléments avant la signature de l'ordonnance de clôture intervenue le 16 août
SUR QUOI LA COUR :
1°) SUR LE REJET DES CONCLUSIONS ET PIÈCES TARDIVES :
Attendu que les conclusions et pièces Aa C ont été signifiées le 11 août et portées à la connaissance de l'avocat de la société GLAXOSMITHKLINE le 12 août ; que les trois jours qui ont séparé cette communication de l'ordonnance de clôture du 16 août étaient des jours non ouvrables pour le laboratoire puisque tombant pendant le congé de fin de semaine et un jour férié ; que la société GLAXOSMITHKLINE n'a donc pas pu prendre connaissance de ces éléments et y répondre ; que, pourtant une réponse aurait été nécessaire puisque ces conclusions ne se contentaient pas de reprendre les moyens développés précédemment mais présentaient, au contraire, des demandes nouvelles fondées, notamment, sur la notion de perte de chance alors qu'un tel moyen aurait pu être soumis à la discussion des parties dès l'introduction d le'instance ;
Attendu qu'une telle attitude a porté atteinte au principe du contradictoire et à la loyauté des débats puisque le caractère tardif de ces demandes nouvelles empêchait la société GLAXOSMITHKLINE de pouvoir y répondre ; que, dans ces conditions, les conclusions et pièces signifiées le 11 août et communiquées le 12 août à la société GLAXOSMITHKLINE seront écartées des débats et la cour statuera au vu des écritures signifiées le 18 janvier 2011 par l'intimée ;
2°) SUR LE FOND :
Attendu que la responsabilité de la société GLAXOSMITHKLINE est recherchée au vu des articles 1147 et 1382 du code civil interprétés à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 25 juillet 1985 en sa qualité de fabricant d'un produit de santé allégué défectueux ;
Attendu qu'il appartient à Aa C de rapporter la preuve du dommage, de l'imputabilité du dommage à l'administration du produit puis du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage ; que, selon la jurisprudence désormais établie, cette preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ;
Attendu que la preuve du dommage est avérée puisque la sclérose en plaques n'est pas contestée ;
Attendu que, pour faire le lien entre l'administration du vaccin et cette affection, Aa C se fonde sur des considérations générales :
- les études scientifiques nombreuses qui n'excluent pas un risque de développement de sclérose en plaques au décours d'une vaccination et dont l'une des dernières, celle de HERNAN & coll., met en relief le lien de causalité entre vaccin et sclérose en plaques ;
-la reconnaissance, par les juridictions administratives ou de sécurité sociale, du lien de causalité entre les affections démyélinisantes et la vaccination dans le cadre des vaccinations obligatoires,
Qu'elle invoque aussi des éléments personnels :
- le laps de temps très court entre vaccination et apparition des premiers symptômes,
- la réadministration positive ;
- l'absence de pathologie antérieure,
- l'absence de toute autre cause possible envisageable pour la sclérose en plaques qui est, selon elle, extrêmement rare chez un jeune de 17 ans ;
Attendu qu'elle trouve enfin, le défaut du produit dans le fait que la notice ne reprend pas les informations sur les risques de sclérose en plaques connus à l'époque et mentionnés à la fois dans le R.C.P. et l'ouvrage VIDAL.
Mais attendu que les premières suspicions sur la dangerosité du vaccin ENGERIX B remontent désormais à octobre 1989 ce qui a généré de nombreuses études et mobilisé les experts de pharmacovigilance ; qu'en 2001, avec un recul de douze ans, les experts judiciaires ont conclu que la preuve formelle d'un lien entre la vaccination et la sclérose en plaques ne pouvait être faite et ce, alors que plus de 20 millions de vaccins avaient été administrés ; qu'en 2011, avec vingt-deux années de recul, plus de quatorze études internationales sur la question et de nombreux articles documentés dans la littérature médicale et alors que des centaines de millions de vaccins ont été administrés dans le monde, les experts sont quasi unanimes pour conclure qu'un tel lien ne peut être démontré ; que la seule étude mettant en évidence un lien de causalité (celle de HERNAN & coll.) porte sur un échantillon de patients trop limité (11 individus vaccinés) pour être significative et être à l'abri d'une erreur qui fausserait radicalement les résultats statistiques ;
Attendu que, compte tenu du recul précité, du nombre extraordinairement élevé de doses administrées et du caractère obligatoire, à certaines époques, de la vaccination contre l'hépatite B, la preuve contraire à celle recherchée par Aa C s'évince même de l'évolution des données statistiques qui n'a pas démontrée de pic alarmant des déclarations de sclérose en plaques au terme d'une période non négligeable de quatre années de vaccination obligatoire en France, ce qui aurait dû être relevé s'il avait existé une relation de causalité entre vaccination et apparition de la maladie ;
Attendu que l'indemnisation, par l'Etat, de certaines pathologies démyélinisantes apparues dans le cadre de la vaccination obligatoire de certains personnels de santé en vertu des dispositions de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique et la prise en compte de ces affections par les juridictions sociales dans le cadre des accidents du travail ne sont pas déterminantes pour établir le lien de causalité entre administration du vaccin et apparition du dommage puisque les règles applicables dans ces affaires ne répondent pas exactement aux règles de preuves requises dans le cadre de la responsabilité de droit commun et que les prises de position des pouvoirs publics s'inscrivent plus dans le cadre d'un devoir de solidarité nationale que dans un contexte de responsabilité civile reposant sur des règles de preuves strictes ;
Attendu, cependant, que la Cour, saisie du cas particulier Aa C ne saurait se satisfaire de ces généralités pour exclure de façon certaine tout lien de causalité entre vaccination et apparition de la sclérose en plaques puisque la société GLAXOSMITHKLINE admet elle-même que, chez des sujets prédisposés et dans des cas extrêmement rares, sans qu'il soit démontré un lien de causalité formelle, le déclenchement d'une sclérose en plaques avait pu être présenté comme un effet secondaire possible du vaccin ENGERIX B ;
Attendu que si l'on prend en considération les éléments propres à Aa C, force est de constater que les manifestations décrites dès les deux injections du produit ne reposent que sur les affirmations de l'intimée et ne sont pas étayées par de quelconques éléments de preuve ; que si cette constatation suffit à écarter la notion de réadministration positive, cela ne suffit pas, en revanche, pour écarter, sans autre discussion, le facteur chronologique dans la mesure où la sclérose en plaques a été diagnostiquée moins de deux ans après les vaccinations et qu'il s'agit là d'un laps de temps qui peut encore faire présumer le lien de causalité entre vaccination et dommage ;
Mais attendu que cet élément est trop peu probant pour être véritablement retenu dans la mesure où il peut ne s'agir que d'une simple coïncidence, d'ailleurs évoquée dans plusieurs études versées aux débats, étant précisé que, tous les ans, se déclarent en FRANCE, pour une cause inconnue, des centaines de cas de sclérose en plaques chez des sujets non vaccinés ;
Attendu que l'absence de manifestation antérieure de sclérose en plaques et l'absence de toute autre cause possible envisageable pour cette pathologie sont, elles aussi, de faible valeur probante, la preuve ne pouvant pas être apportée par ces faits négatifs qui sont aussi le lot de nombreux autres sujets affectés par la sclérose en plaques et qui n'ont jamais été vaccinés ;
Attendu que, dans le cas Aa C, l'apparition spontanée d'une sclérose en plaques à l'âge de 17 ans ne présente pas le caractère exceptionnel que l'intimée veut y voir puisqu'il résulte d'une étude de MIKAELOFF et autres, publiée dans les archives de pédiatrie en 2007, que la sclérose en plaques apparaît, dans 3 à 10 % des cas, avant l'âge de 19 ans et qu'une étude du professeur SINDIC, de mai 2010, estime que la maladie apparaît dans 10 % des cas avant 20 ans, les deux études, par ailleurs, écartant tout lien entre la vaccination contre l'hépatite B et l'apparition de la maladie chez l'enfant ; que cet élément ne se montre donc pas particulièrement déterminant en l'espèce ;
Attendu, enfin, que l'apparition d'une sclérose en plaques chez l'oncle Aa C après une vaccination contre l'hépatite B ne fait l'objet d'aucun élément probant et ne repose, en l'état, que sur les affirmations de l'intimée puisqu'il est curieux de ne trouver, au dossier, aucune pièce médicale ni aucune attestation, de l'oncle ou d'un autre membre de la famille, pour démontrer cet état de chose ; qu'en tenant pour acquis un tel élément, force est de constater qu'il peut s'interpréter de différentes manières, certes en faveur d'une présomption de causalité entre vaccination et sclérose en plaques (mais on ne sait pas quel était le vaccin utilisé par l'oncle Aa C) mais tout autant en faveur d'une prédisposition congénitale des membres de la famille à développer une sclérose en plaques en dehors de tout contexte vaccinal ; que, d'ailleurs, dans les deux études précitées, pour ne citer qu'elles, les chercheurs relèvent une certaine susceptibilité génétique puisque le professeur Mikaeloff précise que, sur sa cohorte de 500 enfants, 8% ont un membre de leur famille atteint de sclérose en plaques et que le professeur SINDIC remarque un taux de concordance cinq fois plus élevé chez des jumeaux monozygotes que chez les jumeaux dizygotes ; que, là encore, malgré son apparente pertinence, cet élément se révèle donc peu déterminant ;
Attendu, dans ces conditions, que les éléments invoqués par Aa C sont insuffisants pour constituer les présomptions graves, précises et concordantes de nature à imputer la sclérose en plaques dont elle souffre à la vaccination dont elle a bénéficié ;
Attendu Aa C n'apportant pas la preuve du lien de causalité entre l'administration du vaccin ENGERIX B et la sclérose en plaques dont elle souffre, il devient inutile de rechercher le caractère défectueux du produit ; que c'est donc à titre superfétatoire que la Cour fera les développements suivants et relèvera que, dans le cas d'espèce, la preuve du défaut n'est pas suffisamment démontrée ; qu'en effet, il y a lieu d'écarter d'emblée la notion de défaut intrinsèque du produit puisque cette question n'est pas invoquée par Aa C ; qu'en revanche celle-ci veut trouver la preuve du défaut dans le caractère insuffisant des informations contenues dans la notice destinée au patient qui n'aurait pas été rédigée dans les termes du R.C.P. ni du VIDAL ;
Mais attendu que la notice du vaccin ENGERIX B, telles qu'elle se présentait au jour des vaccinations, n'est pas versée aux débats en appel ; qu'au surplus, l'examen du carnet de vaccination Aa C ne permet pas de savoir, avec certitude, si elle a reçu le vaccin à faible dose (10 'g/ml) ou le vaccin à forte dose (20 'g/ml) or la notice du vaccin faiblement dosé faisait apparaître, dès 1994, les risques neurologiques tandis que la notice du vaccin à fort dosage ne les a mentionnés qu'en 1995 (cf expertise page 18) ; qu'en admettant Aa C ait reçu le vaccin ENGERIX B à fort dosage (puisqu'elle avait plus de quinze ans) il n'en reste pas moins qu'une incertitude existe puisqu'on ne sait pas à quel moment de l'année 1995, le risque neurologique a été porté sur la notice alors que les injections ont eu lieu au mois de juillet de cette année-là ;
Attendu qu'en l'absence de ces précisions, le Tribunal ne pouvait donc juger de façon certaine que la notice du vaccin ENGERIX B administré à Aa C n'était pas conforme au R.C.P. et au VIDAL ; qu'enfin, à supposer même que cette notice eut été celle de l'ancienne version antérieure à 1995, ce qui reste douteux compte tenu de la faible durée de conservation d'un tel produit, la conformité de la notice avec le R.C.P. exigée par l'article R. 5121-49 du code de la santé publique dans sa rédaction de l'article R. 5143-5 applicable à l'époque, n'implique pas que la notice reprenne in extenso les mentions du R.C.P. ou du VIDAL ; qu'au contraire, s'agissant d'un document qui,
contrairement aux deux autres, ne s'adresse pas à un professionnel de la santé mais au patient profane, il est certain que la notice doit apporter une certaine vulgarisation dans l'approche du médicament en ne comportant que les éléments essentiels et suffisamment fiables pour ne pas qu'une information non vérifiée aboutisse à l'effet inverse de celui recherché en détournant le patient d'une vaccination dont les effets bénéfiques sont généralement admis en polarisant son attention sur des effets indésirables non avérés faisant simplement l'objet d'une suspicion et ne reposant que sur le rapport de quelques cas extrêmement rares dont l'imputabilité au produit n'était pas démontrée ;
Attendu que telle était bien le cas en 1995 pour le vaccin ENGERIX B et ce vaccin ne peut être qualifié de défectueux au simple motif que la société GLAXOSMITHKLINE n'a pas cru devoir reprendre dans sa notice de l'époque la mention d'un risque de sclérose en plaques non avéré ; qu'au surplus, le lien de causalité entre un défaut provenant d'une information insuffisante et la sclérose en plaques ne saurait être qualifié de direct alors qu'une éventuelle contamination ne pourrait provenir que de l'administration du produit lui-même ;
Attendu, dans ces conditions, que le jugement sera infirmé ; Aa C et la C.M.S.A. Berry Touraine seront déboutées de leurs demandes ;
Attendu qu'en raison de la situation économique Aa C, il n'apparaît pas inéquitable de laisser supporter à l'appelante la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
VU les articles 1147 et 1382 du code civil interprétés à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 25 juillet 1985 ;
VU l'article R. 5143-5 du code de la santé publique applicable à l'époque ;
REJETTE des débats les pièces (D 72 à D 74) et conclusions communiquées par Aa C le 11 août 2011 ;
INFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris ;
DÉBOUTE Aa C et la C.M.S.A. Berry Touraine de toutes leurs demandes ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes non contraires ;
CONDAMNE Aa C aux dépens de première instance et d'appel ;
ACCORDE à la S.C.P. Y & Z, avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Arrêt signé par Monsieur Bernard BUREAU, président et Madame Anne-Chantal PELLÉ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.