CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
386698
MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS
c/ SCI 3ME
M. Vincent Villette, Rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Rapporteur public
Séance du 28 septembre 2015
Lecture du
14 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la procédure suivante :
La SCI 3ME a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de la période du 12 octobre 2004 au 31 décembre 2006, ainsi que de l'amende fiscale qui lui a été assignée sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts, reprises au 2 du I de l'article 1737. Par un jugement n° 0905539 du 10 juillet 2013, le tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13LY02525 du 4 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la SCI 3ME, réformé ce jugement et prononcé la décharge de l'amende fiscale en litige.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 décembre 2014 et 13 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la SCI 3 ME.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la SCI 3ME ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du contrôle sur place des documents comptables de la SCI 3ME qu'elle a réalisé au titre de la période du 12 octobre 2004 au 31 décembre 2006, l'administration fiscale a mis à la charge de cette société le paiement d'une amende fiscale égale à 50 % du montant de trois factures datées des 31 décembre 2004, 31 octobre 2005 et 31 décembre 2006, au motif que ces factures, délivrées par la SCI 3ME, et non par la société tierce qui y était mentionnée en qualité d'émetteur, ne correspondaient pas à une livraison ou à une prestation de services réelle ; que le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 novembre 2014 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant que, par celui-ci, la cour, après avoir réformé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 juillet 2013, a prononcé la décharge de cette amende ;
2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2005 : " Lorsqu'il est établi qu'une personne a délivré une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % du montant de la facture " ; que l'article 1737 du même code, en vigueur à compter du 1er janvier 2006, dispose que : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : (.) 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle " ;
3. Considérant que si la personne dont le nom figure sur une facture est présumée être celle qui l'a délivrée, cette présomption peut être combattue par l'administration comme par la personne en cause ; que si l'une ou l'autre établit qu'une facture fictive a été délivrée non par la personne dont le nom figure sur cette facture, mais par une autre personne, l'amende prévue par les dispositions précitées ne peut être mise à la charge que de cette dernière, redevable de cette amende, égale à 50 % du montant de la facture ;
4. Considérant que, pour prononcer la décharge de l'amende fiscale assignée à la SCI 3ME, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur ce que les factures à raison desquelles l'amende a été prononcée n'étaient pas établies à son en-tête et qu'était sans incidence la circonstance que son gérant aurait eu la maîtrise de l'établissement de ces factures ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu'elle a ainsi entaché son arrêt d'erreur de droit ; que le ministre des finances et des comptes publics est ainsi fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, en tant qu'il statue sur l'amende fiscale assignée à la SCI 3ME ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SCI 3ME la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 novembre 2014 est annulé en tant qu'il statue sur l'amende fiscale assignée à la SCI 3ME.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI 3ME au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la SCI 3ME.