Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 27-07-2015, n° 370443, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 SSR, 27-07-2015, n° 370443, mentionné aux tables du recueil Lebon

A0770NNT

Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2015:370443.20150727

Identifiant Legifrance : CETATEXT000030956577

Référence

CE 9/10 SSR, 27-07-2015, n° 370443, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/25566791-ce-910-ssr-27072015-n-370443-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

Il ressort des termes mêmes de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie, que la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF peut être contestée non devant le juge de l'impôt mais devant le premier président de la cour d'appel.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

370443

M. A.

M. Vincent Villette, Rapporteur
M. Edouard Crépey, Rapporteur public

Séance du 1er juillet 2015

Lecture du 27 juillet 2015

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la procédure suivante :

M. B. A. a demandé au tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0709450 du 10 mars 2011, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 11VE02357 du 21 mars 2013, la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur l'appel formé par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a annulé ce jugement et rétabli M. A., au titre des années 2002 et 2003, au rôle de l'impôt sur le revenu à hauteur des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juillet et 23 octobre 2013 et le 16 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A., demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par le ministre;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B. A. ;



1. Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond qu'au vu de documents saisis dans les locaux de la SAS Groupement d'expertise de France à l'occasion d'une opération de visite autorisée, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, par les ordonnances du 23 novembre 2005 rendues pour l'une par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris et, pour l'autre, par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre, ainsi qu'à la suite d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. A., l'administration a rehaussé au titre des années 2002 et 2003 les bases d'impôt sur le revenu de l'intéressé, dans la catégorie des bénéficies non commerciaux, à raison de sommes perçues et non déclarées par lui dans le cadre d'une activité de prestations de services d'aide et d'assistance exercée auprès de la société de droit luxembourgeois Cadanor ; que M. A. demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qui, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles lui accordant la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et pénalités auxquels il a été assujetti, l'a rétabli au rôle à hauteur des impositions litigieuses ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux opérations de visite et de saisie litigieuses : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut (.) autoriser les agents de l'administration des impôts (.) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (.) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale " ; que le IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 dispose que : " 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article (.) ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (.) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel. (.) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai. " ;

3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 que la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales peut être contestée non devant le juge de l'impôt mais devant le premier président de la cour d'appel ; qu'en outre, il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation que cette contestation peut également être formée par des tiers à l'objet de la visite, dès lors que des impositions ont été établies, ou des rectifications effectuées, à leur encontre, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une telle opération ; qu'il appartient ainsi à un tiers à l'objet de la visite, s'il s'y croit fondé et, en cas d'absence d'information de la part de l'administration quant à l'existence de ces voies de recours, sans condition de délai, de saisir le premier président de la cour d'appel ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en examinant au fond le moyen tiré de l'irrégularité de la saisie par l'administration fiscale, dans le cadre d'une opération de visite et de saisie autorisée sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, de documents concernant M. A. personnellement, alors qu'une telle contestation relevait, y compris pour les tiers par rapport à l'objet de la visite, de la voie de recours ouverte devant le premier président de la cour d'appel par la loi du 4 août 2008, la cour administrative d'appel de Versailles a méconnu le champ d'application de la loi et la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la succession de M. A. une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la succession de M. B. A. et au ministre des finances et des comptes publics.


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