CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
369223
GRAND CONSEIL DE LA MUTUALITE
M. Benjamin de Maillard, Rapporteur
Mme Maud Vialettes, Rapporteur public
Séance du 29 juin 2015
Lecture du
22 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 4ème et 5ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la procédure suivante :
M. A. B. a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions de l'inspectrice du travail des Bouches-du-Rhône des 12 mars et 28 mai 2010 autorisant le Grand conseil de la mutualité à procéder à son licenciement pour faute et rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1003282 du 29 novembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 12MA00395 du 9 avril 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel du Grand conseil de la mutualité et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, annulé ce jugement en tant qu'il annule la décision du 28 mai 2010.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 juin et 10 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Grand conseil de la mutualité demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 12MA00395 du 9 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il annule la décision du 12 mars 2010 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. B. le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat du Grand conseil de la mutualité et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B. ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 20 janvier 2010, le directeur du Grand conseil de la mutualité a demandé à l'inspection du travail des Bouches-du-Rhône l'autorisation de licencier pour faute M. B., chirurgien-dentiste exerçant en tant que salarié au sein de cet organisme et titulaire d'un mandat de délégué du personnel ; qu'après avoir relevé que le Grand conseil de la mutualité avait saisi le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du cas de M. B. le 20 janvier et le 4 mars 2010, l'inspectrice du travail de la 11ème section des Bouches-du-Rhône a accordé l'autorisation sollicitée par une décision du 12 mars 2010 ; que le Grand conseil de la mutualité demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 avril 2013 en tant qu'il confirme l'annulation de cette décision du 12 mars 2010 prononcée par le tribunal administratif de Marseille ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aux termes de l'article 15 du contrat de travail régissant les relations de travail entre M. B. et le Grand conseil de la mutualité : " Le présent contrat sera résilié sans préavis, ni indemnité, dans le cas d'une faute grave appréciée dans les conditions prévues aux articles 18, 19 et 20 ci-dessous, ainsi qu'en cas de faute contre l'honneur et de délit de droit commun " ; qu'aux termes de son article 20 : " Tout litige portant sur des questions purement professionnelles est de la compétence exclusive de la juridiction disciplinaire et sera soumis au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes " ;
4. Considérant qu'en jugeant, par un arrêt qui est suffisamment motivé, que, dès lors qu'elles prévoyaient que tout litige portant sur des questions purement professionnelles relevait de la juridiction disciplinaire de l'ordre des chirurgiens-dentistes, ces stipulations, qui ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 2411-5 du code du travail, imposaient, lorsque l'employeur invoque des manquements du salarié à des obligations déontologiques, que la juridiction disciplinaire non seulement ait été saisie mais ait statué sur ces manquements avant qu'une procédure de licenciement pour un tel motif disciplinaire ne puisse être engagée, la cour administrative d'appel n'a dénaturé ni la portée des stipulations contractuelles en cause ni les faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en en déduisant que l'inspecteur du travail ne pouvait légalement accorder l'autorisation sollicitée faute que la juridiction disciplinaire, bien que saisie du cas de M. B., se soit déjà prononcée, la cour, qui n'a en tout état de cause pas subordonné l'existence d'une faute de nature à justifier le licenciement à la qualification de faute disciplinaire par la juridiction disciplinaire, n'a pas davantage commis d'erreur de droit ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Grand conseil de la mutualité n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B. qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi du Grand conseil de la mutualité est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Grand conseil de la mutualité et à M. A. B.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.