CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
369730
OFFICE DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL DE CORSE
M. Julien Anfruns, Rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, Rapporteur public
Séance du 24 juin 2015
Lecture du
8 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la procédure suivante :
L'Office du développement agricole et rural de Corse (ODARC) a demandé au tribunal administratif de Bastia la décharge des cotisations de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamées au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004. Par un jugement n° 0900163 du 15 avril 2010, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 10MA02771 du 26 avril 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par l' ODARC contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 27 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ODARC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l'Office du développement agricole et rural de Corse ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts : "1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4, 25 % de leur montant (.) à la charge des personnes ou organismes (.) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. (.) / (.) 3 a. Les conditions et modalités d'application du 1 sont fixées par décret. Il peut être prévu par ce décret des règles spéciales pour le calcul de la taxe sur les salaires en ce qui concerne certaines professions, notamment, celles qui relèvement du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale." ; qu'il résulte de ces dispositions législatives que les seules activités agricoles assujetties à la taxe sur les salaires sont celles mentionnées par les dispositions réglementaires de l'article 53 bis de l'annexe III au code général des impôts s'agissant des organismes coopératifs, mutualistes et professionnels agricoles, et celles de l'article 53 ter de cette même annexe au code s'agissant des employeurs agricoles à raison des salaires versés au personnel affecté à des établissements de nature commerciale ou artisanale ;
2. Considérant que l'Office du développement agricole et rural de Corse, établissement public industriel et commercial de la collectivité territoriale de Corse, est chargé, selon les termes de l'article L. 112-11 du code rural et de la pêche maritime, " dans le cadre des orientations définies par la collectivité territoriale de Corse, de la mise en œuvre d'actions tendant au développement de l'agriculture et à l'équipement du milieu rural " ; qu'il ressort des constatations des juges du fond que, dans le cadre de ces missions, il expérimente diverses techniques culturales et d'irrigation dans la station de Migliacciaro, ainsi que des systèmes de pâturage et des cultures fourragères dans la station d'élevage d'Altiani, et que ces activités s'inscrivent dans le déroulement et la maîtrise d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal ; que la cour a néanmoins estimé que cette activité ne peut être regardée comme étant de nature agricole, dès lors qu'elle est réalisée à des fins d'expérimentation et de recherche et non dans un objectif de production ; qu'elle a écarté comme étant sans incidence la circonstance que l'Office procède à la vente des produits obtenus dans le cadre de ces deux stations expérimentales, au motif que cette vente ne présente qu'un caractère accessoire au regard des finalités de recherche et d'expérimentation ;
3. Considérant, toutefois, que la qualification d'activité agricole, qui détermine en application des dispositions citées au point 1 l'absence d'assujettissement à la taxe sur les salaires, n'est pas subordonnée à la poursuite d'un objectif de production ou de vente, à l'exclusion des finalités de recherche et d'expérimentation ; que, dès lors, en jugeant que l'Office du développement agricole et rural de Corse devait être assujetti à la taxe sur les salaires dès lors que l'activité des exploitations de Migliacciaro et d'Altiani était menée dans un but d'expérimentation et que la vente du produit de ces exploitations présentait un caractère accessoire par rapport à cet objectif, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 avril 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à l'Office du développement agricole et rural de Corse une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office du développement agricole et rural de Corse et au ministre des finances et des comptes publics.