N° 13VE03373
SOCIETE FINDIM GROUP
M. BARBILLON, président
Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN, rapporteur
Mme RUDEAUX, rapporteur public
Lecture du 27 mai 2015
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Cour administrative d'appel de Versailles
1ère chambre
Vu l'ordonnance en date du 23 octobre 2013, enregistrée le 5 novembre 2013 au greffe de la Cour, par laquelle le Président de la Cour administrative d'appel de Paris a transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le dossier de la requête présentée par la SOCIETE FINDIM GROUP ;
Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2013 à la Cour administrative d'appel de Paris, présentée pour la SOCIETE FINDIM GROUP, dont le siège social est 16 rue Erasme à Luxembourg (L 1468), par Me Soyer, avocat ;
La SOCIETE FINDIM GROUP demande à la Cour :
1° d'annuler l'ordonnance n° 0905539 du 18 septembre 2013 par laquelle le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté comme irrecevable sa demande de restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2002 à 2005 sauf en ce qu'elle a condamné l'Etat à lui verser 1 500 euros de frais irrépétibles et a prononcé un non-lieu à statuer ;
2° d'annuler la décision prise par les services fiscaux le 30 mars 2009 rejetant partiellement sa réclamation ;
3° de prononcer la restitution de ces retenues à la source pour les montants de 44 092,50 euros en 2003, 83 775,75 euros en 2004 et 56 438,40 euros en 2005 avec intérêts de droit ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée a violé la loi puisque le tribunal aurait dû procéder à l'instruction de la requête plutôt qu'expédier l'affaire par ordonnance ; la requête n'était pas manifestement irrecevable et la requérante a été privée de l'accès à un tribunal indépendant ; ainsi il convient pour la cour de statuer par la voie de l'évocation ;
- dans le rejet partiel de sa réclamation les services fiscaux ont reconnu que l'arrêt Amurta de la CJCE du 8 novembre 2007 n° 379/05 a directement révélé la non-conformité de l'article 119 bis du code général des impôts au droit communautaire ;
- il en résulte que le délai spécial régi par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales devait recevoir application puisqu'il vise notamment une non-conformité révélée par une décision juridictionnelle et porte sur " la période postérieure au 1er janvier de la 3ème année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu " ; que le premier juge s'est borné à adopter le point de vue de la doctrine administrative du 10 août 2006 sur l'application de ces dispositions ; que l'avis du Conseil d'Etat Santander Asset Management du 23 mai 2011 n° 344678 précise que lorsque les arrêts de la CJUE concernent un autre Etat membre ils ne sont en principe pas applicables sous réserve notamment que ces arrêts révéleraient une transposition incorrecte en droit français d'une directive ; que toutefois l'arrêt Amurta a été adopté en termes généraux et consacrait la non-conformité de la retenue à la source au droit communautaire si la participation était de plus de 5 % au capital de la société distributrice alors que la société mère eût été exonérée en France si elle en avait été la résidente ; dès lors la société en application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales doit au moins obtenir le dégrèvement des années 2004 et 2005 ;
- mais l'arrêt Denkavit de la CJCE du 14 décembre 2006 n° 170/05 a déjà directement révélé cette non-conformité au regard cette fois de la loi française ; il a conclu à l'incompatibilité de l'article 119 bis avec le droit communautaire ; il a jugé que les articles 43 CE et 48 CE relatifs à la liberté d'établissement avaient été méconnus et que le fait de faire supporter le poids des impositions de dividendes à une société mère non résidente en dispensant presque totalement les sociétés mères résidentes constituait une discrimination au regard de ces deux articles ; ainsi la législation nationale a été jugée incompatible avec le traité ; en conséquence les services ont adopté une instruction fiscale nouvelle en cas de participation supérieure à 5 % ;
...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes rendu le 14 décembre 2006 Sociétés Denkavit International BV et Denkavit France n° 170/05 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2015 :
- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à la suite de sa réclamation portant sur une demande de remboursement des montants de retenues à la source qu'elle avait payées au cours des années 2003 à 2005 sur les dividendes que lui avait versés sa filiale Cogifrance, située en France, en application du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, la SOCIETE FINDIM GROUP, société sise ..., a fait l'objet d'une décision d'admission partielle, s'agissant de l'année 2006, de sa demande de remboursement de la retenue à la source, puis d'un second remboursement, au cours de la 1ère instance au titre de l'année 2007 ; que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur des montants de retenue à la source remboursés, a rejeté le surplus des conclusions de sa réclamation pour irrecevabilité manifeste, en raison de sa tardiveté ; que la SOCIETE FINDIM GROUP demande l'annulation de cette ordonnance en raison de ce rejet, qui portait sur le remboursement des retenues à la source versées au titre des années 2003 à 2005 pour sa filiale Cogifrance ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire./ (...) /Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. /Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. /Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, les arrêts de la Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle " ; qu'aux termes de l'article R.* 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôt directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31décembre de la deuxième années suivant celle, selon le cas : / ... c) de la réalisation de l'évènement qui motive la réclamation (...) " ;
3. Considérant d'une part, qu'en application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, l'action en restitution des sommes versées, fondée sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application aux traités européens ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où les décisions du Conseil d'Etat, les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ainsi que les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle révélant la non-conformité, sont intervenus ; d'autre part, qu'en vertu du c de l'article R.*196-1 du même livre, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent, pour être recevables, être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ;
4. Considérant que seules les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes retenant une interprétation du droit de l'Union qui révèle directement une incompatibilité avec ce droit d'une règle applicable en France sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un tel événement, au sens et pour l'application de l'article R.*196-1 du livre des procédures fiscales, et de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'en principe, tel n'est pas le cas d'arrêts de la Cour de justice concernant la législation d'un autre Etat membre, sous réserve, notamment, de l'hypothèse dans laquelle une telle décision révèlerait, par l'interprétation qu'elle donne d'une directive, la transposition incorrecte de cette dernière en droit français ; qu'en l'espèce l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes rendu le 14 décembre 2006 Sociétés Denkavit International BV et Denkavit France n° 170/05 a révélé, au sens des dispositions précitées, la non-conformité au principe de liberté d'établissement des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ; que, d'autre part, compte tenu du taux de participation de la SOCIETE FINDIM GROUP à titre direct et indirect initial de 10,88 % en 2003, 2004 et 2005 dans le capital de sa filiale Cogifrance, qui est passé ensuite à 18,995 % en 2006 par l'effet du pacte d'actionnaires conclu entre FINDIM GROUP SA et la compagnie financière Saint-Honoré, pour soutenir le développement de Cogifrance, et de ce qu'elle siège au conseil d'administration de cette dernière, la société requérante exerçait une influence certaine sur les décisions de la société lui permettant d'en déterminer les activités au sens de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes ; qu'ainsi la SOCIETE FINDIM GROUP a pu à bon droit se prévaloir d'une atteinte portée à la liberté d'établissement ainsi que de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal BV, qui constitue, dans son cas, un événement au sens du c de l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales, lui ouvrant un nouveau délai de réclamation dans les conditions prévues par ces dispositions ; qu'il est constant que la demande de la SOCIETE FINDIM GROUP a été déposée dans le respect du délai prévu par l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales, le 29 décembre 2008 ; que, par suite, la SOCIETE FINDIM GROUP est fondée à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, en tant que sa demande tendait au remboursement des retenues à la source pour les années 2003, 2004 et 2005, le Tribunal administratif de Montreuil l'a rejetée comme irrecevable et à en demander l'annulation ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ce point sur la demande présentée par la SOCIETE FINDIM GROUP ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
6. Considérant, ainsi qu'il a été rappelé, que l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes rendu le 14 décembre 2006 Sociétés Denkavit International BV et Denkavit France n° 170/05 a révélé, au sens des dispositions précitées, la non-conformité au principe de liberté d'établissement qui résulte des stipulations des articles du traité 43 CE et 48 CE, des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, et a jugé que ces articles 43 et 48 devaient être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale qui, en ce qu'elle fait supporter le poids d'une imposition de dividendes à une société mère non-résidente en dispensant presque totalement les sociétés mères résidentes, constitue une restriction discriminatoire à cette liberté ;
7. Considérant, en premier lieu, que si l'application de la convention fiscale bilatérale franco-luxembourgeoise permet de réduire la retenue à la source sur les dividendes versées par une société établie en France du taux de 25 %, qui résulte des dispositions combinées des articles 199 bis et 187-1 du code général des impôts, à celui de 15 % pour une société non résidente CE, les Etats membres demeurent... ; que le ministre des finances et des comptes publics ne peut, dès lors, faire valoir que la société requérante peut bénéficier d'une retenue à la source à un taux réduit en vertu des stipulations de la convention franco-luxembourgeoise ;
8. Considérant en second lieu, qu'il résulte de l'arrêt Denkavit que la Cour de justice des Communautés européennes a jugé non conforme au principe de la liberté d'établissement les dispositions d'une législation nationale qui prévoit l'imposition des dividendes à une société mère non-résidente alors qu'elle en dispense les sociétés mères résidentes ; que dès lors le ministre des finances et des comptes publics ne peut utilement soutenir que la société requérante, domiciliée..., ne peut prétendre à l'exonération de la retenue à la source que prévoient les dispositions de l'article 119 ter du code général des impôts, en raison d'un taux de participation dans sa filiale Cogifrance inférieur à 25 % et pour sa version applicable pour l'exercice 2005 de 20 %, ni de ce que ce taux aurait été ramené à 5 % par des dispositions postérieures aux années d'imposition ;
9. Considérant que comme il a été rappelé, compte tenu du taux de participation à titre direct et indirect initial de 10,88 % en 2003, 2004 et 2005 devenu 18,995 % en 2006 par l'effet du pacte d'actionnaires conclu entre FINDIM GROUP SA et la compagnie financière Saint-Honoré, pour soutenir le développement de Cogifrance, et de ce qu'elle siège au conseil d'administration de cette dernière, elle détenait une influence certaine sur les décisions de la société lui permettant d'en déterminer les activités au sens de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes ; qu'ainsi la SOCIETE FINDIM GROUP a pu à bon droit se prévaloir d'une atteinte portée à la liberté d'établissement ainsi que de l'arrêt Denkavit qui se prononce sur ce point pour demander la restitution de la retenue à la source prélevée au titre des années 2003 à 2005 sur les dividendes de source française qu'elle a reçus de la société Cogifrance ;