Jurisprudence : TA Montreuil, du 13-04-2015, n° 1307960

TA Montreuil, du 13-04-2015, n° 1307960

A6689NIL

Référence

TA Montreuil, du 13-04-2015, n° 1307960. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24551464-ta-montreuil-du-13042015-n-1307960
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Abstract

Les bénéfices réalisés par une société allemande qui dispose en France d'une installation fixe présentant les caractéristiques d'un établissement stable ne sont imposables en France que dans la mesure où ils peuvent être attribués à cet établissement stable (Convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959).




N°s 1307960, 1307971

Société Rreef Investment Gmbh

M. Besson, Président-rapporteur

M. Marmier, Rapporteur public

Audience du 30 mars 2015

Lecture du 13 avril 2015

**RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
**
Le Tribunal administratif de Montreuil,

(1ère Chambre)


Vu, I, sous n° 1307960, la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour la société Rreef Investment Gmbh, dont le siège est 178/190 MainzerLandstrasse à Frankfurt Am Main (60327), Allemagne, par Me Chatelon ; la société Rreef Investment Gmbh demande au tribunal :

1°) la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012 à concurrence de 265 900 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 ;

Elle soutient :

- qu'en disposant que " les sociétés, françaises ou étrangères, exerçant leur activité en France et hors de France sont visées par la présente mesure si le chiffre d'affaires qu'elles retirent de l'ensemble de leurs opérations atteint plus de 250 millions d'euros au titre de l'exercice ou la période d'imposition considéré ", la doctrine administrative exprimée au BOI-IS-AUT-20 n° 100 n'est pas conforme à l'article 235 ter ZAA du code général des impôts🏛 dont l'application littérale conduit à ne prendre en compte que le chiffre d'affaires au titre duquel le contribuable est passible de l'impôt sur les sociétés en France ;

- que la même doctrine méconnaît l'article 209 I du code général des impôts🏛 qui, combiné aux stipulations de l'article 4 de la convention du 21 juillet 1959 conclue entre la France et l'Allemagne en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, prévoit que seul le bénéfice réalisé en France par l'établissement stable se trouve soumis à l'impôt sur les sociétés en France ;

- qu'en retenant le chiffre d'affaires mondial, la même doctrine conduit, en méconnaissance de l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande, à traiter moins favorablement que les entreprises françaises n'exerçant pas d'activité à l'étranger, les établissements stables français de sociétés étrangères ;

- que la même doctrine méconnaît l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la liberté d'établissement ;

Vu la décision par laquelle le délégué chargé de la direction des grandes entreprises a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2014, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'il résulte des dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts que le seuil d'assujettissement du redevable à l'impôt sur les sociétés fixé à 250 millions d'euros doit être apprécié au niveau de l'entité juridique, c'est-à-dire compte tenu non seulement du chiffre d'affaires de l'établissement stable mais aussi de celui du siège ; que le seuil de 250 millions était franchi ; que la notion d'imposition ne se confond pas avec le champ d'application dès lors la doctrine contestée ne méconnaît pas le principe de territorialité visé à l'article 209 I du code général des impôts ni le principe de non discrimination conventionnelle, dès lors que l'assiette de la contribution exceptionnelle correspond aux seuls bénéfices rattachables à l'établissement stable ; qu'enfin, il n'existe pas d'entrave à la liberté d'établissement dès lors que la requérante n'est pas dans une situation différente d'une société résidente ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 juin 2014, présenté pour la société Rreef Investment Gmbh, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2015, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises qui conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

Vu, II, sous n° 1307971, la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour la société Rreef Investment Gmbh, dont le siège est 178/190 MainzerLandstrasse à Frankfurt Am Main (60327), Allemagne, par Me Chatelon ; la société Rreef Investment Gmbh demande au tribunal :

1°) la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011 à concurrence de 305 554 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'en disposant que " les sociétés, françaises ou étrangères, exerçant leur activité en France et hors de France sont visées par la présente mesure si le chiffre d'affaires qu'elles retirent de l'ensemble de leurs opérations atteint plus de 250 millions d'euros au titre de l'exercice ou la période d'imposition considéré ", la doctrine administrative exprimée au BOI-IS-AUT-20 n° 100 n'est pas conforme à l'article 235 ter ZAA du code général des impôts dont l'application littérale conduit à ne prendre en compte que le chiffre d'affaires au titre duquel le contribuable est passible de l'impôt sur les sociétés en France ;

- que la même doctrine méconnaît l'article 209 I du code général des impôts qui, combiné aux stipulations de l'article 4 de la convention du 21 juillet 1959 conclue entre la France et l'Allemagne en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, prévoit que seul le bénéfice réalisé en France par l'établissement stable se trouve soumis à l'impôt sur les sociétés en France ;

- qu'en retenant le chiffre d'affaires mondial, la même doctrine conduit, en méconnaissance de l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande, à traiter moins favorablement que les entreprises françaises n'exerçant pas d'activité à l'étranger, les établissements stables français de sociétés étrangères ;

- que la même doctrine méconnaît l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la liberté d'établissement ;

Vu la décision par laquelle le délégué chargé de la direction des grandes entreprises a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2014, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'il résulte des dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts que le seuil d'assujettissement du redevable à l'impôt sur les sociétés fixé à 250 millions d'euros doit être apprécié au niveau de l'entité juridique, c'est-à-dire compte tenu non seulement du chiffre d'affaires de l'établissement stable mais aussi de celui du siège ; que le seuil de 250 millions était franchi ; que la notion d'imposition ne se confond pas avec le champ d'application dès lors la doctrine contestée ne méconnaît pas le principe de territorialité visé à l'article 209 I du code général des impôts ni le principe de non discrimination conventionnelle, dès lors que l'assiette de la contribution exceptionnelle correspond aux seuls bénéfices rattachables à l'établissement stable ; qu'enfin, il n'existe pas d'entrave à la liberté d'établissement dès lors que la requérante n'est pas dans une situation différente d'une société résidente ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 juin 2014, présenté pour la société Rreef Investment Gmbh, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2015, présenté par le délégué chargé de la direction des grandes entreprises qui conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention entre la France et la République fédérale d'Allemagne tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à partie le 21 juillet 1959,

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2015 :

- le rapport de M. Besson, président ;

- les conclusions de M. Marmier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dureuil, substituant Me Chatelon, pour la société Rreef Investment Gmbh ;

1. Considérant que la société Rreef Investment Gmbh, société allemande procédant, au moyen d'un établissement stable en France, à des opérations d'investissements immobiliers pour le compte de fonds d'investissements, demande, par deux requêtes qu'il convient de joindre pour qu'il y soit statué par un seul jugement, la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés mise à sa charge, sur le fondement de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, au titre des exercices clos en 2011 et 2012 à concurrence des sommes respectives de 305 554 euros et de 265 900 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 235 ter ZAA dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : " I.-Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l'article 219, des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu'au 30 décembre 2013. / Cette contribution est égale à 5 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature. / ( ) Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition ( ) " ; que, pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de retenir le seul chiffre d'affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 209 du code général des impôts aux termes duquel : " ( ) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés ( ) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ( ) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ( ) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 : " ( ) 2° Sont considérés comme impôts visés par la présente convention : 1. En ce qui concerne la République française : ( ) c. L'impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales ; ( ) " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même convention : " 1° Pour l'application de la présente convention : ( ) 7. Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité ( ) " ; qu'enfin, selon l'article 4 de la même convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'effectue des opérations commerciales dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise effectue de telles opérations commerciales, l'impôt peut être perçu sur les bénéfices de l'entreprise dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ces bénéfices peuvent être attribués audit établissement stable. Cette fraction des bénéfices n'est pas imposable dans le premier mentionné des Etats contractants ( ) " ; qu'il résulte des stipulations précitées de la convention fiscale franco-allemande que les bénéfices réalisés par une société allemande qui dispose en France d'une installation fixe présentant les caractéristiques d'un établissement stable ne sont imposables en France que dans la mesure où ils peuvent être attribués à cet établissement stable ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour assujettir la société Rreef Investment Gmbh à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012, l'administration n'a pas seulement tenu compte du chiffre d'affaires, inférieur au seuil précité de 250 millions d'euros, réalisé par son établissement stable en France mais de l'ensemble de son chiffre d'affaires mondial, lequel excède ce seuil ; que, dans ces conditions, et alors qu'elle ne pouvait fonder ces impositions sur sa propre doctrine exprimée au BOI-IS-DECLA-20-30-20120912 et selon laquelle " les sociétés, (françaises ou étrangères, exerçant leur activité en France et hors de France) sont visées par la présente mesure si le chiffre d'affaires qu'elles retirent de l'ensemble de leurs opérations atteint plus de 250 millions d'euros au titre de l'exercice ou de la période d'imposition considéré. ", l'administration à méconnu les dispositions et stipulations précitées ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Rreef Investment Gmbh est fondée à demander la décharge des impositions litigieuses ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


DECIDE :

Article 1er : La société Rreef Investment Gmbh est déchargée de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre des exercices clos en 2011 et 2012 à concurrence des sommes respectives de 305 554 euros et de 265 900 euros.

Article 2 : L'Etat versera à la société Rreef Investment Gmbh une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Rreef Investment Gmbh et au délégué chargé de la direction des grandes entreprises.


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