SOC. MF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 mai 2015
Cassation partielle
M. FROUIN, président
Arrêt no 813 FS-P+B
Pourvoi no W 13-27.763
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Montreuil,
contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2013 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale, cabinet A), dans le litige l'opposant à la société Honeywell Aftermarket Europe, dont le siège est Beauvais cedex,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 31 mars 2015, où étaient présents M. Frouin, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Béraud, Mmes Geerssen, Lambremon, Deurbergue, MM. Chauvet, Huglo, Maron, Déglise, Mmes Reygner, Farthouat-Danon, conseillers, Mmes Mariette, Sabotier, Corbel, Salomon, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. Z, l'avis de M. Petitprez, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-61 et L. 1237-8 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z a été engagé le 5 juillet 1965 par la société DBA aux droits de laquelle vient la société Honeywell Aftermarket Europe en qualité d'agent technique ; qu'il était affecté sur le site de Gennevilliers ; qu'entre décembre 2004 et décembre 2006, il a exercé différents mandats de représentation du personnel, la période de protection expirant le 9 juin 2007 ; qu'au cours de l'été 2005, les représentants du personnel ont été informés d'un projet de réorganisation de l'entreprise entraînant la fermeture du site de Gennevilliers, du recentrage d'une activité sur le site d'Allonne et de la suppression de plusieurs postes et qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été élaboré pour une durée d'un an à compter du mois de juillet 2005 ; que dans le cadre de ce projet de licenciement collectif, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a été dispensé d'activité dès le 23 décembre 2005 ; que par décisions en date des 20 février et 14 août 2006, l'administration du travail a refusé d'autoriser le licenciement du salarié, cette décision étant confirmée par le juge administratif ; que par lettre du 22 juin 2007, le salarié a été mis à la retraite, à effet au 26 septembre 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à dire que cette décision s'analysait en un licenciement de nature économique dépourvu de cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes dont des indemnités conventionnelles résultant du plan de sauvegarde de l'emploi ;
Attendu que pour rejeter les demandes en paiement d'indemnités conventionnelles de licenciement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, l'arrêt retient d'une part que la cause économique de la rupture et la requalification de la mise à la retraite en un licenciement n'impliquent pas automatiquement l'application du plan de sauvegarde de l'emploi et le bénéfice des mesures qu'il comporte au profit du salarié vis-à-vis duquel la procédure de licenciement économique avec plan de sauvegarde de l'emploi n'a pu être conduite à son terme qu'à raison du refus d'autorisation administrative de son licenciement et d'autre part que les dispositions du plan n'avaient plus vocation à s'appliquer à la date de la décision de la mise à la retraite du salarié ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait relevé que l'employeur avait attendu la fin de la période de protection du salarié pour, sous le couvert d'une mise à la retraite ne répondant pas aux conditions légales, procéder à la rupture du contrat de travail, laquelle s'inscrivait dans le cadre du projet de licenciement collectif consécutif à la décision de fermeture du site de Gennevilliers, ce dont il résultait qu'était nécessairement différée à l'égard de ce salarié la mise en oeuvre des engagements pris dans le plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. Z en paiement des indemnités conventionnelles prévues aux paragraphes 5.3.2.1. et 5.3.2.2. du plan de sauvegarde de l'emploi, l'arrêt rendu le 1er octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Honeywell Aftermarket Europe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Z ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Z.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur Z de sa demande tendant à la condamnation de la société HONEYWELL AFTERMARKET EUROPE à lui payer les sommes de 23.097,82 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 73.000 euros à titre d'indemnité additionnelle de licenciement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ;
AUX MOTIFS QUE par ailleurs la cause économique de la rupture et la requalification de la mise à la retraite en licenciement n'impliquent pas automatiquement l'application du plan de sauvegarde de l'emploi et le bénéfice des mesures qu'ils comportent au profit du salarié vis-à-vis duquel la procédure de licenciement économique au bénéfice des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi n'a pu être conduite à son terme qu'à raison du refus d'autorisation administrative de son licenciement qui conservera en toute hypothèse le bénéfice de ses avantages retraite; qu'en outre l'application du plan de sauvegarde de l'emploi peut être limitée dans le temps, comme en l'espèce pour une durée d'un an à compter du lendemain de la dernière réunion d'information du comité central d'entreprise et du comité d'entreprise marquant la fin de la procédure d'information consultation des livres III et IV du code du travail, soit en l'espèce pour une durée d'une année à compter du mois de juillet 2005, en sorte qu'à la date à laquelle Monsieur Z Z s'est vu notifier sa mise à la retraite (22 juin 2007), les dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi n'avaient plus vocation à s'appliquer; qu'il ne pouvait donc prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement majorée par application des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi; qu'il n'est par ailleurs nullement démontré que l'indemnité de mise à la retraite qui lui a été versée à hauteur d'une somme de 33 318 euros ait été inférieure à celle qu'il aurait pu percevoir au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement; que le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a alloué à l'intéressé la somme de 23 097,82 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement majorée conformément aux dispositions prévues au paragraphe 5.3.2.1 du plan de sauvegarde de l'emploi; que pour les mêmes considérations le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié tendant à obtenir le bénéfice de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 5.3.2.2 du plan de sauvegarde de l'emploi;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QU' en revanche, M. Z Z ne saurait se prévaloir d'indemnités complémentaires prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, le simple motif économique du licenciement ne suffisant pas à l'intégrer, de fait, au plan social antérieur; qu'il sera débouté de ce chef;
ALORS QUE la mise à la retraite dont les conditions légales ne sont pas remplies s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse; que lorsqu'elle a été prononcée en application de l'une des cause énoncées à l'article L.1233-3 du Code du travail, elle est soumise aux dispositions relatives au licenciement économique, lesquelles imposent à l'employeur d'établir un plan social lorsque les conditions légales sont remplies ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a, par des motifs adoptés, constaté que les conditions de mise à la retraite de Monsieur Z n'étaient pas réunies, ce dont elle a déduit qu'elle constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse; que la Cour d'appel, qui a relevé la nature économique de la rupture du contrat de travail et l'inscription de celle-ci dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ainsi que le détournement de procédure commis par l'employeur qui a attendu la fin de la période de protection du salarié pour prononcer la mise à la retraite, sans faire droit à la demande de condamnation de l'employeur à payer au salarié l'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement prévue par le plan sous déduction de l'indemnité de mise à la retraite déjà perçue, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, L.1233-28, L.1233-61 et L.1237-8 du Code du travail;
ALORS encore QUE bénéficient des avantages financiers prévus par le plan de sauvegarde de l'emploi tous les salariés appartenant aux catégories professionnelles visées par le projet de licenciement économique; que Monsieur Z avait fait valoir que le juge à qui il appartenait d'interpréter la volonté des parties devait tirer toutes les conséquences légales de sa décision de requalification de la mise à la retraite de l'intéressé en licenciement, ce dont il résultait que l'employeur ne pouvait s'exonérer des engagements qu'il avait pris dans le PSE à l'égard de tous les salariés du site de Gennevilliers visés par le plan; qu'en se bornant à retenir que l'application du plan de sauvegarde avait une durée limitée d'un an à compter de la dernière réunion du comité central d'entreprise et du comité d'entreprise en juillet 2005 en s'abstenant de rechercher si les dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi n'avaient pas vocation à s'appliquer à tous les salariés appartenant aux catégories professionnelles visées par le plan dont faisait partie Monsieur Z, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1237-8 et L.1233-61 du Code du travail;
ALORS encore QU'en retenant qu'il n'était pas démontré que l'indemnité de mise à la retraite ait été inférieure à celle qu'il aurait pu percevoir au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, quand le salarié demandait cette somme à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement déduction faite des sommes versées à titre d'indemnité de départ en retraite,
la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions
QU'en tout cas, elle a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS enfin QUE la cassation qui interviendra sur l'une des deux branches qui précède emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif de l'arrêt qui a débouté Monsieur Z de sa demande tendant à obtenir le bénéfice de l'indemnité additionnelle prévue par l'article 5.3.2.2. du plan de sauvegarde de l'emploi, en application de l'article 624 du Code de procédure civile;