Jurisprudence : Cass. crim., 05-05-2015, n° 14-88.157, FS-D, Cassation partielle

Cass. crim., 05-05-2015, n° 14-88.157, FS-D, Cassation partielle

A7150NHB

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:CR02239

Identifiant Legifrance : JURITEXT000030567229

Référence

Cass. crim., 05-05-2015, n° 14-88.157, FS-D, Cassation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24354793-cass-crim-05052015-n-1488157-fsd-cassation-partielle
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No N 14-88.157 FS D No 2239
SL 5 MAI 2015
CASSATION PARTIELLE
M. GUÉRIN président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur les pourvois formés par
- M. Z Z, - M. Y Y,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 23 octobre 2014, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de vol aggravé avec arme, recel aggravé, port d'arme prohibée et association de malfaiteurs, a prononcé sur leur demande d'annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 avril 2015 où étaient présents M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, MM. ... et ..., Mmes ..., ... et Farrenq-Nési, conseillers de la chambre, Mmes ... et Guého, conseillers référendaires ;
Avocat général M. Cuny ;
Greffier de chambre Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 25 février 2015, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que MM. Z et Y ont été interpellés et placés en garde à vue à la suite d'un vol à main armée commis dans une bijouterie ; qu'ils ont été mis en examen des chefs de vol avec arme en bande organisée, recel en bande organisée, port d'arme prohibée, association de malfaiteurs ; que M. Z a présenté une requête en nullité de sa garde à vue, et demandé par mémoire l'annulation de son interrogatoire de première comparution et de la procédure subséquente, aux motifs qu'il n'avait pas été informé de l'ensemble des infractions et de la date des faits qui lui étaient personnellement reprochés, qu'il avait été interrogé malgré le droit au silence dont il avait demandé le bénéfice, qu'il n'avait pu s'alimenter pendant la garde à vue et que son interrogatoire de première comparution n'avait pas fait l'objet d'un enregistrement audio-visuel par suite, non d'une impossibilité technique, mais d'un dysfonctionnement de la justice ; que M. Y a déposé un mémoire devant la chambre de l'instruction en déclarant s'associer aux moyens de nullité soulevés par M. Z et en soulevant la nullité de son interrogatoire de première comparution qui n'avait pas été enregistré ;
En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 62-2, 63-1, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les mesures de garde à vue de MM. Z et Y, ainsi que tous les actes subséquents dont elles sont le support, notamment leur mise en examen ;
"aux motifs qu'il résulte de l'article 63-1 du code de procédure pénale que " la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend de la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre " ; que l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme que " toute personne arrêtée doit être informée dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle " ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits concernant M. Z en date du 3 avril 2014 à 21 heures 35, sur l'aire de l'autoroute A 6 dite " maison Dieu ", que les policiers ont indiqué agir dans le cadre de " la commission rogatoire no2431/14/23 délivrée le 20 mars 2014 par Mme ... juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris contre X des chefs de vol avec arme en bande organisée, association de malfaiteurs en bande organisée " (D477) ; que, si la nature des faits a été précisément notifiée, en revanche ni l'intégralité des infractions ni la date présumée de celles-ci n'ont été mentionnées dans le formulaire type de placement en garde à vue ; que, néanmoins, il ressort du procès-verbal d'audition de M. Z du 4 avril 2014 à 00 heures 35 que l'intégralité des infractions visées dans la commission rogatoire pour lesquelles il a été mis en examen ultérieurement lui ont été notifiées et lors de son audition du 4 avril 2014 à 13 heures 20, il lui a été communiqué précisément la date des faits notamment en ce qui concerne le vol avec arme ; que par procès-verbal du 5 avril 2014 à 11 heures 53, il s'est expliqué sur l'intégralité des faits reprochés en les reconnaissant et a confirmé ses aveux devant le juge d'instruction, lors de son interrogatoire de première comparution ; que, dès lors, au vu de tout ce qui précède, en dépit de la non communication de la date des infractions présumées lors de la notification du placement en garde à vue de M. Z et des droits inhérents à celle-ci, aucun grief ne saurait être démontré ; qu'enfin l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme a été pleinement respecté en ce qu'il a pour seul objet d'aviser la personne arrêtée des raisons de sa privation de liberté afin qu'elle puisse en discuter la légalité devant un tribunal et que tel est le cas en l'espèce ;
"1o) alors qu'il ressort de l'article 63-1 du code de procédure pénale et 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme que la personne gardée à vue doit être avisée de la qualification juridique des infractions sur laquelle porte l'enquête mais également des éléments factuels justifiant ces qualifications ; qu'en l'espèce, l'officier de police judiciaire a simplement notifié à M. Z le 3 avril 2014 à 21 heures 35 qu'il était placé en garde à vue dans le cadre de " la commission rogatoire no2431/14/23 délivrée le 20 mars 2014 par Mme ... juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris contre X des chefs de vol avec arme en bande organisée, association de malfaiteurs en bande organisée ", sans qu'il lui soit indiqué l'ensemble des qualifications et faits qui lui étaient personnellement reprochés ainsi que leur date ; que dès lors, en rejetant la demande de nullité de garde à vue, et des actes subséquents dont elle était le support nécessaire, malgré cette absence d'information complète sur les éléments juridiques et factuels de l'accusation, au motif inopérant que M. Z aurait reçu ces informations lors d'auditions ultérieures, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
"2o) alors que M. Y, dans son mémoire régulièrement déposé près de la chambre de l'instruction, avait indiqué s'associer aux moyens développés par le conseil de M. Z dans sa requête, ce dont il ressortait qu'il soulevait les mêmes moyens concernant sa propre garde à vue, notamment celui tiré de l'absence de notification de l'intégralité des faits et qualifications qui lui étaient reprochés ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, pourtant régulièrement soulevé par M. Y pour sa propre personne, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de la garde à vue de M. Z en raison d'une information incomplète sur la nature et la date des infractions qu'il était soupçonné d'avoir commises, la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que l'article 63-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011, alors applicable, ne prévoyait qu'une information sur la nature et la date présumée des infractions, et que les infractions de vol à main armée en bande organisée et d'association de malfaiteurs, lesquelles permettaient le placement en garde à vue, avaient été portées à la connaissance de M. Z dès le début de cette mesure, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen, qui, nouveau et comme tel irrecevable en sa seconde branche en ce qui concerne M. Y, lequel s'est borné, devant la chambre de l'instruction, à s'associer aux moyens de M. Z sans arguer d'un grief personnel, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14.3, g), du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 63-1, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les mesures de garde à vue de MM. Z et Y, ainsi que tous les actes subséquents dont elles sont le support, notamment leur mise en examen ;
" aux motifs que l'article 63-1 du code de procédure pénale prévoit que la personne en garde à vue doit notamment être informée " du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire " ; qu'en l'espèce M. Z a fait l'objet - d'un interrogatoire d'identité le 4 avril de 00 heures 35 à 1 heure 02, au cours de laquelle les policiers après lui avoir donné connaissance du contenu de la commission rogatoire, lui ont rappelé qu'après avoir décliné son identité, il pouvait faire usage de son droit au silence ou répondre aux questions des enquêteurs. Il a déclaré vouloir exercer son droit au silence (D.480) ; - d'une première audition sur le fond le 4 avril 2014 entre 13 heures 20 et 14 heures 01, au cours de laquelle les policiers lui ont rappelé à nouveau qu'il pouvait faire usage de son droit au silence ou de répondre à leurs questions ; il a invoqué à 21 reprises son droit au silence suite aux questions posées puis a répondu à d'autres questions (D.492 à D.495) ; - d'une seconde audition le 5 avril 2014 entre 11 heures 50 et 15 heures 8 au cours de laquelle, son droit au silence ou de répondre aux questions lui ayant été rappelé, il a choisi de répondre à toutes les questions (D.500 à D.509) ; que, si la personne gardée à vue dispose du droit au silence par application de l'article susvisé, cette disposition n'interdit toutefois pas aux fonctionnaires de police de poser des questions et que libre à la personne gardée à vue d'exercer totalement ou partiellement son droit au silence, cette dernière pouvant à tout moment revenir sur sa propre décision sans que pour autant cela soit considéré a priori comme une pression des policiers ;
"1o) alors que toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être avisée de son droit de garder le silence ; que l'exercice de ce droit au silence implique que les officiers de polices judiciaires n'usent pas de stratagèmes ou pressions pour recueillir les déclarations des personnes retenues contre leur gré ; qu'en l'espèce, M. Z a demandé la nullité de sa garde à vue, dès lors que malgré sa décision expresse d'user de son droit au silence, sur lequel il n'est jamais revenu expressément et par écrit, les officiers de police judiciaire n'ont pas cessé de l'interroger jusqu'à ce qu'il réponde à certaines de leurs questions ; qu'en refusant de sanctionner un tel procédé déloyal, contraire à l'exercice effectif et concret du droit au silence ainsi qu'aux droits de la défense, au motif inopérant que l'exercice de ce droit n'interdit pas aux fonctionnaires de police de poser des questions sans que pour autant cela soit considéré a priori comme une pression des policiers, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
"2o) alors que M. Y, dans son mémoire régulièrement déposé près de la chambre de l'instruction, avait indiqué s'associer aux moyens développés par le conseil de M. Z dans sa requête, ce dont il ressortait qu'il soulevait les mêmes moyens concernant sa propre garde à vue, notamment celui tiré de l'exercice du droit au silence ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, pourtant régulièrement soulevé par M. Y pour sa propre personne, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure qu'après avoir demandé le bénéfice du droit au silence, M. ... a accepté de répondre aux questions posées ;
Attendu que, hors le cas de contrainte physique ou morale, qui ne peut résulter des seules questions posées par les enquêteurs, la personne gardée à vue est libre d'exercer son droit au silence, partiellement ou en totalité, ou d'y renoncer ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et comme tel irrecevable dans sa seconde branche, doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63-5, 64, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les mesures de garde à vue de MM. Z et Y, ainsi que tous les actes subséquents dont elles sont le support, notamment leur mise en examen ;
" aux motifs que l'article 64 du code de procédure pénale prévoit que le procès-verbal de notification de fin de garde à vue doit mentionner " les heures auxquelles la personne gardée à vue a pu s'alimenter " ; que l'article 63-5 du code de procédure pénale " la garde à vue doit s'exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne " ; qu'il résulte du procès-verbal de notification de fin de garde à vue que " le 4 avriI 2014, de 18 heures à 19 heures, il a pu s'alimenter ; que le 5 avril 2014, de 18 heures à 19 heures, il a pu s'alimenter " ; qu'il est soutenu que M. Z a été privé de nourriture le 4 avril au matin, le 4 à midi, le 5 avril au matin et le 5 à midi alors qu'il a été placé en garde à vue le 3 avril à 21 heures 30 et n'a pu se nourrir que les 4 et 5 avril entre 18 heures et 19 heures de sorte cette garde à vue a été menée dans des conditions contraires à la dignité humaine ; qu'il ne résulte pas de la procédure de récriminations de M. Z concernant les conditions de sa garde à vue ; qu'en effet, la cour observe qu'à aucun moment, l'intéressé n'a évoqué de problèmes lors de sa garde à vue ; qu'interrogé lors de sa première comparution par le juge d'instruction il n'a formulé aucune critique sur ce point ; que dès lors, aucun élément ne vient accréditer les considérations invoquées par le gardé à vue quant à l'exécution de la mesure de garde à vue contraire à la dignité humaine ;
"1o) alors que, en vertu de l'article 63-5 du code de procédure pénale " la garde à vue doit s'exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne " ; que la violation de cette disposition entache nécessairement la garde à vue de nullité ; qu'en l'espèce, M. Z avait fait valoir, en se fondant sur les propres constatations des officiers de police judiciaire, qu'il avait été privé d'alimentation au cours des journées du 4 et 5 avril 2014, ne bénéficiant que d'un repas entre 18 heures et 19 heures ; qu'en refusant d'annuler une telle mesure de garde à vue, menée dans des conditions contraires à la dignité humaine, au motif parfaitement inopérant que M. Z n'aurait pas évoqué de problèmes lors de sa garde à vue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"2o) alors que M. Y, dans son mémoire régulièrement déposé près de la chambre de l'instruction, avait indiqué s'associer aux moyens développés par le conseil de M. Z dans sa requête, ce dont il ressortait qu'il soulevait les mêmes moyens concernant sa propre garde à vue, notamment à raison de l'exercice des droits de a défense ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, pourtant régulièrement soulevé par M. Y pour sa propre personne, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour rejeter la demande de nullité de la garde à vue faute pour M. Z d'avoir pu s'alimenter, l'arrêt énonce qu'à aucun moment, l'intéressé n'a évoqué de problèmes lors de sa garde à vue, qu'il n'a formulé aucune critique sur ce point lors de son interrogatoire de première comparution et qu'aucun élément ne vient accréditer les considérations invoquées ;
Attendant qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et comme tel irrecevable en sa seconde branche, ne saurait être admis ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 116-1, 201, 205, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les interrogatoires de première comparution de MM. Z et Y, ainsi que tous les actes subséquents dont ils sont le support ;
"aux motifs qu'il est argué que le défaut d'enregistrement de l'interrogatoire de première comparution de M. Y résulte, non pas d'une impossibilité technique, mais d'un dysfonctionnement du service public de la justice qui ne s'est pas organisée pour permettre aux mis en examen de bénéficier des garanties qui leur sont octroyées par la loi et qui fait nécessairement grief, tel que cela résulte d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui précise " dès lors qu'il (le défaut d'enregistrement) empêche les parties de faire valoir leur droit à sa consultation et à contester la portée des déclarations émises devant le magistrat instructeur " ; que le conseil du mis en examen, M. Z, reprend la même argumentation que celle de son confrère tout en y ajoutant que la présentation de son client prévue le 6 avril, alors que M. Z était en garde à vue depuis le 3 avril, permettait au juge d'instruction de s'organiser et qu'il était possible de mettre à disposition du magistrat instructeur les moyens de se conformer à la loi ; que dès lors, cet obstacle matériel était aisément surmontable si le service public de la justice s'était correctement organisé ; qu'il résulte de l'article 116-1 du code de procédure pénale " En matière criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction, y compris l'interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l'objet d'un enregistrement audiovisuel. L'enregistrement ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation sur la portée des déclarations recueillies, sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties. Les huit derniers alinéas de l'article 114 ne sont pas applicables. Lorsqu'une partie demande la consultation de l'enregistrement, cette demande est formée et le juge d'instruction statue conformément aux deux premiers alinéas de l'article 82-1. Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement réalisé en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement est détruit dans le délai d'un mois. Lorsque le nombre de personnes mises en examen devant être simultanément interrogées, au cours de la même procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l'enregistrement de tous les interrogatoires, le juge d'instruction décide, au regard des nécessités de l'investigation, quels interrogatoires ne seront pas enregistrés. Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire qui précisera nature de cette impossibilité " ; qu'en l'espèce, il résulte de l'interrogatoire de première comparution de M. Y, en date du 6 avril 2014, et de celui de M. Z le même jour, mis en examen tous deux des chefs de vol avec arme, recel de vol, port illicite d'armes, éléments d'arme ou munitions de catégorie B et association de malfaiteurs en vue de commettre un crime puni de dix ans de réclusion criminelle que ceux-ci n'ont pas fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel, pourtant obligatoire conformément à l'article susvisé ; que le juge d'instruction a motivé l'impossibilité de filmer les deux interrogatoires de première comparution de la façon suivante " Mentionnons que le bureau 101 où sont entreposées les caméras est fermé à clé, que nous ne disposons pas d'un passe nous permettant d'entrer afin de prendre un système vidéo. En conséquence, constatons qu'il nous est impossible de filmer le présent interrogatoire " ; qu'il ressort des explications écrites du juge d'instruction, en date du 24 septembre 2014, portées à la connaissance des avocats de MM. Y et Z que " les multiplexeurs qui équipaient autrefois les cabinets du service général ont été désinstallés depuis plus de dix-huit mois en raison de dysfonctionnements mon cabinet n'a pas fait exception à cette règle ils ont été remplacés par 4 mini caméras conservées au cabinet 101 les quatre caméras sont considérées comme suffisantes pour tout le service général leur utilisation est soumise à leur disponibilité elles ne sont pas accessibles en libre service. A toutes fins utiles je précise que ma greffière et moi-même sommes venues pour les mises en examen le dimanche 6 avril alors que nous n'étions pas de permanence dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice " ; qu'il ressort de cette réponse que l'impossibilité d'enregistrer l'interrogatoire de première comparution de M. Y et celui de son codétenu, M. Z conformément à la loi trouve son explication dans la désinstallation du matériel audiovisuel dans le cabinet du juge en raison de son dysfonctionnement de nature à expliquer les démarches entreprises par le magistrat instructeur pour se conformer à la loi, sans succès, un dimanche ; que, dès lors, c'est bien par une impossibilité technique que le juge d'instruction n'a pas pu filmer les deux interrogatoires de première comparution dans son cabinet, et ce conformément au texte législatif, celui-ci n'étant plus équipé de caméra en raison de sa panne technique, doublée d'une impossibilité matérielle pour pouvoir obtenir une autre caméra dans un lieu autre que le cabinet du juge d'instruction ;
"1o) alors que le défaut d'enregistrement audiovisuel, en matière criminelle, de la première comparution d'une personne mise en examen, hors les cas où l'article 116-1 du code de procédure pénale l'autorise, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée, qu'elle ait fait de simples déclarations ou qu'elle ait accepté d'être interrogée ; qu'en l'espèce, en décidant qu'il n'y avait pas lieu à annulation des interrogatoires de première comparution de MM. Z et Y, en dépit du défaut de leur enregistrement audiovisuel, en se fondant sur le motif inopérant selon lequel le magistrat instructeur n'avait pas réussi à récupérer le matériel d'enregistrement entreposée dans une pièce fermé, commune à l'ensemble des cabinets d'instruction, pour laquelle il ne disposait pas des clefs, ce qui ne caractérisait pas une impossibilité technique mais un dysfonctionnement de la justice, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
"2o) alors qu'en vertu de l'article 116-1 du code de procédure pénale, " lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire qui précise la nature de cette impossibilité " ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a rejeté la nullité des interrogatoires de première comparution de MM. Z et Y en se fondant à la fois sur les explications fournies par le juge d'instruction dans les procès-verbaux d'interrogatoire mais également celles ultérieurement fournies à la demande d'un des conseillers de la chambre de l'instruction ; que dès lors, en se fondant sur des constatations étrangères aux procès-verbaux d'interrogatoires de première comparution, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé ;
"3o) alors que la chambre de l'instruction peut, dans tous les cas, à la demande du procureur général, d'une des parties ou même d'office, ordonner tout acte d'information supplémentaire qu'elle juge utile ; qu'il est procédé aux suppléments d'information conformément aux dispositions relatives à l'instruction préalable soit par un des membres de la chambre de l'instruction, soit par un juge d'instruction qu'elle délègue à cette fin ; qu'en l'espèce, un conseiller de la chambre de l'instruction a recueilli auprès du juge d'instruction des informations, sans qu'un supplément d'information n'ait été ordonné ; que dès lors, en se fondant sur de telles informations recueillies illégalement, la chambre de l'instruction a violé les textes et principe susvisés" ;

Vu l'article 116-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, qu'en matière criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction, y compris l'interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l'objet d'un enregistrement audiovisuel, sauf impossibilité technique dont il est fait mention dans le procès-verbal ;
Attendu que, pour rejeter la demande de nullité des procès-verbaux de première comparution de MM. Z et Y et de la procédure subséquente, l'arrêt énonce, au vu des mentions desdits procès-verbaux et d'une correspondance complémentaire du magistrat instructeur portée à la connaissance des avocats des requérants, que la désinstallation du matériel audiovisuel des bureaux des juges d'instruction et l'impossibilité matérielle de se procurer une caméra, un dimanche, dans un autre bureau, ont constitué une impossibilité technique ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne caractérisent pas l'impossibilité technique de procéder à un enregistrement audiovisuel, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 23 octobre 2014, en ses seules dispositions relatives au défaut d'enregistrement audiovisuel des interrogatoires de première comparution des demandeurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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