Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 11-03-2015, n° 382754, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 SSR, 11-03-2015, n° 382754, mentionné aux tables du recueil Lebon

A6908ND9

Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2015:382754.20150311

Identifiant Legifrance : CETATEXT000030445712

Référence

CE 9/10 SSR, 11-03-2015, n° 382754, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23609686-ce-910-ssr-11032015-n-382754-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

La juridiction administrative n'est pas compétente pour apprécier la légalité des dispositions de l'article 34 du décret du 24 février 1957, relatif à la réparation et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans les territoires d'outre-mer.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

382754

Mlle C.

M. Frédéric Béreyziat, Rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, Rapporteur public

Séance du 11 février 2015

Lecture du 11 mars 2015

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet et 31 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mlle B.C., venant aux droits de M. A.C., son père décédé, et agissant en exécution d'une ordonnance n° 14/00020 du 2 juin 2014 du juge de la mise en état près le tribunal du travail de la Polynésie française, demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer illégal l'article 34 du décret n° 57-245 du 24 février 1957 relatif à la réparation et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans les territoires d'outre-mer ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autre pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi n° 58-619 du 23 juin 1956 ;

- le décret n° 57-245 du 24 février 1957, notamment son article 34 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ;



1. Considérant qu'en exécution de l'ordonnance n° 14/00020 du 2 juin 2014, rendue par le juge de la mise en état près le tribunal du travail de la Polynésie française, Mlle B.C., venue aux droits de M. A.C., son père décédé, demande au Conseil d'Etat de déclarer illégales les dispositions de l'article 34 du décret du 24 février 1957 relatif à la réparation et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans les territoires d'outre-mer en ce qu'elles lui interdisent d'obtenir de l'ancien employeur de M. C.des dommages et intérêts pour l'ensemble des préjudices subis par ce dernier ;

2. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 34 du décret du 4 février 1957 : " Lorsque l'accident est dû à une faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, les indemnités dues à la victime ou à ses ayants droit, en vertu du présent décret, sont majorées./ Le montant de la majoration est fixé par l'organisme assureur en accord avec la victime et l'employeur ou, à défaut, par le tribunal du travail compétent sans que la rente ou le total des rentes allouées puisse dépasser soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire. La majoration est payée par l'organisme assureur qui en récupère le montant au moyen d'une cotisation supplémentaire imposée à l'employeur et dont le taux et la durée sont fixés par lui, sauf recours de l'employeur devant le tribunal du travail compétent " ;

3. Considérant que ces dispositions ont été prises pour l'application de l'article 4 de la loi du 23 juin 1956 autorisant le Gouvernement à mettre en œuvre les réformes et à prendre les mesures propres à assurer l'évolution des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer ; qu'aux termes de l'article 5 de cette loi : " Les décrets prévus aux articles 3 et 4 pourront modifier ou abroger les dispositions législatives, à l'exception de celles concernant l'organisation et la protection du travail, ou étendre aux territoires tout ou partie des dispositions législatives en vigueur dans la métropole. Ces décrets entreront en vigueur dès leur publication au Journal officiel de la République française, mais ils ne deviendront définitifs qu'après l'accomplissement des formalités de procédure et de délais prévues à l'article 1er " ; qu'il résulte des prescriptions de cet article 1er que ces décrets " seront simultanément déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale et soumis à l'Assemblée de l'Union française qui aura quinze jours pour émettre son avis./ L'Assemblée nationale devra se prononcer sur leur adoption, leur rejet ou leur modification dans un délai de deux mois et en faire la transmission au Conseil de la République. Celui-ci disposera alors d'un délai de trente jours pour se prononcer./ L'examen des décrets devra être achevé par le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de leur dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale./ L'absence de décision de l'une ou l'autre assemblée vaudra adoption ou reprise du texte gouvernemental " ;

4. Considérant que l'article 34 du décret du 24 février 1957 a été soumis à l'examen du Parlement ; qu'il résulte du procès-verbal de la séance de l'Assemblée nationale du 12 juillet 1957 qu'en application de l'article 1er de la loi du 23 juin 1956, l'Assemblée nationale et le Conseil de la République ont, par délibérations conformes, adopté l'article 34 du décret du 24 février 1957 et lui ont ainsi donné valeur législative ;

5. Considérant que les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 34 du décret du 24 février 1957, citées au point 2, qui ont trait à la réparation des conséquences dommageables subies par un salarié victime d'un accident de travail en raison d'une faute inexcusable de son employeur, n'ont fait l'objet, en tant qu'elles s'appliquent à la Polynésie française, d'aucune modification par l'organe délibérant de cette collectivité territoriale par un acte de nature réglementaire ; qu'elles ont donc conservé leur valeur législative ; que, par suite, la juridiction administrative n'est pas compétente pour en apprécier la légalité ; qu'il appartient, le cas échéant, à MlleC., si elle s'y croit fondée, d'en contester la conformité à la Constitution par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité, sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas partie à la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Polynésie Intérim au titre des mêmes dispositions ;



D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mlle C.est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions de la société Polynésie Intérim présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle B.C., à la société Polynésie Intérim, à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.


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