Jurisprudence : TGI Paris, 3ème, 12-02-2015, n° 14/07309

TGI Paris, 3ème, 12-02-2015, n° 14/07309

A1973NDG

Référence

TGI Paris, 3ème, 12-02-2015, n° 14/07309. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23589892-tgi-paris-3eme-12022015-n-1407309
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Expéditionsexécutoires ./1it z délivrées le IS TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
Expéditions
exécutoires ./1it z délivrées le
IS

3ème chambre 1ère section
N° RG 14/07309
JUGEMENT
rendu le 12 Février 2015
N° MINUTE

DEMANDERESSE
Z Compagnie Commerciale et Viticole Champenoise,
SAS

REIMS
représentée par Maître Annick ... de l'AARPI ALEZAN,
avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0401
DÉFENDERESSES
S.A.R.L. BM & VT

PARIS
Madame Virginie Z
23 boulevard ... Michel
1040 ETTERBEEK - BELGIQUE
représentée par Maître Natacha RENAUDIN de la SCP DAUZIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0224 et plaidant par Maître Ariane JOACHIMOWICZ, avocat au barreau de BRUXELLES

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente
Camille LIGNIERES, Vice Présidente
Julien RICHAUD, Juge
assistés de Léoncia BELLON, Greffier,
DÉBATS
A l'audience du 06 Janvier 2015 tenue publiquement
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoirement
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Z Compagnie Commerciale et Viticole Champenoise (CCVC), immatriculée au RCS de REIMS sous le n°490.341.062, élabore et commercialise les champagnes "Z ". Elle se présente comme la dépositaire de l'histoire de cette Maison de Champagne FOREST-FOURNEAUX.
La SAS Z CCVC est notamment propriétaire d'une marque dénominative française " Z " dont elle revendique la renommée, déposée pour la première fois par la SA Z le 16 janvier 1968, régulièrement renouvelée depuis cette date et en dernier lieu le 11 avril 2007, actuellement enregistrée sous le n°1.426.350 pour désigner des produits relevant des classes 32 et 33 et en particulier des " vins de provenance française à savoir Champagne".
Madame Virginie Z a, entre le 1er février 1986 et son licenciement du 21 décembre 2006 jugé sans cause réelle et sérieuse par jugement définitif du 18 juin 2008, effectué sa carrière au sein de la SA Z en qualité d'attachée de direction puis comme directrice de la communication et du marketing, directrice du bureau de Paris et directrice du service et produits associés et enfin comme directrice des relations extérieures de la société Taittinger et précise être présentée par les medias, en raison de sa personnalité et de ses compétences, comme l'égérie et l'ambassadrice des champagnes " Z ".
Actionnaire du Groupe Z, Madame Virginie Z a, par un acte du 19 juillet 2005, donné mandat à son père, Claude Z, de la représenter dans la cession de ses parts sociales. Ce dernier, par acte du 21 juillet 2005, a usé de la faculté de substitution qui lui a été donnée par Madame Virginie Z, au profit de Madame Anne-Claire Z et de Monsieur Jean .... Dans ces conditions, aux termes d'un acte de cession de titres signé le 21 juillet 2005 entre, d'une part, la société FIBELPAR, la société FONCIÈRE FINANCIÈRE ET DE PARTICIPATION ainsi que la famille Z et, d'autre part, la société SOF EUROPEAN HÔTEL CO-INVEST HOLDINGS, cette dernière s'est vue céder le contrôle de la société GROUPE Z.
Cet acte, en ses articles 10-5 et 10-4, comporte une clause de non-concurrence pour une durée de 24 mois et stipule les conditions de coexistence des droits respectifs de la famille Z, de l'acquéreur, de la société GROUPE Z ainsi que de ses filiales sur le nom de famille " Z ".
Le 14 février 2008, Madame Virginie Z a déposé la marque verbale française " Z T " enregistrée sous le n°3556674 et désignant les produits des classes 21, 29, 30, 32, 33 dont le champagne.
Pour permettre la distribution du champagne commercialisé sous cette marque, elle créait la SARL BM & VT, immatriculée le 24 juin 2008 au RCS de PARIS sous le n° 504.587.346.
Madame Virginie Z a par ailleurs procédé à la réservation du nom de domaine www.virginie-t.com le 4 mai 2007 qui héberge le site internet de la SARL BM & VT ainsi que des noms de domaine suivants qui assurent une redirection sur ce dernier www.virginietaittinger.com, le 3 mai 2007, www.virginietaittinger.fr, le 26 mai 2008, www.virginie-taittinger.com, le 4 mai 2007, www.virginie-taittinger.com, le 26 mai 2008, www.virginie-taittinger-champagne.com, le 13 mai 2008, www.virginie-taittinger-champagne.fr, le 19 mai 2008.
Invoquant l'utilisation commerciale du nom Z pour la vente et la promotion du champagne Z T et la mise en oeuvre d'une communication systématiquement axée sur le nom de famille Z et sur l'image de la marque " Z ", la SAS Z CCVC a, par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 juillet 2010, mis en demeure Madame Virginie Z et la SARL BM & VT de cesser toute utilisation de la marque de renommée, de la dénomination sociale ainsi que du nom commercial " Z ".
Ces derniers, par courriers officiels des 22 juillet et 6 octobre 2010, leurs opposaient l'absence d'engagement de non-concurrence les liant et le droit exclusif de Madame Virginie Z à utiliser son nom patronymique en le distinguant de la dénomination sociale et de la marque Z.
Les correspondances échangées par la suite ne permettaient pas de solder le différend.
C'est dans ces conditions que, par exploit d'huissier des 8 et 21 mai 2014, la SAS Z CCVC a assigné Madame Virginie Z et la SARL BM & VT devant le tribunal de grande instance de PARIS.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 novembre 2014 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SAS Z CCVC demande au tribunal, sous le
bénéfice de l'exécution provisoire et au visa des articles L.713-5 du code de la propriété intellectuelle et 1134, 1145 et 1382 du code civil de constater que la demanderesse verse aux débats sous les n° 7.3 et 9.1 une traduction intégrale de ses pièces n° 7 et 9 ;
de débouter la société BM & VT et Madame Virginie Z de toutes leurs demandes, fins et moyens ;
de dire et juger qu'en employant systématiquement, à des fins commerciales, le nom " Z " pour la vente et la promotion du champagne Z T, sous la forme de noms de domaine contenant ce nom et, dans certains cas, le mot " champagne ", dans ses déclarations reproduites sur le site Internet Z T et dans la presse, Madame Virginie Z a délibérément enfreint les stipulations de l'article 10-4-2 de la convention de cession de titres du 21 juillet 2005 ;
d'interdire à Madame Virginie Z toute exploitation commerciale directe ou indirecte du nom " Z ", sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, pour toute activité liée au champagne ainsi qu'aux vins et, lui ordonner
de renoncer aux noms de domaine virginie-taittingerchampagne.fr et virginie-taittinger-champagne.com,
de cesser tout usage, pour l'accès au site Z T, des noms de domaine virginie-taittinger.fr, virginietaittinger.fr, virginie-taittinger.com et virginietaittinger.com,
et ce, sous astreinte de 5.000 Euros par jour de retard et par infraction, passé un délai de quinze jours suivant la signification du jugement à intervenir ;
et dire que le Tribunal de céans se réserve la liquidation de l'astreinte; de dire et juger qu'en axant systématiquement la promotion du vin de champagne Z T sur la réputation de la société Z CCVC, sur la renommée de la marque " Z " ainsi que sur l'image de Virginie Z au titre de son activité passée au service de la société Z C.C.V.0 et notamment par l'emploi non autorisé de cette marque ainsi que par la référence parasitaire à la dénomination sociale et au nom commercial " Z ", la société BM & VT et Madame Virginie Z ont porté atteinte à la marque de renommée " Z " n°1.426.350 au sens des dispositions de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle et engagé leur responsabilité en application des dispositions de l'article 1382 du code civil, à l'égard de la société Z C.C.V.0 ; d'interdire à la société BM & VT et à Madame Virginie Z de poursuivre de tels actes et leur ordonner
de supprimer toute référence sur le site Internet dédié au champagne Z T, à la société Z, à son nom commercial, à la marque " Z ", aux vins de Champagne Z ainsi qu'aux fonctions exercées par Madame Virginie Z au sein de la société Z et, plus généralement, de les associer à quelque titre et sous quelque forme que ce soit à la promotion, directe ou indirecte, du vin de Champagne Z T.,
de cesser tout usage des noms de domaine virginie-taittinger-champagne.fr et virginie-taittinger-champagne.com, de cesser tout usage, pour l'accès au site Z T, des noms de domaine virginie-taittinger.fr, virginietaittinger.fr, virginie-taittinger.com et virginietaittinger.com,
et ce, sous astreinte de 5.000 Euros par jour de retard et par infraction, passé un délai de quinze jours suivant la signification du jugement à intervenir ;
et dire que le Tribunal de céans se réserve la liquidation de l'astreinte; de condamner Madame Virginie Z à verser à la société Z CCVC la somme de cent cinquante mille (150.000) Euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice, aggravé par sa résistance abusive, résultant de la violation des stipulations de l'article 10-4-2 de la convention de cessions de titres du 21 juillet 2005 ;
de condamner in solidum la société BM & VT et Madame Virginie Z à verser à la société Z CCVC les sommes de cent cinquante mille (150.000) Euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à ses droits sur sa marque de renommée " Z " n°1.426.350,
cent cinquante mille (150.000) Euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant de leurs actes de parasitisme et de l'atteinte à ses droits sur sa dénomination sociale et son nom commercial,
quarante mille (40.000) Euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
d'ordonner à titre de réparation complémentaire des différents chefs de préjudice subis par la société Z CCVC
la publication d'extraits du jugement à intervenir ou de son dispositif, in extenso ou par extraits, à l'initiative de la demanderesse, dans six revues ou magazines de son choix aux frais in solidum de la société BM & VT et de Madame Virginie Z et ce, à concurrence d'une somme de huit mille (8.000) euros hors taxes par publication ;
la publication du texte ci-après, sur la page d'accueil du site Internet Z T ou de tout autre qui lui serait substitué par les défenderesses pour la vente et/ou la promotion du vin de Champagne Z T, dans un encadré occupant au moins un quart de l'espace de cet écran d'accueil, en caractères lisibles et ce, pendant une durée continue de 90 (quatre-vingt-dix) jours à compter de l'expiration d'un délai de 8 (huit) jours suivant la signification du jugement à la société BM & VT, sous astreinte de 5.000 Euros par jour de retard, le Tribunal de céans se réservant la liquidation de l'astreinte " Par un jugement du ... et à la requête de la société Z CCVC, le Tribunal de grande instance de Paris a statué comme suit (dispositif du jugement) ",
de condamner in solidum la société BM & VT et Madame Virginie Z aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Annick ..., Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SAS Z CCVC expose que le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle n'a pas vocation à s'appliquer, dès lors que les faits invoqués par la société Z CCVC au soutien de ses demandes concernent d'une part, la violation, par Madame Virginie Z, des stipulations de l'article 10-4-2 de la convention de cession de titres du 21 juillet 2005 du fait de l'usage commercial du nom patronymique
Z auquel elle se livre pour vendre du vin de Champagne et, d'autre part, l'atteinte à la marque de renommée " Z " du fait de l'association systématique de cette marque, par Madame Virginie Z, à son activité de vente de vin de Champagne et à celle de la société BM & VT à laquelle elle s'identifie en la présentant comme sa société, association constitutive d'une exploitation injustifiée de la renommée de la marque " Z ", au sens des dispositions de l'article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle.
Elle explique que l'obligation des membres de la famille Taittinger, parties à la convention, ne se limite pas, conformément à l'article 10-4, à une interdiction d'usage du nom patronymique Z à titre de marque, de nom commercial et de nom de domaine, pour toute activité liée au champagne et au vin ainsi que pour tous produits et services connexes mais s'étend, pour ces activités, à tout usage de ce nom dans la vie des affaires, sous quelque forme que ce soit. Elle précise que cette stipulation est valide puisque l'article L.420-1 du code de commerce concerne les ententes et coalitions entre concurrents prohibées en ce qu'elles ont un effet restrictif sur la concurrence alors que l'article 10-4-2 de la convention de cession de titres du 21 juillet 2005 avait pour cause juridique la garantie de la libre jouissance des droits cédés qui comprenaient tous les actifs de la société précitée y compris sa dénomination sociale, son nom commercial et ses marques et n'avait pas pour objet d'organiser d'entente ni de coalition et n'interdit pas aux membres de la famille Taittinger d'exercer une activité commerciale dans le domaine du vin et du champagne. Elle ajoute que, outre que ces stipulations n'ont pas la même nature qu'une clause de non-concurrence, elles ont été souscrites dans le cadre d'une cession de titres et non d'un contrat de travail et en déduit que ces clauses lient Madame Z en sa qualité de cédante des titres des sociétés GROUPE Z et SOCIÉTÉ DU LOUVRE qu'elle possédait et non en sa qualité d'ancienne salariée de la société Z C.C.V.C, de sorte qu'elles n'avaient pas à être évoquées à l'occasion du licenciement de Madame Virginie Z et qu'elles demeurent applicables entre les parties.
Elle expose que Madame Virginie Z a donné expressément pouvoir à Monsieur Claude Z, avec faculté de substitution, de procéder à la cession de ses titres, en son nom et pour son compte, ainsi que de souscrire à tout engagement et signer tout acte en son nom pour réaliser cette cession et que l'article 10-4-2 organisant l'usage du nom " Z " est une condition essentielle de la cession. Elle en déduit que les droits et obligations en résultant pour Madame Virginie Z étaient compris dans les " engagements " que Monsieur Claude Z était habilité à prendre en son nom dans la mesure où ils sont indissociables de la cession de ses titres et en ont permis la conclusion. Elle ajoute que le mandat de Monsieur Claude Z porte expressément sur un acte de disposition, à savoir la cession des titres de Madame Z et la souscription des engagements requis à cette fin, et que les obligations souscrites au nom de Madame Virginie Z ne l'empêchent pas d'exercer une activité professionnelle mais règlementent l'usage de son nom, dans la vie des affaires dans le domaine du champagne, ce qui ne saurait être assimilé à un acte de disposition. Elle en déduit que Madame Virginie Z ne peut se prévaloir des dispositions des articles 1987 et 1988 du code civil et que les stipulations de l'article 10-4-2 de la convention de cession de titres du 21 juillet 2005 lui sont opposables, peu important l'exercice de la faculté de substitution qui ne modifie pas la portée du mandat initial.
Elle explique que les engagements stipulés dans l'acte de cession l'ont été au profit de la société SOF European Hotel Co-Invest Holdings mais aussi de la société GROUPE Z ainsi que des filiales de cette dernière et que la demanderesse vient aux droits de la société Z C.C.V.C, avec laquelle elle a fusionné en mars 2013 et qui était une filiale de la société GROUPE Z à la date de la signature de la convention de cession de titres du 21 juillet 2005, ainsi qu'aux droits de la société FINANCIÈRE SAINTNICAISE, avec laquelle elle a aussi fusionné au mois de mars 2013 et qui s'est vue transférer par la société GT LOUVRE anciennement dénommée GROUPE Z, aux termes des stipulations de l'article 5.07.(c) de la convention de cession des titres de la société Z C.C.V.0 du 31 mai 2006, le bénéfice des engagements souscrits à son profit par les membres de la Famille Taittinger quant à l'utilisation de leur nom.
Elle indique que Madame Virginie Z associe de façon systématique le nom Z au champagne Z T en particulier en mettant à la disposition de la société BM & VT le nom Z, même en association avec le mot " champagne ", à titre de nom de domaine pour commercialiser et promouvoir le champagne Z T et en associant en permanence le nom " Z" à la vente et à la promotion du champagne Z T, tant sur le site internet dédié à la vente de cette boisson que dans le cadre de ses déclarations à la presse liées à la promotion du champagne Z T.
Au titre de l'atteinte à la marque de renommée, elle explique que l'article L.713-6 du code de la propriété intellectuelle requiert la bonne foi de l'homonyme, condition qui fait défaut eu égard aux engagements souscrits par Madame Virginie Z aux termes de la convention de cession de titres du 21 juillet 2005 et aux conditions dans lesquelles les défenderesses exploitent le nom " Z ", et réserve expressément les droits du titulaire de la marque de voir limiter ou interdire l'utilisation d'un signe identique ou similaire à sa marque en cas d'atteinte à celle-ci. Elle ajoute que la société BM & VT et Madame Virginie Z ne peuvent exciper de ces dispositions pour s'exonérer de leur responsabilité au titre des atteintes récurrentes qu'elles portent à la marque de renommée " Z ". Elle précise que la société BM & VT et Madame Virginie Z, tant dans les déclarations de cette dernière à la presse que sur le site Internet Z T, mentionnent régulièrement " le champagne Z ", c'est-à-dire le produit désigné par la marque de renommée " Z " n°1.426.350 et que ces références multiples au " champagne Z" se situent dans le contexte de la commercialisation et de la promotion du champagne concurrent Z T afin de créer artificiellement un lien avec la marque de renommée de la demanderesse destiné à convaincre la clientèle de la société BM & VT de la qualité du champagne Z T par assimilation au prestige de la marque de renommée " Z "
et de bénéficier indûment de l'image de la marque de renommée "Z " et du gage de qualité qu'elle véhicule. Elle précise que les atteintes portées à la marque de renommée ne requièrent pas une atteinte aux fonctions de la marque, critère apprécié dans le cadre d'une contrefaçon par reproduction ou par imitation, et s'apprécient indépendamment de l'existence de tout risque de confusion.
Elle expose au titre de la concurrence déloyale et parasitaire que la dénomination sociale et le nom commercial de la société Z CCVC constituent une valeur économique à laquelle est associée une image de prestige, résultat des efforts et investissements de cette société pour promouvoir ses vins de champagne et leur réputation d'excellence ainsi que des actions culturelles régulièrement menées dans le cadre du mécénat ou encore de la création du Prix culinaire Pierre Z récompensant chaque année depuis 1967 la génération montante des chefs cuisiniers. Elle indique que, tant sur le site internet du champagne Z T qu'à l'occasion des déclarations de Madame Virginie Z à la presse, celle-ci fait systématiquement référence à la dénomination sociale et au nom commercial de la demanderesse, notamment sous la forme " la Maison Taittinger " ou encore " l'entreprise familiale " dans le cadre de la promotion du champagne Z T et ce, dans le but manifeste d'associer indûment ce champagne au prestige de la société Z CCVC. Elle en déduit que ce faisant, les défenderesses commettent une faute à son préjudice.
En réplique, dans leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 3 septembre 2014 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Madame Virginie Z et la SARL BM & VT demandent au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire
statuant sur la demande principale
vu notamment les articles L713-5 et L713-6 du code de la propriété intellectuelle,
de rejeter l'action en contrefaçon en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de Virginie Z, les faits invoqués étant cumulativement reprochés au titre d'une responsabilité contractuelle ; de dire et juger mal fondée l'action en contrefaçon ; vu notamment les articles 1965, 1987 à 1989 du code civil, de rejeter en l'état l'action en violation de la convention de cession du 21 juillet 2005, faute de production d'une traduction intégrale de la convention et de ses annexes ;
de déclarer l'action non fondée quant aux prétendues violations de la convention de cession du 21 juillet 2005 ;
vu les articles L420-1 et L420-3 du code de commerce, de prononcer la nullité de la clause 10-4-2 de la convention de cession du 21 juillet 2005 ;
de débouter Z CCVC de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions ;
de condamner Z CCVC à verser à Z TAITTINGER et à BM & VT la somme de 15.000 euros, au titre de ses frais irrépétibles ;
de condamner Z CCVC aux entiers dépens, dont distraction au profit de la S CP DAUZIER & ASSOCIÉS en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
statuant sur la demande reconventionnelle
de condamner la société Z C.C.V.C. à
payer un euro symbolique, pour entraves aux libertés de commerce et d'industrie, de concurrence et d'expression des concluantes ;
la publication d'extraits du jugement à intervenir ou de son dispositif, in extenso ou par extraits, à l'initiative des concluantes, dans six revues ou magazines de leur choix aux frais in solidum de la société Z C.C.V.C. sur présentation de simple devis et ce, à concurrence d'une somme de 8.000 euros hors taxes par publication ; la publication du texte ci-après, sur la page d'accueil du site Internet du champagne Taittinger ou de tout autre qui lui serait substitué par Z C.C.V.C. pour la vente et/ou la promotion du vin de Champagne Taittinger, dans un encadré occupant au moins un quart de l'espace de cette page d'accueil, en caractères lisibles et ce, pendant une durée continue de 90 jours à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours suivant la signification du jugement à intervenir à la société Z C.C.V.C., sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard, le tribunal de céans se réservant la liquidation de l'astreinte
" Par un jugement du et à la requête de Madame Virginie Z et de BM & VT, le tribunal de grande instance de Paris a statué comme suit (dispositif du jugement) ".
Dans ce but, elles précisent que la demanderesse entend voir condamner Virginie Z cumulativement sur les fondements contractuel et délictuel, aucune des demandes n'étant subsidiaire, et que ces fondements sont incompatibles.
Elles exposent que, s'il n'est pas contesté que la marque Taittinger de la demanderesse est une marque de renommée, celle-ci, dont les prétentions de la demanderesse se heurtent aux principes de liberté de commerce et d'industrie, de concurrence, et d'expression, ne démontre pas que l'utilisation de la marque par les concluantes est de nature à lui porter préjudice ni qu'elle constitue une exploitation injustifiée de sa marque. Elles indiquent que la demanderesse ne peut légitimement empêcher le simple fait pour Madame Virginie Z d'utiliser son nom patronymique et le fait pour la société BM &VT de désigner Virginie Z par son patronyme auquel est toujours associé son prénom, dans sa communication commerciale et sur son site internet www.virginie-t.com, aucun risque de confusion entre la marque " Taittinger " et les mots " Virginie Taittinger " n'existant. Ainsi, elles expliquent avoir pris les précautions nécessaires pour éviter tout risque de confusion et utilisent ainsi le patronyme Z avec le prénom Virginie conformément aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, que la reproduction de la marque Taittinger dans les articles de presse relatifs à Virginie Z ou au champagne Z T ne leur est pas imputable, que les interviews données par Virginie Z ne constituent ni une exploitation injustifiée de la marque notoire Taittinger ni ne lui portent préjudice dès lors que Madame Virginie Z se limite à faire état de son parcours professionnel et de son expérience passée auprès du champagne Taittinger, que Virginie Z veille tout particulièrement à ce qu'une claire distinction soit faite, y compris sur les sites internet attaqués, entre son champagne et son entreprise et celle de la demanderesse d'autant plus que le public associe naturellement le nom de Virginie Z au champagne Taittinger dont elle a été l'ambassadrice pendant des années à la demande de la requérante ou de ses ayants cause. Elles ajoutent qu'il n'est pas fait usage du nom Z à titre de marque ou en tant que marque et qu'il n'est pas prouvé que les usages reprochés aux concluantes compromettraient les moyens mis en oeuvre par la demanderesse pour conserver sa réputation, attirer et fidéliser ses consommateurs, aucune atteinte aux fonctions d'identification d'origine et d'investissement de la marque n'étant ainsi établie. Elles soulignent l'absence de préjudice subi par la demanderesse en l'absence de tout risque de confusion, les interviews données par Virginie Z étant au contraire susceptibles de profiter à la demanderesse puisque Virginie Z ne manque pas de souligner l'excellence des cuvées prestigieuses de Taittinger.
Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, elles expliquent que la demanderesse échoue à rapporter la preuve d'une faute ou d'un préjudice, le simple fait pour Madame Virginie Z d'utiliser son patronyme, toujours associé à son prénom, et de faire état de son expérience professionnelle au Champagne Taittinger ou le fait pour BM & VT de désigner Madame Virginie Z par son patronyme, accompagné de son prénom, ou de faire état de son parcours professionnel chez Taittinger, ou de publier des photos de Virginie Z, n'est pas constitutif de faute et ne crée aucun risque de confusion avec l'entreprise de la défenderesse. Elles contestent se placer dans le sillage de la demanderesse, rien ne prouvant qu'elles aient repris à la demanderesse des éléments autres que ceux qui sont spécifiques à Virginie Z ni qu'elles se seraient appropriées du travail de la demanderesse ou de ses investissements. Elles ajoutent que le rejet de l'action en contrefaçon et l'absence de preuve de la mauvaise foi des défenderesses induit par voie de conséquence, que la prétendue atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale n'est pas caractérisée.
Précisant que le Groupe Taittinger et ses filiales ne sont pas parties au contrat mais peuvent être considérées comme " tiers bénéficiaires " de la stipulation pour autrui contenue à l'article 10-4-2, elles expliquent que l'assignation a été délivrée par la SAS Taittinger CCVC qui est immatriculée au RCS en tant que telle depuis le 1er juin 2006 alors que la convention de cession de parts sociales a été conclue antérieurement, le 21 juillet 2005. Elles en déduisent que le terme " filiale " utilisé dans la convention, ne pouvait, à cette date, comprendre la SAS Taittinger CCVC.
Elles exposent que, si Virginie Z a bien donné à son père un mandat d'aliéner ses titres non pactés, elle ne lui a en aucune façon donner mandat de s'engager, en son nom et pour son compte à ne pas utiliser son nom pour les activités de champagne. Elles précisent que le mandat confié à son père était spécial circonscrit à la vente des titres non pactés et que l'engagement qui pouvait être donné ne pouvait concerner que " la réalisation de la Cession des Titres Non Pactés ou consécutivement à celle-ci ". Elles ajoutent qu'à supposer le mandat général, prendre l'engagement de ne plus pouvoir exercer une activité professionnelle n'est pas un acte d'administration et que les sous-mandataires n'avaient pas reçu mandat de souscrire l'engagement de l'article 10-4-2 de la convention de cession. Elles indiquent par ailleurs que celui-ci, illimité dans le temps, dans l'espace et quant à l'activité professionnelle, est nul et incompatible avec les principes de liberté de concurrence qui prohibent les accords restrictifs de concurrence qui ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché et qui tendent à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises. Plus subsidiairement, elles contestent toute violation de cette clause pour les motifs précédemment exposés.
Reconventionnellement, elles soutiennent que la procédure engagée constitue non seulement un obstacle injustifié la liberté de commerce et d'industrie garantie par le Décret d'Allarde, la liberté de concurrence mais également une atteinte à la liberté d'expression garantie par la Convention européenne des droits de l'homme et que les importants efforts budgétaires, commerciaux, publicitaires et humains qu'elles ont engagés ont été suspendus dans l'attente de l'issue de la présente procédure. Elles ajoutent que l'action judiciaire entreprise par la demanderesse est de nature à perturber gravement le bon développement de BM&VT, une petite société en pleine expansion face au géant que représente la demanderesse.
L'ordonnance de clôture était rendue le 9 décembre 2014. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1°) Sur la recevabilité des demandes
En vertu des dispositions combinées des articles 1147 et 1382 du code civil, la responsabilité délictuelle ne peut pas régir les rapports contractuels entre les parties qui ne disposent ni d'une option entre ces deux régimes de responsabilité incompatibles, l'existence d'une faute commise dans l'exécution d'un contrat imposant la mise en oeuvre exclusive de la responsabilité contractuelle de son auteur, ni d'une possibilité de cumul des actions, un fait unique ne pouvant par ailleurs ouvrir droit à une double indemnisation d'un même dommage conformément au principe de la réparation intégrale qui limite la mesure de la réparation au préjudice effectivement subi.
La SAS Z CCVC impute à
Madame Virginie Z une violation contractuelle résidant dans l'usage de son nom de famille à titre de nom commercial non conforme aux stipulations de l'article 10-4-2 de l'acte de cession de titres du 21 juillet 2005, Madame Virginie Z et à la SARL BM & VT une exploitation injustifiée de la renommée de la marque Z au sens de l'article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle par l'association systématique de la marque à son activité et la référence au " champagne Z " pour valoriser son activité ainsi qu'une utilisation non autorisée et parasitaire du nom commercial et de la dénomination de la SAS Z CCVC.
Aux termes de l'acte de cession, " la Famille Taittinger s'engage irrévocablement au profit de l'Acheteur, de la société Groupe Taittinger ainsi que de ses Filiales à ne pas, dans quelque partie du monde que ce soit, directement ou indirectement, faire quelque usage du nom "Taittinger ", que ce soit à titre de marque de commerce ou de service, de nom commercial, de nom de domaine ou autre, pour désigner et/ou promouvoir tout produit ou service en concurrence avec tout ou partie de l'Activité et/ou avec tout ou partie des produits ou services dérivant des opérations de l'Activité ".
Si l'utilisation fautive de son nom de famille par Madame Virginie Z relève, à supposer celle-ci engagée, du périmètre de l'acte de cession et de la responsabilité contractuelle de cette dernière, l'usage de la marque de renommée Z, de la dénomination sociale et du nom commercial de la SAS Z CCVC n'est pas réglementé en tant que tel par l'acte de cession qui, littéralement, interdit uniquement l'usage par Madame Virginie Z de son nom de famille à ces titres les actes matériels, résidant d'une part dans l'usage du nom de famille Z et d'autre part dans l'association de ce nom pris dans d'autres fonctions à une activité marchande concurrentielle, sont différents. Ainsi, par-delà l'homonymie qui est le siège du litige, la SAS Z CCVC invoque des faits distincts compris et exclus du champ contractuel et sollicite la réparation de préjudices distincts.
En conséquence, la fin de non-recevoir opposée par Madame Virginie Z sera rejetée.
2°) Sur la validité et l'opposabilité de l'article 10-4 de l'acte de cession de titres du 21 juillet 2005
Par acte sous seing privé du 19 juillet 2005, Madame Virginie Z a donné mandat à son père, Monsieur Claude Z, de la représenter lors de la cession de ses " titres non pactés " dans ces termes
" Je fais suite à la décision prise par le groupe CNP et les membres de la famille Taittinger parties au pacte d'actionnaires relatif à Groupe Taittinger en date du 25 juin 2002 et à ses avenants (le " Pacte d'Actionnaires "), de céder conjointement leurs Titres Groupe Taittinger soumis aux stipulations du Pacte d'Actionnaires, et de faire procéder à l'examen des manifestations d'intérêts reçues à cet égard dans le cadre d'un processus de cession de contrôle maîtrisé mené en concertation avec Groupe Taittinger et les sociétés de son groupe, processus auquel s'est joint la société FFP.
Je comprends qu'une cession de mes Titres Groupes Taittinger non soumis aux stipulations du Pacte d'Actionnaires (les " Titres Non Pactés ") dans le cadre de ce processus serait de nature à favoriser le succès de l'opération.
J'ai, dans ces conditions, le plaisir de vous confirmer mon engagement d'aliéner dans le cadre du processus en cours, concomitamment à la Cession des Titres Pactés des Membres de la Famille Taittinger et du groupe CNP et des Titres de FFP, mes Titres Non Pactés, pour autant que cette Cession soit réalisée moyennant une contrepartie au moins
égale à la contrepartie reçue par les Membres de la Famille Taittinger et le groupe CNP à raison de la Cession de leurs Titres Pactés, et aux termes d'un contrat de cession qui serait signé au plus tard le 31 décembre 2005.
Je donne par les présentes tous pouvoirs, avec faculté de substitution, à Monsieur Claude Z, né le 2 octobre 1927, demeurant Reims, à l'effet de
me représenter pour les besoins de l'exécution de la Cession de mes Titres Non Pactés ;
signer en mon nom et pour mon compte tout acte, convention, avenant, ordre de mouvement, pièce ou document relatif ou nécessaire à la Cession de mes Titres Non Pactés, donner ou recevoir dans ce cadre en mon nom et pour mon compte tout engagement ou garantie, et plus généralement faire le nécessaire selon ce qu'il jugera utile ou approprié et accomplir toute formalité en vue de la réalisation de la Cession de mes Titres Non Pactés ou consécutivement à celle-ci ".
Cet acte, dont l'acceptation par Monsieur Claude Z n'est pas contestée et est confirmée par l'exercice par ce dernier par un acte du 21 juillet 2005 de la faculté de substitution qui lui était accordée, constitue un mandat au sens de l'article 1984 du code civil. Il est expressément conclu pour la cession des titres non pactés de Madame Virginie Z, la série d'actes prévue dans un second temps n'étant envisagée que pour permettre la réalisation de la cession ainsi que l'expriment sans équivoque les termes " relatif ou nécessaire à la Cession " et " en vue de la réalisation de la Cession " ou " consécutivement à celle-ci " non définis en leur nature, ces actes le sont précisément par leur finalité unique. L'analyse de la lettre de l'acte est confortée par celle de son esprit qui se manifeste dans le préambule aux termes duquel Madame Virginie Z explique consentir à la cession de ses titres non pactés pour favoriser le processus de changement de contrôle.
Définissant d'une part l'occasion précise pour laquelle il a été convenu et d'autre part la nature de l'acte de disposition que le mandataire a le pouvoir d'accomplir, ce mandat est exprès et spécial au sens des articles 1987 et 1988 du code civil et est, comme tout mandat ainsi que l'induit l'article 1989 du même code qui limite les pouvoirs du mandataire à ceux définis dans le mandat, d'interprétation stricte.
La réglementation de l'usage du nom de famille Z n'était pas expressément prévue dans le mandat. Or, en dépit de son utilité pratique pour définir les droits respectifs des parties dans l'exercice de leurs activités commerciales, elle n'était pas juridiquement " relati[ve] ou nécessaire " à la cession qui pouvait être valablement conclue sans elle dont rien ne démontre, l'acte de cession étant pour sa part muet sur ce point, qu'elle eût un impact quelconque sur la réunion des éléments de formation de la cession ou qu'elle fût prise en compte dans la détermination de son prix. Une telle réglementation ne participait pas non plus, sur les plans factuel et juridique, de l'effectivité de la cession et n'était pas " consécutive " à celle-ci, les parties pouvant organiser leur coexistence commerciale pacifique sans convention en s'en remettant aux règles de droit commun applicables dont celles définissant la responsabilité civile et les garanties légales instituées par la loi française à laquelle les parties se sont expressément soumises conformément à l'article 11-8 du contrat de cession.
En outre, Madame Virginie Z, comme tout individu à l'endroit de son nom de famille qui constitue un élément essentiel de sa personnalité, a par principe le droit de faire usage du nom Z en toute occasion, y compris dans le cadre de ses activités commerciales où son droit n'est limité que si son exercice génère une atteinte à un droit antérieur. Dès lors, les limitations stipulées à l'article 10-4-2 de l'acte de cession sont, par leur généralité et leur étendue, exorbitantes des règles légales applicables.
Aussi, alors que le mandat, dont l'objet doit être interprété strictement, ne prévoyait pas expressément la réglementation de l'usage de son nom, que celle-ci ne participait de la réalisation de la cession pour laquelle il était exclusivement consenti et qu'elle emportait des restrictions à l'usage de son nom d'autant plus considérables que Madame Virginie Z avait au jour de la conclusion du mandat une compétence professionnelle acquise au seul service des sociétés Z, cette dernière ne pouvait prévoir en donnant pouvoir à son père qu'il consentirait avec ou sans substitution à la stipulation d'une telle clause.
En conséquence, le consentement à l'engagement stipulé dans l'article 10-4-2 de l'acte de cession excédait les pouvoirs donnés par Madame Virginie Z à son père qui n'a pu, en exerçant la faculté de substitution qui lui a été accordée, cédé plus de droits qu'il n'en avait reçu de son mandant.
Et, les parties à l'acte de cession avaient nécessairement connaissance des termes clairs des mandats conclus dans les différentes branches de la famille Z puisque les conditions de la représentation par branche étaient expressément visées et que les personnes représentées étaient mentionnées en annexe 1. Aussi la demanderesse ne peut-elle invoquer le bénéfice du mandat apparent, l'excès de pouvoir étant
C0111111.
Dès lors, conformément à l'article 1998 du code civil, Madame Virginie Z, dont il n'est pas prétendu qu'elle l'ait ratifiée, n'est pas liée par cette clause.
En conséquence, les demandes de la SAS Z CCVC au titre de la responsabilité contractuelle sont irrecevables en application des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile.
3°) Sur l'atteinte à la marque de renommée Z La renommée de la marque Z est constante.
En application de l'article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle, la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
Ainsi que l'a jugé la CJUE interprétant l'article 5§2 "Droits conférés par la marque " de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 devenue à droit constant la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 dans un arrêt Intel Corporation/CPM United Kingdom du 27 novembre 2008, les atteintes à une marque de renommée résident dans le préjudice porté au caractère distinctif de la marque, dans le préjudice porté à la renommée de cette marque et dans le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de celle-ci marque, un seul de ces trois types d'atteinte suffisant à la mise en oeuvre de la protection mais une atteinte effective à la marque étant nécessaire.
Par ailleurs, conformément à l'article L 713-6 du code de la propriété intellectuelle, l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme
a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ;
b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur origine ;
c) Indication géographique définie à l'article L 721-2, sauf lorsque la marque, compte tenu de sa renommée, de sa notoriété et de la durée de son usage, est à l'origine exclusive de la réputation ou de la connaissance par le consommateur du produit pour lequel une indication géographique est demandée.
Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut demander qu'elle soit limitée ou interdite.
Il est constant que Madame Virginie Z a, jusqu'à son licenciement sans cause réelle et sérieuse du 21 décembre 2006, effectué sa carrière au sein de la SA Z en qualité d'attachée de direction puis comme directrice de la communication et du marketing, directrice du bureau de Paris et directrice du service et produits associés et enfin comme directrice des relations extérieures de la société Taittinger. Aux termes du dossier de presse qu'elle produit, elle était effectivement présentée par les medias français durant cette carrière, comme l'ambassadrice des champagnes " Z ".
Au regard de ses compétences professionnelles, exclusivement développées au sein de l'entreprise familiale pour assurer la promotion de son champagne, il est logique que Madame Virginie Z, qui n'est d'ailleurs pas à l'initiative de la rupture de son contrat de travail, assure sa reconversion dans le domaine du champagne. Par ailleurs, il n'est en soi pas fautif, pour développer son activité, qu'elle rappelle lors de ses interviews son origine familiale que son nom suffit à identifier et son parcours professionnel ni qu'elle évoque le champagne Z qu'elle a servi pendant plus de 20 ans pour le distinguer du produit qu'elle commercialise. Sauf à la priver de la possibilité d'user de son nom de famille et d'exercer une activité dans le seul domaine qu'elle connaît, aucune mauvaise foi ne peut être imputée à Madame Virginie Z et à la société qu'elle a fondée.
En outre, il ressort des procès-verbaux de constat des 28 et 29 avril 2010 et du 21 mars 2014 réalisés sur le site internet www.virgine-t.com
et des différents extraits d'articles de presse produits que Madame Virginie Z, qui n'est pas responsable des associations spontanément opérées par les journalistes, n'évoque le nom Z qu'à titre de nom de famille ou pour souligner, à travers le rappel de son histoire familiale et de son parcours professionnel, son expérience, son savoir-faire et ses compétences acquises en matière de champagne. Elle distingue systématiquement le produit dont elle assure la promotion et la vente du champagne vendu sous la marque Z dont elle ne cesse de vanter l'excellence et qui ne peut de ce fait pâtir ni d'un risque d'association avec le champagne " Virginie T " ni d'une dépréciation quelconque. Enfin, Madame Virginie Z, tant sur le site internet marchand www.virginie-t.com que dans les noms de domaines de redirection qu'elle a réservés et dans ses déclarations à la presse, utilise systématiquement ensemble son nom de famille et son prénom pour identifier les produits commercialisés par sa société. Aussi, aucun consommateur français de vins de champagne normalement attentif et raisonnablement informé et avisé ne peut confondre les produits prestigieux vendus sous la marque Z et le champagne nouvellement produit " Virginie T " exclusivement vendu en ligne sur le site marchand www.virginie-t.com.
Et, s'il est certain que le nom de famille de Madame Virginie Z est un atout dans le lancement de son champagne et la dispense en partie des investissements incombant à un concurrent inconnu, cet avantage trouve sa cause exclusive dans sa naissance et ses activités passées et non dans la captation de la renommée de la marque Z ou des investissements opérés pour la valoriser.
Dès lors, faute pour la SAS Z CCVC de justifier d'une atteinte à sa marque, ses demandes seront rejetées.
4°) Sur la concurrence déloyale et parasitaire
En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.
Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
Les raisons qui conduisent au rejet des demandes de la SAS Z CCVC au titre de l'atteinte à sa marque de renommée commandent celui de ses prétentions au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, les références faites par Madame Virginie Z au nom commercial et à la dénomination sociale de la demanderesse, qui sont constitués du seul nom Z, étant justifiées par des circonstances strictement identiques. Par ailleurs, la SAS Z CCVC ne justifie pas du principe et de la mesure du préjudice qu'elle allègue.
En conséquence, les demandes de la SAS Z CCVC seront intégralement rejetées.
5°) Sur la procédure abusive
En application de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.
Aucune faute, légèreté blâmable ou intention de nuire dans l'introduction de l'instance n'étant imputable à la SAS Z CCVC qui s'est méprise sur l'étendue des droits dont elle est titulaire, les demandes reconventionnelles de Madame Virginie Z et de la SARL BM & VT, qui ne justifient par ailleurs d'aucun préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice et qui est intégralement réparé par l'allocation d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront rejetées.
6°) Sur les demandes accessoires
Succombant au litige, la SAS Z CCVC, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à Madame Virginie Z et à la SARL BM & VT la somme de 7.500 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du même code par la SCP DAUZIER & ASSOCIÉS.
Au regard de la nature et de la solution du litige, l'exécution provisoire de la présente décision sur les frais irrépétibles et les dépens ne se justifie pas conformément à l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré,
Rejette la fin de non-recevoir opposée par Madame Virginie Z ;
Déclare irrecevables les demandes de la SAS Z CCVC au titre de la responsabilité contractuelle de Madame Virginie Z ;
Rejette les demandes de la SAS Z CCVC au titre de l'atteinte à la marque de renommée et de la concurrence déloyale et parasitaire;
Rejette les demandes reconventionnelles de Madame Virginie Z et de la SARL BM & VT ;
Rejette la demande de la SAS Z CCVC au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SAS Z CCVC à payer à Madame Virginie Z et à la SARL BM & VT la somme de SEPT MILLE CINQ CENTS EUROS (7 500 euros) chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Z CCVC à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile par la SCP DAUZIER & ASSOCIÉS ;
Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 12 Février 2015
Le Greffier



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