Jurisprudence : Cass. civ. 1, 15-06-2004, n° 01-02.621, F-D, Cassation partielle

Cass. civ. 1, 15-06-2004, n° 01-02.621, F-D, Cassation partielle

A7299DCC

Référence

Cass. civ. 1, 15-06-2004, n° 01-02.621, F-D, Cassation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1889970-cass-civ-1-15062004-n-0102621-fd-cassation-partielle
Copier


CIV. 1                C.F
COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 juin 2004
Cassation partielle
M. BOUSCHARAIN, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président
Arrêt n° 1004 F D
Pourvoi n° V 01-02.621
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Patrice Z,
2°/ Mme Marie-Jeanne ZY, épouse ZY,
demeurant Bihorel,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1999 par la cour d'appel de Rouen (10e chambre civile), au profit de M. Jean-Claude X, demeurant Bourg Achard, défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 mai 2004, où étaient présents M. Bouscharain, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Bargue, conseiller rapporteur, M. Charruault, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bargue, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat des consorts Z, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. X, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que par actes du 22 avril 1991 établis par M. X, notaire, d'une part, les époux Z ont acquis des époux ... un immeuble au prix de 450 000 francs, d'autre part, leur fils a acquis des mêmes le fonds de commerce de bar discothèque exploité dans cet immeuble pour le prix de 135 000 francs et, enfin, les époux Z ont consenti à leur fils un bail commercial sur l'immeuble ; que les acquéreurs n'ont été qu'ensuite informés de l'impossibilité d'exploiter la discothèque en raison d'un arrêté municipal du 23 octobre 1990, pris en application d'un arrêté préfectoral du 13 juin 1886 fixant à 0 heures 30 en semaine et à 2 heures dans la nuit du samedi au dimanche, l'heure de fermeture des cafés dans la commune ; qu'ils ont, en outre, appris que l'arrêté avait été notifié au précédent exploitant qui ne l'avait pas respecté et avait été sanctionné à trois reprises par des décisions de fermeture temporaire ; que le 19 juillet 1991, leur a été notifié un arrêté de péril de l'immeuble faisant suite à un précédent arrêté, notifié au vendeur le 26 octobre 1989, qui leur avait été dissimulé ; qu'à la suite de ces difficultés, Mme Z n'a pu rembourser le prêt contracté en vue de l'opération ; que les travaux de remise en état nécessaires n'ayant pu être accomplis et la commune ayant racheté, au prix de 150 000 francs, l'immeuble qu'elle a ensuite fait démolir, les consorts Z ont assigné le notaire en responsabilité ;
Sur le premier moyen pris en ses trois branches ;
Attendu que Mme Z fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes en réparation du préjudice résultant des fautes commises par M. X lors de la rédaction de les actes authentiques de vente, alors, selon le moyen
1°/ qu'en écartant la responsabilité de M. X, rédacteur de l'acte authentique de vente de l'immeuble frappé d'un arrêté de péril non mentionné dans ledit acte, au motif inopérant que les négociations se sont déroulées entre les consorts Z et .... ... par l'intermédiaire d'un agent immobilier, hors le concours du notaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'immeuble vendu aux époux Z par acte notarié du 22 avril 1991 ne contenant aucune réserve, était frappé d'un arrêté de péril notifié au vendeur le 26 octobre 1989 ; qu'en estimant néanmoins qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à M. X, au motif inopérant que les renseignements d'urbanisme qu'il avait requis ne mentionnaient pas l'arrêté de péril, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3°/ qu'il résulte de l'arrêt que les époux Z ont acquis l'immeuble en vue de l'exploitation du fonds de commerce sis dans le même immeuble, par leur fils que ce dernier a acquis des mêmes vendeurs, par acte passé le même jour devant le même notaire ; qu'il s'ensuit que la cassation qui sera prononcée sur le second moyen de cassation en ce que l'arrêt a écarté la responsabilité du notaire dont l'acte de cession de fonds de commerce était privé d'efficacité par sa faute, entraînera de plein droit la cassation du chef de l'arrêt qui a écarté la responsabilité du même notaire en raison de l'inefficacité de l'acte concomitant de cession de l'immeuble (l'inefficacité de l'acte de cession du fonds entraînant celle de l'acte de vente d'immeuble qui avait été acquis exclusivement en vue de l'exploitation dudit fonds), ce en application de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt qui relève que les renseignements d'urbanisme fournis par la mairie le 22 février 1991 à la suite de la demande du notaire préalablement à la signature de l'acte le 22 avril suivant ne faisaient aucune référence à l'arrêté de péril en date du 25 octobre 1989 frappant l'immeuble vendu et qui retient ensuite que le notaire ne disposait d'aucune information susceptible de l'amener à suspecter l'exactitude des renseignements d'urbanisme fournis par la mairie, ce dont il résultait qu'il n'était pas tenu de procéder à de plus amples investigations, a pu estimer qu'aucun manquement ne pouvait lui être reproché de ce chef ; qu'ensuite l'arrêt ne constate pas l'existence d'un lien indissociable unissant les deux chefs de demandes relatifs l'un à la vente de l'immeuble, l'autre à la cession du fonds de commerce ; qu'inopérant en sa première branche, le moyen n'est pas fondé en ses deux autres griefs ;
Mais sur le second moyen pris en sa troisième branche
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes formées par M. Z, acquéreur d'un fonds de commerce de bar-discothèque en réparation des fautes commises par M. X lors de la rédaction de l'acte authentique, l'arrêt retient que si le notaire devait se renseigner sur la situation de la licence vendue par les propriétaires du fonds, il ne lui incombait pas pour autant de procéder à la recherche des arrêtés municipaux et préfectoraux réglementant l'heure de fermeture des débits de boissons ou ceux édictant à l'encontre des précédents exploitants des mesures de fermeture temporaire ; qu'il retient ensuite qu'il appartenait à M. Z dont la profession de barman permettait de supposer qu'il était averti de la réglementation sur les débits de boissons, de recueillir les informations nécessaires sur les horaires applicables à l'établissement qu'il entendait acquérir, informations qu'il avait eu toute possibilité d'obtenir à l'occasion des formalités de transfert de la licence 4ème catégorie dont il s'était lui-même chargé ; que l'arrêt retient enfin que l'acte de cession faisait expressément mention dans les énonciations relatives au chiffre d'affaires d'une période de fermeture de trois mois en 1990, correspondant à la durée de fermeture imposée aux cédants par l'autorité administrative, qu'ainsi M. Z était parfaitement informé d'une interruption temporaire d'exploitation et pouvait solliciter des ses vendeurs des explications sur son origine ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le notaire rédacteur d'un acte de cession de fonds de commerce de débits de boissons, tenu de veiller à l'efficacité de l'acte qu'il recevait, devait procéder à toutes investigations, notamment auprès du Procureur de la République, de l'administration fiscale et de la préfecture, permettant de s'assurer que le fonds ne fait pas l'objet d'une décision limitant ou empêchant son exploitation normale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches du second moyen
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant la demande tendant à la réparation du préjudice résultant de la faute commise par le notaire à l'occasion de la rédaction de l'acte de cession de fonds de commerce, l'arrêt rendu le 15 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. X aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X à payer aux consorts Z la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de M. X ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille quatre.

Agir sur cette sélection :