Références
Cour Administrative d'Appel de NantesN° 12NT02628Inédit au recueil Lebon
4ème chambrelecture du vendredi 06 juin 2014REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 17 septembre 2012, présentée pour M. D... C..., demeurant..., par Me Vollet, avocat au barreau d'Orléans ; M. C... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101215 du 2 août 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2011 par lequel le président de l'université d'Orléans a prononcé son licenciement sans préavis ni indemnité, d'autre part, à la condamnation de l'université d'Orléans à lui verser 27 734,72 euros en réparation des préjudices subis ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) de condamner l'université d'Orléans à lui verser la somme totale de 27 734,72 euros à titre d'indemnisation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de l'université d'Orléans une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- l'arrêté prononçant son licenciement sans préavis ni indemnité a été pris à la suite d'une procédure disciplinaire qui n'a pas respecté le principe d'impartialité ; le président de l'université, titulaire du pouvoir disciplinaire, a engagé la procédure disciplinaire, présidé la commission administrative paritaire, et prononcé la sanction ; la sanction disciplinaire a été décidée alors que les votes favorables et défavorables étaient à égalité ;
- les faits qui lui sont reprochés consistent en des pauses prolongées, dont la réalité n'est
pas justifiée ; en outre ces faits ne s'inscrivent pas dans l'exécution du contrat en cours ;
- un agent ne peut se voir infliger une sanction disciplinaire pour des pauses réglementaires ; son supérieur hiérarchique a précisé qu'aucun texte n'a été adopté au sein de l'université pour réglementer les pauses ; une pause de trente minutes ne peut être considérée comme fautive, la durée minimale de celle-ci étant de vingt minutes ;
- un agent non titulaire ne peut recevoir une sanction disciplinaire pour une faute commise en exécution d'un contrat précédent ;
- la sanction disciplinaire résulte d'un détournement de pouvoir et de procédure ;
- il subit un préjudice correspondant à une perte de rémunération jusqu'au terme du contrat, soit 9 734,72 euros, à une perte de chance de conclure de nouveaux contrats chaque année, soit 15 000 euros, ainsi qu'un préjudice moral dont la réparation s'élève à 3 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2013, présenté pour l'université d'Orléans, dont le siège est situé Château de la source, BP 6749, à Orléans (45067), par Me E... ;
l'université d'Orléans conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la requête en appel de M. C... est irrecevable, en tant qu'elle ne soulève aucun moyen visant à contester la régularité du jugement ;
- la procédure disciplinaire n'est pas viciée par la circonstance que le président de l'université d'Orléans ait présidé la commission consultative ;
- l'arrêté contesté a été motivé par les absences répétées et non signalées de son poste de travail ; les faits reprochés sont matériellement établis ;
- le renouvellement du contrat à durée déterminée de l'agent postérieurement aux faits incriminés est sans incidence sur la légalité de la sanction infligée ;
- les absences de M. C... ne sauraient être qualifiées de pause ; l'agent n'était plus à la disposition de son employeur ; les fonctions de vidéosurveillance imposent à l'agent de rester à son poste ; les faits reprochés sont ainsi constitutifs d'une faute disciplinaire ;
- la sanction infligée est parfaitement proportionnée aux faits invoqués ;
- le détournement de procédure allégué est insuffisamment étayé ; la sanction disciplinaire infligée à l'agent est parfaitement justifiée, et ne résulte pas d'un détournement de pouvoir ou de
procédure ;
- la sanction prononcée à l'encontre de M. C... étant régulière en la forme, et parfaitement justifiée au fond, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions indemnitaires ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 juillet 2013, présenté pour M. C..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 février 2014, présenté pour l'université d'Orléans qui reprend ses conclusions et moyens ;
Vu le courrier en date du 21 janvier 2014 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 24 février 2014 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2014 :
- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant l'université d'Orléans ;
1. Considérant que M. C..., agent non titulaire de droit public, a été engagé en tant qu'agent de sécurité au service hygiène et sécurité de l'université d'Orléans à compter du 3 décembre 2006, par le biais de contrats à durée déterminée successifs ; que le 6 septembre 2010, le chef de ce service a établi un rapport relatif " aux manquements graves et répétés commis par M. C... " opérateur vidéosurveillance " dans l'exercice de ses fonctions ", relevant des absences non justifiées intervenues au mois d'août 2010 et concluant au non renouvellement du contrat à durée déterminée de l'intéressé ; qu'un nouveau contrat d'une durée d'un an a cependant été conclu le 2 octobre 2010, prenant effet le 3 octobre suivant ; qu'en raison des faits qui lui étaient reprochés, le président de l'université a suspendu M. C... de ses fonctions à titre conservatoire, pour une durée maximale de 4 mois, par arrêté du 4 octobre 2010, puis, après consultation de la commission administrative paritaire, a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de licenciement sans préavis ni indemnité, par un arrêté du 1er février 2011 ; que M. C... relève appel du jugement du 2 août 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision, d'autre part, à la condamnation de l'université d'Orléans à lui verser 27 734,72 euros en réparation des préjudices subis ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir tirée de l'absence de moyen d'appel ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1-2 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 susvisé : " (...) dans tous les établissements publics de l'Etat, il est institué, par arrêté du ministre intéressé ou par décision de l'autorité compétente de l'établissement public, une ou plusieurs commissions consultatives paritaires comprenant en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants des personnels mentionnés à l'article 1er. (...) Ces commissions sont obligatoirement consultées sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai et aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme. (...) Lorsque la commission consultative paritaire doit se prononcer en matière disciplinaire, seuls les représentants du personnel occupant un emploi de niveau au moins égal à celui de l'agent dont le dossier est examiné, ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration, sont appelés à délibérer. Un arrêté du ministre intéressé ou une décision de l'autorité compétente de l'établissement public détermine sa composition, son organisation et son fonctionnement ainsi que les modalités de désignation des représentants des catégories d'agents concernés. (...) " ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le président de l'université d'Orléans, qui a engagé la procédure disciplinaire et prononcé la sanction, préside la commission administrative paritaire consultée dans ce cadre ; que cette circonstance n'est pas de nature à vicier la procédure suivie, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il ait, dans la conduite des débats ou à quelque autre occasion, manqué à l'impartialité requise ou manifesté une animosité particulière à l'égard de l'agent poursuivi ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté a été pris à la suite d'une procédure irrégulière ;
3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'absence de M. C... a été constatée le 3 août 2010, vers 16 h, alors qu'il était de service, par le chef du service immobilier et technique, qui rapporte que la porte sur contrôle d'accès en entrée et en sortie du local de sécurité donnant sur le hall était ouverte ; que M. C... n'était pas joignable par téléphone, et qu'aucune mention n'est faite de cette absence dans la main courante ; que le même jour, à 19 h 20, l'absence de l'intéressé a été constatée par le chef de poste de l'agence Sécuritas, qui a dû mettre en place un de ses agents en mission de vidéosurveillance ; que M. C... a repris ses fonctions à 19 h 40, et indiqué sur la main courante s'être rendu à la pharmacie, soit hors du campus universitaire ; que le 9 août 2010, le chef de poste Sécuritas a constaté l'absence de M. C... à 10 h 45 ; que ce dernier indique, entre deux lignes dans la main courante, s'être rendu à une station service en raison d'un pneu crevé de son véhicule personnel ; qu'il résulte de deux témoignages concordants que l'absence de M. C... a été constatée le 18 août vers 9 h, obligeant la société Sécuritas à y pallier en détachant un de ses agents pour exercer ses missions ; que les conditions de ces absences ne permettent pas de les regarder comme des pauses réglementaires, telles que prévues par le décret du 25 août 2000, notamment en ce que l'agent n'était plus à la disposition de son employeur et se trouvait dans l'impossibilité d'intervenir rapidement en cas de nécessité ; que ces faits, qui sont matériellement établis, ont engendré une désorganisation du service et fait courir des risques à la sécurité du site universitaire ; qu'il s'ensuit qu'en estimant que les faits reprochés à M. C... constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés ;
5. Considérant que la circonstance que les faits reprochés à M. C... aient été commis au cours de l'exécution d'un précédent contrat à durée déterminée ne s'opposait pas à ce que ces faits soient retenus pour justifier une sanction prise postérieurement à la conclusion d'un nouveau contrat ;
6. Considérant qu'eu égard au caractère grave et répété des faits reprochés à l'intéressé, le président de l'université d'Orléans n'a pas, en prononçant à son encontre un licenciement sans préavis ni indemnité, pris une sanction disproportionnée ;
7. Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la procédure disciplinaire ait été engagée pour répliquer à la procédure diligentée par le requérant devant le conseil des prud'hommes en vue d'obtenir l'indemnisation des heures de nuit non rémunérées au cours de l'exécution de son contrat " emploi jeune " de 2002 à 2006 ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2011 prononçant son licenciement sans préavis ni indemnité ;
Sur les conclusions indemnitaires :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le président de l'université d'Orléans n'a pas, en prononçant le licenciement de M. C..., par l'arrêté litigieux du 1er février 2011, commis d'illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'université ; qu'il s'ensuit que le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
1
1. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative font obstacle à ce que l'université d'Orléans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'université d'Orléans sur le fondement de ces dispositions ;
DECIDE :