CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
364610
SOCIETE GARAGE BOILEAU LAGACHE
Mme Esther de Moustier, Rapporteur
Mme Nathalie Escaut, Rapporteur public
Séance du 30 avril 2014
Lecture du
21 mai 2014
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2012 et 18 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Garage Boileau Lagache, dont le siège est 59, rue Boileau, à Paris (75016) ; elle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 5 de l'arrêt n° 11PA03231 du 17 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement nos 0806802, 0820784 du 10 mai 2011 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003 et 2005 ainsi que des pénalités correspondantes et à la décharge des amendes mises à sa charge au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, d'autre part, à la décharge de ces impositions et amendes, a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Esther de Moustier, auditeur,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la société Garage Boileau Lagache ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Garage Boileau Lagache, qui a pour activité la vente et la réparation de véhicules automobiles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle lui ont été notifiés, au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, divers redressements en matière d'impôt sur les sociétés, de contributions additionnelles à cet impôt, de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les pénalités correspondantes et que des amendes prévues par les dispositions du II. de l'article 1737 du code général des impôts ; que, par un jugement du 10 mai 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires, pénalités et amendes ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 octobre 2012 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que après avoir annulé ce jugement, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, puis réduit la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2005 et accordé la décharge correspondant à cette réduction de base ainsi que les pénalités correspondantes, la cour a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. (.) " ; que ces dispositions, qui ont pour seul objet d'interdire à l'administration de procéder, dans le délai qui lui est imparti, à une nouvelle vérification à raison des impôts et des années d'imposition qu'elle a déjà vérifiés, ne font pas obstacle à ce que, compte tenu des pièces figurant dans le dossier d'un contribuable, l'administration soit amenée à modifier, dans les mêmes conditions de délai et sous les mêmes garanties, les redressements déjà notifiés à ce contribuable ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Paris, en jugeant que l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ne faisait pas obstacle à ce que, dans le cadre d'un contrôle sur pièces au cours duquel peuvent être recueillis des renseignements et documents, notamment comptables, l'administration répare, dans le délai de reprise, les insuffisances ou erreurs dont la découverte résulte de l'examen du dossier du contribuable, n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en relevant qu'aucun élément du dossier et notamment la proposition rectificative du 31 mai 2007 ne révélait l'utilisation par l'administration, au titre de l'exercice clos en 2003, des documents comptables de l'année 2003 qui lui avaient été communiqués le 11 janvier 2007, la cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la cour n'a pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, dénaturé ses écritures en jugeant qu'elle n'était pas fondée à soutenir qu'à la date du 11 janvier 2007, le droit de reprise de l'administration aurait été prescrit pour l'année 2003, dès lors qu'il ressort des écritures des parties devant les juges du fond que la société faisait valoir que l'administration ne pouvait plus contrôler, le 11 janvier 2007, la comptabilité de l'exercice clos au 31 décembre 2003 et que l'administration se prévalait en défense des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;
5. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité, le vérificateur constate que la société a consenti des avances non rémunérées à sa filiale, dont il estime qu'elles constituent un acte anormal de gestion, il appartient à la société de démontrer que, dans des conditions analogues, elle aurait bénéficié de taux d'intérêt plus favorables que ceux qu'entend retenir l'administration pour établir les redressements en résultant ; que la société Garage Boileau Lagache n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, a méconnu les règles régissant la charge de la preuve en relevant qu'elle ne démontrait ni qu'elle aurait pu bénéficier, dans les mêmes conditions, d'un taux de 1, 63 %, au lieu de celui de 4 % retenu par l'administration, ni l'existence de délais d'usage constant dans le règlement des fournisseurs permettant de calculer les intérêts à compter d'une date ultérieure à celle, retenue par l'administration, de la mise à disposition réelle des avances aux filiales ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'en relevant que, si la société requérante faisait valoir que la somme de 26 840, 63 euros constituait une créance qu'elle n'avait pu recouvrer, résultant de l'absence de paiement, à hauteur de ce montant, par l'acquéreur du fonds de commerce, d'un dépôt de garantie, en raison d'une disparition du stock de marchandises et de matériel avant la cession de ce fonds de commerce, elle ne produisait aucune justification à l'appui de ses allégations, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du II de l'article 1737 du code général des impôts : " Toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies donne lieu à l'application d'une amende de 15 euros. (.) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les inexactitudes sanctionnées sont celles qui affectent toutes les factures ou documents en tenant lieu mentionnés à ces articles, que les inexactitudes portent sur des mentions obligatoires ou facultatives ; que la cour a jugé qu'en faisant apparaître sur l'ensemble des factures qu'elle avait émises au cours des trois années vérifiées la mention du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée d'après les débits, alors qu'elle n'avait pas opté pour ce régime d'imposition, la société avait commis des inexactitudes, au sens des dispositions précitées, alors même que l'exercice de cette option et, par suite, sa mention n'ont pas de caractère obligatoire ; qu'en statuant ainsi, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit ;
8. Considérant, enfin, que la société requérante, qui ne se prévalait pas, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions des instructions fiscales du 10 février 2000 référencées 12-C-1-00 et 13-N-1-00, n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que la cour aurait omis de répondre au moyen tendant au bénéfice des énonciations de ces instructions ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Garage Boileau Lagache n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de la société Garage Boileau Lagache est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Garage Boileau Lagache et au ministre des finances et des comptes publics.