Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
Ministre du budget c/ Ponzoni
Mme Lefoulon, Président
M. Gayet, Rapporteur
Mme Martel, Commissaire du gouvernement
Lecture du 5 décembre 1996
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours du ministre du budget, enregistré au greffe de la cour le 26 décembre 1994 ; le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 9007588/1 du 2 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Ponzoni la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987 dans les rôles de la commune de Neuilly-Plaisance ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de remettre intégralement à la charge de M. Ponzoni les compléments d'impôt sur le revenu dont le tribunal administratif de Paris a accordé la décharge ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 1996 :
- le rapport de M. GAYET, conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le ministre fait appel d'un jugement par lequel, sur le fondement de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales, le tribunal administratif de Versailles a décidé que l'impôt sur le revenu de M. Ponzoni au titre de l'année 1987 serait établi en prenant en compte, pour le calcul de son quotient familial, des deux enfants de sa concubine ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : 'Il ne sera procédé à aucun remboursement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration' ; qu'aux termes de l'article L.80 B du même livre : 'La garantie prévue au premier alinéa de l'article L.80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal' ;
____Considérant que par une décision du 23 octobre 1986 l'administration a accordé à M. Ponzoni, à la suite de sa réclamation par laquelle il demandait que les deux enfants de sa concubine soient considérés comme étant à sa charge, le dégrèvement de l'impôt sur le revenu auquel il avait été assujetti au titre de l'année 1985 sur la base d'un coefficient familial d'une part_; que M. Ponzoni ayant porté ces deux enfants à sa charge sur les déclarations souscrites au titre des années 1986 et 1987, par deux notifications de redressement en date respectivement des 5 février et 22 septembre 1988 il lui a été indiqué qu'il ne pouvait 'compter à charge' les enfants dès lors qu'il n'avait pas assumé seul à leur égard l'ensemble des responsabilités incombant au chef de famille et, qu'en conséquence, le nombre de parts serait ramené de 2,5 à 1_; que M. Ponzoni ayant saisi le tribunal administratif d'une demande en décharge au titre des deux années en cause, en se prévalant des dispositions de l'article L.80B du livre des procédures fiscales, l'administration a, s'agissant de l'année 1986, accordé le 19 juillet 1990 un dégrèvement total, motivé par la circonstance que la prise de position formellement prise sur l'appréciation de la situation de fait du contribuable n'avait pas été remise en cause, à la date de souscription de la déclaration de revenus de l'année 1986, par la notification de redressement du 5 février 1988 reçue le 10 février suivant et, qu'ainsi, la garantie prévue par l'article L80B n'avait pas été respectée_; qu'elle a, en revanche, refusé de faire droit à la demande de M. Ponzoni pour l'année 1987, en faisant valoir que le requérant, avisé du changement de position à la date de souscription de la déclaration de ladite année, ne pouvait plus se prévaloir de l'appréciation antérieure favorable, devenue caduque_; que par jugement en date du 2 décembre 1993 le tribunal a accordé à M. Ponzoni la décharge d'imposition de l'année 1987, au moyen que la prise de position prise par l'administration sur l'appréciation de la situation de fait du contribuable n'avait pas été rapportée antérieurement au 31 décembre 1987 ; que le ministre fait appel de ce jugement ;
Considérant, que si, par sa décision en date du 23 octobre 1986 relative à l'année 1985, l'administration a estimé, ainsi qu'elle l'a reconnu ultérieurement au cours de la procédure contentieuse, en en tirant les conséquences au regard de l'imposition de l'année 1986, que les enfants de Mme Massia pouvaient être rattachés au foyer fiscal de M. Ponzoni, prenant ainsi position sur l'appréciation de la situation de celui-ci au regard du texte applicable, il résulte de l'instruction que, par la notification de redressement reçue le 10 février 1988 par le contribuable, relative à l'année 1986, l'administration est revenue sur cette prise de position formelle ;
Considérant qu'en matière d'impôt sur le revenu, c'est à la date de dépôt de la déclaration de revenus, et non à celle du fait générateur de l'impôt ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, qu'il convient de se placer pour déterminer si l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, au sens de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales, a été rapportée ; que, dès lors, M. Ponzoni, qui ne conteste pas les affirmations de l'administration selon lesquelles il aurait déposé sa déclaration de revenus au titre de 1987 postérieurement au 10 février 1988, ne peut se prévaloir, pour prétendre au bénéfice de deux parts et demi pour l'année 1987, de la position favorable que l'administration a reconnu avoir exprimée le 23 octobre 1986 ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif lui a accordé, pour ce motif, décharge de l'imposition supplémentaire à laquelle il a été assujetti ;
Considérant toutefois qu'il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 196 du code général des impôts : 'Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, à la condition de ne pas avoir de revenus distincts de ceux qui servent de base à l'imposition de ce dernier : ... 2° Sous les mêmes conditions les enfants qu'il a recueillis à son propre foyer' ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si M. Ponzoni accueillait en 1987 dans son foyer Mme Massia et ses deux enfants mineurs, celle-ci a perçu au cours de cette année, un revenu de 67.914 F ; qu'ainsi les ressources de Mme Massia lui ont permis de subvenir au moins en partie à l'entretien de ses enfants ; que ni la circonstance que ces ressources aient été insuffisantes pour lui permettre de subvenir seule à cet entretien, ni celle qu'elle ait été dans l'obligation de rembourser mensuellement 209,11 F au titre d'un prêt contracté par son ex-mari, ne permettent de regarder M. Ponzoni comme ayant recueilli les enfants de Mme Massia au sens des dispositions de l'article 196 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris a accordé la décharge demandée et à en demander l'annulation ;
Sur la demande de remboursement de frais :
Considérant que M. Ponzoni succombant en la présente instance, les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que lui soit accordé le remboursement qu'il demande ;
Article 1er : Le jugement n° 9007588/1 du 2 décembre 1993 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. Ponzoni a été assujetti au titre de l'année 1987 sont remises intégralement à sa charge .