Jurisprudence : TA Rennes, du 13-03-2025, n° 2204983

TA Rennes, du 13-03-2025, n° 2204983

A77130AW

Référence

TA Rennes, du 13-03-2025, n° 2204983. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/117328175-ta-rennes-du-13032025-n-2204983
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Abstract

Mots clés : environnement • algues vertes • agriculture • pollution • produits azotés Saisi de deux recours déposés par l'association Eau & Rivières de Bretagne, le tribunal administratif de Rennes a reconnu dans deux jugements rendus le 13 mars 2025 que les mesures mises en œuvre par le préfet de la région Bretagne sont insuffisantes pour lutter contre les échouages d'algues vertes sur le littoral breton.


Références

Tribunal Administratif de Rennes

N° 2204983

3ème Chambre
lecture du 13 mars 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er octobre 2022, 20 décembre 2023 et 27 novembre 2024, l'association Eau et Rivières de Bretagne, représentée par Me Samuel Delalande, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler la décision implicite du préfet de la région Bretagne rejetant sa demande du 2 juin 2022 visant à prendre toute mesure utile pour répondre aux objectifs des directives communautaires pour lutter contre les nitrates d'origine agricole ;

2°) à titre subsidiaire, de déclarer illégal le classement en objectifs environnementaux moins stricts (OMS) des masses d'eau côtières par le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire Bretagne pour la période 2022-2027 ainsi que l'article 8.1 du 6e programme d'actions régional (PAR 6) pour la Bretagne ;

3°) à titre accessoire, d'enjoindre à l'Etat, sous astreinte d'une somme de 1 000 000 euros par mois de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, de prendre toute mesure utile immédiate en vue :

' de réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles et de prévenir toute nouvelle pollution de ce type ;

' d'atteindre le bon état écologique des masses d'eau bretonnes tel que défini par l'annexe V de la directive 2000/60/CE ;

' d'atteindre les objectifs en matière de réduction des flux d'azote et concentration en nitrate sur les bassins versants à algues vertes tels que définis par la disposition 10A-1 du SDAGE ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- les actions engagées devant la Cour de justice de l'Union européenne comme devant les juridictions nationales ont mis en évidence les manquements et carences persistantes de l'Etat dans la lutte contre les nitrates d'origine agricole sur le territoire breton ;

- le refus du préfet de la région Bretagne de prendre toute mesure utile pour répondre aux objectifs des directives communautaires, ainsi qu'elle le lui a demandé par courrier du 2 juin 2022, est illégal ;

- les plans de gestion de district hydrographique, visés à l'article 13 de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, transposé aux articles L. 212-1 et suivants du code de l'environnement🏛, doivent nécessairement viser le retour au bon état écologique de l'ensemble des masses d'eau concernant le phénomène d'eutrophisation à l'échéance de l'année 2027, au risque pour la France de s'exposer à un manquement au regard de ses obligations européennes ;

- l'Etat s'est abstenu de mettre en œuvre les mesures nécessaires permettant d'atteindre les objectifs fixés par les directives 91/676/CEE et 2000/60/CE, en méconnaissance de la transposition qui en a été faite notamment aux articles R. 211-80 et R. 211-81 du code de l'environnement🏛🏛 ;

- le contrôle par le juge de la trajectoire de retour au bon état écologique des masses d'eau au titre de la directive cadre sur l'eau n'est aucunement conditionné à l'existence d'objectifs-seuils ou même au non-respect de ces objectifs ;

- la concentration excessive en azote constitue le facteur de contrôle principal à observer sur les masses d'eau côtières et bassins versants, visé par les objectifs précisément fixés tant par les stipulations de l'article 4 de la directive cadre sur l'eau, par l'article L. 212-1 du code de l'environnement que par les dispositions du SDAGE Loire-Bretagne pour la période 2022-2027 ;

- l'impossibilité d'atteindre l'objectif du retour au bon état écologique en 2027 est manifestement établie et a directement conduit les autorités compétentes à classer la majorité des masses d'eaux côtières concernées en " Objectifs moins stricts " ;

- le classement en " Objectifs moins stricts " des masses d'eau côtières sujettes à prolifération d'algues vertes se fonde sur des dispositions du SDAGE Loire-Bretagne présentant un caractère inconventionnel au regard des conditions fixées par la directive cadre sur l'eau ;

- la Cour des comptes, dans un rapport rendu public en juillet 2021, a évalué avec sévérité la politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes, en pointant une absence de calibrage des objectifs, le non-respect de la trajectoire permettant d'atteindre le bon état écologique, des moyens de suivi et de contrôle insuffisants, des carences dans l'exercice des pouvoirs de police administrative des installations classées d'élevage ;

- les dispositions du SDAGE Loire-Bretagne pour la période 2022-2027, invoquées par le préfet de région, visant à l'établissement d'un programme de réduction des flux d'azote n'ont fait l'objet d'aucune mesure d'exécution ;

- les plans, programmes et mesures mis en œuvre au niveau régional dans le cadre de la directive 91/676/CEE, dite directive Nitrates, présentent un caractère insuffisant ;

- le tribunal administratif de Rennes a notamment jugé que le dispositif prévu par le 6e programme d'actions régional (PAR 6) pour encadrer la pression azotée sur le territoire breton était insuffisant ;

- le plafond du solde de la balance globale azotée (BGA) fixé par l'article 8.1 du PAR 6 est illégal, par la voie de l'exception, en ce qu'il ne respecte pas le principe d'équilibre de la fertilisation azotée issu de l'article 5 de la directive Nitrates ;

- les carences caractérisées de l'Etat ont eu des conséquences concrètes sur l'environnement, compte tenu du lien direct entre les apports d'azote d'origine agricole et la prolifération d'algues ;

- cette situation de carence justifie d'enjoindre à l'Etat de prendre toute mesure utile pour parvenir aux objectifs qu'il s'est lui-même fixé et prévenir une nouvelle pollution induite ou provoquée par les nitrates à partir de sources agricoles ;

- les mesures concrètes de nature à permettre d'atteindre les objectifs assignés consistent notamment :

' à prescrire, de manière immédiate, sur l'ensemble des bassins versants connaissant d'importants échouages d'algues vertes, des dispositions consistant à mettre en œuvre :

' une limitation des risques de fuite d'azote des cultures de maïs avec le maintien des prairies dans le bassin versant et limitation et suivi de la pression de pâturage pour les vaches laitières ;

' une réduction des transferts aux milieux aquatiques en intégrant des bandes enherbées de 50 mètres de part et d'autre d'un cours d'eau et de 15 mètres en présence d'un talus boisé continu et parallèle au cours d'eau ;

' la mise en place d'un seuil d'azote total par hectare de surface agricole utile (SAU) spécifique à respecter sur les parcelles du bassin versant, soit 140 unités d'azote total par hectare pour les exploitations à dominante culture, élevage porcin ou élevage de volailles et 160 unités d'azote total par hectare pour les exploitations élevage bovin ayant une surface fourragère suffisante ;

' à demander aux commissions locales de l'eau (CLE) de modifier le contenu des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) :

' en étendant la lutte contre la prolifération des algues vertes à tous les sites d'échouages d'algues vertes, notamment sur vasières ;

' en fixant pour chaque bassin versant, soit dans chaque contrat territorial de schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), des objectifs de changements de pratiques agricoles à l'horizon 2024 qui soient évaluables, afin d'atteindre le bon état des masses d'eau côtières ;

' à procéder à la réalisation d'une commande publique visant à :

' réaliser, dès que possible, les modélisations scientifiques afin de déterminer le seuil de concentration moyenne en nitrates des cours d'eau qui permettraient de diminuer de moitié les échouages d'algues vertes dans les huit baies algues vertes et les principaux sites vasiers bretons ;

' mettre en place un système d'information intégré et partagé sur les fuites d'azote et la fertilisation dans les bassins versants bretons, ainsi qu'un suivi financier consolidé des actions de lutte contre les algues vertes et établir des bilans annuels publiés ;

' à modifier les conventionnements de financement de l'Etat :

' en conditionnant les aides accordées aux entreprises des filières agroalimentaires à des engagements sur la prévention des fuites d'azote dans l'ensemble des conventionnements de l'Etat sur le territoire breton ;

' en mettant en place une politique d'aide à l'investissement avec la mise en place d'une indemnité compensatrice à la baisse de cheptel attractive, avec obligation de poursuite d'activité ;

' à réviser le schéma directeur régional des exploitations agricoles pour attribuer des parcelles, notamment en bassin versant algues vertes, aux exploitations présentant un projet à faibles fuites d'azote ;

' à modifier le programme d'actions régional de la directive nitrate en y intégrant des obligations renforcées telles que la généralisation du suivi des indicateurs de fuites d'azote, l'extension du dispositif " SEMAFOR ", la mise en œuvre de dispositions élémentaires de la police des installations classées, le renforcement du calendrier d'interdiction d'épandage pour fumier avant céréales d'automne, l'interdiction de la fertilisation et du traitement chimique de culture intermédiaire, l'intégration d'une bande enherbée pour la protection des plans d'eau dès un hectare, l'abrogation de l'exemption de traitement ou d'export pour les digestats de méthaniseurs, l'abrogation de la dérogation à l'obligation de bande enherbée ou boisée en bord de cours d'eau sur les bassins versants de la baie de Lannion et de la baie de Saint-Brieuc, l'élargissement des zones d'actions renforcées aux aires d'alimentation de captage, l'intégration d'un plafond d'azote total de 170 µN par hectare sur toute la Bretagne, assortie d'une interdiction de retournement de prairie, l'interdiction du retournement, de la mise en herbe et de la fertilisation des zones humides cultivées, assortie d'une obligation de dédrainage des parcelles et de mise en place de dispositifs tampons pérennes en sortie de drain, l'interdiction de tout rejet direct des eaux de purge des cultures de légumes sous serres, l'intégration d'une obligation minimale de plantation et d'interception des ruissellements sur les parcours volailles et bovins ;

' à intégrer des zones sous contrainte environnementale (B) pour les secteurs sensibles avec limitation des risques de fuite d'azote des cultures de maïs par le maintien des prairies dans le bassin versant et limitation et suivi de la pression de pâturage pour les vaches laitières, réduction des transferts aux milieux aquatiques, mise en place d'un seuil d'azote total par hectare de SAU spécifique à respecter sur les parcelles du bassin versant ;

' à inscrire des instructions préfectorales en matière de contrôle sur les bassins versants les plus contributeurs en azote en accordant, sans délai, aux services chargés du contrôle un accès rapide, complet et gratuit à toutes les bases de données d'identification animale et en donnant pour instruction de procéder à une évaluation environnementale systématique de l'ensemble des extensions et créations des installations d'élevage soumis à la législation des installations classées, conformément aux dispositions de l'annexe III de la directive 2011/92/UE, transposées notamment aux articles L. 512-7-2 et R. 122-2-1 du code de l'environnement🏛🏛.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 avril 2023, 12 juillet 2024 et 8 janvier 2025, le préfet de la région Bretagne conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'astreinte demandée par l'association Eau et Rivières de Bretagne soit ramené à de plus justes proportions.

Il fait valoir que :

- les pollutions diffuses des eaux bretonnes par les nitrates et les phosphates ont débuté dans les années 1960, avec l'intensification des productions animales et végétales mais la consommation d'engrais est revenue à des niveaux beaucoup plus raisonnables au milieu des années 1990 ;

- la prolifération des algues vertes en Bretagne, favorisée par les caractéristiques du littoral et de certaines baies, particulièrement sensibles, résulte principalement des excès de nitrate et de phosphore dans les eaux bretonnes liées aux épandages d'effluents d'élevage et d'un usage massif d'intrants, en apportant aux cultures des doses excédant leurs besoins, en fertilisant les sols à des périodes propices au lessivage ou en négligeant de tenir compte de la fragilité particulière du milieu ;

- l'enjeu du plan de lutte contre les algues vertes dont il assure la coordination est de mettre en œuvre une gestion des effluents limitant les fuites de nitrates, ce qui suppose une évolution des pratiques agricoles, tout en intégrant les enjeux socio-économiques du territoire breton et l'objectif d'autosuffisance alimentaire poursuivi par la France ;

- les condamnations évoquées par l'association requérante sont anciennes, dès lors que la France a depuis remédié aux insuffisances constatées, notamment en identifiant précisément les zones vulnérables et en renforçant ses plans d'actions ;

- le recours de l'association Eau et Rivières de Bretagne est dénué d'intérêt puisque l'Etat a d'ores et déjà répondu aux injonctions résultant des jugements du 4 juin 2021 et du 18 juillet 2023 du tribunal administratif de Rennes en intégrant les mesures demandées dans le 7e programme d'actions régional ;

- l'Etat a agi conformément à ses obligations de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates, telles qu'imposées par la directive " Nitrates " en adoptant un programme d'actions national (PAN) dont la dernière version prévoit de nouvelles mesures plus contraignantes, notamment l'obligation de déployer en zone d'actions renforcées (ZAR) au moins trois mesures adaptées aux caractéristiques des territoires et choisies parmi une boîte à outils nationale de neuf mesures, l'encadrement plus strict des règles de fertilisation des couverts végétaux en interculture, l'encadrement plus strict des possibilités d'exemption de la mise en place d'un couvert végétal d'interculture et l'exigence de renseigner de nouvelles informations dans le cahier d'enregistrement des pratiques de fertilisation ;

- le PAN a été complété et renforcé au niveau régional par un programme d'actions régional (PAR), lequel classe la région Bretagne en totalité en zone vulnérable quant au paramètre nitrate depuis 1994 ;

- le 6e programme d'actions régional a été modifié à deux reprises notamment pour entériner le dispositif de surveillance de l'azote, détaillant les mesures individuelles s'appliquant en cas d'augmentation de la moyenne départementale définie en 2014, exprimée en kg d'azote épandu par hectare et pour répondre aux injonctions du jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 juin 2021 concernant les bassins connaissant d'importantes marées vertes ;

- le rapport relatif à la mise en œuvre de la directive Nitrates en France pour la période 2016-2019 fait apparaître que l'ouest du territoire est en voie d'amélioration ;

- il est prématuré de reprocher le non-respect de l'objectif de bon état écologique des eaux, au regard des obligations résultant de la directive cadre sur l'eau (DCE), dont l'échéance est fixée à 2027 ;

- le SDAGE Loire-bretagne pour la période 2022-2027 prévoit que 39 % des masses d'eau sont proposées avec des objectifs environnementaux moins stricts (OMS), en raison de l'absence de mesures techniquement faisables ou de leur coût disproportionné, ce que l'article 4.5 d) de la directive cadre sur l'eau permet ;

- l'ambition de bon état écologique à l'échéance 2027 demeure pour 61 % des masses d'eau en Bretagne ;

- l'association requérante ne peut solliciter l'annulation de l'intégralité du classement en OMS des masses d'eau côtières, dès lors que ce classement ne relève pas de sa compétence mais de celle du comité de bassin ;

- les dispositions 10A-1 et 10A-2 du SDAGE fixent sans ambiguïté possible des objectifs de réduction des flux d'azote de 30 % minimum, voire 60 %, par rapport à la période de référence 2010-2012 ;

- la directive Nitrates et la directive cadre sur l'eau n'imposent aucun objectif seuil, ni aucune obligation de moyens permettant d'atteindre l'objectif final de bon état écologique des eaux, lequel constitue une obligation de résultat dont le respect ne pourra être contrôlé qu'en 2027 ;

- le constat de quelques dépassements isolés ne saurait remettre en cause l'ensemble de la trajectoire, qui laisse apparaître une amélioration constante dans le respect des seuils fixés par la réglementation en matière de nitrates ;

- le percentile 90 était de 32 milligrammes par litre en 2020 et de 29 milligrammes par litre en 2021, se rapprochant de la valeur de 25 milligrammes fixée par l'article 6 de la directive Nitrates, permettant d'envisager un allègement du suivi de la qualité de l'eau ;

- la disposition 10A-5 du SDAGE Loire Bretagne 2022-2027, inclus dans le titre " Réduire significativement l'eutrophisation des eaux côtières et de transition ", prévoit expressément que la valeur guide de 18 milligrammes par litre de concentration en nitrates sera atteinte après plusieurs cycles de SDAGE, soit après l'échéance fixée à 2027 ;

- le plan de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV) mis en œuvre pour la période 2022-2027 fixe de nouvelles ambitions renforcées de bascule massive de la production agricole vers l'agroécologie, dans toutes les exploitations, en faveur de la préservation de l'eau, et prévoit l'utilisation de nouveaux dispositifs contractuels et réglementaires ;

- l'Etat met en place toutes les mesures réalistes et utiles pour lutter contre les algues vertes et développe de nouveaux outils pour maintenir une bonne trajectoire vers l'objectif fixé en 2027 ;

- l'insuffisance alléguée des contrôles des installations classées d'élevage est dénuée de fondement, au regard du nombre de contrôles diligentés par les services de l'Etat dans les exploitations agricoles du territoire breton, dans un contexte régulièrement tourmenté et conjoncturellement sous tension ;

- les programmes d'actions volontaires, dits B, qui prévoient la mise en œuvre de mesures contraignantes en cas d'échec des mesures volontaires, doivent permettre de réduire efficacement les fuites d'azote.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;

- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté ministériel du 5 mars 2015 précisant les critères et méthodes d'évaluation de la teneur en nitrates des eaux et de caractérisation de l'enrichissement de l'eau en composés azotés susceptibles de provoquer une eutrophisation et les modalités de désignation et de délimitation des zones vulnérables définies aux articles R. 211-75, R. 211-76 et R. 211-77 du code de l'environnement🏛🏛🏛 ;

- l'arrêté ministériel du 30 janvier 2023 relatif aux programmes d'actions régionaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Thalabard,

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public,

- et les observations de Me Delalande, représentant l'association Eau et Rivières de Bretagne et Mmes C et Le Guern, représentant le préfet de la région Bretagne.

Une note en délibéré, présentée par le préfet de la région Bretagne, a été enregistrée le 18 février 2025.

Une note en délibéré, présentée par l'association Eau et Rivières de Bretagne, a été enregistrée le 19 février 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 2 juin 2022, l'association Eau et Rivières de Bretagne, agréée au titre de la protection de l'environnement sur le territoire régional de la Bretagne, en vertu des dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'environnement🏛, a demandé au préfet de la région Bretagne de prendre des mesures immédiates prioritaires mais également d'appliquer les recommandations formulées par la Cour des comptes, dans son rapport publié en juillet 2021 relatif à l'évaluation de la politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, aux fins de remédier à sa carence à prendre les mesures appropriées pour respecter les objectifs fixés pour lutter contre la pollution par les nitrates d'origine agricole et atteindre une bonne qualité des eaux sur le territoire breton. Le silence conservé par le préfet de la région Bretagne après réception de cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par la présente requête, l'association Eau et Rivières de Bretagne demande, à titre principal, d'annuler cette décision implicite de rejet et d'enjoindre à l'Etat, sous astreinte, de prendre toutes mesures utiles immédiates pour réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles et prévenir toute nouvelle pollution de ce type et pour atteindre le bon état écologique des masses d'eau bretonnes ainsi que les objectifs en matière de réduction des flux d'azote et concentration en nitrate sur les bassins versants à algues vertes tels que définis par la disposition 10A-1 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire Bretagne pour la période 2022-2027.

2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé par le préfet de la région Bretagne à la demande de l'association requérante de prendre toutes mesures utiles immédiates en vue de répondre aux objectifs fixés par les directives européennes en matière de protection des eaux contre la pollution contre les nitrates de sources agricoles et en matière de bon état des eaux réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛, pour l'autorité compétente, de prendre les mesures jugées nécessaires. Il s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation d'un tel refus, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier sa légalité au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. L'association Eau et Rivières de Bretagne soutient que le préfet de la région Bretagne ne pouvait, sans méconnaître les objectifs qu'il s'est lui-même fixés, refuser de mettre en œuvre les mesures qu'elle préconise pour remédier aux pollutions causées par les nitrates d'origine agricole des milieux aquatiques du territoire breton.

4. S'il appartient aux seules autorités compétentes de déterminer, parmi l'ensemble des mesures qui sont susceptibles d'être prises, celles qui sont les mieux à même d'assurer le respect des obligations qui leur incombent et si le refus de prendre une mesure déterminée ne saurait en principe être regardé comme entaché d'illégalité au seul motif que la mise en œuvre de cette mesure serait susceptible de concourir au respect de ces obligations, le refus de prendre une mesure déterminée est illégal dans l'hypothèse où l'édiction de cette mesure se révèle nécessaire au respect des obligations qui s'imposent aux autorités compétentes et où l'abstention de la prendre fait obstacle à ce qu'elles puissent être respectées.

5. Aux termes de l'article R. 211-75 du code de l'environnement, la pollution par les nitrates s'entend comme le " rejet de composés azotés de sources agricoles dans le milieu aquatique, directement ou indirectement, ayant des conséquences de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources vivantes et au système écologique aquatique, à porter atteinte aux agréments ou à gêner d'autres utilisations légalement exercées des eaux " et l'eutrophisation comme " l'enrichissement de l'eau en composés azotés, provoquant un développement accéléré des algues et des végétaux d'espèces supérieures qui perturbe l'équilibre des organismes présents dans l'eau et entraîne une dégradation de la qualité de celle-ci. ".

6. Selon l'article R. 211-76 du code de l'environnement : " I. - Sont considérées comme atteintes par la pollution par les nitrates : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant ou destinées aux captages d'eau pour la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est supérieure à 50 milligrammes par litre ; / 2° Les eaux des estuaires, les eaux côtières et marines et les eaux douces superficielles qui subissent une eutrophisation à laquelle l'enrichissement de l'eau en composés azotés provenant de sources agricoles contribue. / II. - Sont considérées comme susceptibles d'être polluées par les nitrates : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant ou destinées aux captages d'eau pour la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est comprise entre 40 et 50 milligrammes par litre et ne montre pas de tendance à la baisse ; / 2° Les eaux des estuaires, les eaux côtières et marines et les eaux douces superficielles susceptibles de subir, si les mesures prévues aux articles R. 211-80 à R. 211-84 ne sont pas prises, une eutrophisation à laquelle l'enrichissement de l'eau en composés azotés provenant de sources agricoles contribue. / III. - L'identification des eaux définies aux I et II est fondée sur un programme de surveillance mis en œuvre sur l'ensemble du territoire et renouvelé tous les quatre ans au moins. () ".

7. Les critères et méthodes d'évaluation de la teneur en nitrates des eaux et la caractérisation de l'enrichissement de l'eau en composés azotés susceptibles de provoquer une eutrophisation ont été précisés par un arrêté ministériel du 5 mars 2015, dont l'article 3 prévoit que : " Les masses d'eau superficielles dont la teneur en nitrates dépasse 18 mg/l en percentile 90 sont considérées comme subissant ou susceptibles de subir une eutrophisation des eaux douces superficielles ; elles contribuent aussi à l'eutrophisation ou à la menace d'eutrophisation des eaux des estuaires, des eaux côtières et marines. Les communes en intersection avec les bassins versants qui alimentent ces masses d'eaux sont désignées en tant que zone vulnérable. ".

8. Il résulte de l'instruction que si l'azote constitue un élément nutritif essentiel pour la croissance des végétaux, son épandage en excès sur les terres agricoles modifie les écosystèmes et est directement responsable de l'eutrophisation des eaux. Selon l'expertise scientifique " Eutrophisation - manifestations, causes, conséquences et prédictibilité ", menée collectivement en 2017 par le CNRS, l'INRA, l'IFREMER et l'IRSTEA, l'eutrophisation " qui se renforce sous l'effet d'apports de fertilisants comme l'azote et le phosphate ", " se caractérise par les proliférations d'algues et de cyanophycées, toxiques, dans les lacs et les cours d'eau et les proliférations de macroalgues dans les zones côtières. Ces phénomènes génèrent des perturbations majeures pour les écosystèmes aquatiques et ont des impacts sur les biens et les services associés, sur la santé humaine et sur les activités économiques des territoires où ils se produisent ". L'Autorité environnementale souligne que les excès d'azote et de phosphore sont considérés comme une des principales causes de dégradation de l'environnement planétaire, de sorte que la réduction des flux d'azote dans l'environnement représente un enjeu majeur, analogue à celui de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la lutte contre l'érosion de la biodiversité.

9. En Bretagne, première région agricole de France, les apports excessifs d'azote, lessivés lors des épisodes pluvieux, migrent vers les masses d'eaux douces et maritimes et provoquent notamment, compte tenu des caractéristiques du littoral et de certaines baies, la prolifération des algues vertes, dont les effets peuvent être délétères. Ainsi que l'admettent les services de l'Etat, en se référant à un rapport d'information du Centre d'étude et de valorisation des algues (CEVA), 95 à 98 % des nitrates retrouvés dans l'eau des bassins versants bretons et dans les nappes sont d'origine agricole. Dans son rapport de juillet 2021 d'évaluation de la politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, la Cour des comptes confirme que : " la réduction significative de la charge en nitrates dans les cours d'eau est donc l'action la plus réaliste et efficace pour parvenir à limiter les marées vertes. ".

En ce qui concerne la méconnaissance par le préfet de la région Bretagne de ses obligations résultant de la directive Nitrates :

10. La directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 vise à réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles et à prévenir toute nouvelle pollution de ce type. Elle prévoit, pour les besoins des objectifs ainsi fixés, que les Etats membres établissent des programmes d'action portant sur les zones vulnérables désignées. Le point 2 de l'article 5 de la directive précise que : " Un programme d'action peut porter sur toutes les zones vulnérables situées sur le territoire d'un Etat membre ou, si cet Etat l'estime approprié, des programmes différents peuvent être établis pour diverses zones ou parties de zones vulnérables. ". Il est ajouté que : " Les programmes d'action tiennent compte : a) des données scientifiques et techniques disponibles concernant essentiellement les quantités respectives d'azote d'origine agricole ou provenant d'autres sources ; / b) des conditions de l'environnement dans les régions concernées de l'Etat membre en question. ". Enfin, le point 5 de ce même article 5 expose que : " En outre, les Etats membres prennent, dans le cadre des programmes d'action, toutes les mesures supplémentaires ou actions renforcées qu'ils estiment nécessaires, s'il s'avère, dès le début ou à la lumière de l'expérience acquise lors de la mise en œuvre des programmes d'action, que les mesures visées au paragraphe 4 ne suffiront pas pour atteindre les objectifs définis à l'article 1er. Dans le choix de ces mesures ou actions, les Etats membres tiennent compte de leur efficacité et de leur coût par rapport à d'autres mesures préventives envisageables. ".

11. Aux termes de l'article R. 211-80 du code de l'environnement : " I.- L'utilisation des fertilisants organiques et minéraux, naturels et de synthèse contenant des composés azotés, ci-après dénommés fertilisants azotés, ainsi que les pratiques agricoles associées font l'objet de programmes d'actions dans les zones vulnérables désignées conformément aux dispositions de l'article R. 211-77. / II.- Ces programmes comportent les mesures et actions nécessaires à une bonne maîtrise des fertilisants azotés et à une gestion adaptée des terres agricoles dans ces zones, en vue de limiter les fuites de nitrates à un niveau compatible avec les objectifs de restauration et de préservation de la qualité des eaux souterraines, des eaux douces superficielles et des eaux des estuaires, des eaux côtières et marines. / III.- Ces programmes d'actions prennent en compte : / 1° Les situations locales et leur évolution, notamment la teneur en nitrates des eaux superficielles et souterraines, les systèmes de production et les pratiques agricoles, le degré de vulnérabilité du ou des aquifères concernés et la présence de nitrates de provenances autres qu'agricoles ; / 2° Les données scientifiques et techniques disponibles et les résultats connus des programmes d'actions précédents. / Lorsque le choix est possible entre plusieurs mesures ou actions permettant d'atteindre les objectifs définis au II, ce choix prend en compte l'efficacité et le coût de chacune des mesures ou actions envisageables. / IV.- Ces programmes d'actions comprennent : / 1° Un programme d'actions national constitué de mesures nationales communes à l'ensemble des zones vulnérables ; /2° Des programmes d'actions régionaux constitués de mesures renforcées par rapport à celles du programme d'actions national sur tout ou partie des zones vulnérables et de mesures spécifiques à chaque zone ou partie de zone vulnérable. () ".

12. S'agissant du programme d'actions national, l'article R. 211-81 du code de l'environnement détaille, en son I, les mesures à prévoir : " 1° Les périodes minimales d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés ; / 2° Les prescriptions relatives au stockage des effluents d'élevage afin de garantir, en toutes circonstances, le respect des objectifs définis au II de l'article R. 211-80 et les prescriptions relatives à l'épandage de ces effluents, compte tenu des possibilités de les traiter et de les éliminer ; / 3° Les modalités de limitation de l'épandage des fertilisants azotés fondée sur un équilibre, pour chaque parcelle, entre les besoins prévisibles en azote des cultures et les apports en azote de toute nature, y compris l'azote de l'eau d'irrigation ; / 4° Les prescriptions relatives à l'établissement de plans de fumure et à la tenue par chaque exploitant d'un ou plusieurs cahiers d'épandage des fertilisants azotés ; / 5° La limitation de la quantité maximale d'azote contenu dans les effluents d'élevage pouvant être épandue annuellement par chaque exploitation, y compris les déjections des animaux eux-mêmes, ainsi que les modalités de calcul associées ; cette quantité ne peut être supérieure à 170 kg d'azote par hectare de surface agricole utile. () / 6° Les conditions particulières de l'épandage des fertilisants azotés, liées à la proximité des cours d'eau, à l'existence de fortes pentes, à des situations où les sols sont détrempés, inondés, gelés ou enneigés ; / 7° Les exigences relatives au maintien d'une quantité minimale de couverture végétale au cours des périodes pluvieuses destinée à absorber l'azote du sol et aux modalités de gestion des résidus de récolte ; / 8° Les exigences relatives à la mise en place et au maintien d'une couverture végétale permanente le long de certains cours d'eau, sections de cours d'eau et plans d'eau de plus de dix hectares. ". Il précise en son II que : " Le programme d'actions national définit les références techniques nécessaires à la mise en œuvre opérationnelle des mesures mentionnées au I et précise celles qui doivent être arrêtées par le préfet de région sur proposition du groupe régional d'expertise " nitrates " prévu à l'article R. 211-81-2. ".

13. S'agissant des programmes d'actions régionaux, l'article R. 211-81-1 du même code🏛, dans sa version désormais en vigueur, apporte les précisions suivantes : " I. - Les programmes d'actions régionaux comprennent, sur tout ou partie des zones vulnérables, les mesures prévues aux 1°, 3°, 7° et 8° du I de l'article R. 211-81, renforcées au regard des objectifs fixés au II de l'article R. 211-80, des caractéristiques et des enjeux propres à chaque zone vulnérable ou partie de zone vulnérable. / II. - Les programmes d'actions régionaux délimitent les zones correspondant aux zones de captage de l'eau destinée à la consommation humaine mentionnées au 1° du I de l'article R. 212-4 dont la teneur en nitrate est supérieure à 50 milligrammes par litre et aux bassins connaissant d'importantes marées vertes sur les plages, mentionnés au 8° du II de l'article L. 211-3, définis par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. / Ils peuvent également délimiter les zones correspondant aux zones de captage de l'eau destinée à la consommation humaine mentionnées au 1° du I de l'article R. 212-4 dont la teneur en nitrate est comprise entre 40 et 50 milligrammes par litre, en tenant notamment compte de l'évolution de cette teneur au cours des dernières années. / Les zones mentionnées aux deux précédents alinéas sont identifiées conformément à l'article R. 211-81-1-1 et peuvent être étendues afin d'assurer la cohérence territoriale des mesures. / Dans ces zones, les programmes d'actions régionaux comprennent : / -soit l'obligation d'une couverture végétale des sols entre une culture principale récoltée en été ou en automne et une culture semée à l'été ou à l'automne et, au minimum, une autre mesure de renforcement ; / -soit, au minimum, trois autres mesures de renforcement. / Les mesures de renforcement susceptibles d'être mises en œuvre dans ces zones sont les suivantes : / 1° L'une ou plusieurs des mesures prévues au I, renforcées au regard de l'état d'atteinte par la pollution des zones considérées ; / 2° Les exigences relatives à une gestion adaptée des terres, notamment les modalités de retournement des prairies ; / 3° Le dispositif de surveillance annuelle de l'azote qui comporte : / a) La déclaration annuelle des quantités d'azote de toutes origines produites, traitées, épandues, stockées ou cédées ainsi que celle de leurs lieux d'épandage, par les personnes physiques et morales épandant des fertilisants sur des terres agricoles ou dont l'activité génère un fertilisant azoté destiné à l'épandage agricole ; / b) L'évaluation annuelle par le préfet de région de la pression d'épandage d'azote qui est égale à la quantité d'azote de toutes origines épandue sur des terres agricoles au cours de l'année ramenée à la surface agricole utile. / Lorsque cette mesure est mise en œuvre, les déclarations annuelles prévues au III de l'article L. 211-3 peuvent être rendues obligatoires. Ces déclarations précisent notamment, pour les expéditions et livraisons de matières fertilisantes azotées mises sur le marché mentionnées aux articles

L. 255-2 à L. 255-4 et aux 1° à 4° de l'article L. 255-5 du code rural et de la pêche maritime🏛, leur ventilation selon la localisation du receveur, et pour les échanges de matières fertilisantes autres que celles mentionnées ci-avant, le détail des quantités d'azote par receveur ou fournisseur ; / 4° La limitation du solde du bilan azoté calculé à l'échelle de l'exploitation agricole exprimé en kilogrammes d'azote par hectare ; / 5° L'obligation de traiter ou d'exporter l'azote issu des animaux d'élevage au-delà d'un seuil d'azote produit par les animaux d'élevage à l'échelle de l'exploitation agricole, lorsque les surfaces exploitées en propre ne sont pas suffisantes pour permettre l'épandage des effluents dans le respect de l'équilibre de la fertilisation azotée mentionné au 3° du I de l'article R. 211-81 ; / 6° L'obligation de respecter un seuil de quantité d'azote restant dans les sols à la fin de la période de culture ou en entrée de l'hiver. / III. - 1° Dans les cantons en excédent structurel d'azote lié aux élevages qui ont été arrêtés à la date du 21 décembre 2011 par les préfets de département en application du décret n° 2011-1257 du 10 octobre 2011, les programmes d'actions régionaux comprennent les mesures définies au 3°, 4° et 5° du II. / 2° Les programmes d'actions régionaux délimitent les zones dans lesquelles la mesure prévue au 3° du II est rendue obligatoire. / Ces zones incluent au minimum tous les cantons en excédent structurel. Elles peuvent être élargies, dans la limite du département, afin d'assurer la cohérence territoriale de ce dispositif. Des dispositifs de surveillance définis sur des zones plus restreintes peuvent toutefois être maintenus à l'intérieur d'une zone de surveillance élargie. / 3° Les programmes d'actions régionaux définissent, pour chaque zone délimitée conformément au 2°, la valeur de référence, tenant compte d'une marge d'incertitude fixée par arrêté interministériel, qui est égale à la pression d'épandage d'azote de toutes origines au cours de l'année de référence, exprimée en kilogrammes d'azote par hectare. / 4° Les programmes d'actions régionaux comprennent un dispositif à mettre en œuvre dans les zones mentionnées au 2° en cas de dépassement de la valeur de référence assurant le retour à une pression d'épandage d'azote au plus égale à cette valeur de référence. Ce dispositif réduit la pression d'épandage d'azote de toutes origines de chaque exploitation ou élevage de la zone concernée au cours de l'année suivant le constat du dépassement. / Pour déterminer l'effort de réduction applicable aux exploitations ou élevages, les programmes d'actions régionaux définissent au moins deux classes de pression à partir de la répartition des pressions d'épandage d'azote de toutes origines de l'ensemble des exploitations ou élevages de la zone concernée au cours de l'année du dépassement. / Pour les exploitations ou élevages de la première classe dont la pression d'épandage est au plus égale à la valeur de référence, la pression d'épandage doit rester en dessous d'un plafond égal à la valeur de référence. / Pour les exploitations ou élevages dont la pression d'épandage est supérieure à la valeur de référence, l'effort de réduction est proportionné à leur contribution au dépassement. / 5° Les programmes d'actions régionaux peuvent exonérer du dispositif de réduction mentionné au 4° les exploitations agricoles ou élevages respectant les obligations prévues dans le cadre d'un dispositif garantissant le retour à une pression d'azote de toutes origines épandu dans chaque zone mentionnée au 2° au plus égale à la valeur de référence. / Cet autre dispositif, fondé sur des obligations de résultats en matière de réduction de la pollution azotée, contient au minimum des indicateurs de l'utilisation effective de l'azote par les cultures et des mécanismes de suivi et de contrôle dont il est régulièrement rendu compte au préfet de région. / IV. - Dans les zones des bassins versants, arrêtées par les préfets de département en application du décret n° 2011-1257 du 10 octobre 2011🏛, où s'appliquaient à la date du 21 décembre 2011 des actions complémentaires, les programmes d'actions régionaux comprennent : / - soit la mesure mentionnée au 3° du I de l'article R. 211-81, renforcée sous la forme d'une limitation des apports d'azote de toutes origines à l'échelle de l'exploitation agricole ; / - soit les mesures prévues au 3° et au 4° du II. / V. - Le préfet de région met fin aux mesures ou dispositifs mentionnés aux articles III et IV dès lors que dans chacune de ces zones les masses d'eaux atteintes ou menacées par la pollution par les nitrates au sens de l'article R. 211-76 ont retrouvé une teneur en nitrate inférieure à 50 milligrammes par litre pendant au moins deux années consécutives et, pour les bassins connaissant d'importantes marées vertes sur les plages mentionnés au 8° du II de l'article L. 211-3, leur bon état mesuré selon les objectifs définis par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux de leur bassin hydrographique tel que défini à l'article L. 212-3. / VI. - Les programmes d'actions régionaux comprennent également toute autre mesure utile répondant aux objectifs mentionnés au II de l'article R. 211-80. ()".

14. Il résulte des dispositions précitées du code de l'environnement que, dans les zones vulnérables, l'utilisation des fertilisants organiques et minéraux, naturels et de synthèse contenant des composés azotés ainsi que les pratiques agricoles associées font l'objet d'un programme d'actions national comportant les mesures et actions nécessaires à une bonne maîtrise de ces fertilisants azotés, et de programmes d'actions régionaux qui sont arrêtés par le préfet de région.

15. L'arrêté ministériel du 30 janvier 2023 relatif aux programmes d'actions régionaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole précise, notamment, en son article 5 que : " Les mesures utiles répondant aux objectifs de restauration et de préservation de la qualité de l'eau mentionnées au VI de l'article R. 211-81-1 du code de l'environnement peuvent être rendues obligatoires sur l'ensemble de la zone vulnérable ou seulement sur certaines zones, en fonction des caractéristiques pédo-climatiques et agricoles et des enjeux propres à chaque zone vulnérable ou partie de zone vulnérable. ". En outre, selon l'article 7 de cet arrêté : " Les indicateurs permettant le suivi et l'évaluation de l'efficacité du programme d'actions régional sont précisés dans ce programme. Le préfet de région établit un tableau de bord par zone vulnérable ou partie de zone vulnérable, en individualisant, le cas échéant, les zones prévues au II, III et IV de l'article R. 211-81-1 du code de l'environnement. () ".

16. Ainsi que le fait valoir le préfet de la région Bretagne, si la France a été condamnée à trois reprises, en 2002, en 2013 puis en 2014, par la Cour de justice de l'Union européenne pour des manquements dans l'application des dispositions de la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991, un programme d'actions national (PAN) a été mis en œuvre à partir de 2011 afin de définir le socle commun applicable à l'ensemble des zones vulnérables du territoire national et a été régulièrement renforcé en vue de remédier aux insuffisances initiales. Ce programme national a été décliné, au niveau du territoire breton, classé pour son ensemble en zone vulnérable, en programmes d'actions régionaux (PAR) tenant compte des spécificités de la région, notamment en matière de sol, de climat, d'agriculture et de qualité de l'eau, et fixant les mesures complémentaires nécessaires pour atteindre les objectifs de meilleure qualité des eaux et de diminution de la pollution issue des nitrates d'origine agricole. A partir de 2010, l'Etat a complété cette action par la mise en œuvre, conjointement avec la région Bretagne et plusieurs acteurs du territoire, de plans de lutte contre les algues vertes (PLAV), ciblés sur les bassins versants algues vertes et destinés à mieux répondre aux enjeux sanitaires, environnementaux et économiques résultant de la prolifération d'ulves.

17. Il résulte cependant de l'instruction que les marées vertes persistent sur le littoral breton et que les surfaces couvertes par les ulves tendent même à augmenter en superficie et en durée. Le préfet de région rappelle lui-même que si les actions menées ont permis d'abaisser significativement la concentration moyenne en nitrates dans les cours d'eau bretons, cette concentration moyenne étant passée de 47,2 à 35,4 milligrammes par litre, entre 1995 et 2013, soit une diminution annuelle de 0,65 milligrammes par litre, cette évolution est plus limitée depuis 2014, avec une concentration moyenne de 31,7 milligrammes par litre atteinte en 2019. Dans un rapport publié en novembre 2020 de contribution à l'évaluation des programmes d'actions pour la lutte contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a ainsi constaté, d'une part, qu'après vingt-cinq années de programmes d'actions, les résultats en termes de teneur en nitrates des eaux superficielles et souterraines restent très loin des objectifs et semblent ne plus s'améliorer et, d'autre part, une perte de sens et un déficit d'appropriation des objectifs de la directive Nitrates par les acteurs, à raison notamment d'un mode d'information inadapté aux échelles territoriales et de mécanismes d'actions désormais complexes et contraignants. En ce qu'il fait état, pour ce qui concerne la Bretagne, de la stabilité de la concentration maximale en nitrates par bassin entre la 6e et la 7e campagne de surveillance, le rapportage de la mise en œuvre de la directive Nitrates par la France pour la période 2016-2019 constate donc une absence d'amélioration.

18. Dans son rapport de juillet 2021, la Cour des comptes fait état de résultats qui demeurent insuffisants en relevant que malgré une " légère tendance globale à la baisse des surfaces d'échouages et des tonnages collectés d'algues sur les sites sableux " observée depuis 2007 sur l'ensemble du territoire régional, et notamment dans les huit baies faisant l'objet du plan de lutte contre les algues vertes depuis 2010, de nouveaux pics ont été constatés en 2017 et en 2019, particulièrement dans le département des Côtes-d'Armor. Surtout, dans les sites concernés par des échouages sur vasières, une tendance à la hausse est observée depuis 2008, particulièrement dans le département du Morbihan. Les auteurs du rapport rappellent que : " ces vasières sont des espaces sensibles en matière de salubrité publique car elles peuvent s'avérer dangereuses pour les promeneurs et les pêcheurs à pied, compte tenu du risque d'émanations d'hydrogène sulfuré résultant du mélange de vases et d'algues accumulées. ". Ce constat de la persistance des échouages d'algues vertes sur les côtes bretonnes et de concentrations en nitrates dans les cours d'eau qui ne baissent plus est d'ailleurs partagé par les services de l'Etat. Dans l'exposé du contexte dans lequel s'inscrit le PLAV pour la période 2022-2027, il est admis que : " si une baisse significative des concentrations en nitrates dans les cours d'eau bretons a été observée depuis le début des années 2000 (les teneurs en nitrates, exprimées en percentile 90, sont passées de 52 mg/l en 2000 à 32 mg/l en 2015), la diminution est de plus en plus lente et un pallier semble avoir été atteint. ".

19. Après avoir constaté l'insuffisance des mesures retenues dans le 6e programme d'actions régional breton, adopté par arrêté du 2 août 2018, pour lutter contre la pollution par les nitrates d'origine agricole, le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement n° 1806391 du 4 juin 2021⚖️, enjoint au préfet de la région Bretagne de compléter le 6e programme d'actions régional, d'une part, par toute mesure de maîtrise de la fertilisation azotée et de gestion adaptée des terres agricoles dans les bassins versants situés en amont des sites littoraux concernés par les échouages d'algues vertes qui sera jugée suffisamment efficace pour pallier l'insuffisance constatée du programme sur ce point, et, d'autre part, par la définition précise d'un mécanisme de mise en œuvre de mesures réglementaires contraignantes supplémentaires en cas de constat d'échec des mesures encouragées par le plan de lutte contre les algues vertes (PLAV). Si en exécution de ce jugement, le préfet de la région Bretagne a modifié le 6e programme d'actions régional, applicable pour la période 2017-2022, le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement n° 2206278 du 18 juillet 2023⚖️, considéré que les prescriptions complémentaires ainsi faites aux agriculteurs demeuraient insuffisamment exigeantes et contraignantes pour pallier les insuffisances constatées du programme. En conséquence, il a enjoint au préfet de la région Bretagne de compléter le 6e programme d'actions régional par l'adoption de mesures d'application immédiate, contrôlées dans leur exécution, de limitation de la fertilisation azotée et de gestion adaptée des terres agricoles, et par l'édiction de prescriptions particulières applicables sans délai aux installations classées pour la protection de l'environnement, propres à garantir le respect de plafonds d'apport d'azote adaptés aux capacités d'absorption des cultures, conformes aux préconisations scientifiques, et permettant une réduction effective du phénomène d'eutrophisation à l'origine du développement des algues vertes.

20. Le préfet de la région Bretagne fait valoir que depuis la décision implicite en litige, il a tenu compte des évaluations de son action, par le rapport de juillet 2021 de la Cour des comptes et le rapport d'information du 9 février 2022 de la commission des finances du Sénat sur le suivi des recommandations du rapport " Algues vertes en Bretagne, de la nécessité d'une ambition plus forte ", ainsi que par les injonctions du tribunal administratif dans ses jugements précités du 4 juin 2021 et du 18 juillet 2023. Il soutient que le 7e programme d'actions régional, adopté par arrêté du 24 mai 2024, après révision du plan d'actions national par arrêté du 30 janvier 2023, traduit la volonté de l'Etat de faire évoluer son action en matière de lutte contre les nitrates d'origine agricole, par l'adoption de mesures plus contraignantes. Il expose que, désormais, pour ce qui concerne les bassins connaissant d'importantes marées vertes, l'article 8.3.2 du plan prévoit une limitation du solde de la balance globale azotée (BGA) à 20 kg par hectare de surface agricole utile (SAU), assortie de l'obligation de télédéclarer annuellement les données permettant de calculer la BGA et l'article 8.3.9 prévoit l'obligation pour les éleveurs relevant de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (A) et pour leur prêteurs de terre de transmettre annuellement leur Plan Prévisionnel de Fumure (PPF) et leur Cahier d'enregistrement des Pratiques (CEP). Il ajoute qu'un PLAV a été finalisé pour la période 2022 à 2027, comportant un engagement financier sans précédent de l'Etat incluant une enveloppe de 18 millions d'euros destinée aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC). Il précise que ce 3e PLAV comporte un volet préventif visant à réduire les flux d'azote vers les baies, qui concentre l'essentiel des financements consistant en aides destinées aux agriculteurs, un volet curatif de ramassage systématique des algues vertes échouées sur les plages, un volet scientifique ayant pour objet d'encourager la recherche sur la prolifération des algues vertes. Outre ces volets préventif, curatif et d'accès à la connaissance déjà développés dans les précédents plans, ce 3e PLAV comporte un volet sanitaire ayant vocation à prendre en compte les enjeux sanitaires liés à la putréfaction des ulves, compte tenu des risques relatifs aux émanations d'hydrogène sulfuré.

21. Toutefois, l'association Eau et Rivières de Bretagne se prévaut de l'aggravation constatée au cours des dernières années en matière d'échouage d'ulves, avec de nouveaux secteurs atteints, telle que la plage de Fort Bloqué, située à Ploemeur dans le département du Morbihan, et de l'ampleur croissante des phénomènes, notamment dans le Golfe du Morbihan et la rade de Lorient. Selon les données chiffrées communiquées par le préfet, aucune baisse significative de la concentration moyenne en nitrates des masses d'eau bretonnes n'a été relevée depuis 2020, le percentile 90 étant de 30,5 milligrammes par litre en 2023. S'agissant des huit baies concernées par le PLAV, et donc identifiées comme présentant une vulnérabilité particulière au phénomène d'échouage d'algues vertes, toutes présentent en 2022 des masses d'eau ayant une teneur en nitrates dépassant le seuil de 18 milligrammes par litre en percentile 90, fixé par l'arrêté ministériel du 5 mars 2015, deux d'entre elles présentant même des teneurs supérieures à 50 milligrammes par litre. L'association requérante soutient qu'eu égard à la détérioration de la situation, les mesures complémentaires adoptées demeurent insuffisantes. Alors que le préfet de la région Bretagne entend se prévaloir de l'article 9 du 7e programme d'actions régional consacré aux actions renforcées visant à réduire les surfaces d'échouage d'algues vertes sur vasières, l'association requérante fait valoir que la limitation de la mesure envisagée aux seuls bassins versants des rivières affichant des teneurs en nitrates supérieures ou égales à 29 milligrammes par litre paraît manifestement réductrice, dès lors que d'autres bassins versants sont concernés par ce phénomène et sont, d'ailleurs, identifiés comme tel par le SDAGE Loire Bretagne.

22. Ainsi que l'a relevé l'Autorité environnementale dans son avis délibéré sur le 7e programme d'actions régional nitrates de la région Bretagne, la réduction effective de la pollution par les nitrates suppose un programme d'actions " vraiment ambitieux et appliqué, et pleinement intégré dans une véritable stratégie d'ensemble d'amélioration effective des performances environnementale de l'agriculture. ". Elle rappelle, par ailleurs, dans son avis délibéré du 18 novembre 2021 sur le programme d'actions national sur les nitrates d'origine agricole, que " selon la littérature scientifique, l'eutrophisation des eaux superficielles ne pourra être maîtrisée en Europe occidentale qu'avec des concentrations moyennes en nitrates inférieures à 10 mg par litre. ". Chargée de procéder à l'évaluation environnementale du 7e programme d'actions régional, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Bretagne a émis des réserves sur les effets probables du programme sur la qualité des eaux bretonnes en soulignant que les mesures envisagées ne semblent pas suffisantes pour atteindre le bon état des masses d'eau concernées. Concernant les zones de protection des captages, la DREAL de Bretagne constate que les mesures mises en œuvre seront probablement insuffisantes dans la mesure où, d'une part, les aires d'alimentation de captage n'ont pas toutes été définies et, d'autre part, les bandes enherbées n'auront que très peu d'impact s'agissant des captages en eaux souterraines, car ces dispositifs agissent sur les ruissellements, et non sur l'infiltration. Dans ces conditions, la limitation de certaines prescriptions prévues par l'article 8.3 du 7e programme d'actions régional aux seules zones de captage de l'eau destinée à la consommation humaine dont la teneur en nitrate est supérieure à 50 milligrammes par litre ou encore des actions renforcées prévues par l'article 9 aux seuls bassins versants des rivières affichant des teneurs en nitrates supérieures ou égales à 29 milligrammes par litre ne peuvent qu'être regardées comme insuffisantes au regard des objectifs fixés tant pas la directive Nitrates que par les normes nationales qui l'ont transposée.

23. L'association requérante soutient également que certaines des mesures du 7e programme d'actions régional, déjà contenues dans le 6e programme d'actions régional, n'ont jamais été suivies d'effet et qu'à l'exception de la prescription de l'article 8.3.5 sur la définition d'un seuil d'alerte pour les reliquats azotés (RPA, Rda, RDD) et de mesures correctives en cas de dépassement du seuil d'alerte, aucune des mesures adoptées ne constitue une réelle novation. Elle expose notamment, sans être utilement contredite, que la prescription fixée par l'article 8.3.2 du 6e PAR, dans sa version modifiée, prévoyant l'obligation de faire procéder à un contrôle technique pour les ouvrages de stockage avant septembre 2024 pour les sites d'exploitation situés dans les sous-bassins versants prioritaires n'a pas été suivie d'effet. Elle fait également valoir que si, conformément aux prescriptions de l'article 8.3.7 de ce 6e PAR, le préfet du Finistère et le préfet des Côtes-d'Armor ont, par arrêtés, mis en place des programmes spécifiques pour les zones soumises à contraintes environnementales (B), les actions ainsi définies n'ont pas de caractère contraignant, puisque reposant, pendant trois ans, sur des démarches volontaires, et ne peuvent donc être regardées comme des mesures d'application immédiate.

24. Dans l'avis émis sur le 3e PLAV pour la période 2022-2027, le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) de Bretagne a admis des avancées dans les programmes de lutte contre les fuites d'azote mais s'est inquiété " du manque de mesures et de l'absence d'orientation préventives visant à la limitation des apports d'azote à la source. ". Le préfet de la région Bretagne, qui expose que le 3e PLAV prévoit, au titre des objectifs de moyens qu'il se fixe, que 40 % des agriculteurs des baies algues vertes soient engagés dans une forme de contractualisation visant à la lutte contre la pollution par les nitrates d'ici à 2024 et que 100 % des agriculteurs aient atteint les résultats définis dans les arrêtés de B, visant à une amélioration des pratiques agricoles individuelles, ne précise toutefois pas l'efficacité attendue de ces mesures alors que la Cour des comptes a relevé, dans son rapport précité, la difficulté à mettre en évidence l'impact spécifique des deux premiers PLAV sur la baisse de la concentration moyenne des cours d'eau en nitrates.

25. Au demeurant, l'association Eau et Rivières de Bretagne relève que le préfet de la région Bretagne ne justifie ni des outils permettant d'assurer le contrôle de la mise en œuvre des actions programmées, ni des moyens mobilisés pour rendre effectives les prescriptions du 7e plan d'actions régional de Bretagne. En se contentant de faire valoir, en termes généraux, non assortis des précisions utiles, que certaines des mesures prévues par ce 7e plan d'actions ne génèrent que peu de charges administratives, notamment parce qu'elles ont été déléguées à des organismes tiers, que l'effectif des directions départementales chargées des contrôles a été renforcé grâce au recours à l'intérim, que des mesures de télédéclaration ont été étudiées s'agissant des données BGA ou PPF et CEP ou encore que les budgets nécessaires au développement des applications et à la réalisation des prestations nécessaires à la mise en œuvre des mesures prévues sont adaptés, le préfet de la région Bretagne ne justifie pas des conditions effectives d'exécution des prescriptions visant à limiter la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricoles. Il n'établit pas même disposer des outils d'évaluation et de contrôle des mesures déjà engagées. Les seules copies de diaporamas présentés par les services de l'Etat faisant état du nombre d'agriculteurs sensibilisés aux actions contenues dans les arrêtés B ne peuvent, en tout état de cause, tenir lieu de justification de l'efficacité de tels programmes.

26. S'agissant plus spécifiquement des installations classées pour la protection de l'environnement (A), la Cour des comptes a constaté, dans son rapport de juillet 2021, un manque de cohérence dans l'exercice par les préfets de département de leurs pouvoirs de police administrative, en lien avec la politique de lutte contre la prolifération algale. Elle a notamment signalé des marges de progrès dans l'instruction des dossiers dits A agricoles, un manque de suivi des petites exploitations se trouvant dans les bassins versants algues vertes (BVAV), la diminution sensible des contrôles des exploitations agricoles, les services de l'Etat compétents ayant connu une forte baisse d'effectifs, et un niveau important de non-conformité des exploitations à risque. La Cour des comptes a également pointé l'absence de contrôle sérieux des pratiques d'épandage. Les éléments chiffrés de bilan des inspections menées en 2023, pour le seul département du Finistère, ou encore des actions de contrôles diligentés en 2021 sur le territoire breton, sans autre commentaire sur leur nature, leur portée et les résultats obtenus à l'issue, produits par le préfet de la région Bretagne, ne sauraient permettre de considérer que la stratégie de l'Etat s'agissant du contrôle de l'activité des A, destinées à une activité d'élevage, a évolué depuis le rapport précité de la Cour des comptes.

27. Il résulte de ce qui précède qu'à la date du présent jugement, le préfet de la région Bretagne n'établit pas que les mesures et actions récemment mises en œuvre sont suffisantes, au regard des données scientifiques disponibles et des caractéristiques environnementales de la région, pour atteindre effectivement l'objectif de réduction de la pollution des eaux provoquée par les nitrates de sources agricoles et prévenir le phénomène d'eutrophisation des eaux.

En ce qui concerne la méconnaissance par le préfet de la région Bretagne de ses obligations résultant de la directive cadre sur l'eau :

28. La directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, dont les dispositions transposées sont désormais codifiées aux articles L. 211-1 et suivants du code de l'environnement🏛, a pour objet d'établir un cadre pour la protection des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines permettant notamment de prévenir toute dégradation supplémentaire, de préserver et améliorer l'état des écosystèmes aquatiques, de renforcer et améliorer la protection de l'environnement aquatique notamment par des mesures spécifiques conçues pour réduire progressivement les rejets, émissions et pertes de substances prioritaires et l'arrêt ou la suppression progressive des rejets, émission et pertes de substances dangereuses prioritaires et d'assurer la réduction progressive de la pollution des eaux souterraines et de prévenir l'aggravation de leur pollution. L'article 4 de cette directive prévoit en son point 1, concernant les eaux de surface, notamment, que les Etats membres doivent protéger, améliorer et restaurer les masses d'eau de surface afin de parvenir à un bon état des eaux au plus tard quinze ans après son entrée en vigueur. Le point 4 de ce même article permet cependant de reporter l'échéance du point 1 aux fins d'une réalisation progressive des objectifs pour les masses d'eau, à condition que l'état de la masse d'eau concernée ne se détériore pas davantage, sous réserve du respect de conditions qui sont définies. Enfin, le point 5 de cet article 4 prévoit que : " Les Etats membres peuvent viser à réaliser des objectifs environnementaux moins stricts que ceux fixés au paragraphe 1, pour certaines masses d'eau spécifiques, lorsque celles-ci sont tellement touchées par l'activité humaine, déterminée conformément à l'article 5, paragraphe 1, ou que leur condition naturelle est telle que la réalisation de ces objectifs serait impossible ou d'un coût disproportionné, et que toutes les conditions sont réunies : / a) les besoins environnementaux et sociaux auxquels répond cette activité humaine ne peuvent être assurés par d'autres moyens constituant une option environnementale meilleure et dont le coût n'est pas disproportionné ; / b) les Etats membres veillent à ce que : - les eaux de surface présentent un état écologique et chimique optimal compte tenu des incidences qui n'auraient raisonnablement pas pu être évitées à cause de la nature des activités humaines ou de la pollution, / - les eaux souterraines présentent des modifications minimales par rapport à un bon état de ces eaux compte tenu des incidences qui n'auraient raisonnablement pas pu être évitées à cause de la nature des activités humaines ou de la pollution ; / c ) aucune autre détérioration de l'état des masses d'eau concernées ne se produit ; / d) les objectifs environnementaux moins stricts sont explicitement indiqués et motivés dans le plan de gestion de district hydrographique requis aux termes de l'article 13 et ces objectifs sont revus tous les six ans. ".

29. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; () / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; / 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; () II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : / 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; / 3° De l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. () ". En application de l'article L. 212-1 du même code, chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux qui fixe les orientations permettant de satisfaire à ce principe ainsi que les objectifs de qualité et de quantité des eaux.

30. En premier lieu, il est constant que l'atteinte du bon état des eaux en Bretagne, conformément à l'objectif fixé par la directive cadre sur l'eau, suppose une réduction significative des flux d'azote dans l'environnement, et par conséquent une lutte efficace contre le phénomène des marées vertes. Dans ces conditions, et eu égard à ce qui a été développé précédemment sur l'insuffisance des actions mises en œuvre pour lutter effectivement contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole, l'association Eau et Rivières de Bretagne, qui rappelle l'échéance de l'année 2027 pour atteindre l'objectif de bon état des eaux, conformément au nombre maximum de reports de cette échéance fixé par le c) du point 4 de l'article 4 de la directive cadre sur l'eau, est fondée à soutenir qu'en refusant de prendre des mesures supplémentaires, d'application immédiate, le préfet de la région Bretagne méconnaît la trajectoire tendant à atteindre le bon état des eaux.

31. En second lieu, les orientations fondamentales du SDAGE Loire-Bretagne pour la période 2022-2027, adoptées par arrêté du 18 mars 2022 de la préfète coordonnatrice du bassin Loire-Bretagne et destinées à permettre le respect des objectifs figurant à l'article 4 de la directive cadre sur l'eau, sont déclinées dans 14 chapitres visant notamment à réduire la pollution par les nitrates, à réduire la pollution organique, phosphorée et microbiologique, à maîtriser et réduire la pollution par les pesticides, à maîtriser et réduire les pollutions dues aux micropolluants, à protéger la santé en protégeant la ressource en eau, à gérer les prélèvements d'eau de manière équilibrée et durable, à préserver et restaurer les zones humides, à préserver la biodiversité aquatique, à préserver le littoral, ou encore à mettre en place des outils réglementaires et financiers. L'article 10A-1, se rattachant à l'orientation visant à réduire significativement l'eutrophisation des eaux côtières et de transition, prévoit que : " En application des articles L. 212-5-1-II 2° et R. 212-46 3° du code de l'environnement, les Sage possédant une façade littorale sujette à des proliférations d'algues vertes sur plages figurant sur la carte des échouages n°15 établissent un programme de réduction des flux d'azote parvenant sur les sites concernés et les commissions locales de l'eau suivent leur mise en œuvre. Ce programme comporte des objectifs chiffrés et datés permettant aux masses d'eau situées sur le périmètre du Sage d'atteindre les objectifs environnementaux fixés par le Sdage. / Le programme comprend des actions préventives (par exemple diminution des rejets et des pressions nettes quelle qu'en soit l'origine, réduction des transferts, augmentations des surfaces de dilution) et peut comporter des actions complémentaires sur le stock d'algues vertes (ramassage hivernal ou printanier, en bas de plage ou au large) visant à réduire la reconduction interannuelle du phénomène. / En outre, pour les cours d'eau contribuant au déclassement des masses d'eau côtières au titre des marées vertes figurant sur la carte n°16 ci-après pour lesquels les estimations de l'objectif de réduction des flux d'azote nécessaire se situent à des valeurs d'au moins -30 % voire jusqu'à -60% selon les baies, l'objectif à fixer par le Sage tient compte de l'écart entre la situation actuelle et l'objectif de bon état. / Considérant l'expérience acquise par les premiers programmes d'action déjà mis en œuvre dans le cadre du plan gouvernemental algues vertes, et de la baisse effective des concentrations de nitrates depuis le début des années 2000 grâce aux efforts collectifs menés sur les bassins versants concernés et la nécessité de poursuivre ces efforts jusqu'à l'atteinte du bon état des masses côtières dégradées en aval, cet objectif est maintenu à au moins 30 % (en référence aux concentrations moyennes annuelles des années 2010 à 2012 et en tenant compte de l'hydrologie), voire jusqu'à 60 % selon les baies. / Pour ces cas, les programmes existants de réduction des flux d'azote sont à réviser à leur achèvement, sinon il revient au préfet de les arrêter. Dans l'attente de leurs révisions, les décisions des pouvoirs publics sont compatibles avec une efficacité globale de - 30 %. / Les modalités de sortie du programme d'action seront définies au regard des résultats obtenus, de l'avancée des connaissances de ces milieux et de l'atteinte du bon état écologique des masses d'eau. ".

32. En outre, la disposition 10A-5 du SDAGE, relevant de la même orientation, prévoit que : " L'eutrophisation et le risque d'eutrophisation des estuaires et de la mer sont généralisés sur notre littoral. L'ensemble du bassin Loire-Bretagne y contribue. En complément des objectifs fixés par les autres dispositions du Sdage, la baisse des teneurs en nitrates dans les cours d'eau du bassin Loire-Bretagne, contribuant significativement à l'eutrophisation marine, est recherchée. Afin de proportionner les efforts à réaliser sur chaque territoire, en termes d'intensité et d'échéance, en fonction de leur contribution à l'eutrophisation marine, il peut notamment être tenu compte des efforts déjà réalisés par les différents types d'usagers, des teneurs actuellement observées, de l'inertie des milieux aquatiques et de la faisabilité des mesures nécessaires. La progression vers la valeur guide de 18 mg/l de concentration en nitrates en percentile 90 dans les eaux douces superficielles peut s'étaler sur plusieurs cycles du Sdage. ".

33. L'association Eau et Rivières de Bretagne, qui produit des données sur l'évolution défavorable de la concentration en nitrates dans les cours d'eau bretons, expose que les mesures mises en œuvre au titre du 3e PLAV ne peuvent être regardées comme suffisantes pour un retour au bon état écologique des masses d'eaux, en ce que ce plan retient des objectifs différenciés de qualité des eaux à l'échelle de chaque baie, à horizon 2027, compatibles avec les objectifs du SDAGE Loire-Bretagne classant 25 masses d'eau littorales concernées par des échouages d'ulves en " objectifs moins stricts ", correspondant à un objectif d'atteinte d'un " état moyen " de la qualité des eaux en 2027 en lieu et place d'un " bon état ". Elle se prévaut notamment de l'analyse de la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2021 qui a relevé que dans quatre des huit baies connaissant des phénomènes de marées vertes, l'Etat s'était fixé des objectifs inférieurs à l'ambition initiale de réduire de moitié la biomasse algale d'ici 2027 et que les objectifs différenciés adoptés par baie dans le cadre du 2e PLAV ne permettraient pas une réduction significative de la prolifération d'algues, seule pourtant susceptible de permettre d'atteindre un bon état des masses d'eaux côtières en 2027. La Cour relève d'ailleurs que : " en raison de la prolifération des algues vertes, les masses d'eaux côtières des huit baies retenues par le PLAV de 2010 demeuraient classées en 2020 en état médiocre ou en état moyen. ".

34. Il résulte de l'instruction que le 3e PLAV se contente de confirmer les objectifs fixés au titre du précédent PLAV, en fixant des objectifs 2027, constituant " une étape vers une atteinte d'objectifs à plus long terme ", de 50 milligrammes par litre en 2024 pour la baie Horn Guillec, de 33 milligrammes par litre pour la baie de Quillimadec, de 32 milligrammes par litre pour la baie Fresnaye, de 20 milligrammes par litre pour la baie Douron, de 15 milligrammes par litre pour les baies de Lieue de grève et de Douarnenez et de 120 tonnes d'unités d'azote par an pour la baie de Saint-Brieuc (flux printemps été), aucun objectif n'étant fixé pour la baie de La Forêt. Le préfet de région admet, en tout état de cause, que l'objectif n'est pas d'atteindre des concentrations en nitrates conformes au seuil fixé par l'article 3 de l'arrêté du 5 mars 2015🏛, en ce qu'il soutient fonder son action sur la disposition précitée 10A-5 du SDAGE ne prévoyant pas d'atteindre la valeur guide de 18 milligrammes par litre de concentration en nitrates à l'échéance 2027 mais seulement après plusieurs cycles de SDAGE. De surcroît, sans justifier que les conditions fixées par le point 5 de l'article 4 de la directive cadre sur l'eau permettant aux Etats de réaliser des objectifs environnementaux moins stricts sont, en l'espèce réunies, le préfet de la région Bretagne fait valoir que le classement en " objectifs moins stricts " de 25 masses d'eaux littorales ne traduit pas une remise en cause définitive de l'objectif d'atteinte de bon état des eaux, mais seulement son rééchelonnement dans le temps. Pour autant, et compte tenu des temps des réactions des sols, il n'établit pas, par les arguments qu'il développe, que les mesures mises en œuvre dans le cadre de ce 3e PLAV seraient suffisantes pour permettre une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau bretonne, dans le respect des intérêts fixés par les articles L. 211-1 et suivants du code de l'environnement. Pour ce motif également, l'association requérante est fondée à soutenir que la décision implicite de refus en litige, en ce qu'elle se fonde sur la disposition précitée 10A-1 du SDAGE Loire Bretagne pour la période 2022-2027, méconnaît les exigences fixées par la directive cadre sur l'eau pour l'atteinte du bon état des eaux en 2027.

35. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, qu'en refusant, à la demande de l'association Eau et Rivières de Bretagne, de prendre des mesures de nature à lutter effectivement contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole sur le territoire breton, le préfet de la région Bretagne a méconnu ses obligations résultant tant de la directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau que de la directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre les nitrates de sources agricoles.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

36. Lorsque l'illégalité du refus de l'administration de prendre des mesures est établie, le juge, saisi de conclusions en ce sens, lui enjoint d'y mettre fin par toutes mesures utiles. Il appartient normalement aux autorités compétentes de déterminer celles des mesures qui sont les mieux à même d'assurer le respect des règles de droit qui leur sont applicables. Toutefois, le juge peut circonscrire le champ de son injonction aux domaines particuliers dans lesquels l'instruction a révélé l'existence de mesures qui seraient de nature à prévenir la survenance des illégalités constatées, le défendeur conservant la possibilité de justifier de l'intervention, dans le délai qui lui a été imparti, de mesures relevant d'un autre domaine mais ayant un effet au moins équivalent. Enfin, dans l'hypothèse où l'édiction d'une mesure déterminée se révèle, en tout état de cause, indispensable au respect de la règle de droit méconnue et où l'abstention de l'autorité compétente de prendre cette mesure exclurait, dès lors, qu'elle puisse être respectée, il appartient au juge d'ordonner à l'administration de prendre la mesure considérée.

37. Il résulte de l'instruction que l'illégalité constatée au point 35 implique nécessairement, eu égard à la portée des objectifs des directives communautaires invoquées, que le préfet de la région Bretagne prenne toutes les mesures nécessaires pour que l'action publique déployée sur le territoire breton permette effectivement de réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole. A cet égard, il lui appartient, dans les meilleurs délais, de compléter les plans et programmes adoptés par toute mesure de maîtrise de la fertilisation azotée visant à limiter effectivement la concentration en nitrates des eaux bretonnes, notamment en se dotant d'outils de contrôle permettant un pilotage effectif des actions menées. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la région Bretagne d'y procéder dans un délai de dix mois. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

38. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association Eau et Rivières de Bretagne et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision implicite du préfet de la région Bretagne refusant de prendre toutes mesures utiles pour lutter contre la pollution contre les nitrates d'origine agricole sur le territoire breton est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Bretagne de prendre dans un délai de dix mois toutes les mesures nécessaires pour permettre de réduire effectivement la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole sur le territoire breton, notamment en se dotant d'outils de contrôle permettant un pilotage effectif des actions menées.

Article 3 : L'Etat versera à l'association Eau et Rivières de Bretagne la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à l'association Eau et Rivières de Bretagne et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Une copie du présent jugement sera adressée au préfet de la région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Berthon, président,

Mme Thalabard, première conseillère,

Mme Pellerin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mars 2025.

La rapporteure,

signé

M. ThalabardLe président,

signé

E. BerthonLa greffière,

signé

I. Le Vaillant

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Article, L141-1, C. envir. Article, L911-1, CJA Article, L211-1, C. envir. Article, L212-1, C. envir. Article, R211-76, C. envir. Article, L512-7-2, C. envir. Décret, 2011-1257, 10-10-2011 Article, R211-81, C. envir. Article, R211-77, C. envir. Article, R211-75, C. envir. Article, R211-80, C. envir. Article, R211-81-1, C. envir. Arrêté, B Directive, 2011/92/UE, annexe III Article, L255-5, C. rur. Article, R122-2-1, C. envir. Arrêté, 30-01-2023 Article, L212-5-1-, II, 2°, C. envir. Schéma d'aménagement Programme d'action Délai à compter de la notification du jugement Atteinte des objectifs Carence de l'etat Domaine de l'eau Police administrative Mesure d'exécution Soldes de balances Élevage de volailles Modification du contenu Système d'information Indemnité compensatrice Schéma régional Exploitant agricole Plan d'eau Abrogation Zones humides Services chargés Contrôle d'accès Évaluation environnementale Enregistrement Dispositif de surveillance Moyennes départementales Seuil fixé Production agricole Nouveau dispositif Services de l'etat Enrichissement Modalités de désignation Bonne qualité Décision implicite de rejet Effet utile Soutien par l'association Santé humaine Terres agricoles Émission de gaz Données scientifiques Mesures préventives Situation locale Mesures nationales Établissement d'un plan Version en vigueur Personne physique Localisation Directeur Programmes nationaux Diminution Lutte contre la pollution Salubrité publiques Prescriptions complémentaires Mesures correctives Dépassement du seuil Contrôle technique Prescriptions du plan Suppression Sécurité civile Cultures marines Pêche en eau douce Protection de la santé Commission locale Déclassement Pouvoirs publics Évolution défavorable Décision de refus implicite Illégalité du refus Meilleurs délais

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