Jurisprudence : CAA Toulouse, 3e, 03-12-2024, n° 23TL01067

CAA Toulouse, 3e, 03-12-2024, n° 23TL01067

A16406LC

Référence

CAA Toulouse, 3e, 03-12-2024, n° 23TL01067. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/113638023-caa-toulouse-3e-03122024-n-23tl01067
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Abstract

► Les nuisances sonores et visuelles subies par les propriétaires d'un ensemble immobilier, ainsi que la dépréciation de celui-ci à la suite de l'installation à proximité d'une ligne à grande vitesse justifient leur indemnisation financière.


Références

Cour administrative d'appel de Toulouse

N° 23TL01067

3ème chambre
lecture du 03 décembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D C, Mme F H épouse C, Mme G C et M. B C ont demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation in solidum des sociétés Oc'Via et SNCF Réseau à leur verser la somme de 470 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la construction et de la mise en service de la ligne à grande vitesse du contournement de Nîmes à Montpellier à proximité immédiate de leur propriété, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 2102192 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier⚖️ a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2023, M. D C, Mme F H épouse C, Mme G C et M. B C, représentés par Me Maillot, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner la Société Oc'Via à leur verser la somme de 20 000 euros au titre de la perte de jouissance et celle de 450 000 euros au titre de la perte de valeur vénale, soit la somme totale 470 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la construction et de la mise en service de la ligne à grande vitesse du contournement de Nîmes à Montpellier à proximité immédiate de leur propriété, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation préalable du 28 janvier 2021, et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la Société Oc'Via les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 7 748,31 euros toutes taxes comprises ;

4°) de mettre à la charge de la Société Oc'Via la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Les consorts C soutiennent que :

- ils disposent de deux expertises privées qui confirment la dépréciation de la valeur vénale de leur propriété ainsi que d'une expertise établie par l'expert désigné par le tribunal administratif qui montre la réalité des nuisances visuelles et sonores qu'ils ont subies dans leur propriété depuis la mise en service, en 2017, de la nouvelle voie ferrée reliant Nîmes à Montpellier ; c'est donc à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à la réparation des préjudices subis du fait des nuisances sonores et visuelles et au titre de la perte de valeur vénale de leur propriété ;

- en ce qui concerne en premier lieu, les nuisances sonores, elles sont tellement importantes qu'ils ne peuvent laisser les fenêtres de leur maison, ouvertes notamment pendant l'été ; c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'arrêté du 8 novembre 1999 relatif au bruit des infrastructures ferroviaires pour retenir l'absence de nuisances sonores, alors que cet arrêté est seulement destiné à fixer les moyens mis en œuvre pour limiter la gêne due au bruit des structures ferroviaires, par l'installation de barrières anti-bruit ou l'installation d'un isolement acoustique, mais n'a pas vocation à caractériser l'existence ou non d'un préjudice de jouissance du fait de nuisances sonores ;

- l'impact sonore de l'ouvrage public et les préjudices qu'il crée, sont mis en évidence par le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, en particulier par les mesures acoustiques qu'il a réalisées le 13 février 2019 et 11 mars 2020 ; l'importance des nuisances sonores constatées a amené l'expert à estimer que la réalisation de travaux, en vue de remédier aux nuisances sonores constatées, serait en l'espèce inutile ;

- l'expert a admis la réalité des nuisances sonores et du préjudice subi ; en effet, la voie ferrée est en surplomb d'une douzaine de mètres au-dessus du sol naturel, amplifiant les nuisances sonores, les arbres ne pouvant être considérés comme créant un écran acoustique ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont refusé de reconnaître l'existence d'un préjudice de jouissance inhérent aux nuisances visuelles subies ; en effet, l'expert a reconnu l'existence d'un préjudice visuel du fait de la covisibilité de la ligne à grande vitesse, située à 12 mètres environ en surplomb du terrain naturel, de sorte qu'elle est nettement visible depuis l'intégralité du jardin d'agrément et depuis la piscine de la propriété, lesquels sont tournés vers les voies ;

- les préjudices sonores et visuels qu'ils subissent s'établissent pour chacun de ces chefs de préjudice à la somme de 10 000 euros ;

- il subissent par ailleurs une perte de la valeur vénale de leur propriété, très supérieure à celle de 38 000 euros estimée par les premiers juges qui ont ainsi estimé qu'ils ne subissaient pas de préjudice anormal ; l'expertise immobilière remise par M. A, qui doit constituer la référence dès lors que le tribunal administratif a refusé de donner une mission d'estimation de la perte de valeur vénale à l'expert judiciaire au motif de l'existence de cette expertise a été établie en 2013, soit avant la réalisation de la ligne à grande vitesse, puis en décembre 2020, soit après la réalisation de cette ligne, et cet expert a rédigé une note technique complémentaire en mai 2022 ; la ligne ferroviaire est située en hauteur à environ 12 mètres du sol, créant une barrière visuelle ; l'expert a, avant travaux, estimé dans son rapport de 2013, la perte de valeur vénale à la somme de 390 000 euros, soit 23 % de la valeur vénale de la propriété estimée à 1 700 000 euros, cette perte de valeur vénale étant établie, sous réserve que la voie ferrée ne soit pas surélevée par rapport au sol, ce qui n'a pas été le cas lors des travaux ; l'expert A a finalement estimé, après travaux, la perte de valeur vénale à la somme de 525 000 euros ; la société Oc'Via n'apporte pas d'éléments sérieux à l'appui de sa contestation de la perte de valeur vénale ; l'expert, dans sa note complémentaire de mai 2022, indique que les arbres plantés sur la propriété des appelants ne peuvent être regardés comme constituant un écran acoustique ni visuel, que les nuisances induites par la présence de la route départementale 106 et de la route nationale 113 ne peuvent être comparées à celles provoquées par la ligne ferroviaire, compte tenu de ce que ces ouvrages sont bien plus éloignés de leur propriété que la ligne ferroviaire ; lorsqu'ils ont vendu leur propriété, en 2020 et 2021 pour un prix total de 1,3 million d'euros, il était mentionné dans l'acte notarié que ce prix de vente tenait compte de la présence de la ligne à grande vitesse ; la perte de valeur vénale subie peut donc être évaluée à la somme de 450 000 euros ; cette perte de valeur vénale qui s'établit en pourcentage à 25, 7 % de la valeur de la propriété ouvre droit à indemnisation, selon l'application faite par la jurisprudence pour des pertes de valeur vénale comparables ; en ce qui concerne les éléments qui seraient de nature à réduire la perte de valeur vénale, la ligne existante du TGV et la route nationale 113 sont bien plus éloignées de la propriété qui n'a aucune vue sur elles, alors que la route départementale 106, située à 200 mètres, est peu empruntée ; par ailleurs, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, aucun plan de prévention des risques d'inondation couvrant le terrain d'assiette de leur propriété n'existait, que ce soit à la date de la réclamation préalable, à celle de l'expertise judiciaire, ou à celle de la mise en service de la ligne TGV ou de la vente du bien ; les éléments de comparaison qui sont présentés par la société Oc'Via ne sont pas pertinents, dès lors qu'ils portent sur des ventes anciennes qui ne reflètent plus l'état du marché ; pour ce qui concerne les ventes plus récentes, le prix moyen est de 4 800 euros du m2, pour des biens bien moins prestigieux que leur propriété.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2024, la société Oc'via, représentée par Me Charbonnel, conclut au rejet de la requête des consorts C et à ce qu'il soit mis solidairement à leur charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Oc'Via soutient que la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas la qualité de maître d'ouvrage, laquelle appartient à la société SNCF Réseau, dont la responsabilité peut être engagée sur le terrain de la rupture du principe d'égalité devant les charges publiques ; subsidiairement, elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire du 26 avril 2024, la société SNCF Réseau, représentée par Me Latournerie, conclut à sa mise hors de cause, au rejet de la requête des consorts C et de l'ensemble des conclusions présentées à son encontre par la société Oc'Via, et enfin à ce qu'il soit mis à la charge de la partie perdante la somme de 2 500 euros à son profit au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle doit être mise hors de cause compte tenu de ce qu'elle n'a jamais eu la charge de la construction ou de l'entretien des ouvrages ferroviaires et plus particulièrement de la construction et de l'entretien de la ligne ferroviaire de contournement Nîmes - Montpellier, et subsidiairement qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004🏛 ;

- le décret n° 2012-887 du 18 juillet 2012🏛 ;

- le décret du 16 mai 2005🏛 ;

- l'arrêté du 8 novembre 1999 relatif au bruit des infrastructures ferroviaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

- et les observations de Me Montenisos-Brisset pour les consorts C et de Me Barata pour la société Oc'Via.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du projet de contournement ferroviaire pour la création de la ligne à grande vitesse entre Nîmes et Montpellier, Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau, a conclu avec la société Oc'Via, le 28 juin 2012, un contrat de partenariat pour la conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance, le renouvellement et le financement de cet ouvrage ferroviaire.

2. Les consorts C sont propriétaires d'un ensemble immobilier, d'une superficie totale de 28 496 m2, composé d'un mas datant de 1713, de plusieurs dépendances d'une surface habitable de 335 m2, d'une piscine et d'une serre situés sur le territoire de la commune de Saint-Brès (Hérault). Ils ont estimé avoir subi différents préjudices du fait de la présence, à proximité de leur propriété, des ouvrages de contournement ferroviaire de la voie reliant Nîmes à Montpellier mise en service en 2017. Par une ordonnance du 6 novembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a désigné un expert chargé de décrire les dommages subis par les consorts C sur leur propriété depuis la mise en service de la nouvelle voie ferrée. Sur la base des conclusions du rapport d'expertise, déposé le 26 août 2020, les consorts C ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner in solidum les sociétés Oc'Via et SNCF Réseau à réparer leurs dommages entraînés par la présence et le fonctionnement de la ligne ferroviaire de contournement de Nîmes et Montpellier.

3. Les consorts C relèvent appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande et demandent la condamnation de la société Oc'Via à les indemniser de leurs préjudices.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Il appartient à une personne qui s'estime victime d'un dommage trouvant son origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre ces travaux ou ouvrages et le dommage dont elle se plaint ainsi que la réalité de celui-ci. Même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage est responsable à l'égard des tiers des dommages qui présentent un caractère grave et spécial. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

En ce qui concerne la personne responsable :

5. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, alors en vigueur : " I. - Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'État ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital. / Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée. / II. - Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser. Après décision de l'État, il peut être chargé d'acquérir les biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par voie d'expropriation. () ". Aux termes de l'article 11 de cette ordonnance, alors en vigueur : " Un contrat de partenariat comporte nécessairement des clauses relatives : / a) À sa durée ; / b) Aux conditions dans lesquelles est établi le partage des risques entre la personne publique et son cocontractant ; / c) Aux objectifs de performance assignés au cocontractant, () / d) À la rémunération du cocontractant, () l) Aux modalités de prévention et de règlement des litiges () ".

6. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le contrat de partenariat, conclu le 28 juin 2012 par Réseau Ferré de France devenu SNCF Réseau avec la société Oc'Via, pour la conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance, le renouvellement et le financement de l'ouvrage de contournement ferroviaire, sur le fondement de l'ordonnance du 17 juin 2004, a confié la maîtrise d'ouvrage des travaux à la société Oc'Via et a déterminé le partage des risques liés à cette opération entre les contractants. A cet égard, l'article 36 du contrat de partenariat, portant sur les " responsabilités ", prévoit que le titulaire du contrat est responsable des dommages causés aux tiers, ainsi que des frais et indemnités qui en résultent, du fait de la construction et de l'existence de la ligne survenus à l'occasion de l'exécution, par le titulaire ou sous sa responsabilité, des obligations mises à sa charge au titre du contrat. Ce même article précise que le titulaire du contrat supporte seul les conséquences pécuniaires des dommages.

7. Dès lors, les dommages permanents inhérents à la présence de l'ouvrage de contournement ferroviaire engagent la responsabilité de la société Oc'Via, maître de l'ouvrage, y compris après l'achèvement des travaux. Par suite, la société Oc'Via n'est pas fondée à soutenir que les consorts C auraient mal dirigé leur demande en sollicitant sa condamnation au lieu de celle de la société SNCF Réseau.

En ce qui concerne le dommage lié à la présence et au fonctionnement de l'ouvrage public :

S'agissant des nuisances sonores :

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport rendu par l'expert désigné en référé par la présidente du tribunal administratif de Montpellier, que le mas des appelants se situe à 220 mètres seulement de la ligne ferroviaire, alors que le jardin d'agrément en est éloigné de 117 mètres seulement. L'expert a certes relevé que les niveaux sonores moyens résultant du passage des trains s'élèvent à 50 dBA en période de jour et à 48 dBA en période de nuit, soit à des niveaux inférieurs aux seuils réglementaires de 60 dBA et 55 dBA définis par l'arrêté du 8 novembre 1999 relatif au bruit des infrastructures ferroviaires. Toutefois, l'expert relève que l'émergence sonore, calculée par différence entre le bruit particulier produit par le passage des trains sur la ligne à grande vitesse et le bruit résiduel résultant de l'ensemble des bruits existants sur le site, est " très importante " pour les espaces extérieurs constitués par la piscine et le jardin, où les niveaux d'émergences ont été mesurés, respectivement, à 16 et 17 dBA en période diurne et à 23 dBA et 24 dBA en période nocturne, soit à des niveaux très supérieurs à ceux admissibles pour des bruits normaux de voisinage. L'expert, en conclusion, estime que la nouvelle ligne ferroviaire " est une source de bruit remarquable dans l'habitation fenêtres ouvertes et sur la propriété de M. et Mme C ". De plus, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les consorts C vivaient auparavant dans un environnement calme dès lors, en particulier, qu'ils ne subissaient pas de nuisances résultant de la présence plus lointaine d'une voie ferrée et de la route nationale à propos de laquelle l'expert a expressément indiqué qu'elle n'était pas source de gênes sonores particulières. Dans ces conditions, le bruit subi par les consorts C en raison du passage des trains, dont le nombre prévisionnel a été fixé à 160 par jour à l'horizon 2020, excède les inconvénients normaux du voisinage entraînés par la présence d'un ouvrage public. Dès lors, ils sont fondés à soutenir qu'ils ont subi un préjudice grave et spécial ouvrant droit à réparation.

S'agissant des nuisances visuelles :

9. Il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites en annexe du rapport rendu par l'expert immobilier à la demande des consorts C, et du rapport remis suite à l'expertise ordonnée par le tribunal, que la nouvelle ligne ferroviaire est nettement visible depuis le mas des époux C, et plus particulièrement depuis le jardin et la piscine en dépit des plantations se trouvant sur cette propriété. De surcroît, la ligne est implantée à une hauteur de douze mètres par rapport à la surface du sol naturel, si bien que cette position en surplomb accroît sa visibilité depuis la propriété. Dans ces conditions, les consorts C ont subi également des nuisances visuelles qui excèdent les inconvénients normaux que les riverains peuvent attendre du voisinage d'un ouvrage public.

10. Il résulte de ce qui précède que les consorts C sont fondés à soutenir c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande tendant à l'engagement de la responsabilité de la société Oc'Via à les indemniser de leurs préjudices sonores et visuels. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évaluer à 20 000 euros le montant de ces préjudices subis entre 2017, date de mise en fonctionnement de la ligne, et 2020, date à laquelle les consorts C ont vendu leur propriété. Dès lors, la société Oc'Via doit être condamnée à verser aux consorts C la somme de 20 000 euros en réparation de ces chefs de préjudice.

S'agissant de la perte de valeur vénale de la propriété :

11. Ainsi qu'il a été dit, les consorts C étaient propriétaires d'un ensemble immobilier, d'une superficie totale de 28 496 m2, composé d'un mas datant de 1713, de plusieurs dépendances d'une surface habitable de 335 m2 avec une piscine et une serre. Selon le rapport d'expertise immobilière établi le 1er décembre 2020 à la demande des consorts C, alors que l'estimation de la perte de valeur vénale n'entrait pas dans la mission de l'expert désigné par le tribunal, cette propriété, estimée à 1,75 million d'euros, a subi une dépréciation de 525 000 euros consécutive aux nuisances sonores et visuelles entraînées par la présence proche et le fonctionnement de la ligne ferroviaire.

12. Si la société Oc'Via fait valoir que la valeur de la propriété doit être appréciée à la date de la mise en service de la ligne ferroviaire, soit en 2017, et que l'expert immobilier a fondé ses conclusions sur des transactions anciennes, non référencées, et ayant porté sur des biens non comparables, elle ne conteste cependant pas les termes de comparaison retenus par cet expert dans sa note complémentaire du 25 mai 2022, laquelle analyse des transactions réalisées en 2016 et 2017, et conclut à une valeur vénale de plus de 1 832 000 euros en 2017. Il ne résulte pas de l'instruction que cette estimation serait erronée compte tenu en particulier de la spécificité du bien immobilier appartenant aux consorts C. Dans ces conditions, compte tenu de ce que la propriété a été vendue, à la suite d'une division foncière, par deux actes successifs des 7 février 2020 et 26 mai 2021 portant sur des constructions distinctes, à la somme totale de 1 350 000 euros, il sera fait une juste appréciation du préjudice tiré de la perte de la valeur vénale à l'évaluant à la somme de 400 000 euros. Il y a lieu, dès lors, de condamner la société Oc'Via à verser aux consorts C la somme de 400 000 euros en réparation de ce chef de préjudice.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C sont fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Ce jugement doit être annulé et la société Oc' Via doit être condamnée à verser aux consorts C la somme totale de 420 000 euros à titre de dommages et intérêts. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2021, date de la saisine du tribunal administratif, et de la capitalisation des intérêts à compter du 29 avril 2022.

Sur les frais d'expertise :

14. En application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative🏛, les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 7 748, 31 euros toutes taxes comprises par l'ordonnance du 9 septembre 2020 du président du tribunal administratif de Montpellier, sont mis à la charge définitive de la société Oc'Via.

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts C, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société Oc'Via et la société SNCF Réseaux. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Oc'via la somme totale de 1 500 euros au profit des consorts C et de rejeter les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la société SNCF Réseaux à l'encontre de la société Oc'Via.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2102192 du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La société Oc'Via est condamnée à verser aux consorts C la somme totale de 420 000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2021, et de la capitalisation des intérêts à compter du 29 avril 2022.

Article 3 : La société Oc'Via versera la somme de 1 500 euros aux consorts C sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 7 748, 31 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge définitive de la société Oc'via.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D C, à Mme F H épouse C, à Mme G C, à M. B C, à la société Oc'via et à la société SNCF réseau.

Copie pour information en sera transmise à M. E, expert.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El-Gani Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23TL01067

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