TA Amiens, du 31-10-2024, n° 2404265
A34516EK
Référence
► La décision d'un établissement public de ne pas autoriser un avocat à assister à l'entretien de rupture conventionnelle de sa cliente ne met pas en cause le droit pour celui-ci d'exercer ses fonctions d'avocat.
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2024, Mme A B, représentée par Me Grenier, demande au juge des référés, statuant par application des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 :
1°) d'annuler la décision du 25 octobre 2024 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé mentale du département de l'Aisne a refusé d'autoriser la présence de son avocat lors d'un entretien prévu le 31 octobre 2024 relatif à sa demande de rupture conventionnelle, ainsi que la décision du 28 octobre 2024 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à l'établissement public de santé mentale du département de l'Aisne d'autoriser la présence de son avocat aux entretiens de rupture conventionnelle qui seront organisés, le cas échéant en visio-conférence ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale du département de l'Aisne la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'entretien doit se dérouler le 31 octobre 2024, soit le lendemain de l'introduction de la requête et que le refus litigieux ne lui a été notifié que le 25 octobre 2024 ;
- la décision attaquée porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'être assisté par un avocat devant les administrations ainsi qu'au libre exercice de la profession d'avocat, dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'écarte expressément le droit d'être représenté par un avocat lors d'un entretien de rupture conventionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019🏛 ;
- le décret n° 2019-1953 du 31 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Liénard, premier conseiller, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative🏛.
1. Par courrier du 27 septembre 2024, Mme B, cadre socio-éducative affectée au pôle management et services support de l'établissement public de santé mentale départementale de l'Aisne, a sollicité de son employeur une rupture conventionnelle prévue par l'article 72 de la loi du 6 août 2019🏛 de transformation de la fonction publique. Le 20 octobre 2024, son avocat a demandé à pouvoir assister à cet entretien, prévu le 31 octobre 2024, si besoin par visio-conférence. Par deux courriers électroniques en date des 25 et 28 octobre 2024, l'établissement public de santé mentale départementale de l'Aisne a refusé de faire droit à sa demande. Mme B sollicite l'annulation de ces décisions et à ce qu'il soit enjoint à son employeur d'autoriser la présence de son avocat lors des entretiens de rupture conventionnelle.
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article L. 522-3 du code
précité : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article
L. 522-1. ".
3. Le juge administratif des référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par une urgence particulière, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui statue, en vertu de l'article L. 511-1 du code de justice administrative🏛, par des mesures qui présentent un caractère provisoire, le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d'évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales.
4. Aux termes de l'article 3 bis de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " L'avocat peut librement se déplacer pour exercer ses fonctions. () ". Aux termes de l'article 6 de cette loi : " Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires. () ".
5. D'une part, la possibilité d'être assisté par un avocat devant les administrations publiques, prévue par les dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1971🏛 citées au point 4, ne constitue pas par elle-même l'une des libertés fondamentales dont la méconnaissance peut être invoquée au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par ailleurs, en application de l'article 3 du décret du 31 décembre 2019🏛 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique, Mme B conserve la possibilité de solliciter des organisations syndicales, représentatives ou non, la désignation d'un conseiller aux fins de l'assister durant la procédure de rupture conventionnelle. En outre, il n'est pas fait obstacle à ce que la requérante informe son avocat de la teneur de l'entretien et de lui demander conseil.
6. D'autre part, la décision ne l'autorisant pas à assister à l'entretien de rupture conventionnelle de Mme B ne met pas en cause le droit de Me Grenier d'exercer ses fonctions d'avocat.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme B doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative🏛.
O R D O N N E:
Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A B.
Fait à Amiens, le 31 octobre 2024.
Le juge des référés,
signé
Q. Liénard
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Loi, 71-1130, 31-12-1971 Article, L521-2, CJA Article, L522-3, CJA Article, L511-1, CJA Article, L511-2, CJA Loi, 2019-828, 06-08-2019 Article, 3, décret, 31-12-2019 Directeur Entretien Courrier électronique Mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale Personne morale de droit public Service public Professions judiciaires et juridiques Désignation d'un conseiller