COUR D'APPEL DE PARIS
16ème chambre, section B
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2001
(N° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 2000/02273
Pas de jonction
Décision dont appel Jugement rendu le 26/10/1999 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de BOBIGNY 5ème Chambre Section 2
RG n° 1999/09689 Date ordonnance de clôture 31 Mai 2001
Nature de la décision CONTRADICTOIRE
Décision CONFIRMATION
APPELANTE
S.A.R.L. ÉTABLISSEMENTS BRAUD
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège LA PLAINE SAINT DENIS
représentée par Maître BAUFUME, avoué
assistée de Maître ... ..., Toque K12, Avocat au Barreau
de PARIS
APPELANTE
S.A.R.L. GARAGE BRAUD
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège LA PLAINE SAINT DENIS
représentée par Maître BAUFUME, avoué
assistée de Maître ... ..., Toque K12, Avocat au Barreau
IcE
de PARIS
INTIMÉE
S.A. SEM PLAINE DÉVELOPPEMENT
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège LA PLAINE SAINT DENIS
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER, avoué
assistée de Maître ... ..., Toque P347, Avocat au Barreau de PARIS, de la SCP COHEN SEAT TAIEB WINZENBERG et PICHAVENT PERU CHETRIT
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré
PRÉSIDENT S. GARBAN
CONSEILLER C. LE BAIL
CONSEILLER M. PROVOST-LOPIN
DÉBATS
A l'audience publique du 14 juin 2001
GREFFIER
Lors des débats et du prononcé de l'arrêt
M.F. MEGNIEN
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé publiquement, par S. GARBAN, Président, laquelle a signé la minute avec M.F. MEGNIEN, Greffier.
*****************
Par acte sous seing privé du 30 septembre 1997, la SARL Établissements Braud, locataire de locaux à usage commercial situés 118 avenue
4).1
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du Président W. à La Plaine Saint Denis (93) appartenant à la société SEM Plaine Développement (ci-après société SPD), a fait apport à titre d'apport partiel d'actif à la SARL Garage Braud des éléments corporels et incorporels de son fonds de commerce de garage, en ce compris le droit au bail.
Le bail comporte une clause 9 aux termes de laquelle il est fait obligation au preneur
"de ne (pouvoir) céder leurs droits à la présente location sans le consentement exprès et par écrit des bailleurs, si ce n'est à leur successeur dans leur commerce et à la charge de rester garants et répondants solidaires de leurs cessionnaires pour le paiement des loyers et l'exécution de toutes les charges et conditions de la location.
Ces cessions devront avoir lieu par acte authentique devant un notaire du département de la Seine, auquel devront être dûment appelés les bailleurs, envers lesquels les sous locataires devront s'obliger directement pour le paiement des loyers et l'exécution de toutes les conditions de la sous location".
Par acte extrajudiciaire du 29 septembre 1998, la société SEM Plaine Développement a fait délivrer à la SARL Établissements Braud, et à toutes fins utiles à la SARL Garage Braud, un congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction d'un montant de 800.000 F, avec prise d'effet au 1er avril 1999.
Par acte extrajudiciaire du 24 juin 1999, la SPD a rétracté son offre d'indemnité d'éviction.
Par acte du 10 août 1999, la SPD a assigné à jour fixe la SARL Établissements Braud et la SARL Garage Braud devant le Tribunal de Grande Instance de Bobigny, aux fins de principalement
- de voir constater que l'apport partiel d'actifs consenti le 30 septembre 1997 constitue une cession de fonds de commerce et de droit au bail, que la SARL Établissements Braud a contrevenu à la clause n° 9 du bail, que la cession du droit au bail lui est inopposable,
- de prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SARL Établissements Braud et ordonner son expulsion.
Les sociétés Établissements Braud et Garage Braud se sont opposées à ces demandes et ont sollicité que soit consacré leur droit au maintien dans les lieux jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction.
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Par jugement du 26 octobre 1999, le Tribunal a
- déclaré sans objet la demande de résiliation du bail,
- retenant que l'acte intitulé apport partiel d'actif a consisté en fait en une cession complète d'activité et qu'il ne s'agit pas d'une simple substitution au sens de l'article 35-1 alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953, débouté les sociétés défenderesses de leur demande d'indemnité d'éviction.
LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement interjeté par les sociétés Établissements Braud et Garage Braud ;
Vu les conclusions en date du 28 mars 2001 de ces sociétés par lesquelles elles demandent à la Cour
- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré sans objet la demande de résiliation du bail formé par la société SPD ;
- de l'infirmer pour le surplus ;
- de consacrer le droit au bail de la société Garage Braud et corrélativement son droit à indemnité d'éviction ;
- de dire que le paiement de cette indemnité incombera sous forme d'indemnité d'expropriation à la SPD selon les termes de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 8 février 2001 ;
- de condamner la SPD à leur payer la somme de 30.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 17 mai 2001 de la société SEM Plaine Développement par lesquelles elle demande à la Cour
- de constater que la société Garage Braud étant une société nouvelle, l'apport partiel d'actif ne pouvait être placé sous le régime des scissions et que
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l'article 388-1 de la loi du 24 juillet 1966 est inapplicable ;
- de constater que les dispositions de l'article 35-1 du décret du 30 septembre 1953 sont également inapplicables ;
- subsidiairement, de constater que la notification de l'article 1690 du code civil prévue dans la convention d'apport partiel d'actif n'a pas été faite au bailleur ;
- de condamner solidairement les sociétés Établissements Braud et Garage Braud à lui payer une somme de 30.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE,
Considérant qu'à l'appui de leur appel les sociétés Établissements Braud et Garage Braud font valoir
- que l'apport partiel d'actif, à laquelle il a été procédé en l'espèce, ne peut être assimilé à une cession, puisque la rémunération consiste pour la société apporteuse en droits sociaux ; qu'en dépit de l'expression "apport partiel d'actif", rien ne s'oppose à ce qu'il soit fait apport de la totalité des actifs à charge de la totalité du passif, qu'il ne doit donc pas être tiré de la circonstance que l'apport a porté sur tous les actifs, la conclusion qu'il serait assimilable à une cession ; que l'argument de la bailleresse reposant sur une exégèse grammaticale est spécieux;
- que l'article 388-1 de la loi du 24 juillet 1966 a pour objet d'étendre aux apports partiels d'actifs intervenant entre sociétés à responsabilité limitée la faculté de soumettre l'opération au régime des scissions ; qu'en conséquence, elles n'étaient pas tenues de se soumettre aux clauses particulières de l'article 9 du bail ;
- que la bailleresse tentant de contester l'application de ce texte au motif qu'il ne vise que les "sociétés existantes" alors que la société Garage Braud serait une société nouvellement créée pour les besoins de la cause, elles rétorquent que la société Garage Braud a été constituée avant la réalisation de l'apport partiel d'actif, puisqu'elle a été immatriculée au registre du commerce le 6 décembre 1996, soit avant la réalisation de l'apport partiel d'actif, et que la réalisation est intervenue au moyen d'une augmentation de capital, ce qui démontre que l'opération ne pouvait que concerner une société préexistante ;
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e__
- que l'article 35-1 du décret du 30 septembre 1953 s'applique, comme en l'espèce, aux apports partiels d'actif réalisés entre deux sociétés anonymes ou entre deux sociétés à responsabilité limitée et aux opérations placées sous le régime des scissions ;
Mais considérant que l'article 35-1 alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953, devenu l'article L 145-16 alinéa 2 du code de commerce, qui dispose "en cas de fusion de sociétés ou d'apport d'une partie de l'actif d'une société réalisé dans les conditions prévues à l'article L 236-22, la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l'apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail", et qui permet donc la substitution de plein droit de locataires sans que les clauses restrictives de la cession puissent être invoquées, n'est pas applicable à la situation, l'apport partiel qu'il vise étant celui qui intervient entre deux sociétés anonymes ;
Considérant, ainsi, que le statut des baux commerciaux n'autorise la substitution légale de locataires qu'en présence de sociétés anonymes ;
Considérant, à titre superfétatoire, qu'il résulte de la convention du 30 septembre 1997 qui prévoit que "le présent apport partiel d'actif est placé d'un commun accord sous le régime juridique prévu par les articles 382 à 386 de la loi sur les sociétés commerciales", que les sociétés Établissements Braud et Garage Braud avaient convenu de soumettre l'opération au droit commun des scissions, même si les articles 382 à 386 de la loi du 24 juillet 1966 concernent en fait les sociétés anonymes ;
Considérant que l'article L 236 - 24 du code de commerce, ancien article 388-1 de la loi du 24 juillet 1966, dont les appelantes sollicitent l'application prévoit que "la société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d'un commun accord de soumettre l'opération aux dispositions applicables en cas de scission par apports à des sociétés à responsabilités existantes", qu'il s'ensuit que dans cette hypothèse, la 'publicité de l'opération est assurée par le régime propre à l'opération d'apport partiel d'actif, aucune des clauses restrictives de fond ou de forme prévues par le bail n'étant applicables ;
Considérant que n'est pas remplie en l'espèce la condition posée par l'article L 236-24 précité de la préexistence de la société bénéficiaire de l'apport, condition spécifique aux sociétés à responsabilité limitée et ne concernant pas les sociétés anonymes ; qu'en effet, il résulte de l'extrait K bis que la société Garage Braud a été créée spécialement en vue de l'apport partiel
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d'actif, que si elle a été immatriculée au registre du commerce le 6 décembre 1996, elle n'a débuté son activité que le 30 septembre 1997, date de la convention d'apport partiel en cause; que dès lors les dispositions de l'article L 236-24 ne sont pas applicables ;
Considérant ainsi que le jugement déféré doit être confirmé ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du 26 octobre 1999 ;
Condamne les sociétés Établissements Braud et Garage Braud à payer à la société SEM Plaine Développement la somme de 10.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Les condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE
LE PRÉSIDENT,
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