Jurisprudence : TA Guyane, du 10-10-2024, n° 2201524


Références

Tribunal Administratif de la Guyane

N° 2201524


lecture du 10 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 2201524, le 25 octobre 2022,

Mme C E, doit être regardée comme demandant au tribunal :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur régional des finances publiques a rejeté sa demande de protection fonctionnelle du 22 avril 2022, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ;

2°) d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) de condamner l'Etat à réparer le préjudice subi sur sa santé mentale et physique ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;

- la décision est entachée d'un vice de forme ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est victime de harcèlement moral de sa cheffe de service ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2024, le ministre de de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable et, à défaut de conclusions chiffrées ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 2201737, le 2 décembre 2022, Mme C E, doit être regardée comme demandant au tribunal :

1°) d'annuler son compte rendu d'entretien professionnel 2022 au titre de l'année 2021 tel que modifié par la commission administrative paritaire locale, le 16 septembre 2022 ;

2°) d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de réaliser un nouvel entretien professionnel avec un autre évaluateur ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le délai minimum de huit jours avant la date de l'entretien, prévu l'article 2 du décret n°2010-888 du 28 juillet 2010🏛, a été méconnu ;

- l'appréciation de sa " capacité à organiser et animer une équipe " n'est pas justifiée par des faits produits sur l'année 2021 ;

- le compte rendu d'entretien professionnel est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La procédure a été régulièrement communiquée au directeur régional des finances publiques de la Guyane qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Le jugement de l'affaire a été renvoyé en formation collégiale en application de l'article R. 222-19 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Topsi, conseillère ;

- les conclusions de M. Gillmann, rapporteur public ;

- les observations de M. D, représentant le directeur régional des finances publiques de la Guyane.

Mme E n'était ni présente ni représentée.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C E, inspectrice des finances publiques, a été affectée en tant qu'adjointe à la cheffe de poste de la trésorerie hospitalière de Cayenne, à compter du 1er septembre 2020. D'une part, par un courriel du 22 avril 2022, elle a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison d'un harcèlement moral de sa supérieure hiérarchique dont elle estime être victime. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration à l'expiration d'un délai de deux mois. Mme E a, par un courrier daté du 27 juin 2022, exercé un recours hiérarchique qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. D'autre part, Mme E a effectué une demande de révision de son compte-rendu d'entretien professionnel au titre de la gestion de l'année 2021, auprès de l'autorité hiérarchique, le 15 avril 2022 et le 20 avril 2022. Cette dernière a fait droit à certaines modifications sollicitées de son compte-rendu d'entretien professionnel, lequel lui a été notifié le 10 juillet 2022. Après la saisine de la commission administrative paritaire locale, une décision du 30 septembre 2022, notifiée le 7 octobre 2022, a partiellement modifié son compte-rendu d'entretien professionnel. Par la requête n° 2201524, Mme E demande l'annulation la décision implicite par laquelle le directeur régional des finances publiques a rejeté sa demande de protection fonctionnelle du 22 avril 2022, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ainsi que de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi sur sa santé mentale et physique. Par la requête n° 2201737, Mme E demande l'annulation de son compte rendu d'entretien professionnel 2022 au titre de l'année 2021 tel que modifié par la commission administrative paritaire locale, le 16 septembre 2022.

2. Les requêtes n° 2201524 et n° 2201737, présentées par Mme C E, concernent la situation d'un même fonctionnaire et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur la requête n° 2201524

En ce qui concerne les fins de non-recevoir soulevées en défense

3. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative🏛 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision () / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". La condition tenant à l'existence d'une décision de l'administration doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle, régularisant ce faisant la requête.

4. En l'absence, au jour du présent jugement, de toute décision du directeur régional des finances publiques de la Guyane rejetant la demande indemnitaire de Mme E, les conclusions indemnitaires de la requérante, au demeurant non chiffrées, doivent être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration🏛 : " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 114-3 du même code : " Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'administration initialement saisie () ". Aux termes de l'article L. 231-1 du même code🏛 : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation ". Aux termes de l'article L. 231-4 du même code🏛 : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet :/ () 2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ; () ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme E a, par un courriel daté du 22 avril 2022, sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison d'un harcèlement moral de sa supérieure hiérarchique dont elle estime être victime. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration à l'expiration d'un délai de deux mois. En application des dispositions précitées au point 5, la décision implicite de refus doit être regardée comme née du silence de l'autorité compétente. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

7. En deuxième lieu, si la requérante fait valoir que la décision est entachée d'un vice de forme, elle ne l'assortit pas de précisions suffisantes qui permettraient d'en apprécier le

bien-fondé.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 134-1 du code général de la fonction publique : " L'agent public ou, le cas échéant, l'ancien agent public bénéficie, à raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire, dans les conditions prévues au présent chapitre. ". Enfin, l'article L. 134-5 du même code🏛 dispose que : " La collectivité publique est tenue de protéger l'agent public contre les atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. /Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

9. Si la protection fonctionnelle résultant d'un principe général du droit n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

10. De plus, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires dont les dispositions sont reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".

11. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

12. Mme E a été affectée du 1er septembre 2020 au 31 août 2022 en qualité d'adjointe à la cheffe de poste de la trésorerie hospitalière de Cayenne. Durant cette période, il ressort de plusieurs courriels versés au dossier que sa supérieure hiérarchique, à l'occasion de remarques qui lui étaient personnellement adressées et dont plusieurs collègues étaient destinataires notamment des membres de la direction, employait un ton que, si la défense estime contraster " quelque peu " avec les usages du langage administratif, est davantage agressif voir menaçant envers l'intéressée. Par exemple, il lui a été indiqué : " fais attention à ce que tu fais ", " je déteste l'hypocrise à la française ", " si mes méthodes ne te conviennent pas, tu sais ce qu'il te reste à faire ". Il était également sommé à l'intéressée d'être digne d'une confiance totale à l'inverse des précédents agents à avoir occupé le poste d'adjoint.

13. Il ressort également des pièces du dossier que lors de deux événements précisément circonstanciés et non contredits en défense que lors d'une réunion d'équipe, sa supérieure hiérarchique a tenu des propos vexatoires à son égard, en lui demandant de garder pour elle, ses suggestions, alors même qu'une question lui avait été posée. De même, il ressort des pièces versées au dossier que sa supérieure hiérarchique avait demandé aux agents de la régie, ne pas tenir compte d'une mesure d'organisation prescrite par Mme E, la veille, sans même en informer cette dernière. Cette mesure d'organisation tenait en la présentation par les régisseurs ou leurs suppléants, de leur arrêté de nomination ainsi que de leur pièce d'identité compte-tenu d'un changement récent d'effectif. Si les relations entre Mme E et sa supérieure hiérarchique, à la date de l'évènement, étaient déjà difficiles, l'administration ne précise pas les considérations objectives ayant justifié cette décision, ni même de quelle manière cette mesure aurait été susceptible d'engager la responsabilité de la supérieure hiérarchique.

14. En outre, il n'est pas contesté que la supérieure hiérarchique de Mme E n'avait pas complété, dans sa version initiale du compte-rendu d'entretien professionnel, la rubrique relative à l'appréciation littérale de l'agent et qu'une appréciation a été rédigé consécutivement au recours hiérarchique introduit par Mme E. Aussi, la circonstance que l'ensemble des agents n'ait pas été convoqué dans le délai réglementaire n'est au nombre des justifications permettant d'établir que les agissements reprochés sont fondés sur des considérations étrangères à tout harcèlement, notamment dans l'intérêt du service. Enfin, ainsi qu'il a été précisé par les écritures en défense, le médecin expert a conclu à l'imputabilité au service de l'accident déclaré le 21 avril 2022 lié à une situation de " harcèlement répété de la cheffe de service " avec un taux d'incapacité permanente partielle à 7% et une date de consolidation fixée au 30 juin 2022. A cet égard, le médecin référent du service de santé au travail a indiqué, le 21 avril 2022, qu'il existait " une réelle souffrance au travail, une situation de trouble psycho-social ".

15. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de l'audition résultant de l'enquête interne que Mme E avait de fortes réticences avant même sa prise de poste en raison de la supposée réputation de sa supérieure hiérarchique. Il ressort également d'un rapport de la cheffe de poste du 24 mai 2022 que celle-ci reprochait à Mme E plusieurs insuffisances managériales. Cela étant, l'administration ne démontre pas que les éléments précités aux points précédents, étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Dans ces circonstances, ces éléments, pris dans leur ensemble, en raison de leur caractère répétitif et, dès lors qu'ils excèdent l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, sont constitutifs de harcèlement moral.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 15, que Mme B A est fondée à soutenir que le directeur régional des finances publiques de la Guyane a méconnu les dispositions de l'article L. 134-5 du code général de la fonction publique. Par suite, la décision implicite lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, doit être annulée.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

17. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

18. En l'espèce, le présent jugement implique nécessaire que la protection fonctionnelle soit accordée à Mme E. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et du numérique de lui accorder la protection fonctionnelle, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur la requête n° 2201737 :

19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code général de la fonction publique : " L'appréciation de la valeur professionnelle d'un fonctionnaire se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte rendu qui lui est communiqué. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance. ". L'article 3 de ce décret dispose : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; / 3° La manière de servir du fonctionnaire ; / 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; / 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; / 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ; /7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité () ". En application de l'article 5 de ce décret : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier () ".

20. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

21. Il ressort des pièces du dossier que Mme E a été convoquée, par un mail du 9 février 2022, à un entretien professionnel, le 15 février 2022. Placée en congés maladie, elle a ensuite, été convoquée, par un mail du 9 mars 2022, le 16 mars 2022. Le délai de huit jours entre la convocation et la tenue de l'entretien, prévu par les dispositions précitées, a été méconnu. Toutefois, la requérante n'établit, ni même n'allègue que cette méconnaissance du délai de huit jours aurait eu des incidences sur le déroulement de son entretien professionnel, la privant ainsi d'une garantie ou sur la teneur du compte-rendu qui en est résulté. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

22. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la supérieure hiérarchique de Mme E a précisé, par des remarques au compte rendu d'entretien professionnel, en date du 9 août 2022, que l'appréciation de sa capacité à organiser une équipe, d'un niveau " très bon " au lieu du niveau " excellent " qu'elle avait obtenu pour lors de l'entretien professionnel de l'année précédente, est justifiée par des faits qui se sont produits en août et septembre 2021 ayant à trait à l'opposition de Mme E concernant l'affectation d'une collègue au sein du service. La circonstance que, par une mention au compte rendu d'entretien professionnel que, la supérieure hiérarchique a indiqué que l'opposition se soit poursuivie en janvier 2022, n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'elle aurait été évaluée sur une période allant au-delà de l'année 2021. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, donc, être écarté.

23. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E a été en charge de la supervision de l'activité des agents affectées à la cellule contentieuse, à compter du 1er septembre 2020. Si dans son compte-rendu d'entretien professionnel 2021 sur l'année 2020, sa capacité à organiser une équipe a été évaluée à un niveau " excellent ", il a également été relevé qu'elle découvrait les métiers du secteur public local et, en particulier, des établissements publics de santé. En outre, Mme E ne peut utilement se prévaloir de l'appréciation de l'année précédente dès lors que l'évaluation professionnelle du fonctionnaire répond à un principe d'annualité, en application des dispositions citées au point 19. Par ailleurs, il ressort des observations même de la requérante au rapport de la cheffe de poste en date du 15 septembre 2022, qu'elle explique ne pas avoir été en mesure de répondre aux questions techniques d'un agent, ne disposant pas, à ce moment-là, des connaissances nécessaires. Enfin, il est précisé dans la rubrique relative à l'appréciation générale dans le compte rendu d'entretien professionnel 2022 tel que modifié, que Mme E " a démontré de réelles capacités d'organisation et d'animation d'équipe. Elle exerce ses fonctions avec sérieux et investissements, malgré le turn-over d'effectifs et des formations non suivies du fait du contexte sanitaire ". Ainsi, les circonstances qu'elle invoque ont été prises en compte et sont cohérentes avec l'évaluation à un niveau " Très bon " dans le tableau synoptique de sa capacité à organiser une équipe. Dans ces conditions, et compte tenu du large pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative dans ce domaine, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

24 Il résulte de ce qui précède que Mme E n'est pas fondée à demander l'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel au titre de l'année 2021, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ces conclusions. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais d'instance :

25. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative🏛 : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'État peut être condamné aux dépens. ".

26. Mme E ne justifie pas avoir exposé de dépens dans les instances n°s 2201524 et 2201737. Par suite, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme E est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au directeur régional des finances publiques de la Guyane d'accorder à Mme C E le bénéfice de la protection fonctionnelle, dans un délai de deux mois à compte de la notification du présent jugement.

Article 3 : La requête n° 2201737 et le surplus des conclusions de la requête n° 2201524 sont rejetés.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme C E, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au directeur régional des finances publiques de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Guiserix, président,

Mme Marcisieux, conseillère,

Mme Topsi, conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.

La rapporteure,

M. TOPSI

Le président,

O. GUISERIX La greffière,

S. PROSPER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 2201524, 2201737

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