COMM.
L.G.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 novembre 2002
Cassation
M. DUMAS, président
Pourvoi n° G 01-03.484
Arrêt n° 1901 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Etica bail, société en nom collectif, dont le siège est Paris ,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 janvier 2001 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), au profit de la société Sun microsystems France, société anonyme, dont le siège est Vélizy-Villacoublay,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 octobre 2002, où étaient présents M. Dumas, président, M. Sémériva, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Sémériva, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Etica bail, de Me Blondel, avocat de la société Sun microsystems France, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que la société Sun microsystems France (la société Sun) a vendu des matériels informatiques à la société Tierce multi-maintenance (la société TMM), revendeur agréé, selon factures et contrat stipulant une clause de réserve de propriété ; que la société TMM a donné ces biens en crédit-bail à la société Air France, puis les a revendus à la société Etica bail, qui les lui a redonnés en crédit-bail ; que n'ayant pas été payée de ces fournitures, la société Sun, après le rejet de son action en revendication de ces biens dans le cadre du redressement judiciaire de la société TMM, a poursuivi la société Etica bail en indemnisation de son préjudice, pour avoir fautivement accordé à la société TMM un financement portant sur des biens vendus sous réserve de propriété ;
Attendu que pour faire droit à cette action, l'arrêt attaqué énonce qu'en sa qualité d'établissement de crédit, la société Etica bail était débitrice d'une obligation de prudence, et se devait d'éviter que le service qu'elle rendait à son client n'entraîne un préjudice pour les tiers, en l'occurrence le fournisseur, que s'il n'est pas démontré qu'elle avait eu connaissance de la clause de réserve de propriété, il apparaît en revanche qu'elle ne pouvait, sans manquer à son obligation de prudence, consentir le crédit sans procéder à cette vérification, que la forme particulière du crédit qu'elle accordait à la société TMM supposait que cette dernière, qui recherchait un refinancement immédiat, soit bien propriétaire des matériels, qu'elle ne pouvait méconnaître, en raison de la mise en place simultanée de l'acquisition par la société TMM et de l'opération de refinancement qu'elle lui accordait, l'obligation qu'elle avait de s'assurer du transfert effectif de la propriété, et qu'elle ne pouvait dans ces conditions avoir acquis la certitude que les biens dont elle disposait émanaient bien du propriétaire, qu'elle commettait dès lors une faute en assurant dans ces conditions le financement de la société TMM, alors qu'elle faisait tout naturellement du transfert de propriété une condition de son propre engagement de mise à disposition du crédit ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'établissement de crédit qui procède au refinancement en crédit-bail d'un bien acquis par le preneur n'est pas tenu de rechercher l'existence d'une clause de réserve de propriété, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu entre les parties le 12 janvier 2001 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sun microsystems France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille deux.