COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 3 avril 2001
Pourvoi n° 99-41.537
CGEA de Marseille
¢
M. Abou Mondher Z
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par le CGEA de Marseille, aux lieu et place de l'ASSEDIC du département des Alpes-Maritimes, en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, unité déconcentrée de l'UNEDIC, dont le siège est Marseille, Cedex 3,
en cassation d'un arrêt rendu le 8 décembre 1998 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e Chambre sociale), au profit
1°/ de M. Abou Mondher Z, demeurant NICE,
2°/ de M. Georges X, ès qualités de liquidateur de la société ENEL-SAG, demeurant Nice,
3°/ de M. Claude V, demeurant Nice,
défendeurs à la cassation ;
M. X, ès qualités, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 février 2001, où étaient présents M. Gélineau-Larrivet, président, M. Chagny, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Chagny, conseiller, les observations de Me Boullez, avocat du CGEA de Marseille et de l'AGS, de la SCP Monod et Colin, avocat de M. X, ès qualités, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal de l'AGS etle moyen unique du pourvoi incident de M. X, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société ENEL SAG réunis
Attendu que M. Z a été engagé le 9 mai 1979 en qualité d'électricien par la société ENEL SAG ; qu'il a bénéficié, à compter du 8 juin 1991, d'un congé d'un an pour la création d'une entreprise ; que la liquidation judiciaire de la société ENEL SAG a été prononcée le 20 février 1992 et que le tribunal de commerce a autorisé le maintien de son activité pendant trois mois ; que M. Z, s'estimant licencié, a demandé au conseil de prud'hommes de fixer sa créance au passif de l'employeur et d'en ordonner la garantie par l'AGS ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que le licenciement de M. Z était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'avoir fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société ENEL SAG la créance d'indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'intéressé et d'avoir décidé que l'AGS devait garantir le paiement de cette créance, alors, selon les moyens
1°/ que la cessation d'activité d'une société suite à la liquidation judiciaire n'entraîne pas ipso facto la rupture du contrat de travail du salarié ; qu'en l'espèce, selon les constatations de l'arrêt, la société ENEL SAG a été mise, le 20 février 1992, en liquidation judiciaire avec poursuite de son activité jusqu'au 20 mai 1992 ; que la cour d'appel, qui estime que le contrat de travail de M. Z a été rompu au plus tard le 20 mai 1992, ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
2°/ que selon l'article L. 122-32-12 du Code du travail le contrat de travail du salarié en congé pour la création d'entreprise est suspendu pendant la durée du congé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le congé sans solde de M. Z se terminait le 7 juin 1992 et qu'à cette date la société ENEL SAG avait cessé son activité ; que la cour d'appel qui fixe la date de la rupture du contrat de travail de M. Z à la date du 20 mai 1992, viole, par fausse application, l'article L. 122-32-12 du Code du travail ;
3°/ que la cour d'appel, qui énonce que les relations contractuelles entre le salarié et l'employeur ne pouvaient se poursuivre en raison de la cessation d'activité de l'employeur intervenue le 20 mai 1992 et que l'inexistence de la société par suite de sa mise en liquidation judiciaire le 20 février 1992 avec poursuite de l'activité jusqu'au 20 mai 1992 rendaient nécessairement impossible l'exécution des obligations contractuelles n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
4°/ que la cessation totale d'activité consécutive à une liquidation judiciaire constitue une cause économique de licenciement ; qu'en déclarant que le licenciement de M. Z ne reposait sur aucun motif réel et sérieux tout en constatant que la société ENEL SAG, mise en liquidation judiciaire, avait cessé son activité le 20 mai 1992, que la disparition de l'entreprise aurait rendu nécessairement impossible l'exécution des obligations contractuelles à l'issue du congé du salarié, le 7 juin 1992 et que, dès lors, il y avait eu rupture de fait du contrat de travail dès le 20 mai 1992, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la cessation totale d'activité de l'entreprise constituait, en l'espèce, la cause légitime du licenciement de M. Z, a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu que l'ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire de l'employeur n'entraîne pas en soi la rupture des contrats de travail de ses salariés ; qu'en vertu de l'article 153 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 622-10 du Code de commerce, lorsque le tribunal autorise le maintien provisoire de l'activité de l'entreprise en liquidation judiciaire, il incombe à l'administrateur, lequel reste en fonctions ou, à défaut, au liquidateur de procéder aux licenciements dans les conditions des articles L. 321-8 et L. 321-9 du Code du travail ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que la disparition de l'entreprise avait entraîné la rupture de fait des relations de travail dont elle a souverainement fixé la date, a pu déduire de ses constatations et énonciations, en l'absence de tout licenciement prononcé dans les conditions de forme et de fond prévues par la loi et peu important que le contrat de travail du salarié ait été alors suspendu, que ladite rupture était imputable à l'employeur et qu'elle devait s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvrant droit, pour l'intéressé, à réparation du préjudice subi et à paiement des indemnités compensatrice de préavis et légale de licenciement ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le CGEA-AGS et M. X, ès qualités, à payer chacun à M. Z, la somme de 3 000 francs ou 457,35 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X, ès qualités et de l'AGS et du CGEA de Marseille ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille un.