N° P 22-87.224 F-D
N° 00241
SL2
5 MARS 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 MARS 2024
M. [S] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 2022, qui, pour outrage sexiste aggravé, l'a condamné à 1 000 euros d'amende.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [S] [W], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [S] [W], enseignant, a été poursuivi devant le tribunal de police du chef d'outrage sexiste commis par une personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction envers deux élèves, entre les 1er septembre 2020 et le 23 juin 2021.
3. Le 3 janvier 2022, le tribunal de police a déclaré M. [W] coupable, l'a condamné à 1 500 euros d'amende et a rejeté sa requête en dispense d'inscription au bulletin n° 2 de son casier judiciaire.
4. M. [W] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [W] coupable d'outrage sexiste, alors :
« 1°/ qu'un propos imposé, au sens de l'
article 621-1 du code pénal🏛, s'entend d'une interpellation ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre du prévenu du chef d'outrage sexiste, lorsqu'elle constatait que les propos poursuivis avaient été tenus dans le cadre de conversations, la cour d'appel a violé l'article 621-1 du code pénal, dans sa rédaction issue de la
loi n° 2018-703 du 3 août 2018🏛 ;
2°/ en tout état de cause, qu'il ne peut être retenu que des propos à connotation sexuelle ou sexiste ont été imposés à une personne lorsqu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une relation ambiguë entre leur auteur et cette personne et que la teneur de la réponse de celle-ci ne montre aucune désapprobation ; qu'en retenant que monsieur [W] aurait imposé des propos à connotation sexuelle à [L] [E], lorsqu'elle relevait que ces propos avaient été tenus alors que leur relation était devenue plus ambiguë et que l'intéressée avait répondu aux questions intimes du prévenu, ce dont il résultait aucune désapprobation de sa part, la cour d'appel a violé les articles 621-1 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer le prévenu coupable d'outrage sexiste, l'arrêt attaqué énonce que les propos tenus à l'égard de [L] [E], en personne ou par l'intermédiaire d'un réseau social, tels que « J'aurais pu avoir les mains ou la langue baladeuse », en partie reconnus par le prévenu, ou encore « je pense que vous êtes plus vaginale que clitoridienne », constituent l'élément matériel de l'infraction et que cet élément est également caractérisé à l'égard de [R] [D], au vu des captures d'écran venant attester de messages tels que « vous êtes à croquer », « j'ai un faible pour vous, des envies », « vous m'avez toujours excité ».
8. Le juge ajoute que ces propos à connotation sexuelle ont été imposés aux deux mineures à l'occasion de conversations avec un professeur alors que celles-ci n'avaient pas vocation à être détournées du domaine scolaire.
9. Il en conclut que ces propos ont porté atteinte à la dignité des deux mineures, en raison de leur caractère dégradant, et ont créé à leur encontre une situation intimidante, compte tenu de la position sociale et éducative de leur auteur, [L] [E] indiquant avoir craint qu'une dénonciation des faits ne se retourne contre elle et [R] [D] précisant en être venue à appréhender ses rencontres avec cet enseignant et faisant état du malaise et de la déstabilisation engendrés par les propos déplacés de celui-ci.
10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
11. En effet, d'une part, l'infraction reprochée n'est pas circonscrite par le texte d'incrimination à des propos tenus hors de toute conversation instaurée avec la victime, quelle qu'en soit la forme ou la durée, et se trouve constituée dès lors que les propos ou comportements incriminés sont imposés à la victime.
12. D'autre part, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les circonstances de la cause, en a exactement déduit le sens et la portée des propos imposés par le prévenu lors d'échanges via un réseau social avec chacune des deux élèves mineures, sur sa seule initiative et sans aucun lien avec le cadre initial de la discussion, pour l'inscrire dans un registre sexuel nullement sollicité en suscitant lui-même l'ambiguïté de la relation, à travers des termes aussi dégradants qu'intimidants pour leurs destinataires.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [W] coupable d'outrage sexiste alors « que la contravention d'outrage sexiste est une infraction intentionnelle ; qu'elle suppose la conscience de son auteur d'avoir imposé à une personne un propos ou un comportement à connotation sexuelle ou sexiste ; qu'en se bornant à retenir que monsieur [W] ne pouvait ignorer le caractère explicitement sexuel des propos tenus à l'égard des deux élèves et de la situation intimidante et profondément malsaine qu'il mettait en place sans mieux s'expliquer sur la conscience du prévenu d'imposer à [L] [E], contre sa volonté, des propos à connotation sexuelle lorsqu'elle constatait que ces propos avaient été tenus alors que leur relation était devenue plus ambiguë et que l'intéressée avait répondu aux questions intimes de monsieur [W], ce dont il résultait aucune désapprobation de sa part, la cour d'appel a violé les articles 621-1 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
15. Pour caractériser l'élément intentionnel de l'infraction, l'arrêt attaqué énonce que M. [W] ne peut pas soutenir qu'il ignorait le caractère explicitement sexuel des propos tenus à l'égard des deux élèves et la situation intimidante et profondément malsaine qu'il mettait en place.
16. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a suffisamment caractérisé l'élément intentionnel de la contravention qui résulte de la nature explicitement sexuelle des propos adressés par le prévenu à des élèves à l'occasion d'échanges dont il avait détourné la finalité pédagogique.
17. Ainsi, le moyen doit être rejeté.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-quatre.