Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 12 Novembre 1997
Cassation.
N° de pourvoi 96-12.314
Président M. Gélineau-Larrivet .
Demandeur Comité d'entreprisede la Caisse d'allocations familialesdes Yvelines
Défendeur Caisse d'allocations familialesdes Yvelines
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Chauvy.
Avocats la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique
Vu les articles L 432-1 et L 431-5 du Code du travail, et 809 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en application de l'article L 432-1 du Code du travail, dans l'ordre économique, le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la nature des effectifs et les conditions de travail du personnel ; qu'aux termes de l'article L 431-5 du même Code, la décision du chef d'entreprise doit être précédée par la consultation du comité d'entreprise ; que, si une décision s'entend d'une manifestation de volonté d'un organe dirigeant qui oblige l'entreprise, il ne s'en déduit pas qu'elle implique nécessairement des mesures précises et concrètes ; qu'un projet, même formulé en termes généraux, doit être soumis à consultation du comité d'entreprise lorsque son objet est assez déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, peu important qu'il ne soit pas accompagné de mesures précises et concrètes d'application dès lors que la discussion ultérieure de ces mesures n'est pas de nature à remettre en cause, dans son principe, le projet adopté ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er décembre 1995), que la direction de la Caisse d'allocations familiales (la CAF) des Yvelines a soumis à son conseil d'administration le 22 juin 1995 deux projets d'organisation de ses services intitulés " travail social " et " permanences d'accueil " que le conseil d'administration a adoptés ; qu'elle n'avait pas, avant cette dernière date, réuni pour information et consultation sur les mêmes projets le comité d'entreprise de la Caisse ; que ce dernier, faisant valoir un manquement à la procédure d'information et de consultation prévue aux articles L 432-1 et L 431-5 du Code du travail, a fait assigner en référé la CAF pour que soit constaté un trouble manifestement illicite et qu'il soit, pour le faire cesser, interdit à la CAF de mettre en uvre les projets litigieux jusqu'à ce que soit organisée une procédure régulière ;
Attendu que, pour débouter le comité d'entreprise de sa demande, la cour d'appel énonce que les projets envisagés par la direction de la CAF sont sans conteste, puisqu'ils concernent l'organisation de l'entreprise et sont susceptibles d'un impact sur les effectifs et les conditions de travail, de ceux à propos desquels l'article L 432-1 du Code du travail prévoit une information et une consultation obligatoires du comité d'entreprise, que dans de tels cas il ressort de l'article L 431-5 que la décision du chef d'entreprise doit être précédée par la consultation du comité ; que la décision à laquelle doit obligatoirement être antérieure, en vertu de l'article L 431-5 susvisé, la consultation du comité d'entreprise s'entend d'une manifestation de volonté du chef d'entreprise emportant, dans les matières sujettes à une telle consultation, des effets obligatoires et concrets, le texte dont s'agit visant évidemment, d'une part, à éviter que ne soit débattue par le comité de façon frustratoire, vaine et gratuite une question déjà unilatéralement tranchée et, d'autre part, à fournir au chef d'entreprise comme élément d'appréciation l'avis suscité de la part du comité par son initiative, que si le conseil d'administration de la CAF est effectivement un organe dirigeant susceptible de prendre une telle décision en arrêtant des modalités précises d'organisation des services de cette caisse, la lecture du procès-verbal de sa réunion du 22 juin 1995 enseigne qu'il a entériné des projets formulés en termes généraux après en avoir débattu, mais n'a nullement décidé de mesures précises dont la régularité aurait pu souffrir d'un défaut d'information et de consultation préalables du comité d'entreprise, que la note du 5 juillet 1995 effectivement évocatrice de mesures autrement concrètes et précises ne mentionne précisément de telles mesures que dans l'optique de leur soumission au comité dans une réunion préalable à leur éventuelle mise en uvre, réunion au demeurant préparée de façon utile par la commission technique déjà informée le 15 juin ; qu'en définitive, et sous réserve d'un examen plus ample au fond, il n'est nullement établi qu'aient été méconnues par la direction de la CAF de façon manifeste et dommageable les dispositions légales invoquées ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que les projets soumis au conseil d'administration concernaient l'organisation de l'entreprise et étaient susceptibles d'avoir un impact sur les effectifs et les conditions de travail, d'autre part, que le conseil d'administration de la CAF est un organe dirigeant, en vertu de l'article L 212-2 du Code de la sécurité sociale, ayant le pouvoir de prendre une décision au sens de l'article L 431-5, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.